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02/02/2023 | FRANCE | N°20/02910

France | France, Cour d'appel de Poitiers, Chambre sociale, 02 février 2023, 20/02910


PC/PR































ARRET N° 72



N° RG 20/02910



N° Portalis DBV5-V-B7E-GEPG













S.A.S. SUD VENDEE DISTRIBUTION



C/



[A]























RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE POITIERS



Chambre sociale



ARRÊT DU 02 FEVRI

ER 2023





Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 novembre 2020 rendu par le Conseil de Prud'hommes de LA ROCHE-SUR-YON





APPELANTE :



S.A.S. SUD VENDEE DISTRIBUTION

N° SIRET : 303 644 850

[Adresse 5]

[Localité 2]



Ayant pour avocat Me Elise GALLET de la SCP TEN FRANCE, avocat au barreau de POITIERS





INTIMÉ :



Monsieur [D] [A]

...

PC/PR

ARRET N° 72

N° RG 20/02910

N° Portalis DBV5-V-B7E-GEPG

S.A.S. SUD VENDEE DISTRIBUTION

C/

[A]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE POITIERS

Chambre sociale

ARRÊT DU 02 FEVRIER 2023

Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 novembre 2020 rendu par le Conseil de Prud'hommes de LA ROCHE-SUR-YON

APPELANTE :

S.A.S. SUD VENDEE DISTRIBUTION

N° SIRET : 303 644 850

[Adresse 5]

[Localité 2]

Ayant pour avocat Me Elise GALLET de la SCP TEN FRANCE, avocat au barreau de POITIERS

INTIMÉ :

Monsieur [D] [A]

né le 13 mars 1961 à [Localité 4] (49)

[Adresse 1]

[Localité 3]

Ayant pour avocat Me Suzanne LAPERSONNE de la SARL BIDEAUD- LAPERSONNE, avocat au barreau de LA ROCHE-SUR-YON

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 05 octobre 2022, en audience publique, devant :

Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président qui a présenté son rapport

Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président

Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente

Madame Valérie COLLET, Conseiller

GREFFIER, lors des débats : Madame Patricia RIVIÈRE

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile que l'arrêt serait rendu le 8 décembre 2022. A cette date, le délibéré a été prorogé au 2 février 2023.

- Signé par Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président, et par Madame Patricia RIVIÈRE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE :

M. [D] [A] a été engagé le 27 juin 2014 par la SA.S. Sud Vendée Distribution, dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée, en qualité de responsable de centre automobile au niveau 5, statut d'agent de maîtrise, moyennant une rémunération mensuelle brute de 3100,90 €.

Une annexe à son contrat de travail prévoyait une délégation de pouvoir étendue sur le plan de l'activité commerciale mais aussi sur le plan de l'activité administrative, sur le plan technique ainsi que sur le plan des responsabilités vis-à-vis du personnel.

Par lettre du 26 juin 2018, remise en main propre, M. [A] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour faute grave fixé le 9 juillet 2018, cette convocation emportant mise à pied conservatoire.

Par LRAR du 5 juillet 2018, M. [A] dénonçait une 'éviction violente et injuste' en indiquant qu'il n'était pas dupe et que son employeur voulait se séparer de lui à moindre coût dans le projet d'un transfert et d'une réorganisation du centre automobile dont il avait la responsabilité. Il informait son employeur de son placement en arrêt-maladie jusqu'au 21 juillet 2018, situation interdisant sa présence à l'entretien préalable.

Par LRAR du 21 juillet 2018, la S.A.S. Sud Vendée Distribution notifiait à M. [A] son licenciement pour faute grave, visant les griefs suivants :

- facturations non conformes aux prestations réalisées: certaines pièces ont été simplement nettoyées afin de faire croire à un remplacement par des pièces neuves, pour d'autres ce sont des pièces d'occasion qui ont été mises en place, dans les deux cas, les pièces ont été facturées comme des pièces neuves,

- de manière récurrente et régulière, les prestations n'étaient pas réalisées en un seul rendez-vous, car les pièces n'avaient pas été commandées ou que partiellement, ce qui obligeait les clients à reprendre un nouveau rendez-vous,

- vente de produits avec des remises particulièrement importantes, sans l'accord préalable de la direction, dans des proportions totalement inhabituelles, ne relevant pas de l'activité normale de son secteur, certains de ces produits ayant été ultérieurement retrouvés sur un autre circuit de distribution à un prix bien supérieur au prix de cession,

- attitudes et agissements générant un certain malaise au sein de l'équipe alors qu'il est en charge de la gestion du secteur, de l'organisation du travail, des commandes et du bien-être de l'équipe, avec un comportement inapproprié envers ses collaborateurs devant les clients et mettant en cause la sécurité du personnel.

Par acte du 27 février 2019, M. [A] a saisi le conseil de prud'hommes de la Roche-sur-Yon d'une action en contestation de son licenciement et paiement de diverses indemnités.

Par jugement du 26 novembre 2020, le conseil de prud'hommes de la Roche- sur-Yon a :

- dit que la gravité des faits reprochés à M. [A] n'est pas démontrée,

- requalifié le licenciement prononcé le 28 juillet 2018 pour faute grave en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- condamné la S.A.S. Sud Vendée Distribution à verser à M. [A] les sommes de :

$gt; 3 861,84 € net à titre d'indemnité de licenciement,

$gt; 7 723,38 € brut à titre d'indemnité de préavis et 772,37 € brut au titre des congés payés y afférents,

$gt; 2 831,71 € au titre de la mise à pied conservatoire du 26 juin 2018 au 26 juillet 2018 et 283,17 € au titre des congés payés y afférents,

$gt; 23 171,04 € net en réparation de l'ensemble des préjudices professionnels, financiers et moraux subis dans le cadre du licenciement,

- débouté M. [A] de sa demande en dommages et intérêts sur la base de la Convention 158 de l'OIT ;

- ordonné à la S.A.S. Sud Vendée Distribution de remettre à M. [A] une attestation Pôle Emploi et un bulletin de salaire modifiés dans un délai du 15 jours à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 30 € par jour de retard ;

- dit que la condamnation produira intérêt aux taux légal à compter du dépôt de la requête, avec capitalisation des intérêts en application de l'article 1154 du code civil,

- ordonné l'exécution provisoire de la décision et fixé la moyenne mensuelle de salaire de M. [A] à la somme de 3 861,84 € net,

- condamné la S.A.S Sud Vendée Distribution à verser à M. [A] la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- débouté M. [A] du surplus de ses demandes ;

- débouté la S.A.S. Sud Vendée Distribution de ses demandes reconventionnelles,

- condamné la S.A.S. Sud Vendée Distribution aux entiers dépens.

La S.A.S. Sud Vendée Distribution a interjeté appel de cette décision selon déclaration transmise au greffe de la cour le 11 décembre 2020.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du magistrat de la mise en état en date du 7 septembre 2022.

Au terme de ses dernières conclusions remises et notifiées le 5 septembre 2022 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample des faits, prétentions et moyens, la S.A.S. Sud Vendée Distribution demande à la cour, infirmant le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf celle ayant débouté M. [A] de sa demande en dommages et intérêts sur la base de la convention 158 de l'OIT:

1 - à titre principal :

- de juger que le licenciement de M. [A] est fondé sur une faute grave,

- de débouter M. [A] de toutes ses demandes,

- de débouter M. [A] de son appel incident visant à réformer le jugement de première instance ayant rejeté sa demande tendant à ce que soit écartée l'application du barème d'indemnisation prévu par l'article L. 1235-3 du Code du travail et de sa demande incidente de voir condamner la société à lui régler la somme de 75 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse.

2 - subsidiairement :

- de juger que le licenciement de M. [A] n'est pas dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- de restreindre le montant des sommes allouées à M. [A] et les fixer comme suit :

$gt; 3 536,29 € net à titre d'indemnité légale de licenciement,

$gt; 7 072,58 € bruts d'indemnité de préavis,

$gt; 707,25 € bruts au titre des congés payés y afférents,

$gt; 2 831,71 € au titre du paiement du salarié de la mise à pied conservatoire du 26 juin au 26 juillet 2018,

$gt; 283,17 € brut à titre de congés payés.

3 - à titre infiniment subsidiaire, de limiter les dommages et intérêts alloués à M. [A] à hauteur de 10 608,87 € nets voire 17 681, 45 € nets maximum,

4 - en tout état de cause

- de rejeter l'appel incident de M. [A] et de le débouter de toutes ses demandes incidentes,

- de condamner M. [A] à lui verser la somme de 4 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par conclusions remises et notifiées le 10 juin 2021 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample des faits, prétentions et moyens, M. [A], formant appel incident, demande à la cour :

- de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré sans cause réelle et sérieuse son licenciement pour faute grave, l'a rétabli dans ses droits normaux au tire de la rupture du contrat de travail et de la période de mise à pied conservatoire et a condamné la S.A.S. Sud Vendée Distribution à lui verser les sommes de 3 861,84 € net à titre d'indemnité de licenciement,7 723,38 € brut à titre d'indemnité de préavis et 772,37 € brut au titre des congés payés y afférents, 2 831,71 € au titre de la mise à pied conservatoire du 26 juin 2018 au 26 juillet 2018 et 283,17 € au titre des congés payés y afférents,

- de réformer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté sa demande tendant à ce que soit écartée l'application du barème d'indemnisation prévu par l'article L. 1235-3 du code du travail et statuant à nouveau :

1 - à titre principal, de juger que doit être écarté le plafonnement prévu par l'article L. 1253-3 du Code du travail en raison de son inconventionnalité et de condamner la S.A.S. Sud Vendée Distribution à lui régler la somme de 75 000 € en réparation de l'ensemble des préjudices professionnels, financiers et moraux subis dans le cadre de son licenciement ;

2 - subsidiairement: de condamner la S.A.S. Sud Vendée Distribution à lui régler la somme de 19 309 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

3 - en tout état de cause :

- de confirmer les autres dispositions du jugement entrepris, de fixer la moyenne des rémunérations à la somme brute de 3 861,64 €, d'ordonner à la S.A.S. Sud Vendée Distribution de lui remettre une attestation Pôle Emploi et un bulletin de salaire modifiés prenant en compte les condamnations à intervenir dans un délai du 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 30 € par jour de retard, de dire que les condamnations produiront intérêt au taux légal à compter du dépôt de la requête,

- de condamner la S.A.S. Sud Vendée Distribution à lui régler la somme de 2 500 € au titre des frais irrépétibles de procédure engagés en cause d'appel, en sus de celle de 1 500 € accordée au titre des frais irrépétibles de première instance,

- de débouter la S.A.S. Sud Vendée Distribution de l'ensemble de ses demandes et de la condamner aux entiers dépens.

MOTIFS

I - Sur la contestation du bien-fondé même du licenciement :

Il doit être rappelé :

- que selon les articles L.1232-1 et L.1232-6 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, énoncée dans une lettre notifiée au salarié, que cette lettre, qui fixe les limites du litige doit exposer des motifs précis et matériellement vérifiables, permettant au juge d'en apprécier la réalité et le sérieux, que le juge ne peut pas examiner d'autres motifs que ceux évoqués dans la lettre de licenciement mais qu'il doit examiner tous les motifs invoqués, quand bien même ils n'auraient pas tous été évoqués dans les conclusions des parties,

- que la charge de la preuve du caractère réel et sérieux du licenciement ne pèse sur aucune des parties en particulier, le juge formant sa conviction au vu des éléments produits par chacun, l'employeur étant en droit, en cas de contestation, d'invoquer toutes les circonstances de fait qui permettent de justifier ce motif,

- que lorsque le licenciement est prononcé pour faute grave, il incombe à l'employeur de prouver la réalité de la faute grave, c'est-à-dire de prouver non seulement la réalité de la violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail mais aussi que cette faute est telle qu'elle impose le départ immédiat du salarié, le contrat ne pouvant se poursuivre même pour la durée limitée du préavis,

- qu'il appartient au juge d'apprécier la nature de la faute invoquée par l'employeur, que la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, la gravité de la faute s'appréciant en tenant compte du contexte des faits, de l'ancienneté du salarié, des conséquences que peuvent avoir les agissements du salarié, de l'existence ou de l'absence de précédents disciplinaires,

- que la loi impose que l'employeur prenne rapidement une décision après la découverte des faits et l'article L.1332-4 du code du travail indique qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul l'engagement de poursuites disciplinaires au delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales,

- que cependant, s'agissant de la faute grave, celle-ci rendant, par définition, impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, l'employeur doit engager la procédure de licenciement dans un délai restreint après qu'il a eu une connaissance suffisante des faits allégués dès lors qu'aucune vérification n'est nécessaire, la tardiveté de la mise en oeuvre de la procédure de licenciement tendant à démontrer que la faute alléguée ne rendait pas impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et qu'elle n'était donc pas grave.

1 - Sur les contestations d'ordre général soulevées par M. [A] :

Sur la contestation de la force probante de certains éléments de preuve produits par la S.A.S. Sud Vendée Distribution :

M. [A] conteste la force probante et la crédibilité de l'attestation établie le 24 mai 2019 par M. [Y] [C], mécanicien du centre auto (pièce 12) par laquelle ce dernier 'certifie sincère et véritable dans son intégralité le courrier (dactylographié) que j'ai signé en date du 31 mai 2018 et indissociable à la présente attestation', courrier aux termes duquel M. [C] dénonce (32 pièces jointes annexées) les 'faits et agissements' de son chef de rayon en détaillant divers faits recouvrant l'ensemble des griefs visés dans la lettre de licenciement.

Il soutient à ce titre que ce 'témoignage' n'est pas conforme aux dispositions de l'article 202 du C.P.C qui impose que l'attestation soit écrite, datée et signée de la main de son auteur, qu'il renvoie simplement à un courrier du 31 mai 2018 dont il se présente comme l'auteur et dont la teneur révèle l'aversion qu'il porte à son supérieur hiérarchique, ce 'témoignage' ayant été manifestement piloté par l'employeur qui a pris le soin d'y faire annexer des pièces justificatives, qu'il en résulte que les faits allégués par ce témoignage dépourvu de toute objectivité doivent être considérés comme insuffisamment établis.

En défense, la S.A.S. Sud Vendée Distribution soutient :

- que l'attestation du 24 mai 2019, faisant expressément référence au courrier du 31 mai 2018 est manuscrite, datée et signée et conforme aux exigences de l'article 202 du C.P.C.,

- que les premiers juges ont, à tort, écarté cette attestation (pourtant établie de la même manière que quatre autres témoignages de salariés versés aux débats (dont il n'est même pas fait mention dans le jugement),

- qu'en toute hypothèse, les dispositions de l'article 202 du C.P.C. ne sont pas sanctionnées par la nullité et qu'il incombe au juge, peu important la formalisme des attestations, d'en apprécier la valeur probante et la portée.

Sur ce,

La circonstance que l'attestation rédigée par M. [C] (comme celles, établies sur le même modèle par [Z] [L], [I] [W], [V] [H], [X] [M], pièces 45, 46, 47, 49) ne relate les faits auxquels il a assisté et qu'il a personnellement constatés que par référence à un courrier adressé à l'employeur antérieurement à l'engagement de la procédure disciplinaire n'est pas contraire aux exigences formelles imposées par l'article 202 du C.P.C. dès lors que ce courrier est annexé à l'attestation et que le témoin en affirme l'indissociabilité avec celle-ci.

En toute hypothèse, les dispositions de l'article 202 du C.P.C. ne sont pas prescrites à peine de nullité et une attestation non conforme ne peut être rejetée que si l'irrégularité l'affectant constitue l'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public faisant grief à la partie qui l'attaque, ce qui n'est pas le cas en l'espèce puisque l'annexion du courrier initial (et, s'agissant de M. [C], des pièces jointes à celui-ci) à l'attestation permet à la partie adverse d'avoir parfaite connaissance des faits invoqués par le témoin.

Il n'est en conséquence justifié d'aucune cause péremptoire de rejet de l'attestation de M. [C] dont la force probante sera appréciée au regard des éléments objectifs et vérifiables versés aux débats.

Sur la contestation fondée sur une prétendue imprécision de la motivation de la lettre de licenciement :

De manière générale, M. [A] expose que les griefs articulés dans la lettre de licenciement ne sont étayés par aucun exemple et doivent être écartés pour ce seul motif d'imprécision.

En réponse, la S.A.S. Sud Vendée Distribution soutient en substance :

- que le code du travail impose seulement d'énoncer les motifs du licenciement dans la lettre de notification, qu'il doit s'agir de motifs matériellement vérifiables, que ni date ni exemple précis et détaillé ne sont nécessaires, qu'il suffit que le motif soit matériellement vérifiable pour qu'il soit recevable et que la lettre de licenciement soit correctement motivée,

- que les phrases contenues dans la lettre de licenciement sont suffisamment précises pour que le salarié sache ce qui lui est reproché de telle sorte qu'il s'agit bien de faits matériellement vérifiables.

Sur ce,

Il doit être considéré que l'énonciation, dans la lettre de licenciement, d'un motif précis tel qu'exigé par l'article L1232-6 alinéa 2 du code du travail, n'implique pas l'obligation de dater les griefs allégués et que l'énonciation des motifs est suffisamment précise si les griefs allégués sont matériellement vérifiables, l'employeur pouvant, en cas de contestation, invoquer toutes les circonstances de fait justifiant le motif.

En l'espèce, la lettre de licenciement vise en substance quatre griefs génériques (facturations non conformes aux prestations réalisées, prestations réalisées en plusieurs rendez-vous, pratique de remises importantes et inhabituelles sans accord préalable de la direction, comportement inapproprié envers les collaborateurs) qui sont suffisamment précis au regard de l'exigence de motivation édictée par l'article L1232-6 du code du travail.

2 - Sur la matérialité même des griefs invoqués dans la lettre de licenciement :

Il doit être préalablement observé qu'aux termes de l'annexe I du contrat de travail, les missions, non limitatives, de M. [A], en sa qualité de responsable du centre automobile, consistaient, pour celles en lien avec les griefs formulés dans la lettre de licenciement :

- sur le plan commercial : positionnement des prix par rapport à la concurrence, commandes normales et promotions, accueil de la clientèle, responsabilité des stocks et de la rotation des marchandises, élaboration du plan de promotions, surveillance de la concurrence et adaptations éventuelles, rendement du linéaire,

- sur le plan administratif: calcul de la marge et des ratios rendement, étiquetage et information consommateurs,

- responsabilités vis à vis du personnel : accueil des nouveaux salariés, attributions des tâches et définition du plan de travail, information à propos des horaires, consignes d'hygiène et sécurité, consignes particulières au rayon, formation au poste de travail,

- réglementations particulières : responsable de la mise en place de toute la réglementation applicable au rayon (propreté, étiquetage, date limite de vente, réglementation des prix (exemple : vente à perte), commandes de produits conformes aux plans de promotion pour éviter les ruptures.

Grief n°1 : facturations non conformes aux prestations réalisées: certaines pièces ont été simplement nettoyées afin de faire croire à un remplacement par des pièces neuves, pour d'autres ce sont des pièces d'occasion qui ont été mises en place, dans les deux cas, les pièces ont été facturées comme des pièces neuves.

La S.A.S. Sud Vendée Distribution fait grief à M [A] d'avoir facturé des pièces neuves alors qu'il s'agissait de pièces d'occasion ou simplement maquillées et s'appuie sur l'attestation précitée de M. [C], ouvrier mécanicien du centre auto, faisant état de l'utilisation, à l'insu des clients, de pièces d'occasion prélevées sur des véhicules abandonnés et parfois maquillées pour les installer sur divers véhicules en les facturant comme des pièces neuves.

Elle soutient qu'il ne peut être fait grief à M. [C] d'avoir tardé à dénoncer les faits compte-tenu de son peu d'ancienneté dans l'entreprise et de la précarité initiale de sa situation d'intérimaire et qu'en toute hypothèse son attestation est corroborée par celles établies par deux autres salariés (MM. [L] et [M]) concernant notamment le 'trafic' de scooters consistant en des remplacements de pièces par des pièces usagées, prélevées sur des véhicules rachetés, au lieu de pièces neuves, le tout à l'insu du client.

Elle expose que ces faits sont inadmissibles et caractérisent à eux seuls une faute grave du salarié tant elle est caractéristique d'une tromperie à l'égard de la clientèle et d'une mise en danger de celle-ci, les pièces litigieuses étant facturées comme des pièces neuves.

Au soutien de ce grief, elle verse aux débats :

- l'attestation de M. [C] (pièce 12) :

$gt; sur une voiture dont les amortisseurs devaient être changés, M. [A] avait commandé 2 têtes d'amortisseurs droites et m'a fait remonter l'ancienne à gauche, en me précisant de bien la nettoyer pour qu'elle fasse neuve, le client est reparti en ayant payé et en pensant avoir ses têtes d'amortisseurs neuves alors que ce n'était pas le cas,

$gt; pendant un temps, il vendait de l'huile haut de gamme alors que nous mettions de l'huile bas de gamme dans les véhicules car nous avons des fûts d'huile de 220l. pour les vidanges et il avait commandé des fûts d'huile premier prix,

$gt; les scooters : depuis début 2017, nous n'avons plus de mécanicien scooter, les scooters sont réparés à la va-vite, M. [A] en répare de temps en temps, du moins il les magouille. Il devait changer 2 roulements de roue avant sur un scooter qui avait environ 1000 kms. Il n'avait commandé qu'un seul roulement et il a décidé de prendre la roue avant d'un scooter qui avait 5500 kms (qu'il avait auparavant racheté à un client car celui-ci était en panne) puis il a installé cette roue avec ses roulements de 5500 kms sur le scooter qui n'en avait que 1 000. Bien évidemment le client pense avoir 2 roulements neufs alors que ce n'est pas le cas. Ensuite ce scooter qu'il a racheté lui sert de 'magasin' la plupart des pièces qui étaient dessus ont été démontées par lui et il les a revendues pour des pièces neuves

$gt; en pièce jointe n1 une facture avec un garde-boue et une volute à la date du 28/04/2018. Sur la pièce jointe n2 vous constatez que ce garde-boue est un garde-boue d'occasion, assez abîmé avec une grosse rayure sur le devant que M. [A] m'a demandé de polisher pour qu'il soit comme neuf. Une fois le travail fait, M. [A] m'a demandé de monter le garde-boue sur le scooter du client. Vous retrouverez en pièce jointe n4 le prix du garde boue neuf. Une fois le garde-boue monté, il a fallu remplacer la volute cassée. Il nous l'a fait prendre sur un autre scooter qui n'appartient toujours par à Leclerc. Le client souhaite nous le donner mais n'a pas encore fait les papiers pour la cession du véhicule. Je l'ai nettoyée à fond comme le souhaitait M. [A] pour la monter sur le scooter en réparation avec l'aide de [Z], un collègue. En pièce jointe n5 vous trouverez la volute avec son prix d'achat, son prix de vente ainsi que le stock qui prouve que la volute vendue est d'occasion puisqu'il n'y en avait pas en stock. Au moment de la facturation, [Z] a relancé M. [A] sur le fait qu'on, vendait des pièces d'occasion pour du neuf, donc il fallait casser un peu le prix et avertir le client. M. [A] n'a pas voulu et a affirmé que le garde-boue était nickel donc qu'il fallait le vendre au prix du neuf. [Z] a donc fait la facture sous les ordres de M. [A] qui a arnaqué un client en lui faisant payer des pièces d'occasion pour des pièces neuves.

- l'attestation de M. [Z] [L] (pièce 45) :

M. [A] se permet de vendre des pièces de scooter d'occasion pour du neuf. C'est de l'arnaque et surtout c'est dangereux, il maquille les pièces pour tenter de leur donner un aspect neuf.

$gt; une poignée de frein refaite à neuve avec un coup de peinture,

$gt; un câble de frein nettoyé au dégraissant en posant la question à certain membre du personnel demandant s'il paraissait neuf,

$gt; un garde-boue polishé,

$gt; un roulement de roue où il ne savait pas qu'il fallait deux pièces, il en a donc commandé 1 et au lieu de repasser commande a pris une roue sur un scooter qui avait 5000 kms pour le remettre sur le scooter qui en avait tout juste 1000 kms. Le scooter démonté est dans l'atelier, digne d'une casse, tout ça pour gagner quelques euros.... Il se sert sur des scooters que les clients laissent à l'entrepôt mais aucune cession est faite...

- l'attestation de M. [B] [N], mécanicien auto (pièce 48) :

les scooters sont démontés, réparés avec des pièces d'occasion pris sur d'autres scooters qui partent normalement à la casse car M. [A] ne trouve pas de solution sur certain véhicule,

- l'attestation de M. [M] (pièce 49) :

M. [A] arnaque les clients : j'ai monté en roulement neuf sur un scooter avec un roulement d'un autre scooter épave qui avait 5000 kms car il en a commandé qu'un, il a préféré arnaquer le client en vendant pour du neuf puis surtout le mettre en danger que d'attendre de recevoir un nouveau roulement. Ensuite il a commandé des têtes d'amortisseurs pour un véhicule sauf qu'il a commandé les deux mêmes côtés, il a donc dit à mon collègue [Y] de remonter l'ancienne en la nettoyant bien, il vend des leviers de frein de scooter épave en les repeignant lui-même, il a fait rénover une barre avant de scooter pour le vendre à un client, tout ça vendu pour le prix d'un neuf (facture puis preuve par [Y]).

M. [A] conteste la matérialité même de ce grief, en exposant :

- que l'employeur s'appuie sur le témoignage malfaisant de M. [C] qui se répand en énonciations calomnieuses sur des faits qu'il conteste et qui portent, selon ses déclarations, sur une période concomitante à son embauche en contrat à durée indéterminée (novembre 2015), de sorte que la tardiveté de la dénonciation interroge,

- que les pièces vendues d'occasion à certains clients l'ont été en toute transparence et en application d'une réduction de prix par rapport à une pièce neuve, qu'ainsi le garde-boue et la volute ont été cédés moyennant un prix d'une trentaine d'euros et une pose gratuite à un jeune client qui recherchait une solution économique et était parfaitement informé de la situation, la subsistance d'une rayure visible par le client, qui n'a formé aucune réclamation, confirmant le caractère consensuel de cette opération, que les pièces annexes - fournies par l'employeur - n'établissent aucune rotation des stocks et que M. [L], en charge de cette opération, a omis de préciser l'existence d'une pièce d'occasion dans les commentaires de la facture,

- s'agissant de l'accusation portant sur un levier de frein faussement vendu comme neuf, que cette pièce était effectivement neuve mais que des conditions déplorables de stockage l'avaient ternie, nécessitant sa mise en peinture pour lui restituer son apparence initiale,

- s'agissant du prélèvement de pièces sur un scooter d'occasion, que le véhicule a été repris quasiment neuf à un client qui se plaignait de son manque de fiabilité, cette transaction ayant été validée par le directeur de l'époque, que les techniciens ont vainement cherché l'origine de la panne affectant ce véhicule qui est devenu le véhicule test du centre auto, certaines de ses pièces étant montées sur les véhicules de clients pour confirmer l'origine d'une panne, avant de commander les pièces neuves.

Sur ce,

Il résulte des énonciations précises et concordantes des témoignages de MM. [C], [L] et [M] et des éléments objectifs produits (factures, photographies, captures d'écran informatique) qu'ont été installées en avril 2018, à l'initiative de M. [A], sur le scooter d'un client, un garde-boue et une volute d'occasion, facturés au prix du neuf, sans qu'aucun élément objectif et vérifiable n'établisse que cette opération a été portée à la connaissance du client et acceptée par celui-ci, ce qui ne peut se déduire de la seule absence de facturation de main d'oeuvre ou d'un défaut d'aspect dont le caractère apparent pour un profane n'est pas établi.

Par ailleurs, M. [A] ne formule aucune observation relativement :

- au remplacement seulement partiel des têtes d'amortisseurs d'un véhicule, cependant facturé comme intégral, mentionné dans les attestations, précises et concordantes de MM. [C] et [M],

- à l'installation d'un roulement de roue de scooter d'occasion facturé au prix du neuf également mentionné dans les attestations [C] / [M] et [L],

- à la facturation d'huile de vidange de premier prix au prix d'huile 'premium'.

Enfin les explications fournies par M. [A] quant au 'relooking' d'un levier de frein et l'utilisation des pièces détachées d'un scooter prétendument racheté par le centre auto ne sont étayées par aucun élément objectif et vérifiable.

Les dispositions de l'article L1332-4 du code du travail sont inapplicables en l'espèce dès lors qu'aucun élément n'établit que l'employeur a eu connaissance de ces faits antérieurement à leur dénonciation par les salariés, le 31 mai 2018 s'agissant de M. [C] et de M. [U] et le 30 juin 2018, s'agissant de M. [M] et que la procédure disciplinaire a été engagée dans les deux mois de celle-ci (convocation à entretien préalable du 26 juin 2018).

La matérialité même de ce grief énoncé dans la lettre de licenciement est établie.

Grief n°2 : de manière récurrente et régulière, les prestations n'étaient pas réalisées en un seul rendez-vous, car les pièces n'avaient pas été commandées ou que partiellement, ce qui obligeait les clients à reprendre un nouveau rendez-vous :

La S.A.S. Sud Vendée Distribution expose que ce grief relève d'une négligence fautive et non d'une insuffisance professionnelle, contraignant un certain nombre de clients à prendre rendez-vous à plusieurs reprises pour une intervention banale, dégradant l'image du centre auto auprès de la clientèle en révélant un manque de sérieux, que la prise de commandes relevait du seul responsable qui s'en est déchargé sur des subordonnés de sorte que, faute de suivi par ses soins, des incohérences et problématiques sont survenues, qu'on peut ainsi reprocher à M. [A] son manque d'implication dans la gestion du centre auto, passant des appels et effectuant des courses personnelles sur son temps de travail.

A l'appui de ses allégations, la S.A.S. Sud Vendée Distribution produit :

- le courrier de M. [L] (pièce 45) : M. [A] délègue le maximum de son travail. Il ne s'investit pas dans l'entreprise et ne subit aucune pression. Je subis, avec mes collègues, cette pression supplémentaire car nous devons combler son travail manquant... M. [A] laisse tout traîner, les commandes sont passées au dernier moment...

-le courrier de Mme [V] [H] (hôtesse d'accueil, service location de véhicules) :

mardi 29 mai M. [S], très mécontent car il venait pour la 2ème fois changer ses disques et plaquettes de frein et la livraison n'était soi-disant pas arrivée alors qu'après le départ du client, M. [A] a dit à [K] que cette fois il allait les commander et il est parti dans son bureau,

- l'attestation de M. [B] [N], mécanicien auto, (pièce 48) les pièces détachées ne sont pas commandées en temps et en heure ce qui nous oblige à faire des allers-retours chez AD ou [R]. Forcément les OR ne sont pas créés.

- attestation de M. [M] (pièce 49) : M. [A] ne fait rien, pas de commandes, c'est [K], une collègue qui gère tout ça alors qu'au final du côté de l'atelier on n'a jamais nos pièces on doit appeler le fournisseur puis se déplacer aller les chercher...

M. [A] soutient :

- que ce grief relève de l'insuffisance professionnelle et non du champ disciplinaire et doit être écarté pour ce seul motif,

- qu'il n'est illustré par aucun exemple dans la lettre de licenciement et qu'il n'est justifié d'aucune réclamation de clients,

-que l'existence d'oubli ou de retard de commandes constitue un aléa inhérent à l'activité de tout centre automobile et résulte de l'interaction de plusieurs facteurs (complexité de la détermination des bonnes pièces, alors que la demande du client lors de la prise de rendez-vous ne correspond pas nécessairement au défaut constaté au démontage, nécessité pour le salarié du comptoir enregistrant la prise de rendez-vous de renseigner le caractère 'à commander' de la pièce, changement pour des nécessités comptables du processus de commande interdisant de faire le lien entre un acompte client et une commande, changement générateur d'oublis présentant un caractère inévitable compte-tenu du degré d'activité du centre auto).

Sur ce,

Il doit être considéré que les éléments produits par l'employeur, par leur caractère imprécis et vague, sont insuffisants à caractériser un manquement délibéré et récurrent de M. [A] dans sa mission de passation/contrôle des commandes de pièces détachées constitutif d'une faute disciplinaire, étant observé qu'il n'est de ce chef fait état que d'un incident avec un client et que l'employeur ne produit aucun élément objectif et vérifiable tel qu'un listing des rendez-vous caractérisant la répétition de tels incidents et/ou des attestations de clients mécontents.

La matérialité même de ce motif de licenciement n'est pas établie.

Grief n°3 : vente de produits avec des remises particulièrement importantes, sans l'accord préalable de la direction, et ce dans des proportions totalement inhabituelles, ne relevant pas de l'activité normale de votre secteur. Certains de ces produits ont été ultérieurement retrouvés sur un autre circuit de distribution à un prix bien supérieur au prix de cession.

La S.A.S. Sud Vendée Distribution soutient de ce chef :

- que les faits ne peuvent être considérés comme disciplinairement prescrits dès lors que le délai de deux mois s'apprécie non à compter de la date des faits mais de leur connaissance par l'employeur, que le directeur n'a pas connaissance de chaque vente de produits dans chaque rayon, a fortiori pour quel prix, remisé ou non, et quelle quantité et quelle marge, qu'elle n'en a eu connaissance que par la lettre de M. [C] du 31 mai 2018 et les pièces justificatives y annexées,

- qu'à trois reprises, M. [A] a instrumentalisé ses fonctions de responsable pour accorder des remises de prix excessives :

$gt; les 10 et 24 mars 2018, en vendant trois remorques à une seule et même personne au prix unitaire de 250 € alors qu'elle sont normalement vendues à 499 et 549 € l'unité, en arguant de l'existence de défauts esthétiques dont il n'est pas justifié, revendant ces remorques (acquises au prix de 348 €) à perte pour l'entreprise sans en informer la direction ni solliciter son aval,

$gt; le 28 avril 2017 en ayant fait personnellement l'acquisition de plaquettes de frein en s'accordant une remise non négligeable à hauteur de la totalité du prix d'achat (acquisition pour 46,20 € au lieu de 91,20 €),

$gt; le 16 août 2017 en vendant à perte 15 jeux de 4 jantes au même client au prix unitaire de 25 € au lieu de plus de 100 €, marchandise par la suite retrouvée sur un site de vente à un prix largement supérieur.

A l'appui de ses allégations, elle produit :

- l'attestation de M. [C] (pièce 12) reprenant en substance les développements précédents,

- les duplicata de factures de ventes des remorques et un extrait de logiciel mentionnant leur prix d'achat et leur prix de revente (pièces 21, 22 et 23),

- le duplicata de facture de vente des plaquettes de frein et un extrait de logiciel mentionnant leur prix d'achat et leur prix de revente (pièces 40 et 41)

- le duplicata de la facture de vente des jantes établissant le montant des remises de prix par rapport aux prix unitaires et des copies d'écran d'un site internet portant offre de vente à un prix largement supérieur, (pièces 42 et 44)

M. [A] conteste toute faute à ce titre en exposant :

- qu'il n'a fait qu'utiliser sa mission de positionnement des prix par rapport à la concurrence,

- que les faits sont en toute hypothèse prescrits dès lors que l'employeur a connaissance quotidiennement des chiffres d'affaires et des marges des différents rayons de son établissement,

- s'agissant des plaquettes de frein : qu'un ami recherchant un jeu de plaquettes l'ayant contacté, il a consisté dans les stocks un jeu de plaquettes 'premier prix' à un prix (91,20 €) anormalement élevé par rapport aux produits 'premium' équivalents (50,15 €) et a appliqué un prix correspondant à la valeur de marché de ce produit en prenant le soin d'établir une facture à son nom par souci de transparence, cette opération ayant permis de sortir du stock un produit qui y serait resté ad vitam tout en satisfaisant au juste prix les besoins d'un client,

- s'agissant des jantes alu : qu'elles étaient en stock entre 2006 et 2010 et difficiles à vendre compte-tenu de leur design passé de mode et qu'il les a vendues en lot à un professionnel,

- s'agissant des trois remorques, qu'elles ont été endommagées suite à une tempête et ont dû être ristournées dans un contexte où il avait reçu la consigne de libérer l'arrière-cour où elles étaient entreposées, que leur particulier mauvais état justifiait une remise, qu'elles étaient fournies avec des rehausses dont le prix compensait la perte de marge et que leur prix d'achat faisait l'objet d'un groupage (317 €) de sorte que leur prix de vente, sans rehausse et endommagées est conforme à ce qui pouvait en être raisonnablement attendu,

- qu'il verse aux débats une attestation de l'acheteur des remorques, M. [E] (pièce 25) : je déclare avoir acheté une première remorque le 10 mars 2018 et deux autres en date du 24 mars 2018 au prix de 250 € TTC l'unité. J'ai acheté les remorques à ce prix car elles présentaient des défauts d'aspect suite à la tempête notamment des trous dans le plancher et des ridelles tordues.

Sur ce,

Les dispositions de l'article L1232-4 du code du travail ne sont pas applicables de ce chef, le point de départ du délai de prescription de l'action disciplinaire devant être fixé non à la date des transactions litigieuses mais à la date à laquelle l'employeur en a eu ou aurait dû en avoir connaissance, l'employeur soutenant exactement qui'il ne peut être réputé connaître en temps réel les caractéristiques (prix, quantité, marge, remise) de chaque vente de produits pour tous les rayons, de sorte que le point de départ du délai de prescription doit être fixé au 31 mai 2018, date du signalement de M. [C].

Par ailleurs, s'agissant des faits survenus en avril et août 2017, il doit être rappelé que l'article L1232-4 ne s'oppose pas à la prise en considération d'un fait antérieur à deux mois, n'ayant pas fait l'objet d'une précédente sanction disciplinaire, dès lors qu'ils relèvent d'un comportement fautif identique aux faits non prescrits donnant lieu à l'engagement de poursuites disciplinaires

Les transactions litigieuses s'analysent en des ventes à perte en ce qu'elles ont été conclues à un prix unitaire inférieur au prix d'achat effectif.

Il n'est justifié par M. [A] ni d'une quelconque exception à la prohibition de cette pratique au sens de l'article L442-5 du code de commerce, ni d'une information préalable, ni, a fortiori, d'une demande d'autorisation auprès du directeur de l'établissement alors que ces ventes excédaient les pouvoirs dont il disposait en sa qualité de responsable du centre automobile, tels que définis à l'annexe I du contrat de travail, s'agissant en particulier du positionnement des prix et de l'adaptation par rapport à la concurrence, des commandes normales et promotions et du rendement du linéaire.

La matérialité de ce motif de licenciement est ainsi établie.

Grief n°4 : attitude et agissements générant un certain malaise au sein de l'équipe, comportement inapproprié envers les collaborateurs devant les clients et mettant en cause la sécurité du personnel.

La S.A.S. Sud Vendée Distribution expose à ce titre :

- que M. [A] n'a fait preuve d'aucune bienveillance dans sa manière de travailler avec l'équipe dont il était responsable :

$gt; que M. [C] était particuliérement la cible de ses réflexions, lui répétant sans cesse qu'il n'était pas mécanicien,

$gt; qu'il a injurié certains de ses employés (MM. [C] et [N]) en les traitant de 'petits cons' en raison d'une prétendue erreur de parking,

$gt; qu'un autre salarié, M. [L] a dénoncé des conditions de travail qui ne cessent d'empirer et deviennent invivables, épuisantes et stressantes,

$gt; que M. [M] expose qu'il s'en prend aux subordonnés, les rabaissant,

$gt; que Mme [W] dénonce le comportement de M. [A] qui, d'après elle, l'a dénigrée devant un client en lui disant qu'elle pouvait faire au moins çà vu qu'elle n'avait rien fait de la journée,

- que la politique sociale et les principes fondamentaux de management posés par le président de la société n'ont pas évolué nonobstant la succession des directeurs de l'établissement,

- qu'il appartenait à M. [A] de saisir le service RH en cas de besoin de recrutement au sein de son service.

Elle verse aux débats :

- l'attestation de M. [C] : un matin avec nos collègues nous avions pris l'habitude de nous garer sur un parking public à côte du centre auto, quand M. [A] est arrivé il nous a engueulé parce que nous n'étions pas stationné sur le parking employés et est même allé jusqu'à nous traiter de 'petits cons', le chef d'atelier lui a demandé de répéter ainsi que de s'excuser et M. [A] est parti dans le magasin sans dire un mot,

- l'attestation de M. [M] (pièce 45) : rien n'est jamais de sa faute, il passe son temps à critiquer les personnes du centre auto devant d'autres, il détruit l'équipe et dégoûte les gens du travail, il s'intéresse aux clients que seulement quand il en a envie, et n'hésite pas à les traiter plus bas que terre si cela ne va pas dons son sens, il se défile de plus en plus face à l'accueil et aux conflits et me dit que je dois gérer seul, le personnel quant à lui n'a aucune directive et ne connaît pas réellement son rôle et ses tâches,

- attestation de Mme [W] (pièce 46) : lors de la prise en charge d'un client au comptoir en présence de M. [A] à mes côtés, le client me remercie de mon efficacité. Devant le client, M. [A] lui dit que je pouvais au moins faire çà vu que je n'avais rien fait de la journée. Me sentant humiliée je suis restée sans voix et le client très gêné me regarde à nouveau et me confirme mon efficacité. L'accueil client n'étant pas une priorité pour M. [A], je me retrouve souvent à lui demander de l'aide dans l'instant, cependant sa réactivité n'est pas suffisamment rapide pour pallier à la présence intense des clients qui attendent à la caisse ou au comptoir,

- l'attestation de M. [N] (pièce 48) un matin il nous a insultés deux de mes collègues et moi-même de petit con car nous étions garés sur le parking adjacent du Leclerc et non pas sur le parking mis à la disposition du personnel.

M. [A] conteste la matérialité de ce grief en soutenant :

- qu'il a dû faire face à un manque de moyens matériels et humains pour lui permettre de mener à bien ses missions dans le contexte d'une activité très intense,

- que les attestations produites manquent totalement d'objectivité et ne décrivent aucun fait précis et daté, qu'il conteste avoir eu un comportement inapproprié à l'égard de ses collaborateurs et qu'il n'a de ce chef reçu aucun rappel à l'ordre ou remarque lors des entretiens d'évaluation dont il a vainement sollicité production aux débats,

- qu'il a dû exercer dans des conditions particulièrement difficiles, sous la responsabilité de quatre directeurs différents en quatre ans en s'adaptant en permanence aux changements de politique et de directives, que le centre auto travaillait à flux tendu ce qui était une source d'insatisfaction des salariés (perceptible dans leurs témoignages) contraints à une charge de travail importante.

Sur ce,

Si les attestations produites par la S.A.S. Sud Vendée Distribution comportent de ce chef des appréciations subjectives sur l'attitude et l'aptitude de M. [A] dans ses fonctions de chef de service qui ne sont étayées par aucun élément objectif et vérifiable, deux incidents sont cependant décrits d'une part, par Mme [W] et, d'autre part, par MM. [C] et [N] de manière circonstanciée, non contestée par M. [A] et révélant un comportement déplacé et méprisant à l'égard de ses subordonnés incompatible avec ses fonctions de responsable de service.

La matérialité même de ce grief apparaît ainsi partiellement établie.

3 - Sur l'incidence des griefs établis à l'encontre de M. [A] sur le sort du contrat de travail :

Il doit être considéré que si les faits visés dans la lettre de licenciement dont la matérialité a ci-dessus été constatée constituent, en ce qu'ils emportent une perte de confiance certaine envers un salarié investi de fonctions de responsabilité, un motif légitime de rupture du contrat de travail, l'ancienneté de M. [A], de l'absence de tout incident disciplinaire le concernant depuis son embauche et de toute preuve directe d'insatisfaction et/ou de mécontentement de la clientèle ne leur confèrent pas un degré de gravité justifiant la rupture immédiate de la relation de travail.

Il convient dès lors, réformant le jugement déféré, de juger que le licenciement de M. [A] repose sur une cause réelle et sérieuse, non privative des indemnités de rupture du contrat de travail.

II - Sur les conséquences de la requalification du licenciement :

En suite de la requalification du licenciement en licenciement reposant sur une cause réelle et sérieuse et non sur une faute grave, M. [A] est en droit de prétendre au bénéfice de l'indemnité légale de licenciement, de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés y afférents et à un rappel de rémunération au titre de la mise à pied conservatoire injustifiée.

Sur la base d'un salaire mensuel de référence de 3 536,29 € brut (salaires des douze derniers mois et prime d'activité (attestation Pôle Emploi, pièce 11 de l'intimé), il sera en conséquence alloué à M. [A] les sommes de :

- 7 072,58 € brut outre 707,25 € brut au titre des congés payés afférents,

- 3 536,29 € brut à titre d'indemnité de licenciement (quatre ans d'ancienneté),

- 2 831,71 € brut au titre du salaire pendant la mise à pied conservatoire du 26 juin au 26 juillet 2018, outre 283,71 € brut au titre des congés pays afférents, conformément à la demande de M. [A].

Le licenciement reposant sur une cause réelle et sérieuse, M. [A] sera débouté de sa demande indemnitaire pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La S.A.S. Sud Vendée Distribution sera condamnée à remettre à M. [A], dans le mois suivant le prononcé de la présente décision, les documents de fin de contrat (attestation Pôle Emploi, certificat de travail, bulletin de salaire modifié) rectifiés en fonction de celle-ci, sans qu'il y ait lieu au prononcé d'une astreinte de ce chef.

Les sommes allouées à M. [A] ayant un caractère de salaire produiront intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation et celles présentant un caractère indemnitaire produiront intérêts au taux légal à compter du prononcé de la présente décision, avec capitalisation des intérêts dans les conditions prévues par l'article 1343-2 du code civil.

L'équité commande d'allouer à M. [A], en application de l'article 700 du C.P.C., la somme globale de 1 500 € au titre des frais irrépétibles par lui exposés en cause d'appel, le jugement déféré étant confirmé en ce qu'il a condamné de ce chef la S.A.S. Sud Vendée Distribution à lui payer la somme de 1 500 € au titre des frais exposés en première instance.

La S.A.S. Sud Vendée Distribution sera condamnée aux entiers dépens d'appel et de première instance.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

Vu le jugement du conseil de prud'hommes de la Roche-sur-Yon en date du 26 novembre 2020,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné la S.A.S. Sud Vendée Distribution à payer à M. [D] [A] les sommes de 2 831,71 € brut au titre du salaire correspondant à la période de mise à pied conservatoire du 26 juin au 26 juillet 2018, de 283,17 € brut au titre des congés payés afférents et de 1 500 € en application de l'article 700 du C.P.C., outre les dépens de première instance,

Réformant la décision entreprise pour le surplus et statuant à nouveau :

- Juge que le licenciement de M. [A] repose sur une cause réelle et sérieuse, non constitutive de faute grave,

- Condamne la S.A.S. Sud Vendée Distribution à payer à M. [A] les sommes de :

$gt; 7 072,58 € brut outre 707,25 € brut au titre des congés payés afférents,

$gt; 3 536,29 € brut à titre d'indemnité de licenciement,

- Déboute M. [A] de sa demande indemnitaire pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- Dit que les sommes allouées à M. [A] ayant un caractère de salaire produiront intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation et celles présentant un caractère indemnitaire produiront intérêts au taux légal à compter du prononcé de la présente décision, avec capitalisation des intérêts dans les conditions prévues par l'article 1343-2 du code civil,

- Condamne la S.A.S. Sud Vendée Distribution à remettre à M. [A] les documents de fin de contrat rectifiés en fonction de la présente décision, dans le mois de son prononcé,

- Dit n'y avoir lieu à assortir cette dernière condamnation d'une astreinte,

Ajoutant au jugement déféré :

- Condamne la S.A.S. Sud Vendée Distribution à payer à M. [A], en application de l'article 700 du C.P.C., la somme de 1 500 € au titre des frais irrépétibles par lui exposés en cause d'appel,

- Condamne la S.A.S. Sud Vendée Distribution aux dépens d'appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Poitiers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20/02910
Date de la décision : 02/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-02;20.02910 ?
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