ASB/PR
ARRET N° 378
N° RG 19/02509
N° Portalis DBV5-V-B7D-FZVH
CAISSE PRIMAIRE ASSURANCE MALADIE DE LA VENDEE
C/
S.A.S. [5]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE POITIERS
Chambre Sociale
ARRÊT DU 02 JUIN 2022
Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 juin 2019 rendu par le tribunal de grande instance de la Roche-sur-Yon, pôle social
APPELANTE :
CAISSE PRIMAIRE ASSURANCE MALADIE DE LA VENDEE
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Mme [U] [Z], munie d'un pouvoir
INTIMÉE :
S.A.S. [5]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Guy DE FORESTA de la SELAS DE FORESTA AVOCATS, avocat au barreau de LYON substitué par Me Françoise SEILLER, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, les parties ou leurs conseils ne s'y étant pas opposés, l'affaire a été débattue le 18 Janvier 2022, en audience publique, devant :
Madame Anne-Sophie DE BRIER, Conseiller qui a présenté son rapport
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente
Madame Anne-Sophie DE BRIER, Conseiller
Monsieur Jean-Michel AUGUSTIN, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
GREFFIER, lors des débats : Madame Patricia RIVIERE
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile que l'arrêt serait rendu le 7 avril 2022. A cette date le délibéré a été prorogé au 5 mai 2022 puis à la date de ce jour,
- Signé par Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente, et par Madame Patricia RIVIERE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*****
FAITS ET PROCÉDURE :
Mme [M] [F] épouse [G], salariée de la société [5] depuis 1970, exerçant l'activité d'ouvrière de conditionnement, a été placée en arrêt de travail à compter du 11 avril 2012.
Elle a déclaré le 27 avril 2012 une maladie professionnelle auprès de la caisse primaire d'assurance-maladie (CPAM) de la Vendée, se prévalant d'un certificat médical initial du 11 avril 2012 faisant état d'une tendinopathie de la coiffe des rotateurs de l'épaule gauche.
La caisse a adressé à la salariée et à l'employeur des questionnaires, que ces derniers ont renseignés. Elle a en outre procédé à une enquête.
Par courrier du 11 décembre 2012, la caisse a notifié à la société [5] sa décision de prendre en charge la maladie « coiffe des rotateurs : rupture partielle ou transfixiante objectivée par IRM gauche » inscrite dans le tableau n° 57 au titre de la législation sur les risques professionnels.
Contestant cette décision, la société [5] a saisi la commission de recours amiable de la CPAM, qui dans sa séance du 28 novembre 2013 a « confirmé l'opposabilité à la société [5] de la décision de prise en charge ».
Par LRAR du 3 février 2014, la société [5] a saisi d'une contestation le tribunal des affaires de sécurité sociale de La Roche sur Yon.
Par jugement du 28 juin 2019, le tribunal de grande instance de La Roche-sur-Yon, pôle social, a :
- déclaré inopposable à la société [5] la décision de prise en charge de la maladie déclarée par Mme [G],
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la caisse aux dépens postérieurs au 1er janvier 2019.
Par courrier recommandé envoyé à une date inconnue mais reçu au greffe de la cour d'appel le 12 juillet 2019, la caisse a formé appel.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Soutenant oralement ses écritures (reçues au greffe le 13 janvier 2022), la caisse primaire d'assurance maladie de la Vendée demande à la cour d'infirmer le jugement et de déclarer la décision de prise en charge opposable à la société.
Elle soutient que la procédure suivie était conforme aux textes, en faisant valoir qu'au terme de l'instruction, le 23 novembre 2012, elle a informé l'employeur de la clôture de celle-ci et de la possibilité de venir consulter les pièces du dossier avant la prise de décision prévue le 11 décembre 2012. Elle considère que l'employeur a bien reçu cette LRAR et dénonce la mauvaise foi de ce dernier à ce sujet. Elle ajoute que le délai qui lui a été laissé pour venir consulter le dossier était de 14 jours francs, soit un délai supérieur au délai de 10 jours prescrit par l'article R. 441-14 du code de la sécurité sociale.
Elle soutient par ailleurs que la maladie déclarée réunit les conditions du tableau ; qu'en effet :
- la condition médicale est remplie. Elle caisse soutient ainsi que la différence entre la formulation utilisée par le médecin traitant sur le CMI et celle retenue par le médecin conseil n'entraîne pas l'inopposabilité de la prise en charge de la maladie à l'employeur, dès lors qu'il est démontré que l'assuré est bien atteint d'une pathologie figurant au tableau ; qu'en l'espèce, la pathologie visée par le CMI concernait les épaules, soit le tableau 57 des maladies professionnelles ; que le médecin conseil n'a pas remis en cause l'instruction du dossier au titre du tableau 57 mais a simplement précisé que la demande de l'assuré devait être instruite au titre d'une rupture partielle ou transfixiante de la coiffe des rotateurs de l'épaule gauche ; que la caisse n'a pas changé la qualification de la pathologie, s'agissant toujours de l'instruction d'une affection périarticulaire provoquée par certains gestes et postures de travail dont la prise en charge est prévue au tableau 57.
La caisse ajoute que le médecin conseil a fondé sa décision sur une IRM réalisée le 5 juillet 2012, dont le compte-rendu, qui relève du secret médical, n'a pas à être fourni à l'employeur.
- la condition administrative tenant au délai de prise en charge est remplie, dès lors que le médecin conseil a fixé la date de première constatation médicale au 4 avril 2012, alors que Mme [G] était toujours en poste et donc exposée au risque.
- la condition administrative de l'exposition aux risques est remplie, cela ressortant de l'étude de poste réalisée par l'agent enquêteur de la caisse. Elle dénonce les contradictions entre les déclarations de l'employeur faites lors de l'enquête et celles faites dans le cadre de l'instance.
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Soutenant oralement ses écritures (reçues au greffe le 27 décembre 2021), la société [5] demande à la cour de confirmer le jugement et, statuant à nouveau, de juger que la décision de prise en charge de la maladie professionnelle est inopposable à la société.
A titre liminaire, elle indique qu'elle « s'en rapporte à la sagesse de la Cour qui se prononcera sur la recevabilité de l'appel interjeté par la CPAM, au regard notamment des dispositions des articles 54, 57 et 538 et suivants du code de procédure civile », étant donné qu'elle n'a pu prendre connaissance de la déclaration d'appel.
A titre principal, elle soutient que la caisse ne démontre pas avoir respecté le principe du contradictoire dans le cadre de l'instruction de la maladie. Elle expose que l'accusé de réception, produit en cause d'appel seulement, n'est pas rattachable au courrier de clôture litigieux dès lors que ni le nom du salarié ni le numéro de la pathologie instruite n'apparaissent, et que le courrier ne fait pas référence au numéro du recommandé. Elle estime qu'il ne saurait être exclu que ce courrier visait un tout autre objet que l'information de la clôture de l'instruction et concernait un autre collaborateur de l'entreprise.
A titre subsidiaire, elle fait valoir :
- le non respect de la condition tenant à la désignation de la maladie prise en charge. Elle soutient que la caisse a décidé de prendre en charge une maladie différente de celle médicalement constatée sur le CMI, de celle déclarée sur le formulaire CERFA et de celle ayant fait l'objet de l'instruction par voie de questionnaire. Elle fait remarquer que les conditions fixées au tableau pour la tendinopathie chronique non rompue non calcifiante avec ou sans enthésopathie de la coiffe des rotateurs objectivée par IRM, d'une part, et pour la rupture partielle ou transfixiante de la coiffe des rotateurs objectivée par IRM, d'autre part, diffèrent. Elle fait également remarquer que le médecin conseil a manifesté son accord sur le diagnostic figurant au CMI, rendant la décision de la caisse incompréhensible et injustifiée. Elle en déduit que la pathologie constatée le 11 avril 2012 (tendinopathie de la coiffe des rotateurs) ne pouvait être prise en charge au titre d'une rupture de la coiffe des rotateurs.
L'employeur ajoute que la caisse ne justifie pas de la réalisation d'une IRM dans la mesure où aucune pièce médicale n'est versée au dossier. Il admet qu'un acte d'imagerie du 5 juillet 2012 a été remboursé pour le compte de Mme [G], mais estime que rien ne permet d'affirmer que cet acte correspondrait à la réalisation d'une IRM, et relève à cet égard que le médecin conseil n'en fait pas état. Il fait valoir que la caisse ne peut se retrancher derrière l'avis du médecin conseil pour affirmer que les conditions du tableau 57 A sont satisfaites, et que la preuve de la réunion des conditions du tableau, dont la charge pèse sur la caisse, doit nécessairement ressortir d'un document médical. Selon l'employeur, la caisse ne prouve pas que le diagnostic qui a conduit Mme [G] à souscrire sa déclaration a bien été établi dans les conditions prévues par le tableau 57 A.
- le non respect de la condition tenant à l'exposition aux risques susceptibles de générer la pathologie du tableau 57 A. L'employeur soutient que les questionnaires renseignés par l'employeur et par la salariée ne permettent pas de caractériser les gestes et durées visés au tableau ; que l'enquête, qui ne repose que sur des entretiens, comporte des conclusions non vérifiables ; que la salariée n'était plus exposée au risque depuis plus de deux ans au moment de la déclaration de maladie professionnelle dès lors que des élévateurs électriques ont permis d'éviter la manutention à partir de 2010.
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Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux conclusions déposées et oralement reprises à l'audience.
MOTIFS DE L'ARRÊT :
1.En s'en rapportant à la sagesse de la cour quant à la recevabilité de l'appel « au regard notamment des dispositions des articles 54, 57 et 538 et suivants [premier article du sous-titre II relatif aux « voies ordinaires de recours »] du code de procédure civile », sans préciser en quoi une irrecevabilité serait encourue en l'espèce, la société [5] ne saisit la cour d'aucune prétention ni d'aucun moyen auxquels elle serait tenue de répondre, peu important à cet égard que l'employeur n'ait pas pris connaissance de la déclaration d'appel (ce qui au demeurant n'est pas prouvé puisque copie de la déclaration d'appel a été adressée par le greffe à la partie intimée, sur le fondement de l'article 936 du code de procédure civile).
2.En vertu de l'article R. 441-11 III (correspondant au dernier alinéa de l'article) du code de la sécurité sociale, dans sa version issue du décret n°2009-938 du 29 juillet 2009 et applicable 1er janvier 2010 au 1er décembre 2019, en cas de réserves motivées de la part de l'employeur ou si elle l'estime nécessaire, la caisse envoie avant décision à l'employeur et à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l'accident ou de la maladie ou procède à une enquête auprès des intéressés. Une enquête est obligatoire en cas de décès.
En vertu de l'article R. 441-14 al. 3 du code de la sécurité sociale, dans sa version en vigueur en 2012, dans les cas prévus au dernier alinéa de l'article R. 441-11, la caisse communique à la victime ou à ses ayants droit et à l'employeur au moins dix jours francs avant de prendre sa décision, par tout moyen permettant d'en déterminer la date de réception, l'information sur les éléments recueillis et susceptibles de leur faire grief, ainsi que sur la possibilité de consulter le dossier mentionné à l'article R. 441-13.
Sur le fondement de ces articles, en cas d'envoi de questionnaires ou de réalisation d'une enquête, la décision de prise en charge de la maladie déclarée qui serait prise par la CPAM sans respect de l'obligation d'information de l'employeur, lui serait inopposable.
En l'espèce, la caisse verse aux débats un courrier du 23 novembre 2012 établi au nom du « contact » [H] [I], adressé à « [5] », ayant pour objet « consultation du dossier avant décision sur maladie professionnelle », l'informant de la fin de l'instruction du dossier et de la possibilité de venir consulter les pièces constitutives du dossier avant prise de décision sur le caractère professionnel de la maladie « coiffe des rotateurs : rupture partielle ou transfixiante objectivée par IRM gauche » inscrite dans le tableau n° 57. Ce courrier comporte un nombre manuscrit : « 712 » à côté de l'en-tête du courrier contenant le nom du « contact », le numéro de téléphone, les numéro de sécurité sociale (2 54 02 85...), nom et prénom de la salariée, son identifiant, la date AT/MP et le numéro du dossier.
La caisse verse également aux débats un accusé de réception comportant le numéro 2C 055 545 0871 2, présenté/avisé à son destinataire « [5] » le 24 novembre 2012 , et distribué à celui-ci de manière effective le 26 novembre 2012, ainsi qu'il résulte des dates manuscrites et signature apposées. Cet accusé de réception comporte la mention, dans la case « retour à : », sous l'évocation du « Service Risques Professionnels », de la référence « 5402- 23/11/2012- 712 ».
Le fait que ni le nom du salarié concerné ni le numéro de la pathologie instruite n'apparaissent sur l'accusé de réception est tout à fait inopérant. La correspondance entre ce document et le courrier litigieux peut en effet ressortir de différents autres éléments.
En l'occurrence, les deux documents mettent en évidence une véritable correspondance entre eux, à savoir :
- la mention d'une partie du numéro de sécurité sociale de la salariée : 5402,
- la date du courrier afférent à l'accusé de réception : 23 novembre 2012,
- la référence à un même « contact » au sein de la caisse : M. [H] [I], matricule 712.
Sur ce dernier point de rapprochement entre le courrier et l'accusé de réception, il est exact que la mention manuscrite « 712 » n'a pu être apposée qu'après l'édition du courrier litigieux, ce que la caisse admet d'ailleurs en indiquant avoir ajouté ce numéro pour expliquer le numéro 712 apparaissant sur le bordereau de réception. Mais la caisse présente dans ses conclusions des copies d'écran de logiciels internes dont il ressort que le chiffre 712 correspond bien au matricule de M. [H] [I], agent de la caisse.
En outre, le seul fait que l'accusé de réception constituant la pièce n° 10 de la caisse n'ait été produit qu'en cause d'appel n'est pas susceptible d'en affecter la fiabilité.
L'employeur ne conteste pas qu'il a reçu un courrier de la caisse daté du 23 novembre 2012, tout en faisant remarquer que ce courrier pouvait concerner un autre objet qu'une clôture d'instruction et un autre salarié que Mme [G]. Cette argumentation, qui n'est aucunement étayée alors que l'employeur a la possibilité de préciser quels étaient les éventuels autres salariés concernés par une procédure afférente aux risques professionnels, est dépourvue de tout sérieux.
Il est en outre relevé que dans sa lettre de saisine de la commission de recours amiable, la société [5] a contesté la réunion des conditions du tableau, mais aucunement les conditions procédurales dans lesquelles la décision de prise en charge a été prise.
Dès lors, au vu des débats, il est établi que l'accusé de réception produit en cause d'appel est un document sincère et afférent au courrier de clôture litigieux.
Ce courrier précise, outre que l'instruction du dossier est terminée, que la caisse prendra le 11 décembre 2012 sa décision sur le caractère professionnel de la maladie « coiffe des rotateurs : rupture partielle ou transfixiante objectivée par IRM gauche » inscrite au tableau 57 « affections périarticuliaires provoquées par certains gestes et postures de travail ». Il précise aussi que préalablement à cette prise de décision, l'employeur a la possibilité de venir consulter les pièces constitutives du dossier, et qu'une notification de la décision prise lui sera adressée.
La caisse établit ainsi que l'employeur a été parfaitement informé de la clôture de l'instruction et de ses droits à cette occasion, dès le 26 novembre 2012, de sorte qu'il a disposé de 14 jours francs (correspondant à 10 jours francs et ouvrés) pour consulter le dossier avant la prise de décision.
Par suite, la procédure d'instruction suivie par la caisse, respectueuse du principe du contradictoire, est exempte de toute critique.
3.En vertu de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau des maladies professionnelles et contractée dans les conditions prévues à ce tableau.
En cas de contestation par l'employeur de la décision de prise en charge d'une affection au titre d'un tableau de maladies professionnelles, il incombe à la caisse primaire d'assurance maladie, subrogée dans les droits du salarié dont elle a pris en charge la maladie, de démontrer que les conditions du tableau des maladies professionnelles dont elle invoque l'application sont remplies, à peine d'inopposabilité de sa décision à l'employeur.
Les modalités de constat de la maladie étant un élément constitutif de la maladie inscrite au tableau, il appartient à la caisse de rapporter la preuve de ce que le diagnostic a été réalisé dans des conditions conformes aux exigences du tableau.
La preuve de la réunion des conditions du tableau à la date de la prise en charge peut résulter de pièces ne figurant pas au dossier administratif de la caisse au jour de sa décision, et même de pièces établies postérieurement à la prise en charge, dès lors que ces dernières établissent avec certitude l'existence des conditions exigées par le tableau à la date de la prise en charge.
S'agissant de la liste limitative des travaux susceptibles de provoquer la maladie prise en charge par la caisse, il est rappelé que le tableau n° 57 A des maladies professionnelles dans sa version applicable au litige (version issue du décret n°2011-1315 du 17 octobre 2011, en vigueur en avril 2012, date de la première constatation médicale), relatif aux affections périarticulaires de l'épaule provoquées par certains gestes et postures de travail, désigne trois maladies :
$gt; Tendinopathie aiguë non rompue non calcifiante avec ou sans enthésopathie de la coiffe des rotateurs.
Délai de prise en charge : 30 jours.
Liste limitative des travaux susceptibles de provoquer ces maladies : Travaux comportant des mouvements ou le maintien de l'épaule sans soutien en abduction (**) avec un angle supérieur ou égal à 60° pendant au moins 3 h 30 par jour en cumulé.
$gt; Tendinopathie chronique non rompue non calcifiante avec ou sans enthésopathie de la coiffe des rotateurs objectivée par IRM (*).
Délai de prise en charge : 6 mois (sous réserve d'une durée d'exposition de 6 mois).
Liste limitative des travaux susceptibles de provoquer ces maladies : Travaux comportant des mouvements ou le maintien de l'épaule sans soutien en abduction (**) :
- avec un angle supérieur ou égal à 60° pendant au moins deux heures par jour en cumulé
- ou avec un angle supérieur ou égal à 90° pendant au moins une heure par jour en cumulé.
$gt; Rupture partielle ou transfixiante de la coiffe des rotateurs objectivée par IRM (*).
Délai de prise en charge : 1 an (sous réserve d'une durée d'exposition d'un an).
Liste limitative des travaux susceptibles de provoquer ces maladies : Travaux comportant des mouvements ou le maintien de l'épaule sans soutien en abduction (**) :
- avec un angle supérieur ou égal à 60° pendant au moins deux heures par jour en cumulé
- ou avec un angle supérieur ou égal à 90° pendant au moins une heure par jour en cumulé.
(*) Ou un arthroscanner en cas de contre-indication à l'IRM.
(**) Les mouvements en abduction correspondent aux mouvements entraînant un décollement des bras par rapport au corps.
En l'espèce, la caisse a pris en charge la maladie « coiffe des rotateurs : rupture partielle ou transfixiante objectivée par IRM gauche », qui suppose des travaux comportant des mouvements ou le maintien de l'épaule sans soutien en abduction pendant au moins deux heures par jour en cumulé lorsque l'angle de l'abduction est supérieur ou égal à 60°.
Mme [G] était ouvrière de conditionnement à temps complet et exerçait son activité cinq jours par semaine, en horaires postés. Elle changeait de poste de travail toutes les heures.
Le questionnaire renseigné par la salariée fait expressément état de mouvements d'abduction côté gauche avec un angle supérieur à 60°, sans en préciser la fréquence et la durée, mais en précisant les effectuer lors du montage des bobines et de l'alimentation de la machine (biscuits), actions qu'elle évalue pour le côté droit à 100 fois, soit 15 heures par semaine. Elle évalue le temps pris par le nettoyage de la machine et le montage des bobines à 2-3 heures par jour, cinq jours par semaine.
Le questionnaire renseigné par l'employeur admet également expressément des mouvements d'abduction côté gauche, sans préciser l'angle (dans l'emplacement réservé aux mouvements d'abduction côté gauche, ni la case $gt;60°, ni la case $gt;90° ne sont cochées), en indiquant que ces mouvements sont réalisés à l'occasion du nettoyage des ramasseuses et du passage du film des tubulaires. Selon les réponses données dans ce questionnaire, le nettoyage des ramasseuses ainsi que le changement et la préparation des bobines de film des tubulaires intervenaient au poste de travail 2 (poste de travail intitulé « conduite ramasseuses / tubulaires et contrôles » dans le questionnaire, ou « autocontrôle » selon M. [R], responsable de production au sein de l'entreprise, lors de l'enquête), l'un des cinq postes de travail sur lesquels Mme [G] travaillait en alternance. La salariée travaillait donc sur ce poste de travail, selon l'employeur, entre 1h et 2h par jour.
Employeur et salarié s'accordent sur l'existence d'un élévateur ou chariot électrique pour les bobines de film cellophane pesant 39 kilogrammes. Mme [G] précise cependant sans être contestée que cette machine n'a été installée qu'en 2010, et précise à l'occasion de son audition par l'enquêteur de la CPAM qu'auparavant elle devait « pomper pour faire monter la machine » et utilisait sa main gauche pour effectuer cette tâche. En outre, il ressort de l'audition de M. [R] que cette machine ne sert qu'à approcher la bobine et à la « monter à hauteur », ce qui n'exclut pas l'utilisation des membres supérieurs de la salariée pour mettre en place la bobine. Mme [G] indique ainsi, sans contestation, qu'elle a continué à utiliser sa main gauche après l'installation de l'élévateur « pour soulever la bobine et la resserrer ».
En outre, il est établi par les deux questionnaires et par les données de l'enquête que Mme [G] travaillait dans le cadre des rotations sur d'autres postes de travail impliquant des mouvements d'antépulsion des deux épaules, qui sont des mouvements entraînant un décollement des bras par rapport au corps, caractérisant l'abduction définie au tableau. Elle travaillait ainsi :
- aux postes « surveillance », impliquant des mouvements quasi permanents des épaules dans un angle compris entre 60° et 90°, consistant à surveiller les anomalies affectant les biscuits passant devant elle, à retirer les produits défectueux et remettre en place les biscuits mal positionnés. L'enquêteur évalue cette activité entre 1h30 et 2h30 par jour. L'employeur précise qu'un changement de poste de travail s'effectue toutes les heures, sur au moins trois des cinq postes de travail, dont au moins un poste de surveillance. Il admet donc que Mme [G] effectuait cette tâche au moins une heure par jour.
- au poste « ramassage » (ou « retour plaques », selon l'employeur), impliquant des mouvements d'antépulsion des deux épaules jusqu'à un angle pouvant atteindre 90°, consistant notamment à ramasser les biscuits restés collés aux moules, cela nécessitant d'aller parfois chercher des biscuits assez loin sur la chaîne de production. L'enquêteur évalue cette activité entre 0 et 2h30 par jour.
Au vu de ces éléments, il est établi que Mme [G] effectuait des travaux comportant des mouvements ou le maintien de l'épaule sans soutien en abduction avec un angle supérieur ou égal à 60° pendant au moins deux heures par jour en cumulé. La condition tenant aux travaux susceptibles de provoquer la maladie est donc remplie.
S'agissant de la condition tenant au délai de prise en charge, il est rappelé que la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie déclarée suppose que la première constatation médicale de celle-ci intervienne pendant le délai de prise en charge fixé à chaque tableau, après la fin de l'exposition au risque.
En l'espèce, la fixation de la date de première constatation médicale au 11 avril 2012, tant dans le certificat médical initial (daté du même jour) que dans la déclaration de maladie professionnelle ou encore dans le colloque médico-administratif dans sa partie renseignée par le médecin-conseil (c'est manifestement par erreur que la caisse indique que le colloque retient la date du 4 avril 2012, au vu du document), n'est pas contestée.
Cette date correspond à la date du premier jour d'arrêt maladie de travail de Mme [G] et donc à la fin de son exposition au risque.
La maladie ayant fait l'objet d'une première constatation médicale dans le délai d'un an courant à compter de la fin de l'exposition au risque, la condition tenant au délai de prise en charge est remplie.
S'agissant de la désignation de la maladie professionnelle, il est tout d'abord rappelé que la maladie prise en charge par la caisse, à savoir une rupture partielle ou transfixiante de la coiffe des rotateurs, devait être objectivée par une IRM.
La teneur de l'IRM mentionnée au tableau n° 57 A des maladies professionnelles constitue un élément du diagnostic, qui ne peut être examinée que dans le cadre d'une expertise, de sorte que son absence de versement au dossier, dénoncée par l'employeur, n'est pas critiquable. La preuve de la réalisation de cet acte peut être apportée par d'autres moyens.
En l'occurrence, les débats mettent en évidence que Mme [G] a bénéficié d'une IRM le 5 juillet 2012, pendant le temps d'instruction de la maladie déclarée : ce fait est établi par les documents « image décompte » et « image » tirés du dossier informatique de Mme [G] (pièces 13 à 15 de la caisse) qui révèlent la réalisation d'un acte d'imagerie (ADI) à cette date, portant le code « MZQN001 » qui correspond, selon l'extrait du site internet « ameli.fr » (pièce 16 de la caisse), à une « remnographie [IRM] unilatérale ou bilatérale de segment du membre supérieur, sans injection de produit de contraste ».
Le fait que cette objectivation de la maladie ne soit pas intervenue avant la rédaction du certificat médical, à l'appui de celui-ci pour établir le diagnostic ayant conduit à la déclaration de maladie professionnelle, est inopérant. Il importe simplement en effet que cette objectivation de la maladie ait pu intervenir avant la décision de prise en charge, pour justifier celle-ci.
Le fait que le colloque médico-administratif établi le 15 novembre 2012, postérieurement à la réalisation de l'IRM, ne fasse pas état de celle-ci, est également sans incidence. Ce fait ne saurait en effet exclure que cet examen ait été réalisé et contredire les pièces précitées justifiant de la réalisation effective de celui-ci.
Il est ainsi établi que la maladie prise en charge par la caisse a été objectivée par une IRM ainsi que l'exige le tableau 57 A.
Ensuite, s'agissant du libellé de la maladie, il n'est pas exigé une correspondance littérale entre les indications figurant sur le certificat médical et le libellé de la maladie figurant au tableau, mais il appartient au juge de vérifier si la pathologie déclarée est au nombre des pathologies désignées par le tableau.
En l'espèce, la déclaration de maladie et le certificat médical initial font état d'une « tendinopathie de la coiffe des rotateurs de l'épaule gauche », de même que les questionnaires.
Ce libellé ne correspond, de manière littérale, à aucune des maladies professionnelles précitées visées dans le tableau 57 A.
Mais une rupture partielle ou transfixiante de la coiffe des rotateurs n'est pas exclusive d'une tendinopathie, ce dont témoigne le fait que le médecin conseil a aussi bien manifesté son accord sur le diagnostic figurant sur le CMI que donné son accord à la prise en charge d'une rupture de coiffe d'épaule codée 57 AAM 96F. Ainsi, en décidant de prendre en charge une rupture partielle ou transfixiante de la coiffe des rotateurs, la caisse a simplement procédé à une qualification de la maladie déclarée sous un libellé imprécis.
C'est donc à tort que l'employeur dénonce la prise en charge d'une maladie différente de la maladie déclarée, médicalement constatée sur le certificat médical initial et objet de l'instruction réalisée par la caisse.
En outre et surtout, cette qualification est intervenue après réalisation de l'IRM ci-dessus évoquée, élément médical extrinsèque justifiant l'évolution des termes utilisés pour désigner la maladie, d'une tendinopathie à une rupture de la coiffe des rotateurs, et fondant l'avis du médecin conseil favorable à la prise en charge de cette pathologie.
Dès lors qu'il est établi, comme c'est bien le cas en l'espèce, que la dénomination retenue par la caisse repose sur un élément médical extrinsèque et que la maladie déclarée est au nombre des pathologies désignées par le tableau, le fait que le libellé de la maladie mentionnée au certificat médical initial ne soit pas strictement identique à celui figurant au tableau n° 57 A importe peu.
La caisse apporte donc la preuve de la réunion des conditions du tableau.
4.Il convient en conséquence d'infirmer le jugement et de déclarer la décision de prise en charge opposable à l'employeur.
5. La société, partie perdante, est condamnée aux dépens de première instance et d'appel.
Par suite, et en l'absence de critique de la disposition du jugement ayant dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile, cette disposition est confirmée.
PAR CES MOTIFS,
Infirme le jugement rendu le 28 juin 2019 par le tribunal de grande instance de La Roche-sur-Yon, pôle social, sauf en ce qu'il a dit n'y n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau et y ajoutant :
Déclare opposable à la société [5] la décision de prise en charge de la maladie « coiffe des rotateurs : rupture partielle ou transfixiante objectivée par IRM gauche » du 11 avril 2012 dont souffre Mme [M] [F] épouse [G],
Condamne la société [5] aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,