COUR D'APPEL DE REIMS CHAMBRE SOCIALE BS/GP ARRÊT N ° 541 AFFAIRE N° : 98/02063 AFFAIRE S.A.R.L. GARAGE VALLÉE C/ Chantal X... C/ une décision rendue le 17 Juillet 1996 par le Conseil de Prud'hommes de ROMILLY-SUR-SEINE, section commerce. ARRÊT DU 19 JUIN 2002
APPELANTE : S.A.R.L. GARAGE VALLÉE Route Nationale 19 10100 CRANCEY Comparant, concluant et plaidant par Me Béatrice LABEAU BETTINGER, avocat au barreau de REIMS, INTIMÉE : Madame Chantal X... 21 rue de Faverolles 10100 CRANCEY Représenté par M. Y..., délégué syndical COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré : Monsieur Daniel MARZI Président Monsieur Bertrand SCHEIBLING Conseiller Monsieur Luc GODINOT Conseiller Z... :
Madame Isabelle A..., Z... en Chef, lors des débats et de Mme Geneviève B..., adjoint administratif principal faisant fonction de greffier, lors du prononcé, ayant préalablement prêté le serment de l'article 32 du Décret du 20 juin 1967, DÉBATS : A l'audience publique du 29 Avril 2002, où l'affaire a été mise en délibéré au 19 Juin 2002, ARRÊT : Prononcé par Monsieur Daniel MARZI, Président de Chambre à l'audience publique du 19 Juin 2002, qui a signé la minute avec le greffier présent lors du prononcé.
Chantal X... a été engagée en qualité d'employée de bureau par la Société GARAGE VALLÉE dans le cadre d'un contrat à durée déterminée en date du 26 juillet 1995, d'une durée de 24 mois.
Considérant que son employeur l'avait licenciée abusivement le 9 octobre 1995, Chantal X... a saisi le conseil de prud'hommes de ROMILLY SUR SEINE aux fins d'être indemnisé de son préjudice.
Par jugement du 17 juillet 1996, le conseil de prud'hommes a : - constaté que la rupture intervenue à la date du 6 octobre 1995 est à l'initiative de l'employeur et qu'elle est abusive. - condamné la Société GARAGE VALLÉE à payer à Chantal X... les sommes suivantes :
- 139.000 F à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive
- 1.000 F à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
La société GARAGE VALLÉE a régulièrement interjeté appel de cette décision.
Vu les concluions déposées le 29 avril 2002 par la Société GARAGE VALLÉE et reprises oralement à l'audience , aux termes desquelles l'appelante demande à la Cour en substance de dire que la rupture anticipée du contrat de travail est imputable à Chantal X... en raison de son abandon de poste du 9 octobre 1995, d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris, de débouter Chantal X... de ses demandes et de la condamner au paiement d'une somme de 760 ä sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Vu les demandes formées oralement par Chantal X... aux termes desquelles celle-ci sollicite la confirmation de la décision entreprise. MOTIFS DE LA DÉCISION
Attendu qu'en application de l'article L 122-3-8 du Code du Travail, le contrat à durée déterminée peut être rompu d'un commun accord entre les parties et à défaut ne peut l'être avant l'échéance du terme qu'en cas de faute grave ou de force majeure ;
Attendu que la Société GARAGE VALLÉE soutient en premier lieu que la rupture est intervenue d'un commun accord entre les parties ; Qu'elle fait valoir à cet égard que, consciente de ne pas donner satisfaction à son employeur, Chantal X... a décidé de quitter l'entreprise, ainsi qu'en atteste le témoignage de sa collègue de travail, Mlle C... , et que la volonté commune des parties de mettre fin au contrat de travail a été matérialisée par une lettre du 9 octobre 1995 ;
Que ces explications n'emportent pas la conviction de la Cour ; Qu'en
effet : - s'il est vrai que Chantal X... s'est plainte téléphoniquement auprès de sa collègue de difficultés rencontrées dans son travail, cela ne démontre pas pour autant une volonté certaine de mettre fin au contrat de travail - le courrier du 9 octobre 1995 est particulièrement ambigu et n'a pas la portée que le GARAGE VALLÉE voudrait lui donner : l'employeur, rédacteur de cette lettre, indique dans un premier temps se trouver "dans l'obligation de mettre fin à votre contrat de travail à dater du 6 octobre 1995, du fait de vos difficultés d'adaptation et des erreurs relevées..." , laissant ainsi entendre qu'il a pris l'initiative de la rupture, avant de faire état du commun accord des parties pour mettre fin à la relation de travail ; par ailleurs la mention "courrier remis en main propre "suivie de la signature de la salariée s'analyse comme un accusé de réception et non comme l'expression d'un accord sur le contenu de la lettre. - la salariée a dès le lendemain récusé par courrier les termes de cette lettre, en imputant à son employeur la responsabilité de la rupture - le GARAGE VALLÉE a reconnu implicitement que l'accord des parties prêtait à discussion en demandant à Chantal X... de reprendre son poste, ainsi qu'il sera dit ci-après ;
Que la rupture d'un commun accord n'est donc pas établie;
Attendu que la Société GARAGE VALLÉE se prévaut en second lieu de la démission de Chantal X... aux motifs que, bien qu'ayant convenu , lors d'un entretien le 13 octobre 1995, de sa reprise de travail, celle-ci ne s'est plus présentée dans l'entreprise, malgré les sommations adressées à cette fin par lettre du 17 octobre et 19 octobre suivant ;
Mais attendu que la lettre du 9 octobre 1995, dont le contenu a été précédemment rappelé , s'analyse indiscutablement en une lettre de rupture à l'initiative de l'employeur puisqu'il vient d'être constaté
que l'accord de la salariée n'était nullement caractérisé ;
Que par courrier adressé le lendemain à la Société GARAGE VALLÉE, Chantal X... a pris acte de cette rupture, en l'imputant à son employeur, et a demandé à celui-ci de lui remettre son solde de tout compte ainsi que l'attestation ASSEDIC et le certificat de travail ; Que s'il est vrai qu'elle a eu un entretien avec le représentant du GARAGE VALLÉE le 13 octobre suivant, rien n'indique qu'elle ait entendu reprendre le travail ; Qu'au contraire, dans un courrier du 16 octobre 1995, elle maintient avoir été victime d'un licenciement abusif et sollicite à nouveau la remise des documents précités ;
Qu'elle a maintenu encore cette position dans un courrier du 19 octobre, faisant suite à la mise en demeure de reprendre le travail adressé par la société le 17 octobre ;
Qu'il apparaît en conséquence que Chantal X... n'a jamais entendu reprendre la relation de travail que l'employeur avait rompu de sa propre initiative le 9 octobre 1995 ;
Et attendu que ni la faute grave, ni la force majeure ont été invoqué par l'employeur dans la lettre de rupture ; Qu'il s'ensuit que la rupture anticipée du contrat est nécessairement abusive ;
Que le jugement du conseil de prud'hommes sera donc confirmé de ce chef, sauf à dire que la rupture est intervenue le 9 octobre 1995 et non le 6 octobre ;
Attendu qu'en application de l'article L 122-3-8 alinéa 3 du Code du Travail, le premier juge a alloué à bon droit à Chantal X... des dommages et intérêts d'un montant de 139.000 F correspondant aux rémunérations qu'elle aurait du percevoir jusqu'au terme du contrat ; Attendu que l'indemnité de procédure accordée à la salariée est justifiée et doit être confirmée ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR Statuant publiquement et contradictoirement Déclare recevable mal fondé l'appel interjeté par la Société GARAGE VALLÉE. Confirme le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de ROMILLY SUR SEINE le 17 juillet 1996, sauf à préciser que la rupture est intervenue le 9 octobre 1995 et non le 6 octobre 1995. Condamne la Société GARAGE VALLÉE aux dépens. LE Z...,
LE PRÉSIDENT,