ASB/PR
ARRET N° 383
N° RG 19/03481
N° Portalis DBV5-V-B7D-F34I
S.A.S.U. ADECCO
C/
CPAM DE LA VENDEE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE POITIERS
Chambre Sociale
ARRÊT DU 02 JUIN 2022
Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 septembre 2019 rendu par le tribunal de grande instance de LA ROCHE SUR YON - Pôle social
APPELANTE :
S.A.S.U. ADECCO
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Denis ROUANET de la SELARL BENOIT - LALLIARD- ROUANET, avocat au barreau de LYON, substitué par Me Bernard MORAND, avocat au barreau de NANTES
INTIMEE :
CPAM DE LA VENDEE
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Mme [B] [R], munie d'un pouvoir
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, les parties ou leurs conseils ne s'y étant pas opposés, l'affaire a été débattue le 18 janvier 2022, en audience publique, devant :
Madame Anne-Sophie DE BRIER, Conseiller qui a présenté son rapport
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente
Madame Anne-Sophie DE BRIER, Conseiller
Monsieur Jean-Michel AUGUSTIN, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
GREFFIER, lors des débats : Madame Patricia RIVIERE
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile que l'arrêt serait rendu le 7 avril 2022. A cette date le délibéré a été prorogé au 05 mai 2022 puis à la date de ce jour.
- Signé par Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente, et par Madame Patricia RIVIERE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*****
FAITS ET PROCÉDURE :
M. [C] [W], salarié de la société Adecco en qualité de travailleur intérimaire, effectuant une mission au GRETA de [Localité 5], a déclaré le 27 mai 2014 à son employeur avoir été victime d'un accident le 23 mai 2014 à 10h.
L'employeur a formalisé une déclaration d'accident du travail auprès de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Vendée.
Par lettre du 3 juin 2014, la caisse a notifié à l'employeur sa décision de prendre en charge l'accident au titre de la législation sur les risques professionnels.
Contestant cette décision, la société Adecco a saisi la commission de recours amiable (CRA) de la CPAM le 25 juillet 2014.
Par LRAR du 10 octobre 2014, la société Adecco a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de La Roche-sur-Yon pour contester la décision implicite de rejet de la CRA.
La CRA a expressément rejeté le recours amiable de l'employeur dans sa séance du 16 juillet 2015.
Par jugement du 13 septembre 2019, le tribunal de grande instance de La Roche-sur-Yon, pôle social, a :
- débouté la société Adecco de son recours,
- déclaré opposable à la société Adecco la déclaration de prise en charge de l'accident et les arrêts et soins prescrits jusqu'à la consolidation de l'assuré.
Par courrier recommandé envoyé le 14 octobre 2019, la société Adecco a formé appel.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Soutenant oralement ses écritures (reçues au greffe le 2 novembre 2021), la société Adecco demande à la cour d'infirmer le jugement et, statuant à nouveau, de prononcer l'inopposabilité de la décision de prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels de l'accident dont aurait été victime M. [W] le 23 mai 2014.
L'employeur conteste la matérialité de l'accident qui serait survenu sans témoin alors que de nombreux salariés étaient présents sur le lieu du sinistre, qui n'aurait pas empêché M. [W] de continuer de travailler jusqu'à son horaire de fin de travail, qui ne l'aurait pas conduit à se plaindre à un employeur ou collègue alors que ses lésions devaient être particulièrement douloureuses, et qui aurait donné lieu à constatation médicale et à déclaration à l'employeur respectivement trois et quatre jours après sa survenue. Il fait valoir que la caisse ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de la survenance de cet accident au temps et au lieu du travail par un faisceau d'indices sérieux, graves, précis et concordants, et cela quand bien même il n'aurait malencontreusement pas émis de réserves. Il fait remarquer que M. [W] a parfaitement pu se blesser pendant le week-end.
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Soutenant oralement ses écritures (reçues au greffe le 23 décembre 2021), la caisse demande à la cour de confirmer le jugement.
Elle soutient que l'absence de témoin direct du fait accidentel ne fait pas obstacle à la reconnaissance de cet accident dès lors que la caisse dispose de présomptions suffisantes pour prendre en charge l'accident litigieux au titre de la législation professionnelle ; qu'en outre la société Adecco n'explique pas en quoi l'absence de témoin serait anormale en l'espèce. Elle considère que la situation médicale de M. [W] ne justifiait pas qu'il quitte sa formation pour se rendre aux urgences ; que la constatation médicale d'un oedème est intervenue dans un temps proche des faits et est compatible avec leur description par l'assuré. Elle ajoute que l'absence de déclaration immédiate de l'accident ne peut être reproché à l'assuré, dont c'était le premier accident du travail ; qu'il est fréquent que les assurés attendent de disposer d'un certificat médical avant de déclarer l'accident à leur employeur ; que l'accident est survenu la veille d'un week-end, ce qui explique la consultation médicale le lundi seulement ; que la distance entre le lieu de travail/formation et le lieu de rattachement de l'agence interim justifie des délais plus longs lors des déclarations d'accident. Elle fait remarquer que l'employeur n'avait pas émis de réserves.
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Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux conclusions déposées et oralement reprises à l'audience.
MOTIFS DE L'ARRÊT :
L'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale pose en principe que tout accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail, quelle qu'en soit la cause, est considéré comme accident du travail.
La société Adecco conteste la matérialité même de l'accident, de sorte qu'il appartient à la caisse, subrogée dans les droits de l'assuré qu'elle a indemnisé, de rapporter la preuve d'un accident survenu aux temps et lieu du travail. Il lui est ainsi demandé d'établir les circonstances exactes de l'accident, la réalité de la lésion, ainsi que sa survenance au temps et au lieu du travail.
Elle peut apporter cette preuve par tous moyens. Il est précisé à cet égard que ses seules affirmations ne sont pas suffisantes si elles ne sont pas corroborées par des éléments objectifs. De même, en l'absence de témoin, il importe que des présomptions sérieuses et concordantes corroborent les déclarations de la victime.
En l'espèce, il ressort de la déclaration d'accident du travail que M. [W], âgé de 25 ans, a déclaré à son employeur le mardi 27 mai 2014 à 10h30 qu'il avait été victime d'un accident au temps et au lieu du travail (GRETA de [Localité 5]) le vendredi 23 mai 2014 à 10h ; qu'alors qu'il descendait des marches pour rentrer en classe, il avait trébuché contre une marche, tapant son genou à terre.
Il est constant qu'il n'y a pas eu de témoin des faits. Il n'est pas non plus contesté que M. [W] n'a signalé d'accident ni à son employeur ni à des collègues le 23 mai. Mais en l'absence d'éléments descriptifs concrets des tâches devant être accomplies par M. [W] ce jour-là et de l'environnement matériel et humain qui était le sien, l'absence de témoin ou de plainte n'est pas considérée par la cour comme anormale, mais conduit à rechercher s'il existe des présomptions sérieuses et concordantes corroborant les déclarations de la victime.
En l'occurrence, celle-ci-ci a produit un certificat médical initial daté du lundi 26 mai 2014, dans lequel le médecin a constaté un 'dème et une impotence fonctionnelle du genou gauche, et prescrit un arrêt de travail jusqu'au 6 juin 2014. Les déclarations de M. [W] sont ainsi confortées par la constatation médicale objective d'un traumatisme du genou gauche.
De même, la chronologie des faits est cohérente avec les déclarations de l'assuré. En effet, au regard du choc décrit et du diagnostic posé trois jours plus tard, la poursuite par M. [W] de son activité professionnelle entre 10h et 16h30 le 23 mai 2014 n'est pas en soi de nature à exclure la survenue de l'accident allégué.
M. [W] a consulté un médecin dès le premier jour « utile » suivant celui de l'accident allégué, à savoir dès le lundi 26 mai 2014.
Enfin, la déclaration à l'employeur, réalisée par M. [W] le lendemain de la constatation médicale de l'accident, est certes tardive au regard des dispositions de l'article R. 441-2 dans sa version applicable, qui prescrivent un délai de 24 heures à partir de l'accident. Néanmoins, le non respect de ce délai n'est pas sanctionné. En outre, compte-tenu de sa qualité d'intérimaire et de l'éloignement subséquent de son employeur, de l'existence de deux jours de congés de fin de semaine entre l'accident allégué et la déclaration à l'employeur, du temps pris pour consulter un médecin, le temps mis par M. [W] à déclarer l'accident n'est pas excessif.
S'ajoute à ces éléments le fait que l'employeur n'a pas émis la moindre réserve lors de la déclaration d'accident du travail. Si cela n'interdit pas à l'employeur de contester la matérialité de l'accident du travail, cette absence de réserve dénote à tout le moins que l'accident ne ne lui semblait alors pas improbable.
Ainsi, la caisse apporte un faisceau de présomptions sérieuses et concordantes qui lui permettent d'établir la matérialité de l'accident allégué au temps et au lieu de travail.
C'est ainsi de manière pertinente que les premiers juges ont considéré qu'il était établi une présomption d'accident du travail.
La société Adecco émet l'hypothèse que M. [W] ait pu se blesser lors du week-end, dans le cadre de sa vie privée. Mais cette allégation non étayée ne peut constituer la preuve d'une cause étrangère seule susceptible de renverser la présomption d'imputabilité au travail.
Il est ainsi établi que M. [W] a été victime le 23 mai 2014 d'un accident du travail, de sorte que la décision de prise en charge de celui-ci par la caisse est opposable à l'employeur, ce en quoi le jugement est confirmé.
Par ailleurs, la cour relève qu'en cause d'appel, l'employeur sollicite l'inopposabilité de la décision de prise en charge du seul accident, sans viser les soins et arrêts de travail postérieurs. Il ne développe aucun moyen critiquant spécifiquement le jugement en ce qu'il a déclaré opposable à l'employeur la prise en charge des arrêts et soins prescrits jusqu'à la consolidation de l'assuré. La cour n'étant saisie d'aucune critique de ce chef de décision, celui-ci est confirmé.
Par suite, la société Adecco est condamnée aux dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS,
Confirme le jugement rendu le 13 septembre 2019 par le tribunal de grande instance de La Roche-sur-Yon, pôle social, en toutes ses dispositions,
Condamne la société Adecco aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,