ASB/PR
ARRET N° 381
N° RG 19/03141
N° Portalis DBV5-V-B7D-F3NO
CAISSE PRIMAIRE ASSURANCE MALADIE DE LA VENDEE
C/
Société [6]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE POITIERS
Chambre Sociale
ARRÊT DU 02 JUIN 2022
Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 septembre 2019 rendu par le tribunal de grande instance de LA ROCHE SUR YON - Pôle social
APPELANTE :
CAISSE PRIMAIRE ASSURANCE MALADIE DE LA VENDEE
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représentée par Mme [I] [F], munie d'un pouvoir
INTIMÉE :
Société [6]
N° SIRET : [N° SIREN/SIRET 1]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 2]
Prise en son établissement sis :
[Adresse 7]
[Adresse 7]
[Localité 5]
Représentée par Me Renaud GUIDEC substitué par Me Anne-Sophie GEFFROY-MEDANA de la SELARL DENIGOT - SAMSON- GUIDEC, avocats au barreau de NANTES
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, les parties ou leurs conseils ne s'y étant pas opposés, l'affaire a été débattue le 18 janvier 2022, en audience publique, devant :
Madame Anne-Sophie DE BRIER, Conseiller qui a présenté son rapport
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente
Madame Anne-Sophie DE BRIER, Conseiller
Monsieur Jean-Michel AUGUSTIN, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
GREFFIER, lors des débats : Madame Patricia RIVIERE
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile que l'arrêt serait rendu le 7 avril 2022. A cette date, le délibéré a été prorogé au 05 mai 2022 puis à la date de ce jour.
- Signé par Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente, et par Madame Patricia RIVIERE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*****
FAITS ET PROCÉDURE :
Mme [H] [U], salariée de la société [6], a été victime le 6 juin 2007 d'un accident qui a été pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie de la Vendée au titre de la législation sur les risques professionnels.
Contestant l'opposabilité de cette décision à son égard, la société [6] a saisi la commission de recours amiable de la CPAM, qui dans sa séance du 28 novembre 2013 a rejeté son recours.
Par LRAR du 24 janvier 2014, la société [6] a saisi d'une contestation le tribunal des affaires de sécurité sociale de La Roche-sur-Yon.
Par jugement du 13 septembre 2019, le tribunal de grande instance de La Roche-sur-Yon, pôle social, a :
- déclaré inopposable à la société [6] la décision de prise en charge de l'accident dont a été victime Mme [U],
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la caisse aux dépens postérieurs au 1er janvier 2019.
Par courrier recommandé envoyé le 24 septembre 2019, la caisse a formé appel.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Soutenant oralement ses écritures, la CPAM de la Vendée demande à la cour d'infirmer le jugement et déclarer la décision de prise en charge opposable à l'employeur.
Elle soutient que la procédure suivie est conforme aux textes, en ce que :
- elle prouve avoir respecté son obligation d'information, preuve qui peut être apportée par tout moyen, en produisant le double de la lettre de clôture d'instruction ; exiger d'elle qu'elle produise l'accusé de réception de cette lettre serait contraire à la position de la cour de cassation ;
- d'ailleurs l'employeur a reçu tous les autres courriers adressés à la même adresse ;
- l'employeur n'a en outre jamais fait état de l'absence de ce courrier à la suite de la prise en charge de l'accident, et ce n'est que six ans après les faits qu'il a saisi la commission de recours amiable, témoignant ainsi de ce que son recours est opportuniste et n'a pour seul but que de l'exonérer des conséquences financières de la reconnaissance du caractère professionnel de l'accident.
Elle fait valoir que l'appréciation du délai de consultation doit se faire in concreto, et qu'en l'occurrence le délai de sept jours ouvrés qui a été laissé à la société [6] était suffisant.
Elle estime, pour évaluer ce délai, que la date de réception du courrier de clôture qui doit être retenue est celle du 5 juillet 2007, dès lors que la pratique habituelle est qu'un courrier adressé dans un même département ne met pas plus d'un jour pour être délivré.
Elle fait valoir, pour justifier le caractère suffisant du délai laissé à l'employeur, le peu d'intérêt porté à l'affaire par celui-ci, et l'absence de particularités du dossier.
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Soutenant oralement ses écritures, la société [6] demande à la cour de confirmer le jugement.
Elle expose que la caisse l'a informée de la mise en 'uvre d'une mesure d'instruction, en l'occurrence d'un questionnaire à compléter. Elle en déduit que la caisse était dès lors tenue d'une obligation d'information à son égard, lui imposant de lui envoyer une lettre de clôture d'instruction avant la prise en charge, en lui laissant un délai suffisant pour consulter le dossier.
La société ajoute qu'elle ne retrouve pas cette lettre dans son dossier, qu'elle ne l'a pas reçue ; que la caisse ne justifie pas de la réception effective par l'employeur de la lettre de clôture ; qu'ainsi, le principe du contradictoire n'a pas été respecté.
Elle fait également valoir que la caisse ne justifie pas lui avoir laissé un délai de consultation suffisant, estimant à cet égard qu'il ne peut être fait référence à un délai théorique d'acheminement du courrier.
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Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux conclusions déposées et oralement reprises à l'audience.
MOTIFS DE L'ARRÊT :
En vertu de l'article R. 441-11 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable du 5 février 2006 au 1er janvier 2010, hors les cas de reconnaissance implicite, et en l'absence de réserves de l'employeur, la caisse primaire assure l'information de la victime, de ses ayants droit et de l'employeur, préalablement à sa décision, sur la procédure d'instruction et sur les points susceptibles de leur faire grief.
En cas de réserves de la part de l'employeur ou si elle l'estime nécessaire, la caisse, envoie avant décision à l'employeur et à la victime un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l'accident ou de la maladie ou procède à une enquête auprès des intéressés. Une enquête est obligatoire en cas de décès.
Sur ce fondement, la caisse, avant de se prononcer sur le caractère professionnel d'un accident ou d'une maladie, doit informer l'employeur de la fin de la procédure d'instruction, des éléments recueillis susceptibles de lui faire grief, de la possibilité de consulter le dossier et de la date à compter de laquelle elle prévoit de prendre sa décision.
En l'absence d'une quelconque exigence légale ou réglementaire quant à la forme que doit respecter l'envoi de la lettre de clôture, il ne peut être exigé de la caisse qu'elle justifie de l'envoi de ce courrier en recommandé avec accusé de réception. La preuve de cet envoi peut être rapportée par tout moyen.
En l'espèce, la caisse produit un duplicata de la lettre litigieuse qu'elle allègue avoir adressé à l'employeur. Cette lettre est datée du 4 juillet 2007, informe l'employeur de la fin de l'instruction du dossier et lui indique que « préalablement à la prise de décision sur le caractère professionnel de l'accident qui interviendra le 16/07/2007, vous avez la possibilité de venir consulter les pièces constitutives du dossier ».
Certes, la caisse ne produit pas de formulaire de lettre recommandée, ni d'accusé de réception de ce courrier par l'employeur, alors même que la lettre litigieuse comporte sous l'adresse du destinataire la mention « Recommandé avec Accusé de Réception ».
Néanmoins, l'employeur admet avoir reçu de la caisse une lettre du 11 juin 2007 accompagnant un questionnaire à renseigner (questionnaire qu'il a effectivement complété), ainsi qu'une lettre du 16 juillet 2007 contenant « information d'une décision de prise en charge ». Or ces deux courriers ont été envoyés à la même adresse que celle figurant sur le courrier litigieux, à savoir « [6] - [Adresse 7] », qui est l'adresse figurant sur le cachet de l'entreprise apposé au bas du questionnaire complété.
La cour relève en outre qu'à réception du courrier l'informant de la décision de prise en charge, l'employeur n'a aucunement contesté les conditions dans lesquelles cette décision avait été prise. Et cela alors même que le courrier du 16 juillet 2007 l'informant de la décision de prise en charge contenait la mention suivante : « Je vous précise que cette prise en charge intervient : après instruction du dossier, l'offre de consultation préalable des nouveaux éléments de preuve vous a été offerte il y a quelques jours ». Ce n'est que par un courrier daté du 19 mars 2013, plus de cinq ans après, qu'il a saisi la commission de recours amiable aux fins de contester l'opposabilité de cette décision.
Il résulte de ces éléments que la caisse rapporte la preuve de l'envoi et de la réception d'une lettre de clôture régulière.
Au regard du temps moyen d'acheminement du courrier, la société [6] a disposé d'un délai d'au moins 5 jours ouvrés complets pour consulter le dossier. Ce délai est considéré par la cour comme suffisant compte tenu de la proximité entre la société et la caisse, situées dans la même ville, et compte tenu de l'absence de complexité du dossier, qui résulte notamment de l'envoi de simples questionnaires et de l'absence de réserves ou commentaires apportés par l'employeur sur la déclaration d'accident ou dans ce questionnaire. Certes, l'employeur a mentionné dans le premier document, à propos des circonstances de l'accident, « sous réserve de l'enquête d'usage », mais dans le second n'a pas porté la moindre mention sous la rubrique « si vous estimez devoir apporter des précisions ou des informations complémentaires sur cet accident ».
Il résulte de ces éléments que la caisse rapporte la preuve de ce qu'elle a satisfait à son obligation d'information. Par suite, la décision de prise en charge de l'accident au titre de la législation professionnelle est parfaitement opposable à l'employeur.
La décision de première instance est donc infirmée.
La société [6], partie perdante, est condamnée aux dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS,
Infirme le jugement rendu le 13 septembre 2019 par le tribunal de grande instance de La Roche-sur-Yon, pôle social,
Statuant à nouveau et y ajoutant :
Déclare opposable à la société [6] la décision de prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels de l'accident du travail subi par Mme [H] [U] le 6 juin 2007,
Condamne la société [6] aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,