VC/PR
ARRÊT N° 371
N° RG 19/03204
N° Portalis DBV5-V-B7D-F3IU
[K]
C/
S.A. COOP ATLANTIQUE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE POITIERS
Chambre Sociale
ARRÊT DU 02 JUIN 2022
Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 septembre 2019 rendu par le Conseil de Prud'hommes de SAINTES
APPELANT :
Monsieur [BP] [K]
né le 17 novembre 1969 à [Localité 8] (17)
[Adresse 4]
[Adresse 5]
[Localité 2]
Ayant pour avocat plaidant Me Claudy VALIN de la SCP VALIN COURNIL, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT
INTIMÉE :
SA COOP ATLANTIQUE
[Adresse 3]
[Localité 1]
Ayant pour avocat plaidant Me François-Xavier CHEDANEAU substitué par Me Pierre LEMAIRE de la SCP TEN FRANCE, avocats au barreau de POITIERS
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 09 mars 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président
Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente
Madame Valérie COLLET, Conseiller
qui en ont délibéré
GREFFIER, lors des débats : Madame Patricia RIVIERE
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
- Signé par Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président, et par Madame Patricia RIVIERE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
Suivant contrat de travail à durée déterminée, la SA Coop Atlantique a engagé M. [BP] [K] en qualité de commis de boucher du 27 mai 2002 au 13 octobre 2002, au sein de l'établissement Eco Frais de [Localité 9] (17), afin de faire face à un surcroît temporaire d'activité.
Suivant contrat de travail à durée déterminée, la SA Coop Atlantique a engagé M. [BP] [K] en qualité de commis de boucher du 9 décembre 2002 au 22 décembre 2002, au sein de l'établissement Champion de [Localité 9] (17), afin de remplacer un salarié absent.
Suivant contrat de travail à durée déterminée, la SA Coop Atlantique a engagé M. [BP] [K] en qualité de commis de boucher du 31 mars 2003 au 13 avril 2003, au sein de l'établissement Eco Frais de [Localité 9] (17), afin de remplacer un salarié absent.
Suivant contrat de travail à durée déterminée, la SA Coop Atlantique a engagé M. [BP] [K] en qualité de commis de boucher du 22 avril 2003 au 4 mai 2003, au sein de l'établissement Champion de [Localité 6] (17), afin de remplacer un salarié absent.
Suivant contrat de travail à durée déterminée, la SA Coop Atlantique a engagé M. [BP] [K] en qualité de commis de boucher du 12 mai 2003 au 18 mai 2003, au sein de l'établissement Champion de [Localité 6] (17), afin de remplacer un salarié absent. Ce contrat a été prolongé par plusieurs avenants jusqu'au 8 juin 2003.
Suivant contrat de travail à durée déterminée, la SA Coop Atlantique a engagé M. [BP] [K] en qualité de commis de boucher du 9 juin 2003 au 30 septembre 2003, au sein de l'établissement Eco Frais de [Localité 9] (17), afin de faire face à un surcroît temporaire d'activité.
Suivant contrat de travail à durée déterminée, la SA Coop Atlantique a engagé M. [BP] [K] en qualité de commis de boucher du 20 octobre 2003 au 2 novembre 2003, au sein de l'établissement Champion de [Localité 6] (17), afin de remplacer un salarié absent. Ce contrat a été prolongé par plusieurs avenants jusqu'au 7 décembre 2003.
Suivant contrats de travail à durée déterminée, la SA Coop Atlantique a engagé M. [BP] [K] en qualité de commis de boucher du 8 décembre 2003 au 8 janvier 2004 puis du 9 janvier 2004 au 31 janvier 2004, au sein de l'établissement Champion de [Localité 6] (17), afin de remplacer un salarié absent. Par avenants, le contrat de travail a été prolongé jusqu'au 31 mai 2004.
Suivant contrat de travail à durée indéterminée du 8 juin 2004, la SA Coop Atlantique a engagé M. [BP] [K] en qualité de commis de boucher à compter du 1er juin 2004 au sein de l'établissement Champion de [Localité 6] (17).
Suivant avenant du 11 mai 2011, il a été convenu entre les parties que M. [K] exercerait à compter du 16 mai 2011 les fonctions de Chef [R], agent de maîtrise, au sein du magasin Carrefour Market de [Localité 7] (17)
Par courrier remis en main propre le 6 février 2018, la société Coop Atlantique a convoqué M. [K] à un entretien préalable, le 13 février 2018, à un licenciement, et lui a notifié sa mise à pied conservatoire.
Par lettre recommandée du 20 février 2018, la société Coop Atlantique a notifié à M. [K] son licenciement pour faute grave.
Par jugement du 5 septembre 2019, le conseil de prud'hommes a :
- confirmé que la prescription n'est pas acquise,
- débouté M. [K] de toutes ses demandes,
- débouté la SA Coop Atlantique de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- laissé les dépens à la charge de M. [K].
Le 3 octobre 2019, M. [K] a interjeté 'appel général du jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Saintes le 5 septembre 2019 en ce qu'il a été débouté de l'intégralité de ses chefs de demande soit :
- annulation et indemnisation de la mise à pied du 6 février 2018 : 1.025,63euros,
- indemnité de préavis : 4.102,52 euros,
- congés payés sur préavis : 410,25 euros,
- indemnité de licenciement : 9.230,67 euros,
- indemnité de l'article L.1235-3 du code du travail : 49.230,24 euros,
- dommages et intérêts pour licenciement abusif en raison des circonstances vexatoires et humiliantes sur le fondement de l'article 1382 du code civil : 10.000 euros,
- article 700 du code de procédure civile : 2.500 euros'.
Par conclusions transmises le 14 décembre 2020, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits et des moyens, M. [K] a demandé à la cour de :
- prononcer la nullité du jugement entrepris sur le fondement de l'article D.1442-15 du code du travail, de l'article 6 de la CEDH, de l'article 455 du code de procédure civile et de l'article L.1421-2 du code du travail,
- écarter des débats la pièce intitulée 'enquête Super U [Localité 7]',
- écarter des débats les deux lettres du docteur [F],
- dire que la prescription est acquise,
- dire que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- condamner la société Coop Atlantique à lui payer les sommes suivantes avec intérêts de droit à compter du jour de la demande (9 avril 2018) jusqu'à parfait paiement :
* 1.025,63 euros au titre de l'annulation et de l'indemnisation de la mise à pied du 6 février 2018,
* 4.102,52 euros au titre de l'indemnité de préavis,
* 9.230,67 euros au titre de l'indemnité de licenciement,
* 49.230,24 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 10.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi du fait de son licenciement survenu dans des conditions brutales et vexatoires,
* 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en première instance et en appel,
- condamner la société Coop Atlantique aux dépens.
Outre la nullité du jugement, il prétend sur le fond du dossier que :
- il n'a jamais fait l'objet de la moindre observation défavorable ou de la moindre sanction pendant toute la durée du contrat (16 ans),
- il n'a fait l'objet d'aucune plainte de la part de ses collègues de travail pendant toute la durée du contrat,
- la lettre de licenciement ne fait état d'aucune sanction antérieure ni du moindre reproche,
- les attestations qu'il produit démontrent qu'il s'est toujours parfaitement comporté à l'égard de ses collègues de travail,
- les attestations qu'il produit, respectant les dispositions de l'article 202 du code de procédure civile, sont d'une valeur probante supérieure aux déclarations recueillies par l'employeur dans le cadre d'une 'pseudo enquête' sans élément d'authentification des personnes,
- la lettre de licenciement ne comporte qu'un reproche daté au mois d'octobre 2017 et mentionne ensuite des faits qui sont vagues, imprécis et non datés ce qui interdit de vérifier la prescription de deux mois,
- la 'prétendue enquête véritable simulacre' a une valeur juridique nulle,
- il n'existe aucun fait fautif entrant dans le cadre de la prescription de l'article L.1332-4 du code du travail,
- il n'existe aucun fait répréhensible y compris à l'égard de Mme [Z] ainsi que cela résulte du témoignage du directeur du magasin,
- le courrier du 25 janvier 2018 que Mme [Z] aurait adressé au chef de secteur a été dicté par la Directrice des ressources humaines puisque Mme [Z] ne disposait pas des connaissances suffisantes lui permettant d'évoquer l'article L.4121-1 du code du travail, et que son licenciement est fondé sur un scénario monté par la Coop Atlantique qui voulait l'éliminer pour un tout autre motif que son attitude envers Mme [Z],
- le mal être de Mme [Z] ne résulte d'aucun harcèlement moral de sa part mais tient à des causes familiales,
- sous couvert d'un licenciement pour faute grave, la société Coop Atlantique a procédé à un licenciement économique puisqu'il n'y a plus que deux personnes employées au rayon boucherie depuis son départ, son poste n'ayant pas été pourvu,
- il a été licencié dans des conditions brutales et vexatoires, faisant notamment valoir qu'il a été interrogé 'comme un véritable malfaiteur par cette pseudo enquêtrice avec pas moins de 103 questions au surplus avec répétition et tournées de telle sorte qu'elle puisse s'y construire contre l'intéressé, un réquisitoire', et qu'il a été convoqué à un entretien préalable avec mise à pied conservatoire devant ses collègues de travail.
Par conclusions transmises le 21 décembre 2020, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits et des moyens, la société Coop Atlantique demande à la cour de :
- ordonner la révocation de l'ordonnance de clôture fixée au 14 décembre 2020,
- rejeter l'exception de nullité présentée par M. [K],
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud'hommes de Saintes du 5 septembre 2019,
- débouter M. [K] de toutes ses demandes,
- condamner M. [K] à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle s'oppose tout d'abord à la nullité du jugement estimant qu'il n'existe aucune cause de nullité.
S'agissant de la prescription, elle explique que l'absence de date dans la lettre de licenciement n'a pas d'incidence sur le bien-fondé de celui-ci, que le délai de prescription pour poursuivre la faute court à compter du jour où l'employeur a pris connaissance des faits fautifs et non pas du jour de la commission des faits, qu'elle n'a eu une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits reprochés à M. [K] qu'à l'issue de l'enquête diligentée de sorte qu'aucune prescription n'est encourue. Elle affirme avoir été informée par le mail du 22 décembre 2017 de Mme [Z] du comportement de M. [K], précisant avoir ensuite déclenché l'enquête qui lui a donné, avec l'audition de différents salariés, une information exacte et complète des faits fautifs commis par M. [K].
Elle soutient que la preuve est rapportée, par les pièces versées aux débats, de la réalité des propos tenus par M. [K] et du comportement qu'il a adopté justifiant son licenciement pour faute grave. Elle expose que M. [K] n'a eu de cesse de menacer et d'insulter Mme [Z], en recourant également à l'humiliation. Elle insiste sur le fait que dans le cadre de l'enquête, M. [K] a été entendu avec l'assistance d'un membre du représentant du personnel de sorte que ses droits ont été respectés, et que lors de son audition il a reconnu avoir dit à Mme [Z] 'tu sais que tu es baisable''. Elle affirme que la violence exercée sur Mme [Z] pendant près de 2 ans a eu raison de l'état psychologique de cette dernière qui a eu des idées suicidaires et que d'autres salariés ont eu à subir le comportement et les propos de M. [K]. Elle prétend que M. [K] a reconnu une partie des faits lors de l'entretien préalable. Elle estime que peu de crédit peut être apporté aux différentes attestations produites par M. [K]. Elle fait observer que M. [K] réclame des dommages et intérêts représentant 24 mois de salaire alors qu'il ne peut prétendre qu'à 12 mois maximum à condition qu'il fasse la démonstration de la situation dans laquelle il se trouve depuis le licenciement, ce qu'il ne fait pas. Enfin, elle conteste le fait que le licenciement de M. [K] serait intervenu dans des conditions brutales et vexatoires.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 14 décembre 2020 et l'affaire fixée à l'audience tenue par un conseiller rapporteur du 11 janvier 2021. A la demande de M. [K], l'affaire a été renvoyée à l'audience du 19 mai 2021, tenue en collégialité. A cette date, l'ordonnance de clôture a été révoquée à la demande des parties et la nouvelle clôture a été fixée au jour de l'audience de plaidoiries. Puis l'affaire a été retenue et enfin mise en délibéré par mise à disposition au greffe à la date du 9 septembre 2021.
Par arrêt du 9 septembre 2021, la cour d'appel de Poitiers a :
- Ordonné la réouverture des débats et renvoyé l'affaire et les parties à l'audience collégiale du 9 mars 2022,
- Invité les parties à conclure uniquement sur le moyen soulevé d'office par la cour selon lequel la cour n'est pas saisie d'un appel aux fins d'annulation du jugement et ne peut donc statuer ni sur cette demande ni sur la prescription des faits puisque le chef du jugement 'confirme que la prescription n'est pas acquise' n'a pas été expressément critiqué dans la déclaration d'appel,
- Réservé les dépens.
M. [K] présente ses observations dans le cadre de conclusions notifiées le 18 février 2022 et demande à la cour de lui donner acte de ce qu'il renonce à la nullité du jugement entrepris et que son recours ne porte que sur l'infirmation dudit jugement.
Il reconnaît tout d'abord qu'il n'a pas mentionné dans sa déclaration d'appel que celui-ci tendait à l'annulation du jugement et en conclut que faute de mention expresse, son appel doit être considéré comme tendant uniquement à la réformation du jugement.
S'agissant de l'étendue de son recours, il fait observer que la mention 'confirme' employée par le conseil de prud'hommes dans son dispositif en rapport avec la prescription, est dépourvue de tout effet juridique. Il ajoute que la prescription de l'article L.1332-4 du code du travail ne constitue pas une demande mais un moyen de droit tendant à voir juger sans cause réelle et sérieuse son licenciement et que ce moyen n'aurait pas dû figurer dans le jugement déféré.
La société Coop Atlantique présente ses observations dans le cadre de conclusions notifiées le 3 mars 2022 et demande à la cour de :
- dire qu'elle n'est saisie d'aucun chef du dispositif du jugement et que l'acte d'appel est dépourvu d'effet dévolutif,
- en conséquence, constater la caducité de l'appel et dire l'instance introduite par M. [K] éteinte du fait de la caducité.
Se fondant sur les articles 562, 901 et 908 du code de procédure civile, elle fait valoir que dès lors que M. [K] renonce à sa demande de nullité, la cour n'est plus saisie d'un quelconque appel général et ce d'autant plus que les termes mêmes de l'appel interjeté par M. [K] excluaient la notion d'appel général. Elle ajoute que la demande tendant à l'infirmation du jugement ne figurait ni dans la déclaration d'appel ni dans les premières conclusions intervenues dans le délai de 3 mois. Elle considère qu'en indiquant pour la première fois le 17 février 2022 qu'il sollicite l'infirmation du jugement, M. [K] tente de régulariser tardivement son appel. Elle en conclut que la cour n'est pas saisie de cette demande d'infirmation.
Elle soutient également que M. [K] qui n'a pas expressément critiqué le jugement confirmant l'absence d'acquisition de la prescription ne peut plus en solliciter la réformation sur ce point.
L'affaire a été retenue à l'audience du 9 mars 2022 puis mise en délibéré par mise à disposition au greffe à la date du 2 juin 2016.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la caducité de la déclaration d'appel et l'absence d'effet dévolutif
1. Il résulte des dispositions de l'article 914 du code de procédure civile dans sa version issue du décret du 6 mai 2017 que le conseiller de la mise en état est seul compétent jusqu'à la clôture de l'instruction pour prononcer la caducité de l'appel, les parties n'étant plus recevables à invoquer devant la cour d'appel la caducité après la clôture de l'instruction, à moins que la cause de la caducité ne soit révélée postérieurement.
En l'espèce, la société Coop Atlantique n'a pas saisi le conseiller de la mise en état d'une quelconque demande tendant à voir prononcer la caducité de l'appel interjeté par M. [K], de sorte qu'elle n'est plus recevable à présenter cette demande devant la cour alors que la cause de la caducité invoquée était connue de l'employeur à l'expiration du délai de trois mois suivant la déclaration d'appel. La demande de caducité de l'appel présentée pour la première fois par la société Coop Atlantique dans ses conclusions du 3 mars 2022 est donc irrecevable, étant rappelé que la cour n'a pas entendu user de la possibilité de relever d'office la caducité de l'appel.
2. Il résulte des articles 542 et 954 du code de procédure civile que l'appelant doit dans le dispositif de ses conclusions mentionner qu'il demande l'infirmation des chefs du dispositif du jugement dont il recherche l'anéantissement, ou l'annulation du jugement. En cas de non-respect de cette règle, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement, sauf la faculté qui lui est reconnue, à l'article 914 du code de procédure civile, de relever d'office la caducité de l'appel. Lorsque l'incident est soulevé par une partie, ou relevé d'office par le conseiller de la mise en état, ce dernier, ou le cas échéant la cour d'appel statuant sur déféré, prononce la caducité de la déclaration d'appel si les conditions en sont réunies.
Cette règle, qui instaure une charge procédurale nouvelle pour les parties à la procédure d'appel ayant été affirmée par la Cour de cassation le 17 septembre 2020 (2e Civ., 17 septembre 2020, pourvoi n° 18-23.626, publié) pour la première fois dans un arrêt publié, son application immédiate dans les instances introduites par une déclaration d'appel antérieure à la date de cet arrêt, aboutirait à priver les appelants du droit à un procès équitable.
En l'espèce, M. [K] a interjeté appel le 3 octobre 2019 de sorte que la règle édictée par la Cour de cassation le 17 septembre 2020 n'est pas applicable au présent litige.
Dans ses premières conclusions notifiées dans le délai prévu par l'article 908 du code de procédure civile, M. [K] demande l'annulation du jugement du conseil de prud'hommes sans en solliciter l'infirmation. La cour, constatant que M. [K] renonce finalement à solliciter l'annulation du jugement, observe cependant qu'il résulte tant de la rédaction de sa déclaration d'appel que du dispositif de ses conclusions du 23 décembre 2019, que son appel tend en réalité à l'infirmation du jugement rendu le 5 septembre 2019 puisqu'il demandait à la cour de statuer à nouveau sur ses demandes. En tout état de cause et contrairement à ce que soutient la société Coop Atlantique l'absence de mention de l'infirmation du jugement dans les conclusions de M. [K] n'a pas pour conséquence de faire obstacle à l'effet dévolutif de l'appel, M. [K] ayant précisé, avec une certaine maladresse, les chefs du jugement critiqués dans sa déclaration d'appel et ayant présenté ses prétentions dans ses conclusions.
3. Enfin, en vertu de l'article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n°2017-891 du 6 mai 2017, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent, la dévolution ne s'opérant pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.
En l'espèce, la déclaration d'appel de M. [K] est ainsi rédigée :
'M. [K] interjette appel général du jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Saintes le 5 septembre 2019 en ce qu'il a été débouté de l'intégralité de ses chefs de demande soit :
- annulation et indemnisation de la mise à pied du 6 février 2018 : 1.025,63 euros,
- indemnité de préavis : 4.102,52 euros,
- congés payés sur préavis : 410,25 euros,
- indemnité de licenciement : 9.230,67 euros,
- indemnité de l'article L.1235-3 du code du travail : 49.230,24 euros,
- dommages et intérêts pour licenciement abusif en raison des circonstances vexatoires et humiliantes sur le fondement de l'article 1382 du code civil : 10.000 euros,
- article 700 du code de procédure civile : 2.500 euros'.
Le dispositif du jugement attaqué est ainsi libellé :
'- confirme que la prescription n'est pas acquise,
- déboute M. [BP] [K] de toutes ses demandes,
- déboute la SA Coop Atlantique de sa demande reconventionnelle sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- laisse les dépens à la charge de M. [K].'
Il s'ensuit que M. [K] a expressément critiqué le chef du jugement 'déboute M. [BP] [K] de toutes ses demandes' et que s'il n'a pas expressément critiqué le chef du jugement 'confirme que la prescription n'est pas acquise', il y a lieu de constater que ce dernier chef du jugement est indivisible de celui expressément critiqué puisque, ainsi que le fait justement remarquer M. [K], la prescription évoquée n'était qu'un moyen au soutien de sa demande tendant à voir déclarer son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et de dommages et intérêts afférents. Il convient donc de considérer que la dévolution s'est opérée pour l'ensemble des chefs du jugement déféré de sorte que la cour est saisie du moyen relatif à la prescription des faits fautifs reprochés à M. [K].
Sur les demandes de M. [K] tendant à voir écarter les pièces 28 et 29 et 31 à 40 de la société Coop Atlantique
Aux termes des dispositions de l'article 9 du code de procédure civile «il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention».
L'article 16 du même code prévoit que le jugement ne peut retenir dans sa décision les documents produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement.
Il est également rappelé que l'employeur au titre de son obligation de sécurité (articles L.4121-1 et L.4121-2 du code du travail) se doit de mettre en place une enquête interne après des révélations et des plaintes faisant état d'un harcèlement.
En l'espèce, les pièces 31 à 40 produites par la société Coop Atlantique correspondent aux auditions qu'elle a réalisées, via Mme [C], responsable des ressources humaines, dans le cadre de l'enquête interne menée à la suite de la dénonciation par Mme [Z] du harcèlement dont elle se sentait victime de la part de M. [K]. Dans le cadre de cette enquête, M. [K] a été entendu le 29 décembre 2017 en présence d'un représentant du personnel (pièce n°40). De plus, ces pièces ont été régulièrement produites aux débats de sorte que M. [K] a été en mesure d'en débattre contradictoirement et de faire valoir ses observations. Ainsi contrairement à ce qu'il soutient, le principe du contradictoire a été respecté de sorte qu'il n'y a pas lieu d'écarter les pièces 31 à 40 pour ce motif. Il n'est en outre pas démontré que les retranscriptions auraient été faites avec malhonnêteté intellectuelle, M. [K] n'étayant aucunement ses allégations en ce sens, ni que le contenu de cette enquête porterait une atteinte injustifiée à la dignité de M. [K].
La cour rejette donc la demande de M. [K] tendant à voir écarter les pièces 31 à 40.
S'agissant des pièces 28 et 29 produites par la société Coop Atlantique, la cour observe qu'il s'agit de deux courriers établis les 12 et 22 décembre 2017 par le médecin traitant de Mme [Z] qui adressait cette dernière à des confrères en évoquant le syndrome anxiodépressif dont souffrait la patiente en lien avec un harcèlement au travail. Si le docteur [U] fait effectivement un lien qu'il ne lui appartient pas de faire dans son courrier entre le harcèlement évoqué par Mme [Z] et la dégradation de son état de santé, cela ne suffit pas à écarter ces pièces des débats dès lors que la cour dispose d'un pouvoir souverain pour apprécier la force probante des éléments qui lui sont soumis dans le cadre d'un débat contradictoire.
En conséquence, la cour rejette également la demande de M. [K] tendant à voir écarter des débats les pièces 28 et 29 produites par la société Coop Atlantique.
Sur le bien fondé du licenciement de M. [K]
1.Il ressort de la lettre de licenciement du 20 février 2018 que M. [K] a été licencié pour les motifs suivants :
"Le 22 décembre 2017, Madame [Z], employée libre-service au sein du SUPER U de [Localité 7], a contacté la direction pour l'informer de certains de vos agissements et a exprimé à cet égard une situation de profond mal être.
Au vu des propos rapportés par Madame [Z], la direction a diligenté une enquête interne au terme de laquelle le constat de la situation s'est révélé alarmant : il en ressort en effet que vos propos et attitudes sont totalement inappropriés dans le cadre d'une relation de travail, qui plus est en votre qualité de membre de l'encadrement, et qu'ils ont pour effet de générer une situation de stress et de crainte chez certains collaborateurs.
Vous avez à l'égard des collaborateurs de l'établissement un comportement impulsif et brutal. A titre d'exemple, au cours du mois d'octobre 2017, vous avez interpellé Madame [Z] par un signe de la main, et lui avez reproché de ne pas avoir respecté l'implantation des produits au sein du rayon. Au cours de l'échange, vous avez haussé le ton de la voix, et avez lancé à cette collaboratrice qu'elle ne savait pas travailler. Un autre jour, mécontent d'avoir trouvé dans votre rayon un paquet de jambon qui n'était pas à sa place, vous l'avez lancé aux pieds de votre collègue, laquelle en a été profondément choquée.
Plus grave encore, en réaction à une provocation de l'un des membres de votre équipe, vous avez lancé "je vais faire le tour et je vais t'en mettre une dans la gueule !".
Outre cette agressivité dans votre attitude, vous tenez quotidiennement des propos
dégradants et humiliants, et cela sur la surface de vente en présence de clients. Vous lancez des remarques telles que : "si tu ne sais pas travailler, repars chez toi", ou encore "si tu ne connais pas la politesse, je vais te l'apprendre". A son retour d'un congé de maternité, vous avez ri d'une collègue en demandant à un collaborateur "tu es sûr qu'elle a accouché '". Lorsqu'une autre collaboratrice est restée sur le parking un soir pour dépanner une connaissance, vous êtes resté autour du magasin afin de la surveiller. Le lendemain, vous êtes allé la trouver et lui avez lancé "tu caches bien ton jeu, je ne pensais pas que tu étais comme ça".
Vous tenez aussi des propos qui ne souffrent d'aucune ambiguïté et dépassent totalement l'inacceptable : à une collaboratrice dont vous aviez vu une photo, vous avez lancé "tu sais que tu es baisable !", quand certaines font part de leur ressenti d'être regardées comme des "bouts de barbaque" lorsqu'elles portent des jupes, ou vous demandent de ne plus les appeler "ma chérie".
À d'autres, vous lancez des propos insultants : "tu n'es qu'une merde, casse-toi !", "les intérimaires, c'est que de la merde", en destinant précisément cette remarque aux salariés intérimaires.
Il ressort de notre enquête que ces propos et comportements totalement déplacés ont généré chez certains collaborateurs de l'établissement une situation de stress et de crainte à votre égard. Certains ont confié avoir "la boule au ventre" ou encore avoir "envie de vomir" avant de venir travailler, de peur de recevoir une remarque désobligeante de votre part ou de vous contrarier.
Au vu de la gravité du constat réalisé au terme de l'enquête, nous vous avons notifié une mise à pied, prononcée à titre conservatoire, le 6 février 2018 à 6h30.
Lors de l'entretien, vous avez reconnu certains propos et comportements, en tentant toutefois de minimiser votre responsabilité, mettant en cause le comportement de vos collègues, ou expliquant avoir voulu faire de l'humour, ou encore en indiquant que vous vous êtes excusé depuis. Vous n'avez pas semblé prendre la mesure des griefs qui vous sont faits, et de la portée qu'ont eu vos agissements dans la collectivité de travail.
La nature de vos propos et vos accès de colère sont parfaitement inacceptables, ce d'autant plus que vous occupez le poste de chef boucher, au statut d'agent de maîtrise. A ce titre, vous êtes tenu d'un devoir d'exemplarité, notamment compte tenu du fait que vous êtes amené à assumer la responsabilité de l'établissement en l'absence du chef de magasin. Votre attitude s'inscrit en parfaite contradiction avec la conception que nous avons d'une collectivité de travail et les valeurs de notre coopérative. Elle génère, de surcroît, une dégradation des conditions de travail de certains collaborateurs du site, ce qui est intolérable.
Par ces comportements, vous avez gravement violé vos obligations professionnelles et le règlement intérieur. Vos manquements entament définitivement notre confiance et rendent inenvisageable la poursuite de notre relation de travail.
Au vu de la gravité des faits, nous vous informons que nous avons décidé de procéder à votre licenciement pour faute grave".
La société Coop Atlantique a donc poursuivi une procédure disciplinaire pour procéder au licenciement de M. [K] en retenant une faute grave.
2. En application de l'article L.1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.
Par engagement des poursuites disciplinaires il faut entendre en principe la convocation à l'entretien préalable lorsque celui-ci est obligatoire. C'est donc à cette date qu'il convient de se référer pour apprécier si le délai est ou non expiré.
Il est constant que la prescription court du jour où l'employeur a eu connaissance des faits, non du jour de leur commission de sorte que la datation précise des faits importe peu dans le débat relatif à la prescription. La seule possibilité pour l'employeur de différer l'engagement des poursuites disciplinaires est la nécessité prouvée de recourir à des mesures d'investigation sur les faits reprochés au salarié et de se déterminer sur la mise en oeuvre d'une procédure de licenciement pour faute grave. En cas d'enquête ordonnée par l'employeur sur les faits, le jour de ses résultats constitue le point de départ du délai de 2 mois.
Par ailleurs, l'article L. 1332-4 ne s'oppose pas à la prise en considération d'un fait antérieur à deux mois dans la mesure où le comportement du salarié s'est poursuivi ou a été réitéré dans ce délai.
La charge de la preuve du caractère non prescrit de l'action disciplinaire incombe à l'employeur. Ainsi, lorsque les faits sanctionnés par le licenciement ont été commis plus de deux mois avant l'engagement des poursuites disciplinaires, il lui appartient d'apporter la preuve qu'il n'en a eu connaissance que dans les deux mois ayant précédé l'engagement des poursuites, faute de quoi les faits sont considérés comme prescrits.
En l'espèce, la société Coop Atlantique a licencié, le 20 février 2018, M. [K] en lui reprochant essentiellement d'avoir tenu des propos et attitudes inappropriés dans le cadre d'une relation de travail ayant généré une situation de stress et de crainte chez certains collaborateurs.
Il s'ensuit que les faits reprochés à M. [K] n'étaient pas limités à ceux concernant Mme [Z] mais que c'est son comportement à l'égard de plusieurs autres salariés qui était mis en cause.
Il est rappelé que la procédure disciplinaire a été engagée le 6 février 2018 par la remise en main propre à M. [K] d'une lettre de convocation pour un entretien préalable à un licenciement.
La société Coop Atlantique produit un email du 22 décembre 2017 que M. [M], manager boucherie, a adressé à Mme [C], responsable des ressources humaines, en lui indiquant : 'je me permet de t'envoyer ce mail pour te prévenir d'un cas de harcèlement morale au Super U de [Localité 7]. En effet je viens d'être contacté par mme [Z] [T], employée charcuterie traditionnelle et libre service, qui m'informe qu'elle est harcelée moralement depuis plus d'un an par MR [K] [BP] (chef boucher), elle en à avertis la direction du magasin mais envin rien ne bouge!! Je viens de raccrocher avec elle, elle est en pleure et à des propos suicidaires.'
A cet égard, il est précisé qu'en signant le compte-rendu de son audition, Mme [Z] a validé le préambule de ce document rappelant qu'elle avait contacté M. [M] par téléphone le 22 décembre 2017, ce qui suffit donc à justifier de la réalité et de la date de cet appel téléphonique.
A la suite de ce courriel du 22 décembre 2017, la société Coop Atlantique a diligenté une enquête interne en chargeant Mme [C] de 'recueillir l'ensemble des informations qui permettront de prendre les mesures adaptées et proportionnées à la situation' et de 'procéder à l'audition de Mme [Z] ainsi qu'à celle de M. [K]' ainsi qu'à l'audition de 'l'ensemble des salariés qui auront été identifiés comme ayant été témoins directs ou indirects des faits évoqués, et/ou des salariés du site souhaitant porter des faits à la connaissance de l'auditrice'. Cette enquête a débuté par l'audition de Mme [Z] le 28 décembre 2017 et s'est achevée le 6 février 2018.
Or, il s'avère que ce n'est qu'à l'issue de l'enquête interne, soit le 6 février 2018, et après auditions de plusieurs salariés, que l'employeur a eu une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits susceptibles d'être reprochés à M. [K], nonobstant le fait que le chef du magasin, M. [Y], ait pu être informé antérieurement de difficultés relationnelles entre M. [K] et Mme [Z].
Ainsi en engageant la procédure disciplinaire à l'encontre de M. [K], le 6 février 2018, sur la base de faits révélés dans leur réalité et leur ampleur le même jour, la société Coop Atlantique a respecté les dispositions de l'article L.1332-4 précité sans encourir aucune prescription.
Le jugement déféré doit donc être confirmé en ce qu'il a considéré que les faits reprochés à M. [K] dans la lettre de licenciement du 20 février 2018 n'étaient pas prescrits.
3. Selon les articles L.1232-1 et L.1232-6 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, énoncée dans une lettre notifiée au salarié. Cette lettre, qui fixe les limites du litige doit exposer des motifs précis et matériellement vérifiables, permettant au juge d'en apprécier la réalité et le sérieux. Le juge ne peut pas examiner d'autres motifs que ceux évoqués dans la lettre de licenciement mais il doit examiner tous les motifs invoqués, quand bien même ils n'auraient pas tous été évoqués dans les conclusions des parties.
La charge de la preuve du caractère réel et sérieux du licenciement ne pèse sur aucune des parties en particulier, le juge formant sa conviction au vu des éléments produits par chacun. L'employeur est en droit, en cas de contestation, d'invoquer toutes les circonstances de fait qui permettent de justifier ce motif.
Lorsque le motif allégué n'est pas le motif réel du licenciement, celui-ci est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Enfin, il appartient au juge d'apprécier la nature de la faute invoquée par l'employeur. La faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. La gravité de la faute s'apprécie en tenant compte du contexte des faits, de l'ancienneté du salarié, des conséquences que peuvent avoir les agissements du salarié, de l'existence ou de l'absence de précédents disciplinaires.
Quand le licenciement est prononcé pour faute grave, il incombe à l'employeur de prouver la réalité de la faute grave, c'est à dire de prouver non seulement la réalité de la violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail mais aussi que cette faute est telle qu'elle impose le départ immédiat du salarié, le contrat ne pouvant se poursuivre même pour la durée limitée du préavis.
Pour apprécier la gravité de la faute, les juges doivent tenir compte des circonstances qui l'ont entourée et qui peuvent atténuer la faute et la transformer en faute légère, ou qui peuvent l'aggraver.
En l'espèce, la société Coop Atlantique produit :
- un courrier du 25 janvier 2018 de Mme [Z] à l'attention de M. [V], chef de région de la société Coop Atlantique, dont il n'est pas contesté qu'il a été effectivement écrit par Mme [Z]. Cette dernière indique écrire sur les conseils de l'inspection du travail, ce qui suffit à contredire les allégations, non étayées, de M. [K] selon lesquelles ce courrier aurait été dicté par la directrice des ressources humaines. Sur le fond, Mme [Z] explique qu'elle fait face au 'harcèlement moral de la part de M. [K] [BP] depuis environ 2 ans', qu'elle a fait une tentative de suicide le 22 décembre 2017 'à cause de cette situation', qu'elle est 'épuisée mentalement' et qu'elle demande à son employeur de prendre les mesures nécessaires afin qu'elle puisse reprendre son travail dès lors que son état de santé le permettra.
- les comptes rendus d'auditions des salariés réalisées dans le cadre de l'enquête interne desquels il ressort que :
* Mme [Z], employée au rayon charcuterie essentiellement, explique que :
- M. [K] lui disait souvent 'si tu ne sais pas travailler, tu restes chez toi'.
- au mois d'octobre 2017, elle a connu sa dernière 'grosse altercation' avec M. [K], ce dernier l'ayant 'interpellée avec un signe de la main en disant [T]' sur un ton 'sec' pour lui signifier qu'elle ne savait pas travailler en lui montrant le rayon dans lequel les produits n'étaient pas rangés comme il le souhaitait. Elle lui a dit qu'elle allait tout enlever pour les remettre dans son rayon charcuterie, ce à quoi il lui a répondu 't'as intérêt à faire très attention à ce que tu fais'.
- M. [K] 'est toujours menaçant quand il me parle, le peu qu'on se parle, c'est toujours agressif',
- après un mariage en juillet 2017 où elle avait été prise en photo en robe, M. [K], alors qu'il avait repris le travail dans la semaine suivant le mariage, lui a dit qu'il avait vu la photo en lui indiquant 'tu sais que tu es baisable' et en précisant que 'dans le magasin il y en avait d'autres de baisables',
- M. [K] lui a 'balancé' à ses pieds un paquet de jambon qu'il avait trouvé dans son rayon alors que celui-ci aurait dû être dans le rayon de Mme [Z],
- M. [K] 'l'impressionne', qu'il 'impressionne du monde c'est pour ça que personne ne parle. Il en impose physiquement',
- le 10 décembre 2017 'il m'a engueulée 'les boudins blancs qu'est ce qu'ils foutent là.' alors qu'on était deux à dépoter les palettes. Cette palette je l'avais pas vue..c'était encore de ma faute. C'est jamais des choses très graves mais c'est toujours répété, répété, répété...on ne peut pas travailler sereinement comme ça. En tout cas, moi je ne peux pas.',
* Mme [Z] explique encore que :
- [E] [O] épouse [S] lui a dit que 'M. [K] lui disait qu'elle faisait de la merde, à cause des factures de boucherie',
- [B] [X] lui a dit qu'après son retour de congé maternité en septembre 2017, 'M. [K] a dit à [G] un collègue du liquide 't'es sûr qu'elle a accouché''....[G] l'a répété à [B]. [B] est allée voir la responsable administrative [L] [D]....elle ([L]) l'a obligé (M. [K]) à s'excuser.',
- [W] [J] lui a raconté que M. [K] lui a dit 't'es qu'une salope, je pensais pas que tu étais comme ça' après l'avoir vue donner sa carte bancaire au vigile contre de l'argent liquide pour qu'il puisse prendre de l'essence,
- M. [VB] qui était intérimaire en fin d'année 2016 'se faisait engueuler' tous les matins car rien ne convenait à M. [K] et qu'un jour du mois de décembre 2016, M. [VB] lui a rapporté que M. [K] 'lui a dit qu'il va lui en mettre une',
* Mme [H] [YG], chef d'équipe et déléguée du personnel, explique que Mme [Z] lui avait parlé sans évoquer de faits précis de ses problèmes avec M. [K] mais qu'elle lui avait dit que 'elle ne supportait plus de venir embaucher, elle me disait qu'elle avait la boule au ventre, qu'elle avait envie de vomir,...dernièrement depuis le clash du mois de novembre'. Elle ajoute que 'lors du deuxième incident, le jeudi 7 décembre, quand M. [K] lui a fait une remarque sur sa façon de dire bonjour, elle est venue me parler. 'Il m'a carrément dit qu'il allait m'apprendre la politesse.' elle était très affectée. Elle en a même pleuré. Elle m'a dit 'c'est pas possible il me laissera jamais tranquille.' elle se sentait persécutée...je lui ai dit que ce n'était pas axé contre elle que c'était son caractère.' Mme [YG] explique encore que Mme [X] lui avait confié que M. [K] lui avait fait des réflexions sur son poids à son retour de congé maternité et que M. [VB] lui avait confié 'qu'il n'était pas bien chaque fois qu'il venait bosser avec [BP]' ce qu'elle avait d'ailleurs constaté car 'il tremblait vraiment beaucoup',
* Mme [VL], hôtesse de caisse et responsable rayon textile, raconte que 6 ans auparavant, M. [K] a très mal parlé à M. [SG] [P] en lui disant 't'es qu'une merde, casse toi, change de métier, vas faire autre chose', qu'elle en a parlé (dans le cadre de ses fonctions de représentante syndicale) à M. [Y] et que dans le bureau, M. [K] s'est montré menaçant verbalement en lui disant 'que je n'avais pas à faire ça (toucher à la boucherie) et que je n'avais pas intérêt à recommencer'. Elle indique également que M. [VB] était venu la voir en lui disant 'travailler avec [BP], j'en peux plus' et qu'ils avaient failli se battre car M. [K] 'lui parlait comme à un chien, il le descendait plus bas que terre .Il lui disait qu'il ne savait pas travailler, il ne savait rien faire...il le dénigrait complètement' précisant qu'il lui avait dit 'qu'avant d'arriver au travail il avait la diarrhée, il vomissait, il avait la boule au ventre, il était pris de tremblements, chaque fois qu'il devait travailler avec [BP]', Mme [VL] indiquant avoir constaté que M. [VB] tremblait alors qu'il allait beaucoup mieux quand M. [K] n'était pas là. Mme [VL] expose ensuite avoir entendu M. [K] dire à Mme [Z] 'le jour où tu sauras travailler comme il faut', propos dont elle avait été elle-même destinataire auparavant,
* M. [I] [VB], ayant effectué un remplacement au rayon boucherie pendant 8 mois, qualifie M. [K] de personne 'vraiment irrespectueuse avec des propos pas sympas à mon encontre au niveau verbal' qui a pu lui tenir les propos suivants : 'je vais faire le tour, je vais t'en mettre une dans la gueule' et encore 'si t'es pas content tu t'en vas' , 'les intérimaires c'est que de la merde' à plusieurs reprises. Il confirme qu'il 'avait la boule au ventre' le matin. M. [VB] considère que M. [K] 'profite de son statut de responsable...il sait que les gens ne vont pas répondre car ils ne veulent pas perdre leur place. Il a emmerdé tout le monde dans le magasin. J'espère qu'il paiera, qu'il sera sanctionné. C'est quand même grave pour un responsable de se comporter comme ça.'
* Mme [E] [S], employée administrative, entendue le 6 février 2018, explique ne plus avoir de problème avec M. [K] mais qu'il s'agit d'une personne dénuée de tout tact avec laquelle il est rapide d'être dans la confrontation. Elle indique que 4 ans auparavant, ses relations avec M. [K] étaient plus tendues car il lui faisait 'beaucoup de remarques sur mon travail avec un ton agressif. J'avais une certaine appréhension lorsque je savais qu'il travaillait en même temps que moi. Surtout l'après-midi quand il était de permanence et le seul responsable',
* Mme [W] [J], hôtesse de caisse, explique avoir vu des collègues pleurer à cause de M. [K], et notamment Mme [X] à cause d'une remarque sur son physique. Elle confirme qu'un soir en été 2017 elle avait rendu service au vigile en lui donnant sa carte bancaire pour qu'il puisse prendre de l'essence, que pendant cette opération, M. [K] était 'passé à plusieurs reprises à coté comme s'il nous surveillait' et que le lendemain, M. [K] lui avait dit 'tu caches bien ton jeu, je te croyais pas comme ça'. Elle précise également que M. [K] avait pris l'habitude de l'appeler parfois 'ma chérie',
* Mme [B] [X], hôtesse d'accueil, explique qu'à son retour de congé parental, un collègue lui avait rapporté que M. [K] avait demandé si elle était encore enceinte compte tenu de son physique. Elle indique être allée voir M. [K] qui ne s'est excusé qu'après que M. [D] lui ait demandé de le faire.
* M. Georges [N], employé, confirme avoir été témoin de l'altercation entre M. [K] et M. [VB] et explique que M. [K] est 'toujours a cran lorsque je passe avec mes palettes d'eau devant son rayon...c'est un asocial du travail.'
* M. [A] [Y], chef du magasin, explique qu'il avait connaissance des rapports conflictuels entre M. [K] et Mme [Z], chacun se plaignant de l'attitude de l'autre. Il explique également que M. [VB] était venu se plaindre d'un problème avec M. [K] ainsi que Mme [VL].
* M. [BP] [K], assisté d'un représentant du personnel, reconnaît qu'il a pu dire à Mme [Z] comme à d'autres salariés 'si tu ne sais pas travailler tu restes chez toi' et qu'il lui a dit 'si tu ne connais pas la politesse, il faut que tu l'apprennes'. Il admet également avoir dit à un collègue lorsque Mme [X] est revenue de congé maternité '[B] est encore enceinte' mais explique qu'il faisait de l'humour, précisant s'être excusé sans que personne n'intervienne pour lui demander de le faire. Il admet encore avoir dit à Mme [Z] 'tu sais que tu es baisable'' mais précise que 'ça n'a rien à voir avec le travail. C'est de l'humour.' Il reconnaît avoir dit à Mme [J] 'tu caches bien ton jeu, je ne te croyais pas comme ça'.
L'ensemble de ces éléments permettent d'établir la réalité des faits reprochés à M. [K] dans la lettre de licenciement du 20 février 2018. Par ailleurs, les attestations produites par M. [K] ne sont pas de nature à remettre en cause la réalité des griefs dans la mesure où les personnes qui attestent en sa faveur expliquent qu'elles ne l'ont jamais entendu tenir le moindre propos désobligeant, ce qui n'exclut pas qu'il ait pu en tenir en dehors de leur présence. En outre, si Mme [Z] a pu également tenir des propos inadaptés, cette situation ponctuelle ne remet pas en cause les propos et comportements inadaptés dont M. [K] a pu faire preuve tant à l'égard de Mme [Z] qu'à l'égard d'autres salariés.
De plus, s'il est constant que M. [K] n'a fait l'objet d'aucune sanction disciplinaire ni d'aucun reproche de la part de son employeur jusqu'à son licenciement, il n'en reste pas moins que les faits qui lui sont reprochés sont constitutifs d'une faute. En effet, les propos tenus par M. [K] à d'autres salariés traduisent un comportement répété, inscrit dans la durée et inadapté dans un cadre de travail à l'égard de salariés ne partageant pas l'humour allégué de M. [K]. Bien au contraire, l'attitude et les propos injurieux et/ou offensants tenus par M. [K] ont porté atteinte à la dignité des personnes qui en étaient destinataires et ont dégradé leurs conditions de travail. En effet, plusieurs salariés et non pas seulement Mme [Z] ont décrit avoir eu des symptômes physiques importants significatifs de leur mal être à l'idée de venir travailler avec M. [K]. Mme [Z] qui était certes fragilisée psychologiquement par les problèmes de santé de son époux, ce que n'ignorait d'ailleurs pas M. [K], a été encore plus sensible au comportement inapproprié à son égard de M. [K] ce qui a contribué à ce qu'elle soit placée en arrêt maladie à la fin du mois de décembre 2017 avec un syndrome anxio-dépressif sévère et un traitement antidépresseur (ainsi que cela ressort des certificats médicaux du docteur [U]). Ces faits sont donc d'une gravité telle, au regard de leur retentissement, qu'ils ont rendu impossible la poursuite du contrat de travail dès lors qu'ils ont été révélés dans leur réalité, leur nature et leur ampleur.
Par conséquent, la cour considère, à l'instar des premiers juges, que le licenciement pour faute grave de M. [K] est justifié.
Sur les demandes de rappel de salaire au titre de la mise à pied et les demandes d'indemnité au titre du licenciement
Compte tenu des énonciations précédentes, la cour confirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [K] de sa demandes de rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire qui était totalement justifiée, de sa demande d'indemnité de préavis, de sa demande d'indemnité de licenciement et de sa demande d'indemnité au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur la demande de dommages et intérêts au titre du préjudice moral
Dans la mesure où les faits reprochés à M. [K] sont établis et caractérisent une faute grave, c'est de manière tout à fait inopérante qu'il soutient que l'enquête qui les a révélés a porté atteinte à sa dignité. De même, M. [K] n'établit aucune faute de la part de la société Coop Atlantique dans la manière dont il a été interrogé dans le cadre de l'enquête, les questions posées étant respectueuses et nécessaires afin de lui permettre de répondre à toutes les révélations défavorablement faites à son encontre. Enfin, la seule remise de la lettre de convocation à l'entretien préalable en main propre ainsi que la notification de la mise à pied conservatoire ne suffisent pas à établir que le licenciement de M. [K] serait intervenu dans des conditions brutales, vexatoires et humiliantes puisque d'une part, ayant été entendu lors de l'enquête interne, il n'ignorait pas les accusations portées contre lui, et que d'autre part, il n'est pas démontré que la convocation lui aurait été remise devant ses collègues de travail.
La cour confirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [K] de sa demande de dommages et intérêts au titre de son préjudice moral.
Sur les autres demandes
M. [K] qui succombe doit supporter les dépens d'appel, s'ajoutant aux dépens de première instance auxquels il a été condamné en première instance ce que la cour confirme.
S'il était équitable en première instance de débouter les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile, l'équité doit conduire en cause d'appel à condamner M. [K] à payer à la société Coop Atlantique la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Déclare irrecevable la demande de la SA Coop Atlantique tendant à voir prononcer la caducité de l'appel de M. [BP] [K],
Dit que l'appel interjeté par M. [BP] [K] défère à la cour l'ensemble des chefs du jugement rendu le 5 septembre 2019 par le conseil de prud'hommes de Saintes,
Déboute M. [BP] [K] de ses demandes tendant à ce que soient écartées des débats les pièces n° 28, 29, 31 à 40 produites par la SA Coop Atlantique,
Confirme le jugement rendu le 5 septembre 2019 par le conseil de prud'hommes de Saintes en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne M. [BP] [K] à payer à la SA Coop Atlantique la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
Déboute M. [BP] [K] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [BP] [K] aux dépens d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,