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04/09/2024 | FRANCE | N°22/01869

France | France, Cour d'appel de Poitiers, Chambre sociale, 04 septembre 2024, 22/01869


MHD/PR































ARRET N° 440



N° RG 22/01869



N° Portalis DBV5-V-B7G-GTBY













E.U.R.L. PLS





C/



[M]























RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE POITIERS

Chambre sociale



ARRÊT DU 04 SEPTEMBRE 2024
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Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 juin 2022 rendu par le Conseil de Prud'hommes de LA ROCHELLE



APPELANTE :



E.U.R.L. PLS

Exerçant sous l'enseigne '[6]'

N° SIRET : 751 204 827 00016

[Adresse 3]

[Localité 2]



Ayant pour avocat Me Jean-Michel BALLOTEAU de la SCP BALLOTEAU LAPEGUE CHEKROUN, avocat au barreau de LA ROCHELLE- ROCHEFOR...

MHD/PR

ARRET N° 440

N° RG 22/01869

N° Portalis DBV5-V-B7G-GTBY

E.U.R.L. PLS

C/

[M]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE POITIERS

Chambre sociale

ARRÊT DU 04 SEPTEMBRE 2024

Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 juin 2022 rendu par le Conseil de Prud'hommes de LA ROCHELLE

APPELANTE :

E.U.R.L. PLS

Exerçant sous l'enseigne '[6]'

N° SIRET : 751 204 827 00016

[Adresse 3]

[Localité 2]

Ayant pour avocat Me Jean-Michel BALLOTEAU de la SCP BALLOTEAU LAPEGUE CHEKROUN, avocat au barreau de LA ROCHELLE- ROCHEFORT

INTIMÉE :

Madame [I] [M]

Née le 08 juin 1996 à [Localité 5] (17)

[Adresse 4]

[Localité 1]

Ayant pour avocat Me Benoît LANGLAIS, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT

(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2022/1869 du 12/09/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de POITIERS)

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 907 et 805 du code de procédure civile, les conseils des parties ne s'y étant pas opposé, l'affaire a été débattue le 29 mai 2024, en audience publique, devant :

Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente

Madame Ghislaine BALZANO, Conseillère

Ces magistrat ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente

Madame Ghislaine BALZANO, Conseillère

Monsieur Nicolas DUCHATEL, Conseiller

GREFFIER, lors des débats : Madame Patricia RIVIÈRE

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- Signé par Madame Ghislaine BALZANO, conseillère en remplacement de Madame Marie-Hélène DIXIMIER, présidente, légitimement empêchée et par Madame Patricia RIVIÈRE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE :

Mme [I] [M] a été engagée par la société PLS exerçant sous l'enseigne '[6]' en qualité d'employée polyvalente du 15 juin 2020 au 30 août 2020.

Les relations contractuelles se sont poursuivies dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet à compter du 1er septembre 2020 sur un poste de commis de cuisine.

Mme [M] a été placée en arrêt maladie à compter du 21 mai 2021 avant d'adresser à son employeur plusieurs réclamations par courrier recommandé daté du 26 mai 2021, au sujet notamment du paiement partiel allégué de son salaire.

Par courrier daté du 20 juin 2021, Mme [M] a notifié à son employeur la prise d'acte de la rupture du contrat de travail.

Par ordonnance datée du 15 octobre 2021, le conseil de prud'hommes de La Rochelle saisi en référé par Mme [M], a notamment :

ordonné à l'EURL PLS de payer à Mme [M] la somme de 1 202,56 euros net au titre de la créance salariale,

ordonné à l'EURL PLS de payer à Mme [M] la somme de 2 213,91 euros net au titre des congés payés,

ordonné à l'EURL PLS de payer à Mme [M] la somme de 500 euros net à titre de provision sur dommages et intérêts,

ordonné à l'EURL PLS de remettre à Mme [M] sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du 8ème jour de la signification du jugement à intervenir (sic) : le solde de tout compte, l'attestation pôle emploi, les bulletins de salaire du mois de juin 2021 et le certificat de travail, le conseil s'étant réservé le droit de liquider cette astreinte,

condamné l'EURL PLS à payer à Mme [M] la somme de 700 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

assorti ces sommes des intérêts de droit à compter de la date de prononcé de l'ordonnance à intervenir (sic),

condamné l'EURL PLS aux entiers dépens et frais d'exécution.

Mme [M] a saisi le conseil de prud'hommes de La Rochelle au fond le 22 novembre 2021 et par jugement du 30 juin 2022, celui-ci a :

liquidé l'astreinte prononcée par le conseil de prud'hommes de La Rochelle en sa formation de référé à hauteur de 7 300 euros,

dit que la rupture du contrat de travail s'analyse en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

condamné l'EURL PLS à verser à Mme [M] les sommes suivantes :

387,50 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

1 550 euros au titre de l'indemnité de préavis et 155 euros au titre des congés payés sur préavis,

1 550 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

3 521,55 euros au titre des heures supplémentaires,

352,15 euros au titre des congés payés afférents,

500 euros au titre de l'absence de visite d'information et de prévention,

1 200 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

assorti le tout d'une astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du 31ème jour suivant le prononcé du présent jugement, le conseil se réservant le droit de liquider cette astreinte,

débouté Mme [M] de ses autres demandes,

condamné l'EURL PLS aux entiers dépens et frais d'exécution.

La société PLS a interjeté appel de cette décision le 19 juillet 2022.

Dans ses dernières conclusions du 20 octobre 2022, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions, la société PLS demande à la cour de :

réformer la décision entreprise en ce qu'elle l'a condamnée au paiement de la somme de 1 550 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et ramener cette indemnisation à de plus justes proportions au regard des circonstances de l'espèce,

réformer la décision entreprise en ce qu'elle l'a condamnée à verser la somme de 3 520,55 euros brut au titre des heures supplémentaires et 352,15 euros au titre des congés payés afférents,

débouter Mme [M] de ses demandes sur ces deux chefs de réclamation,

réformer la décision en ce qu'elle a accordé à Mme [M] 500 euros au titre de l'absence de visite d'information de prévention,

débouter Mme [M] de ses demandes à ce titre ou subsidiairement lui accorder 1 euro symbolique,

réformer enfin la décision en ce qu'elle a liquidé l'astreinte fixée par le conseil de prud'hommes à la somme de 7 300 euros,

débouter Mme [M] de ses demande à ce titre,

statuer sur ce que de droit sur l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens.

Dans ses dernières conclusions du 29 mars 2024, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions, Mme [M] demande à la cour de :

infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a liquidé l'astreinte pour une somme de 7 300 euros,

liquider l'astreinte prononcée par la formation de référé du conseil de prud'hommes de La Rochelle pour une somme de 42 300 euros au jour de la clôture de la procédure,

condamner l'EURL PLS au titre de l'astreinte prononcée par la formation de référé du conseil de prud'hommes de La Rochelle à lui régler la somme de 42 300 euros au jour des présentes, à actualiser au jour de la clôture de la procédure,

confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a condamné l'EURL PLS à lui régler les sommes suivantes :

387,50 euros net au titre de l'indemnité légale de licenciement,

1 550 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

155 euros au titre des congés payés sur préavis,

3 521,55 euros brut au titre de la créance salariale (heures supplémentaires),

352,15 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur heures supplémentaires,

500 euros net au titre de l'absence de visite d'information et de prévention,

1 200 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

réformer le jugement dont appel en ce qu'il a condamné l'EURL PLS à lui régler la somme de 1 550 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

condamner l'EURL PLS à lui régler la somme de 3 100 euros net à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

réformer le jugement dont appel en ce qu'il l'a déboutée de ses autres demandes, et de fait de sa demande de remboursement des prélèvement relatifs à la complémentaire santé prétendument souscrite par l'employeur à raison de 262,20 euros net,

condamner l'EURL PLS à lui régler la somme de 262,20 euros net à titre de remboursement des prélèvements relatifs à la complémentaire santé prétendument souscrite par l'employeur,

liquider l'astreinte prononcée par le conseil de prud'hommes de La Rochelle selon jugement frappé d'appel, pour la somme de 60 000 euros au jour des présentes, à actualiser au jour de la clôture de la procédure,

condamner l'EURL PLS au titre de l'astreinte prononcée par le bureau de jugement du conseil de prud'homme de La Rochelle, à lui régler la somme de 60 000 euros au jour des présentes, à actualiser au jour de la clôture de la procédure,

condamner l'EURL PLS à lui régler la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 2 mai 2024.

A l'issue des débats, l'affaire a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe à la date du 4 septembre 2024.

MOTIVATION

I. Sur la rupture du contrat de travail

Au soutien de son appel, l'EURL PLS expose que :

la salariée a passé un an dans l'établissement dont 5 mois d'arrêt d'activité du fait de la crise sanitaire et un mois en arrêt maladie,

les convocations devant le conseil ont été envoyées le 20 septembre 2021 et l'audience s'est tenue le 8 octobre 2021, ce qui laissait à l'employeur (qui s'est présenté en personne pour remettre des documents qui ont été rejetés) un délai très court pour organiser sa défense,

elle n'entend pas contester le principe de sa responsabilité dans la rupture dans la mesure où il n'est pas contesté que l'intégralité des salaires n'ont pas été réglés,

elle s'est trouvée dans une situation particulière compte tenu de la pandémie qui a entraîné une fermeture du 15 mars au 28 mai 2020 puis du 30 octobre 2020 au mois de mars 2021.

Mme [M] fait valoir en réplique que l'employeur ne sollicite pas la réformation du jugement en ce qu'il a reconnu fondée la prise d'acte et qualifié la rupture de licenciement sans cause réelle et sérieuse et qu'il reconnaît ainsi devoir des sommes au titre des salaires impayés selon l'ordonnance de référé, mais également au titre de l'indemnité légale de licenciement, du préavis et des congés payés sur préavis, bien que ces sommes n'aient jamais été réglées. Elle expose qu'elle n'a pas pu s'inscrire en tant que demandeur d'emploi à défaut d'obtenir les documents de fin de contrat et qu'elle n'a bénéficié d'aucune prise en charge au titre du chômage, qu'elle n'a pas retrouvé de travail et que la reconversion professionnelle au titre d'une formation prise en charge par pôle emploi qu'elle avait envisagée n'a pas pu débuter en l'absence de documents de fin de contrat et en particulier d'attestation Pôle emploi.

Il convient de constater, comme le relève la salariée, que le jugement critiqué n'a pas été attaqué en ce qu'il a dit que la rupture du contrat de travail s'analysait en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, ni en ce qu'il a condamné la société PLS à verser à Mme [M] les sommes de 387,50 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement, de 1 550 euros au titre de l'indemnité de préavis et de 155 euros au titre des congés payés sur préavis, de sorte que la décision est définitive sur ces chefs de demandes, seule l'indemnisation du caractère abusif de la rupture retenue par le conseil étant contestée par l'employeur.

Sur le fondement de l'article L1235-3 du code du travail, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, et en l'absence de réintégration du salarié dans l'entreprise, le juge octroie à celui-ci une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans deux tableaux, en l'occurrence entre 0,5 mois et 2 mois de salaire brut, au regard de l'ancienneté de Mme [M] et de l'effectif de la société.

Compte tenu notamment de l'âge de la salariée à la date de la rupture (25 ans) et de l'absence de tout justificatif produit afin d'établir l'existence des préjudices allégués par la salariée du fait de la rupture, il y a lieu de lui allouer une somme de 700 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. La décision déférée sera donc infirmée en ce qu'elle lui a accordé une somme inférieure.

II. Sur les heures supplémentaires

En application de l'article L.3171-4 du code du travail, le juge forme sa conviction sur la demande de paiement des heures de travail accomplies au vu des éléments fournis par les parties et après avoir ordonné, si besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Il appartient au salarié qui sollicite le paiement des heures supplémentaires de présenter des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, tenu de contrôler les heures de travail effectuées par chaque salarié d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences légales et réglementaires.

Il est constant que le salarié peut apporter des éléments factuels comportant un minimum de précision, éléments pouvant être établis unilatéralement par ses soins et que le décompte qu'il présente de son temps de travail doit être pris en compte, sous réserve qu'il soit suffisamment détaillé, peu important qu'il n'ait pas été établi durant la relation de travail mais a posteriori.

Les heures supplémentaires ou complémentaires doivent avoir été accomplies à la demande de l'employeur ou du moins, avec son accord implicite.

En l'espèce, la salariée soutient qu'elle a effectué 257 heures supplémentaires sur environ 3 mois de saison au cours de l'été 2020 et qu'elle s'est vainement manifestée auprès de son employeur afin qu'elles lui soient réglées, en affirmant que la crise sanitaire, pour les restaurateurs et en particulier dans les zones touristiques, n'a eu presque aucun impact.

Mme [M] verse aux débats un calendrier des mois de juillet, août et septembre 2020 qu'elle a annoté chaque jour en mentionnant ses horaires de travail. Elle produit également un décompte des heures supplémentaires alléguées pour chaque journée de travail sur la période du 15 juin 2020 au 20 septembre 2020, laissant apparaître des semaines de travail allant de 41 heures à 60 heures de travail avec une moyenne d'environ 55 heures de travail.

Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures accomplies, d'y répondre utilement.

En réponse, l'employeur objecte que :

la salariée ne participait pas à l'intégralité du service et effectuait moins d'heures que les autres salariés,

les heures supplémentaires ont été effectuées selon la salariée pendant l'été, c'est-à-dire sur une période de 3 mois, or cela correspond à 86 heures par mois, ce qui revient à dire qu'elle effectuait 3 fois plus d'heures que ce qui est prévu à son contrat, et pendant toute cette période, elle n'a jamais rien réclamé à son employeur,

les demandes au titre des heures supplémentaires ne sont pas étayées par une preuve suffisante.

Il convient de constater que l'employeur ne justifie pas avoir assuré un contrôle des heures de travail effectuées. Il est vain pour la société de faire valoir que la salariée ne l'a jamais alertée sur un temps de présence supérieur, dès lors que la charge du contrôle du temps de travail du salarié pèse sur l'employeur et que la salariée fournit des éléments suffisamment précis pour lui permettre d'y répondre. Il importe peu également que Mme [M] n'ait jamais réclamé le paiement de ses heures supplémentaires pendant la relation contractuelle dès lors qu'elle en fait la demande dans le cadre de la prescription triennale, ce qui n'est pas remis en cause par la société.

La demande de rappel de salaires au titre des heures supplémentaires est donc bien fondée et Mme [M] justifie ainsi de sa créance à concurrence de la somme de 3 521,55 euros au titre des heures supplémentaires et de 352,15 euros au titre des congés payés afférents, étant observé que l'employeur n'a pas contesté, même à titre subsidiaire, les modalités du calcul proposées s'agissant du taux horaire et des majorations appliquées. Le jugement sera par conséquent confirmé sur ce chef de demande.

III. Sur la demande de liquidation de l'astreinte prononcée par la formation de référé

L'article L.131-2 du code des procédures civiles d'exécution dispose que 'l'astreinte est indépendante des dommages-intérêts. L'astreinte est provisoire ou définitive. L'astreinte est considérée comme provisoire, à moins que le juge n'ait précisé son caractère définitif. Une astreinte définitive ne peut être ordonnée qu'après le prononcé d'une astreinte provisoire et pour une durée que le juge détermine. Si l'une de ces conditions n'a pas été respectée, l'astreinte est liquidée comme une astreinte provisoire.'

Selon les dispositions de l'article L.131-4 du code des procédures civiles d'exécution, le montant de l'astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l'injonction a été adressée et des difficultés qu'il a rencontrées pour l'exécuter. L'astreinte définitive ou provisoire est supprimée en tout ou partie s'il est établi que l'inexécution ou le retard dans l'exécution de l'injonction du juge provient, en tout ou partie, d'une cause étrangère.

De plus, en application de l'article 1er du protocole n°1 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales protégeant le droit au respect des biens de toute personne, le juge qui statue sur la liquidation d'une astreinte provisoire doit apprécier le caractère proportionné de l'atteinte qu'elle porte au droit de propriété du débiteur au regard du but légitime qu'elle poursuit.

Ainsi, il appartient au juge saisi de la liquidation de l'astreinte d'apprécier, de manière concrète, s'il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre le montant auquel il liquide l'astreinte et l'enjeu du litige.

Selon l'article 1353 du code civil, il appartient au débiteur de l'obligation de rapporter la preuve de l'exécution de son obligation de faire.

En l'espèce, l'employeur fait valoir que :

la liquidation d'astreinte n'est pas raisonnable dans la mesure notamment où elle n'est pas motivée par le conseil et son quantum correspond à une condamnation supérieure au total des condamnations prononcées qui sont pour partie contestées,

il n'est pas justifié des démarches qui auraient été entreprises pour récupérer les salaires, ni même établi que la décision rendue aurait été portée à sa connaissance.

En réponse, Mme [M] objecte pour l'essentiel que :

près de 2 ans après le jugement de première instance, l'employeur ne s'est pas exécuté, même partiellement, alors même qu'il confirme devoir une somme au titre des salaires impayés,

l'employeur a refusé de lui transmettre les documents de fin de contrat.

L'ordonnance de référé rendue le 15 octobre 2021 par le conseil de prud'homme de La Rochelle est exécutoire et a ordonné la remise à Mme [M] du solde de tout compte, de l'attestation pôle emploi, du bulletin de salaire du mois de juin 2021 et du certificat de travail dans le délai de 7 jours suivant la signification de la décision, et passé ce délai sous astreinte de 50 euros par jour de retard. Il est établi que cette ordonnance a été signifiée à la société le 3 décembre 2021.

Le conseil de prud'hommes de La Rochelle saisi au fond par Mme [M] d'une demande de liquidation de l'astreinte au jour du jugement, a liquidé cette astreinte à hauteur de la somme de 7 300 euros pour une période qui n'a pas été précisée, et sans ordonner à nouveau sous astreinte la production des documents vainement réclamés par la salariée.

Mme [M] conclut à l'infirmation du jugement en ce qu'il a liquidé l'astreinte pour une somme de 7 300 euros, et sollicite la liquidation de l'astreinte pour une somme de 42 300 euros au jour de la clôture de la procédure d'appel.

Il s'ensuit que Mme [M] doit être déboutée de sa demande d'actualisation du montant de la liquidation de l'astreinte pour la période postérieure à la date du jugement attaqué dès lors que le conseil, saisi d'une demande de liquidation de l'astreinte 'au jour du jugement', n'a pas prononcé de nouvelle astreinte.

A la date du jugement, le montant correspondant à la liquidation de l'astreinte s'élevait à la somme de 10 050 euros, couvrant la période du 11 décembre 2021 au 30 juin 2022 (201 jour x 50 euros).

Il est notable de constater que l'employeur ne justifie pas en cause d'appel avoir communiqué à la salariée les documents de fin de contrat ayant fait l'objet de l'astreinte prononcée par ordonnance du 15 octobre 2021, et qu'il ne s'est pas expliqué non plus sur les difficultés qu'il aurait pu rencontrer pour établir et communiquer ces documents. De sorte qu'il n'établit pas que l'inexécution de l'injonction des premiers juges proviendrait, en tout ou partie, d'une cause étrangère, ce qu'il n'a d'ailleurs pas allégué, et que la liquidation de l'astreinte s'impose donc dans son principe.

Toutefois, la liquidation d'une astreinte de 50 euros par jour de retard sans limitation de durée, à hauteur de la somme de 10 050 euros pour la période du 11 décembre 2021 à la date du jugement entrepris, apparaît toutefois disproportionnée par rapport au bénéfice attendu de la communication des éléments sollicités au regard de l'enjeu financier du litige, de la rémunération et de l'ancienneté de la salariée qui ne justifie d'aucune démarche engagée postérieurement à sa prise d'acte de rupture.

Dès lors, et dans la mesure où le juge doit apprécier le caractère proportionné de l'atteinte au regard de l'enjeu du litige, il convient, par voie d'infirmation de la décision attaquée, de limiter le montant de l'astreinte ayant couru du 11 décembre 2021 au 30 juin 2022 à la somme de 3 500 euros.

IV. Sur la demande de liquidation de l'astreinte prononcée par la formation de jugement

La décision attaquée a assorti les condamnations au paiement prononcées d'une astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du 31ème jour suivant son prononcé.

Or, l'inexécution du paiement donne lieu à l'application d'intérêt de retard, de sorte que le prononcé d'une telle astreinte, qui n'avait d'ailleurs pas été sollicitée, ne s'imposait pas.

Le jugement attaqué sera donc infirmé sur ce point et Mme [M] doit par conséquent être déboutée de ses demandes de liquidation de l'astreinte prononcée par le conseil de prud'hommes saisi au fond.

V. Sur l'absence de visite d'information de prévention

Aux termes de l'article L.4121-1 du code du travail, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent :

1° des actions de prévention des risques professionnels ;

2° des actions d'information et de formation ;

3° la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

Selon l'article R.4624-10 du même code, tout travailleur bénéficie d'une visite d'information et de prévention, réalisée par l'un des professionnels de santé mentionnés au premier alinéa de l'article L.4624-1 du code du travail, dans un délai qui n'excède pas trois mois à compter de la prise effective du poste de travail.

L'employeur, tenu d'une obligation de sécurité en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise, doit en assurer l'effectivité.

En l'espèce, Mme [M] n'a pas bénéficié d'une visite d'information et de prévention dans les trois mois suivant son embauche, ce qui est confirmé par l'employeur et ce qui, selon la salariée, lui aurait été nécessairement préjudiciable dans la mesure où elle s'est vue prescrire deux arrêts maladie du fait du comportement de l'employeur.

La société PLS expose que la salariée ne justifie d'aucun préjudice qui pourrait découler de l'absence de visite d'information de prévention, que la déclaration à la médecine du travail a été effectuée lors de la déclaration du 15 juin 2020 et qu'il n'appartenait pas au gérant de prendre rendez-vous pour sa salariée puisque ce sont les services de la médecine du travail qui adressent les convocations.

L'employeur verse aux débats la déclaration préalable à l'embauche de Mme [M] du 15 juin 2020 laquelle vaut demande de visite d'information et de prévention en vertu de l'article R.1221-2 du code du travail.

Dès lors, si la société a effectivement réalisé les formalités nécessaires à la mise en 'uvre d'une telle visite, en procédant à la déclaration préalable à l'embauche de Mme [M], elle n'a néanmoins pas assuré l'effectivité d'une telle visite, l'employeur ne justifiant d'aucune démarche engagée par la suite pour s'assurer que sa salariée soit reçue par la médecine du travail.

Toutefois, le manquement de l'employeur à son obligation nécessite la démonstration par le salarié d'un préjudice subi en conséquence. Or, en l'espèce, Mme [M] ne fait la preuve d'aucun préjudice consécutif à l'absence de visite d'information et de prévention dans le délai de trois mois à compter de sa prise de fonction, dès lors qu'elle n'apporte aucun élément permettant de démontrer que ses arrêts de travail seraient la conséquence d'un manquement de la société du fait de l'absence de visite d'information et de prévention.

En conséquence, Mme [M] ne justifiant d'aucun préjudice, sa demande de dommages et intérêts doit être rejetée, par voie d'infirmation de la décision attaquée.

VI. Sur la demande de remboursement des cotisations versées à la mutuelle

L'article L.911-7 du code de la sécurité sociale exige que l'employeur fasse bénéficier à ses salariés d'une couverture obligatoire de remboursement des frais de santé et de maternité et qu'il en assure au minimum la moitié du financement. Il existe certains cas de dispense d'affiliation notamment lorsque le salarié est déjà couvert par une autre complémentaire obligatoire comme celle de son conjoint. Cependant, pour pouvoir bénéficier d'une telle dispense d'affiliation, il appartient au salarié de justifier de cette autre couverture.

En l'espèce, la rémunération mensuelle de Mme [M] faisait l'objet d'une déduction pour cotisation à une mutuelle, qu'elle affirme n'avoir jamais sollicité et dont elle soutient n'avoir jamais bénéficié des garanties, dans la mesure où elle bénéficiait déjà d'une complémentaire santé souscrite par ses soins.

L'employeur qui n'a pas conclu sur ce chef de demande, ne justifie pas de l'adhésion de Mme [M] à la mutuelle d'entreprise, et ne produit pas ainsi le certificat d'adhésion spécifique au nom de la salariée.

En l'absence de ce document, il ne justifie pas de l'adhésion effective de Mme [M] à cette mutuelle et sera en conséquence condamné à rembourser à la salariée les prélèvements opérés indûment, à hauteur de 262,20 euros correspondant à une retenue de 26,22 euros brut par mois, conformément à la mention figurant sur les bulletins de salaire.

Le jugement sera infirmé de ce chef, la société PLS étant condamnée à payer à Mme [M] la somme ainsi déterminée.

VII. Sur les demandes accessoires

En qualité de partie succombante, la société PLS est condamnée aux entiers dépens. Elle doit par conséquent être déboutée de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il n'apparaît pas inéquitable de débouter Mme [M] de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de La Rochelle du 30 juin 2022 sauf en ce qu'il a :

liquidé l'astreinte prononcée par le conseil de prud'hommes de La Rochelle en sa formation de référé à hauteur de 7 300 euros,

condamné l'EURL PLS à verser à Mme [I] [M] les sommes suivantes :

1 550 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

500 euros au titre de l'absence de visite d'information et de prévention,

assorti les condamnations à paiement d'une astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du 31ème jour suivant le prononcé du jugement,

débouté Mme [M] de sa demandes de remboursement des cotisations versées à la mutuelle.

Statuant à nouveau des chefs infirmés :

Liquide l'astreinte à l'égard de Mme [I] [M] à la somme de 3 500 euros pour la période du 11 décembre 2021 au 30 juin 2022, et condamne la société PLS à payer cette somme à Mme [I] [M],

Condamne la société PLS à payer à Mme [I] [M] la somme de 700 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Déboute Mme [I] [M] de sa demande de dommages et intérêts pour absence de visite d'information de prévention,

Condamne la société PLS à payer à Mme [I] [M] la somme de 262,20 euros au titre du remboursement des cotisations versées à la mutuelle,

Dit n'y avoir lieu d'assortir les condamnations à paiement prononcées d'une astreinte,

Y ajoutant :

Condamne la société PLS aux dépens d'appel,

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel.

LE GREFFIER, P°/ LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Poitiers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 22/01869
Date de la décision : 04/09/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/09/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-09-04;22.01869 ?
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