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02/02/2023 | FRANCE | N°21/00579

France | France, Cour d'appel de Poitiers, Chambre sociale, 02 février 2023, 21/00579


PC/LD































ARRET N° 57



N° RG 21/00579

N° Portalis DBV5-V-B7F-GGL2













PÔLE EMPLOI NOUVELLE AQUITAINE



C/



[U]

























RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE POITIERS



Chambre Sociale



ARRÊT DU 02 FEV

RIER 2023





Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 janvier 2021 rendu par le Conseil de Prud'hommes de POITIERS





APPELANTE :



PÔLE EMPLOI NOUVELLE AQUITAINE

[Adresse 4]

[Localité 2]



Ayant pour avocat postulant Me Jérôme CLERC de la SELARL LEXAVOUE POITIERS-ORLEANS, avocat au barreau de POITIERS



Et ayant pour avocat plaidant Me Ca...

PC/LD

ARRET N° 57

N° RG 21/00579

N° Portalis DBV5-V-B7F-GGL2

PÔLE EMPLOI NOUVELLE AQUITAINE

C/

[U]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE POITIERS

Chambre Sociale

ARRÊT DU 02 FEVRIER 2023

Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 janvier 2021 rendu par le Conseil de Prud'hommes de POITIERS

APPELANTE :

PÔLE EMPLOI NOUVELLE AQUITAINE

[Adresse 4]

[Localité 2]

Ayant pour avocat postulant Me Jérôme CLERC de la SELARL LEXAVOUE POITIERS-ORLEANS, avocat au barreau de POITIERS

Et ayant pour avocat plaidant Me Carole MORET de la SELAS BARTHELEMY AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

Madame [G] [U] épouse [L]

née le 26 Juin 1965 à AUDINCOURT (25)

[Adresse 1]

[Localité 3]

Ayant pour avocat plaidant Me Isabelle MALARD de la SELARL MALARD AVOCATS, avocat au barreau de POITIERS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 14 Novembre 2022, en audience publique, devant :

Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président

Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente

Madame Valérie COLLET, Conseiller

GREFFIER, lors des débats : Monsieur Lionel DUCASSE

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- Signé par Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président, et par Monsieur Lionel DUCASSE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE :

Mme [G] [U] épouse [L] a été engagée par l'Assedic Poitou- Charentes (devenue Pôle Emploi Nouvelle Aquitaine) en qualité d'agent administratif par contrat à durée déterminée du 1er août 1995 puis contrat à durée indéterminée à compter du 1er mai 1996.

Dans le dernier état de la relation de travail, Mme [L] occupait un poste de conseiller emploi, coefficient 220, échelon 1.

Mme [L] a été placée en arrêt de travail 'longue maladie' à compter d'avril 2010 et classée en invalidité de 2ème catégorie en mai 2013.

Dans le cadre d'une visite de reprise organisée le 21 décembre 2015, le médecin du travail a émis un avis d'inaptitude ainsi rédigé : inapte totalement et définitivement à son poste de travail y compris télétravail, sans demande de réinsertion en lien avec décision d'invalidité catégorie II, procédure d'urgence article R4624-31 du code du travail, pas de 2de visite'.

Le 28 décembre 2015, l'employeur adressait un courrier au médecin du travail, sollicitant ses préconisations en termes d'aménagement, d'adaptation du poste de travail ou toutes autres mesures qui lui permettraient de proposer à Mme [L] un emploi adapté à ses capacités.

Le médecin du travail précisait, par courrier du 15 janvier 2016, reçu par l'employeur le 18 janvier 2016, qu'il réitérait son avis d'inaptitude totale et définitive à tous postes de travail y compris télétravail sans demande de réinsertion d'où aucune préconisation d'aménagement, d'adaptation de poste de travail.

Par LRAR distinctes du 15 janvier 2016, Pôle Emploi Aquitaine Limousin Poitou-Charentes :

- informait Mme [L] de l'absence de solution de reclassement compatible avec l'avis médical, tant en son propre sein que dans les autres établissements de Pôle Emploi,

- convoquait Mme [L] à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement.

Pôle Emploi Aquitaine Limousin Poitou-Charentes a notifié à Mme [L] son licenciement pour inaptitude totale et définitive et impossibilité de reclassement par LRAR du 2 février 2016.

Par acte reçu le 1er février 2018, Mme [L] a saisi le conseil de prud'hommes de Poitiers en contestation de son licenciement.

Par jugement du 22 janvier 2021, le conseil de prud'hommes de Poitiers a :

- dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse en raison du délai pris par Pôle

Emploi à organiser la visite de reprise et pour absence de recherche sérieuse de reclassement,

- condamné Pôle Emploi à payer à Mme [L] les sommes de :

$gt; 39 500 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

$gt; 5213,84 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

$gt; 521,38 € au titre des congés payés sur préavis,

$gt; 336,37 € au titre du salaire de décembre 2015,

$gt; 33,63 € au titre des congés payés y afférents,

$gt; 2 606,92 € au titre du salaire de janvier 2016,

$gt; 260,69 € au titre des congés payés y afférents,

- condamné Pôle Emploi à remettre à Mme [L] les bulletins de salaire de janvier et février 2016 et les documents de fin de contrat,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- condamné Pôle Emploi à payer à Mme [L] la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du C.P.C., outre les dépens.

Pôle Emploi Nouvelle Aquitaine (nouvelle dénomination de Pôle Emploi Aquitaine Limousin Poitou-Charentes, ci-après Pôle Emploi) a interjeté appel de cette décision selon déclaration transmise au greffe de la cour le 22 février 2021.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du magistrat de la mise en état en date du 17 octobre 2022.

Au terme de ses dernières conclusions remises et notifiées le 22 novembre 2021 auxquelles il convient de se référer pour l'exposé détaillé des éléments de droit et de fait, Pôle Emploi demande à la cour, réformant le jugement entrepris en toutes ses dispositions susvisées :

- de débouter Mme [L] de ses demandes principales de dommages-intérêts, de rappel de salaire et de congés payés afférents, de préavis et de congés payés sur préavis,

- de débouter Mme [L] de sa demande subsidiaire en réparation de préjudice subi et de rappel de salaire et de congés payés sur rappel de salaire,

- de débouter Mme [L] du surplus de ses demandes,

- de condamner Mme [L] au paiement d'une indemnité de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du C.P.C., outre les dépens.

Par conclusions remises et notifiées le 23 août 2021, Mme [L], formant appel incident, demande à la cour :

- de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a déclaré le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamné Pôle Emploi à lui payer les sommes de 336,37 € au titre du salaire de décembre 2015, 33,63 € au titre des congés payés y afférents, 2 606,92 € au titre du salaire de janvier 2016, 260,69 € au titre des congés payés y afférents, 5213,84 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 521,38 € au titre des congés payés sur préavis et de 2 000 € en application de l'article 700 du C.P.C. et en ce qu'il a condamné Pôle Emploi à lui remettre les bulletins de salaire de janvier et février 2016 et les documents de fin de contrat,

- de réformer la décision entreprise en ce qu'elle a condamné Pôle Emploi à lui payer la somme de 39 500 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de condamner Pôle Emploi à lui payer de ce chef la somme de 52 138,40 €,

- subsidiairement, si la cour devait dire que le licenciement est pourvu d'une cause réelle et sérieuse, de condamner Pôle Emploi à lui payer la somme de 15 000 € en réparation du préjudice subi du fait du retard apporté à la réalisation de la visite de reprise et celles de 1 031,28 € à titre de rappel de salaire pour janvier 2016 et 103,12 € au titre des congés payés y afférents,

- en toute hypothèse, de condamner Pôle Emploi à lui payer la somme de 4 000 € au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

MOTIFS

I - Sur la contestation même du licenciement :

Au soutien de leur décision, les premiers juges ont considéré que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse :

1 - en raison du délai pris par Pôle Emploi pour organiser la visite de reprise en relevant que Mme [L] a été en arrêt maladie continu depuis avril 2010, déclarée en invalidité catégorie 2 depuis avril 2013 et que dans cette hypothèse, il appartient à l'employeur, sans attendre la date de fin de l'arrêt de travail, d'organiser sans tarder la visite de reprise si le salarié ne manifeste pas son intention de ne pas reprendre le travail, que Mme [L] a subi un préjudice financier du fait de cette tardiveté dans la mesure où le mode de calcul de l'indemnité de licenciement a été modifié entre temps dans des conditions désavantageuses pour elle,

2 - en raison d'un manquement de l'employeur à son obligation de reclassement, dès lors qu'ayant demandé des précisions au médecin du travail sur la portée de l'avis d'inaptitude par lui établi, il a, sans attendre la réponse de celui-ci, entamé des recherches de reclassement et engagé la procédure de licenciement, les recherches de reclassement devant dès lors être considérées comme ni réelles ni sérieuses.

Pôle Emploi conclut à la réformation du jugement en soutenant, en substance :

1 - sur la prétendue tardiveté de la visite de reprise :

$gt; que si l'employeur doit organiser une visite de reprise si le salarié est classé en invalidité 2ème catégorie et n'a pas manifesté la volonté de ne pas reprendre le travail, il n'existe aucun délai précis pour y procéder, la caractérisation d'une éventuelle tardiveté étant laissée à l'appréciation du juge,

$gt; qu'en l'espèce, Mme [L] souhaitait ne pas être licenciée rapidement mais pouvoir demeurer dans l'institution, qu'elle n'a jamais demandé l'organisation d'une visite de reprise, étant prise en charge au titre de la couverture prévoyance de l'employeur,

$gt; qu'à supposer même établie la tardiveté de la visite de reprise, elle ne saurait fonder une absence de cause réelle et sérieuse de licenciement qui nécessite de démontrer que ne sont pas respectées les conclusions du médecin du travail et/ou l'obligation de recherche de reclassement,

$gt; que peu importe que Mme [L] ait postérieurement au 21 décembre 2015 continué d'être en arrêt maladie, étant considéré qu'une inaptitude peut parfaitement être constatée par le médecin du travail pendant une période de prolongation d'arrêt de travail prescrit par un médecin traitant,

$gt; qu'est également inopérant le fait que le mode de calcul de l'indemnité de licenciement a changé, dans un sens défavorable à la salariée, depuis la reconnaissance de l'invalidité Mme [L] n'ayant subi aucun grief de ce chef puisqu'elle a été indemnisée sur les bases de calcul antérieures plus favorables,

2 - sur la prétendue absence de recherche de reclassement :

$gt; que l'avis du médecin du travail - qui a appliqué la procédure d'urgence - était catégorique et excluait toutes possibilités de reclassement,

$gt; que l'employeur a bien recherché des pistes de reclassement en demandant au médecin du travail son avis, lequel a été réitéré le 15 janvier 2016,

$gt; que dans l'intervalle, l'employeur a effectué des recherches de reclassement tant dans son établissement qu'auprès des autres établissements régionaux, ainsi que l'établit un mail du 31 décembre 2015 formalisant de manière précise la demande de reclassement, que

des réponses négatives ont été reçues entre le 4 et le 11 janvier 2016

$gt; que rien n'interdit que les démarches de reclassement soient menées dès que possible dès lors que la visite de reprise a eu lieu et a conclu à un avis d'inaptitude, sans avoir besoin d'attendre une quelconque confirmation du médecin du travail dont la probabilité de changement d'avis était très faible, étant considéré que s'il y avait eu une modification, l'employeur aurait enclenché une nouvelle demande de reclassement,

$gt; que Mme [L] n'a été licenciée par courrier du 1er février 2016 qu'après que le médecin du travail ait rendu son avis définitif, ait confirmé l'absence de solutions de reclassement et que l'employeur ait sollicité tous les établissements,

$gt; qu'y compris dans l'hypothèse où l'employeur n'a pas encore connaissance de la position du médecin du travail, la convocation à entretien préalable ne présume pas de la décision finale et ne rend en rien inéluctable le prononcé du licenciement, l'obligation de recherche de reclassement demeurant jusqu'à la notification du licenciement et même à l'issue du délai d'un mois faisant suite à la visite de reprise,

$gt; que l'employeur n'avait aucune obligation de consulter les représentants du personnel, s'agissant d'une inaptitude non professionnelle, ainsi que prévu par l'article L1226-2 du code du travail dans sa rédaction applicable en l'espèce,

$gt; que les documents d'enregistrement postal établissent que les courriers notifiant l'impossibilité de reclassement et l'engagement de la procédure de licenciement ont été adressés dans cet ordre et que rien n'interdit qu'ils soient adressés le même jour.

Mme [L] conclut à la confirmation de la décision déférée ayant déclaré son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, en soutenant, pour l'essentiel :

1 - quant l'absence de visite de reprise :

- que l'employeur a mis en place une visite de reprise le 21 décembre 2015 alors même qu'elle était encore en arrêt-maladie jusqu'au 28 décembre 2015,

- qu'il résulte cependant des articles R4624-31 et suivants du code du travail que l'examen médical de reprise ne peut intervenir qu'après le terme de l'arrêt de travail et la reprise effective du travail, qu'ainsi l'obligation de l'employeur d' organiser la visite de reprise n'existe pas tant que le salarié n'a pas repris le travail ni manifesté interjeté appel de cette décision selon déclaration transmise au greffe de la cour la volonté de le reprendre, ni sollicité l'organisation d'une telle visite,

- qu'en l'absence de visite médicale de reprise (puisque l'arrêt maladie était toujours en cours), la procédure de licenciement pour inaptitude se trouve entachée d'une irrégularité substantielle et qu'aucune autre visite n'ayant été réalisée à l'issue de l'arrêt de travail, le licenciement est nécessairement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

2 - quant à l'absence de recherche de reclassement :

- que déclarée inapte à tous postes de travail dans l'entreprise le 21 décembre 2015, elle a été convoquée à un entretien préalable par courrier du 15 janvier 2016 et recevait le même jour un courrier l'informant de l'impossibilité de reclassement,

- que Pôle Emploi ne justifie pas ni d'une consultation des représentants du personnel ni des démarches effectuées dans le cadre de la recherche d'un reclassement, alors même qu'indiquant dans la lettre de licenciement avoir sollicité le médecin du travail par LRAR le 28 décembre 2015 afin qu'il communique ses préconisations en termes d'aménagement, d'adaptation du poste de travail ou toutes autres mesures permettant de proposer un emploi adapté, l'employeur a engagé les recherches de reclassement dès le 31 décembre 2015, sans attendre la réponse du médecin du travail qui ne lui est parvenue que le 18 janvier 2016, postérieurement aux notifications de

l'impossibilité de reclassement et de la convocation à entretien préalable,

- que le mail adressé aux établissements de Pôle Emploi est antérieur à d'éventuelles préconisations du médecin du travail pourtant sollicitées par l'employeur, de sorte que les établissements interrogés ne pouvaient être en mesure d'apprécier correctement la situation, que par ailleurs, ce mail est très général et aucunement spécifique à sa situation,

- que si l'on peut concevoir que des démarches puissent être entreprises au plus tôt, il est cependant indispensable que les établissements interrogés soient parfaitement informés sur le poste recherché et qu'à défaut, aucune proposition sérieuse ne peut être formulée,

- que la recherche entreprise par Pôle Emploi est une interrogation de pure forme qui ne peut revêtir le caractère sérieux imposé par la loi, étant rappelé que la recherche de reclassement doit être effectuée même si le salarié est déclaré inapte à tout poste de travail et que le classement d'un salarié en invalidité deuxième catégorie par la sécurité sociale est sans incidence sur l'obligation de reclassement du salarié inapte qui incombe à l'employeur par application des dispositions du code du travail.

Sur ce,

Il résulte des pièces versées aux débats :

- que Mme [L] a été placée en arrêt de travail pour longue maladie à compter du 26 avril 2010 et a bénéficié d'arrêts de travail constamment renouvelés,

- qu'elle s'est vue notifier le 30 mai 2013 son classement en invalidité de deuxième catégorie au sens de l'article L341-4 du code de la sécurité sociale (pièce 12 de l'appelant),

- que le 9 novembre 2015, Pôle Emploi a sollicité du médecin du travail l'organisation d'une visite de reprise en exposant que Mme [L] est arrêtée pour maladie depuis le 26 avril 2010, qu'à ce jour elle est couverte par un arrêt de travail qui est prolongé jusqu'au 3/12/2015, qu'elle est absente de l'entreprise depuis plus de 5 ans, qu'elle bénéficie d'une pension d'invalidité 2ème catégorie depuis le 26/04/2013 et que l'employeur s'interroge sur le devenir de cet agent dans son établissement, la fait que la CPAM ait octroyé une pension d'invalidité laissant penser que son état est consolidé, qu'à ce titre, au regard d'une jurisprudence constante de la Cour de cassation il souhaiterait que le médecin du travail reçoive la salariée afin d'envisager les conditions éventuelles d'une reprise du travail ou d'une inaptitude (pièce 15 Pôle Emploi),

- que l'arrêt de travail de Mme [L] a été prolongé le 4 décembre 2015 jusqu'au 28 décembre 2015 (pièce 8 de l'intimée),

- qu'à l'issue d'un examen pratiqué le 21 décembre 2015, le médecin du travail a établi une fiche d'avis médical 'visite de reprise' portant avis d'inaptitude totale et définitive à tout poste de travail y compris télétravail, sans demande de réinsertion en lien avec décision d'invalidité catégorie II procédure d'urgence article R4624-31 du code du travail, pas de seconde visite,

- l'employeur a notifié à Mme [L] son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement par LRAR du 2 février 2016.

Dès lors qu'il est, comme en l'espèce, informé de la mise en invalidité de deuxième catégorie d'un salarié qui n'a pas exprimé de façon univoque sa volonté de ne pas reprendre le travail, il incombe à l'employeur de faire procéder à une visite de reprise laquelle met fin à la suspension du contrat de travail, peu important dès lors que le salarié fût encore couvert par un arrêt de travail à la date de cette visite.

En l'espèce, l'inaptitude de Mme [L] a été régulièrement constatée par le médecin du travail, en un seul examen, au visa de l'article R4624-31 dernier alinéa du code du travail en sa rédaction issue du décret 2012-135 du 30 janvier

2012 et la seule circonstance que la visite a été organisée plus de deux ans après la mise en invalidité de Mme [L] est sans incidence sur la légitimité du motif de licenciement, étant seulement de nature à justifier, si elle était imputable à une négligence fautive de l'employeur, l'octroi de dommages-intérêts à la salariée.

Le jugement déféré sera en conséquence réformé en ce qu'il a jugé le licenciement de Mme [L] dépourvu de cause réelle et sérieuse en raison du délai pris par Pôle Emploi pour organiser la visite de reprise et le moyen soulevé par Mme [L] du chef d'une prétendue irrégularité de la visite de reprise du 21 décembre 2015 sera rejeté.

Sur la contestation soulevée du chef d'un prétendu non-respect de l'obligation de recherche de reclassement :

Le moyen tiré de l'absence de consultation des représentants du personnel sera rejeté, l'article L1226-2 du code du travail, en sa rédaction applicable en l'espèce (antérieure à l'entrée en vigueur de la loi 2016-1088 du 8 août 2016) ne prévoyant pas une telle obligation en matière d'inaptitude consécutive à une maladie ou un accident non professionnels.

Le moyen tiré de l'envoi, le même jour, de la notification de l'impossibilité de reclassement et de la convocation à entretien préalable sera également rejeté, étant considéré que :

- si l'article L126-2-1 du code du travail impose à l'employeur de faire connaître au salarié, par écrit, non seulement l'impossibilité de reclassement mais également les motifs qui s'opposent à ce reclassement, ce, avant que ne soit engagée la procédure de licenciement,

- la violation de cette obligation ne prive pas le licenciement de cause réelle et sérieuse mais ouvre seulement droit à indemnisation du préjudice pouvant en résulter,

- étant par ailleurs constaté qu'il est en l'espèce justifié par la production des preuves de dépôt des plis recommandés portant numéro d'envoi que la notification de l'impossibilité de reclassement (8482 7) est intervenue avant celle de la convocation à entretien préalable (8483 4).

Il doit être rappelé :

- que lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités ; que cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise ; que l'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail (article L1226-2 du code du travail en sa rédaction applicable, antérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 8 août 2016),

- que la recherche de reclassement doit être sincère et loyale et la proposition de reclassement de l'employeur doit être précise et contenir la qualification du poste, les horaires de travail et la rémunération,

- que lorsqu'il est impossible à l'employeur de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent à son reclassement (article L. 1226-12 du code du travail),

- que l'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-2, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi,

- que l'obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l'employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, en prenant en compte l'avis et les indications du médecin du travail.

En suite de l'avis d'inaptitude émis le 21 décembre 2015, l'employeur a :

- adressé par LRAR datée du 28 décembre 2015 au médecin du travail une 'demande de précisions' pour connaître ses préconisations en termes d'aménagement, d'adaptation du poste de travail ou toutes autres mesures permettant de proposer à Mme [L] un emploi adapté à ses capacités,

- adressé, par mail du 31 décembre 2015, à l'ensemble des établissements Pôle Emploi implantés sur le territoire national, une demande de reclassement ainsi rédigée : Notre salariée, [L] [G], conseillère en gestion des droits sur le site de [Localité 5] a été déclarée inapte par le médecin du travail.. L'avis médical du 21 décembre 2015 suite à la 1ère visite est le suivant (reprise intégrale des motifs de l'avis d'inaptitude) Comme vous le savez les dispositions du code du travail nous obligent à rechercher toutes les possibilités de reclassement au niveau de l'entreprise. C'est dans ce cadre que je sollicite l'ensemble des directions régionales. Nous recherchons un poste compatible avec les recommandations du médecin du travail. Dans ce cadre nous vos prions de bien vouloir étudier, au regard des caractéristiques de Mme [L] toutes éventuelles possibilités de reclassement au sein de votre établissement qu'il s'agisse d'un poste aménageable, existant ou en création. Le cas échéant, merci de joindre la description détaillé du poste. Les données administratives de Mme [L] sont les suivantes : dernier emploi occupé : conseiller en gestion des droits, coefficient : 220-1, date d'embauche : 01/08/1995 âge : 50 ans, horaire hebdomadaire : temps plein. Dans l'attente d'une réponse positive ou négative de votre part au plus tard pour le 10 janvier 2016....

- reçu entre le 4 janvier et le 11 janvier 2016 diverses réponses négatives versées aux débats en pièce 17 ( Aquitaine, Nord Pas de Calais, Bretagne, Normandie, Pays de la Loire, PACA, Pôle Emploi Services, ne représentant pas toutes les directions régionales interrogées),

- adressé à Mme [L], le 15 janvier 2016 les notifications précitées de l'impossibilité de son reclassement et de sa convocation à entretien préalable,

- reçu le 18 janvier 2016 (date portée sur le tampon apposé par le service DRH) un courrier recommandé daté du 15 janvier 2016 par lequel le médecin du travail, en réponse à son courrier du 28 décembre 2015, réitérait son avis d'inaptitude totale et définitive à tous postes de travail y compris télétravail sans demande de réinsertion d'où aucune préconisation d'aménagement, d'adaptation de poste de travail.

Il apparaît ainsi que, sans attendre la réponse du médecin du travail à sa demande de précisions, Pôle Emploi Poitou-Charentes a lancé une demande de recherche de reclassement auprès des autres directions régionales, (dont il n'est pas justifié que toutes y ont répondu) et engagé la procédure de licenciement, circonstance établissant le caractère artificiel, de pure forme et déloyal de la démarche entreprise, que l'employeur ne peut sérieusement contester en arguant de la portée définitive, univoque et incontestable de l'avis d'inaptitude du 21 décembre 2015 alors même qu'en lecture de celui-ci, il a sollicité des précisions auprès du médecin du travail.

Le jugement déféré sera en conséquence confirmé en ce qu'il a déclaré le licenciement de Mme [L] dépourvu de cause réelle et sérieuse pour manquement de l'employeur à son obligation de recherche sincère et loyale de reclassement.

Sur les conséquences de la reconnaissance d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse :

L'absence de cause réelle et sérieuse de licenciement ouvre droit au profit de Mme [L] à une indemnité ne pouvant être inférieure au salaire des six

derniers mois, en application de l'article L1235-3 du code du travail en sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance 2017-1387 du 22 septembre 2017.

Compte-tenu des circonstances de la rupture du contrat de travail, de l'âge de la salariée (50 ans révolus à la date du licenciement), de son ancienneté dans l'entreprise, de sa capacité à retrouver un nouvel emploi au regard de sa formation et de son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a alloué à celle-ci la somme de 39 500 € à titre de dommages-intérêts.

Le jugement déféré sera également confirmé en ce qu'il a condamné Pôle Emploi à payer à Mme [L] les sommes de 5213,84 € brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 521,38 € brut au titre des congés payés y afférents.

Sur la demande en paiement de rappel de rémunération :

Les premiers juges ont considéré que la visite de reprise étant intervenue le 21 décembre 2015, Mme [L] ne devait pas être rémunérée pendant le mois qui l'a suivie et que sa rémunération devait donc reprendre le 21 janvier 2016, jusqu'à la date de son licenciement, soit 336,37 € au titre de décembre 2015 et 2 606,92 € au titre de janvier 2016, outre les indemnités de congés payés afférentes.

Pôle Emploi conclut à la réformation de ce chef de jugement en soutenant :

- qu'à l'issue de la visite de reprise, Mme [L] a été déclarée en situation d'inaptitude à tout poste et prise en charge par le régime de couverture maladie, qu'en janvier 2016, elle était en période d'inaptitude puis qu'à compter du 21 janvier 2016, Pôle Emploi a repris le paiement du salaire (code 'AP' 'absence payée'), de sorte que Mme [L] a bien perçu une partie de son salaire en janvier 2016, la retenue pour absence non payée mentionnée dans le bulletin de paie concernant la période du 1er au 20 janvier inclus à concurrence de 1 804,14 €,

- que le décalage de la paie a fait que l'absence pour maladie de décembre 2015 a été traitée sur le bulletin de paie de janvier 2016,

- que le contrat de travail a pris fin le 1er février 2016, que sur le bulletin du solde de tout compte est apparu le salaire de janvier 2016 (décalage de paie) et la journée du 1er février 2016, de sorte que Mme [L] a été régulièrement rémunérée de la période débutant un mois après la visite de reprise jusqu'à la fin définitive du contrat de travail,

- que les premiers juges ont à tort octroyé un rappel de salaire au titre de décembre 2015 et pour la totalité de janvier 2016.

Mme [L] soutient :

- que si on admet que la visite de reprise met fin à la suspension du contrat de travail, Pôle Emploi avait un mois à compter de celle-ci et de la déclaration d'inaptitude pour procéder au licenciement et qu'à défaut de reprise du travail, le salaire doit de nouveau être versé,

- qu'elle n'a pas été réglée de ses salaires du 21 au 31 janvier 2016 (1 031,23 € brut), le bulletin de salaire de janvier 2016 étant négatif,

- qu'en février, Pôle Emploi a comptabilisé à son crédit le salaire du 1er au 29 février et déduit le salaire du 2 au 29 février,

- que Pôle Emploi ajoute 1 031,28 € pour la période du 21 au 31 janvier mais les déduit aussitôt, de sorte qu'elle n'a rien perçu pour janvier, ni sur son bulletin de salaire de janvier qui comporte un solde négatif de 47,27 € ni sur son bulletin de février, la somme de 1 031,28 € qui y est comptabilisée étant immédiatement déduite,

- que la cour condamnera Pôle Emploi à lui verser la somme de 1 031,28 € outre 103,12 € au titre des congés payés afférents.

Sur ce,

IL doit être rappelé que lorsque, à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la date de l'examen médical de reprise du travail, le salarié déclaré inapte n'est pas reclassé dans l'entreprise ou s'il n'est pas licencié, l'employeur lui verse, dès l'expiration de ce délai, le salaire correspondant à l'emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail (article L1226-11 du code du travail).

Ce texte impose donc à l'employeur de reprendre le versement du salaire normal du salarié, déclaré inapte, si à l'issue du délai d'un mois à compter de la date de la visite de reprise le reclassement ou le licenciement du salarié n'est pas intervenu.

En l'espèce, la visite de reprise ayant été réalisée le 21 décembre 2015 et le licenciement n'étant pas intervenu au 21 janvier 2016, Pôle Emploi était tenu de reprendre le versement du salaire à compter du 21 janvier 2016, jusqu'à la rupture effective du contrat de travail (notification du licenciement par LRAR du 2 février 2016).

L'examen des bulletins de paie de janvier/février 2016 et du reçu pour solde de tout compte permet de constater que la rémunération correspondant à la période comprise entre le 21 janvier et le 2 février 2016 a été passée en crédit et en débit et aucun élément versé aux débats ne permet d'en caractériser le paiement.

Il convient dès lors, réformant le jugement entrepris en ce que fixant le point de départ de la période de reprise du versement du salaire se situait au 21 décembre 2015, il a condamné Pôle Emploi à payer à Mme [L] les sommes de 336,37 € au titre du salaire de décembre 2015, 33,63 € au titre des congés payés y afférents, 2 606,92 € au titre du salaire de janvier 2016 et de 260,69 € au titre des congés payés y afférents, de condamner Pôle Emploi à payer à Mme [L], la somme de 1 031,28 € outre 103,12 € au titre des congés payés afférents, pour la période comprise entre le 21 janvier 2016 et le 2 février 2016.

Pôle Emploi sera condamné à remettre à Mme [L] des bulletins de salaire et documents de fin de contrat rectifiés, tenant compte des dispositions de la présente décision.

Sur les demandes accessoires :

L'équité commande de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné Pôle Emploi à payer à Mme [L], en application de l'article 700 du C.P.C., la somme de 2 000 € au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et d'allouer à Mme [L], au titre des frais exposés en cause d'appel, une indemnité de 1 500 €.

Pôle Emploi sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

Vu le jugement du conseil de prud'hommes de Poitiers en date du 22 janvier 2021,

Réformant la décision entreprise en ce qu'elle a condamné Pôle Emploi Limousin Poitou-Charentes (devenu Pôle Emploi Nouvelle Aquitaine) à payer à Mme [G] [L] les sommes de 336,37 € au titre du salaire de décembre 2015, 33,63 € au titre des congés payés y afférents, 2 606,92 € au titre du salaire de janvier 2016 et de 260,69 € au titre des congés payés y afférents et statuant à nouveau sur la demande en rappel de rémunération :

- Condamne Pôle Emploi Nouvelle Aquitaine à payer à Mme [L] la somme de 1031,28 € outre 103,12 € au titre des congés payés afférents, pour la période comprise entre le 21 janvier 2016 et le 2 février 2016 et déboute Mme [L] du surplus de sa demande de ce chef,

Confirme la décision entreprise pour le surplus,

Condamne Pôle Emploi Nouvelle Aquitaine à remettre à Mme [L] des bulletins de salaire et documents de fin de contrat rectifiés, tenant compte des dispositions de la présente décision.

Y ajoutant :

- Condamne Pôle Emploi Nouvelle Aquitaine à payer à Mme [L], en application de l'article 700 du C.P.C., la somme de 1 500 € au titre des frais irrépétibles par elle exposés en cause d'appel,

- Condamne Pôle Emploi Nouvelle Aquitaine aux dépens d'appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Poitiers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/00579
Date de la décision : 02/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-02;21.00579 ?
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