Arrêt n°
du 11/05/2022
N° RG 20/01713 - N° Portalis DBVQ-V-B7E-E5JP
OB / LS
Formule exécutoire le :
à :
SCP DUPUIS LACOURT MIGNE
Me Pascal GUILLAUME
COUR D'APPEL DE REIMS
CHAMBRE SOCIALE
Arrêt du 11 mai 2022
APPELANT :
d'un jugement rendu le 13 novembre 2020 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CHARLEVILLE-MEZIERES, section industrie (n° F 16/00133)
Monsieur [O] [P]
6 rue du Canal
08200 GLAIRE
Représenté par la SCP DUPUIS LACOURT MIGNE prise en la personne de Me Emeric LACOURT, avocat au barreau d'ARDENNES
INTIMÉE :
S.A.S. TARKETT FRANCE
Tour Initiale
1 Terrasse Bellini
92919 PARIS LA DEFENSE CEDEX
Représentée par Me Pascal GUILLAUME, avocat au barreau de REIMS et par la SCP LEFEVRE PELLETIER ET ASSOCIES prise en la personne de Me Alexandre BENSOUSSAN, avocat au barreau de PARIS
DÉBATS :
En audience publique, en application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 mars 2022, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Christine ROBERT-WARNET, président de chambre, et Monsieur Olivier BECUWE, conseiller, chargés du rapport, qui en ont rendu compte à la cour dans son délibéré ; elle a été mise en délibéré au 11 mai 2022.
COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :
Madame Christine ROBERT-WARNET, président
Madame Marie-Laure BERTHELOT, conseiller
Monsieur Olivier BECUWE, conseiller
GREFFIER lors des débats :
Madame Lozie SOKY, greffier placé
ARRÊT :
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Christine ROBERT-WARNET, président, et Madame Lozie SOKY, greffier placé, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
* * * * *
EXPOSE DU LITIGE
M. [P] a été engagé, le 1er décembre 1999, par la société Tarkett Sommer, aux droits de laquelle se trouve la société Tarkett France (la société) pour travailler sur le site de Sedan.
La société a pour objet la fabrication et la commercialisation de revêtements de mur et de sol et fait partie d'un groupe international employant plusieurs milliers de salariés.
Dans le dernier état de la relation contractuelle, M. [P] exerçait, au sein du service logistique, les fonctions de magasinier-cariste, coefficient 195 de la convention collective de l'industrie textile du 1er février 1951 étendue.
Il est devenu, à compter de 2009, salarié protégé et titulaire de mandats de représentation.
Par lettre du 23 septembre 2014, un avertissement pour agression physique sur un collègue lui a été infligé et qui, malgré sa contestation, a été maintenu.
A la suite d'un différend sur le paiement des heures de délégation, M. [P] a saisi, en mai 2016, le conseil de prud'hommes de Charleville-Mézières en paiement de celles-ci.
Il a, par la suite, étoffé le champ de ses revendications indemnitaires et salariales en invoquant notamment, à la suite de divers incidents l'ayant opposé à la société et de dénonciations des conditions de travail, une discrimination syndicale et un harcèlement moral.
Il a également réclamé le paiement de nombreux arriérés salariaux résultant, selon lui, à la fois de la discrimination invoquée, de l'absence de règlement des heures de délégation et de ses arrêts pour maladie ayant conduit la société à conserver une partie des indemnités journalières.
Il a demandé, par la même occasion, la communication de bulletins de salaires de collègues ainsi que d'une trame d'entretien.
Par un jugement du 13 novembre 2020, la juridiction prud'homale l'en a débouté et, par déclaration du 8 décembre 2020, M. [P] a fait appel.
Par une ordonnance du 15 décembre 2021, le conseiller de la mise en état, saisi par l'appelant d'une demande de communication des bulletins de salaire de collègues et de la trame d'entretien, a constaté que cette dernière avait finalement été produite et que l'employeur avait eu recours à l'extraction informatique pour donner tous les renseignements de carrière nécessaires sur les collègues.
Par des conclusions récapitulatives notifiées le 3 février 2022, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens, l'appelant sollicite l'infirmation du jugement et réitère ses prétentions.
Par des conclusions récapitulatives notifiées le 4 février 2022, auxquelles il est référé, la société demande la confirmation du jugement, sauf en ce qu'il rejette ses prétentions au titre de la procédure abusive et des frais irrépétibles qu'elle réitère.
MOTIVATION
1°/ Sur l'avertissement du 23 septembre 2014
C'est par des motifs circonstanciés, que la cour adopte, que la demande d'annulation de cet avertissement a été rejetée, la sanction étant fondée de sorte que le jugement sera confirmé.
2°/ Sur les demandes de communication de pièces
A - Sur les bulletins de paie de cinq collègues identifiés portant sur la période du mois d'avril 2013 à celui d'avril 2016
Le conseiller de la mise en état s'est déjà prononcé, dans son ordonnance du 15 décembre 2021, sur cette demande dont la cour reste toutefois saisie du fait de l'effet dévolutif, la déclaration d'appel portant sur le rejet de celle-ci par le conseil de prud'hommes.
La société a produit aux débats devant le conseiller de la mise en état, en pièce n° 56, une extraction comptable de l'ensemble de ces bulletins de paie, certifiée conforme par le responsable du service de la paye, en expliquant pour l'essentiel, d'une part, que ce récapitulatif informatique était fidèle et, d'autre part, que la production des bulletins de paie en originaux se heurterait à de grandes difficultés.
L'extraction informatique est un procédé usuellement pratiqué dans les grandes entreprises marquant une évolution technologique dont il y a lieu de tenir compte et devant être mise en perspective avec le délai de conservation de ces bulletins.
Elle apparaît comporter, en l'espèce, tous les éléments de comparaison requis et notamment la rubrique dédiée à la prime de chargement dont M. [P] soutient qu'il en a été privé.
Il n'est, par ailleurs, pas établi que ce dernier se soit heurté au refus des cinq salariés concernés de lui communiquer eux-mêmes les bulletins de paie sur la période litigieuse, ce qui justifie d'autant le recours à l'extraction informatique par la société.
Cette demande sera donc rejetée et le jugement confirmé.
B - Sur l'exemplaire en original de la trame d'entretien du 10 septembre 2013
A l'audience de plaidoiries du 8 décembre 2021 devant le conseiller de la mise en état, l'employeur a produit cet original, sans souhaiter s'en départir.
L'avocat du salarié a accepté qu'une copie en soit faite sous le contrôle du greffier d'audience.
Cette copie lui a été remise lors de cette audience de sorte qu'il n'y a pas lieu de faire droit à ce chef de demande devenu sans objet.
Le jugement qui n'y fait pas droit sera confirmé.
C - Sur l'identité des salariés ayant participé en 2007 à une formation préparant à un diplôme qualifiant ainsi que sur leurs bulletins de paie pour les années 2007 à 2016
Comme l'avait déjà souligné le conseiller de la mise en état, il a été satisfait à cette demande de communication par la société par le biais de l'extraction d'informations (pièces n° 58 et 59) de sorte qu'il n'y a pas lieu de faire droit à ce chef de demande devenu sans objet.
Le jugement qui n'y fait pas droit sera confirmé.
D - Sur les bulletins de paie de deux collègues identifiés pour les mois de juillet et août 2019
Par sa pièce n° 55, la société a produit ces pièces de sorte qu'il n'y a pas lieu de faire droit à ce chef de demande devenu sans objet.
Le jugement qui n'y fait pas droit sera confirmé.
E - Sur les bulletins de salaire d'un autre collègue pour les mois de décembre 2018 et janvier 2019
Par sa pièce n° 38, la société a produit ces pièces de sorte qu'il n'y a pas lieu de faire droit à ce chef de demande devenu sans objet.
Le jugement qui n'y fait pas droit sera confirmé.
3°/ Sur la demande autonome en paiement d'un rappel de salaire du 31 juillet 2015 au titre de la journée de formation
Cette demande ne vient pas au soutien de la discrimination syndicale et du harcèlement moral qui sont, par ailleurs invoqués.
C'est par des motifs pertinents, que la cour adopte, que le conseil de prud'hommes a rejeté cette demande, l'article L.2145-6 du code du travail qui donne droit à la rémunération de la journée de formation n'étant entré en vigueur que postérieurement au 31 juillet 2015.
Le jugement qui n'y fait pas droit sera confirmé.
4°/ Sur la demande autonome en paiement du solde de prévoyance
Cette demande ne vient pas au soutien de la discrimination syndicale et du harcèlement moral qui sont, par ailleurs invoqués.
Elle ne porte pas sur le remboursement par l'employeur du trop-perçu des indemnités journalières mais sur l'application du régime de prévoyance en cas d'arrêt pour maladie.
C'est par des motifs pertinents, que la cour adopte, que le conseil de prud'hommes a rejeté cette demande.
Il est ajouté qu'il résulte de la notice d'informationrelative à la prévoyance en vigueur en 2016 que 'le montant de l'indemnité journalière est fixé à 100 % du salaire net correspondant à la 365 ème partie de la base des prestations visée au Chapitre 1 (article 7), sous déduction de l'indemnité de la Sécurité sociale à la date de l'arrêt de travail'.
L'appelant se fonde sur le fait qu'il y aurait lieu de prendre en compte les majorations liées au nombre d'enfants, ce qui apparaît toutefois contraire aux stipulations du contrat de prévoyance relatives à l'indemnisation de l'incapacité temporaire de travail envigueur lorsde l'arrêt de travail, et notamment en leur page 17, chapitre 4, article 2.
Compte tenu des décomptes de l'assureur tels que produits par l'employeur, c'est également à tort qu'il se prévaut d'une absence de déduction, en 2012, au titre des indemnités de prévoyance et d'une forme de rupture d'égalité alors que la pratique de la déduction a été au contraire constante.
Le jugement qui n'y fait pas droit sera confirmé.
5°/ Sur la demande autonome en paiement des heures de délégation
Cette demande ne vient pas au soutien de la discrimination syndicale et du harcèlement moral qui sont, par ailleurs invoqués.
M. [P] allègue, d'une part, d'un accord d'entreprise du 29 mai 1968 permettant l'absence de déduction sur les crédits légaux 'des heures de réunions syndicales à l'intérieur de l'entreprise', d'autre part de circonstances exceptionnelles justifiant la non-imputation des heures afférentes sur le contingent.
C'est, toutefois, par des motifs pertinents, que la cour adopte, que le conseil de prud'hommes a rejeté cette demande, ce qui entraîne par voie de conséquence le rejet de celles afférentes (prime de rendement, congés payés, prime de disponibilité et 13ème mois).
Le jugement qui n'y fait pas droit sera confirmé.
6°/ Sur les faits invoqués à l'appui du moyen tiré d'une discrimination syndicale
A - Sur l'échantillon de comparaison
La société conclut à l'absence de discrimination en comparant M. [P] à un échantillon de vingt-quatre salariés (pièce n° 4) engagés à une époque contemporaine de la sienne et en indiquant qu'il bénéficierait d'un traitement identique à eux, voire meilleur.
Selon le salarié, cet échantillon de comparaison ne serait pas le bon car, d'une part, il serait incomplet puisqu'il apparaîtrait nécessaire de prendre en compte la totalité des salariés embauchés en 2000, en l'espèce quarante-trois, et, d'autre part, il ne serait pas pertinent, la comparaison dans l'évolution de carrières devant débuter en 2009, année au cours de laquelle M. [P], devenu titulaire de mandats, aurait, selon lui, commencé à être discriminé.
C'est toutefois à juste titre que l'intimée observe qu'il n'est ni contesté ni contestable que l'échantillon de comparaison porte sur des salariés engagés à la même époque, au même coefficient et avec la même qualification que M. [P] et qu'il est, sur ce point, essentiel de s'attacher à une date d'embauche comparable, soit l'année 2000, et non 2009.
L'année 2016, année de saisine du juge prud'homal, constitue le terme de la comparaison et M. [P] ne le conteste pas véritablement, étant ajouté que la société a produit, pour répondre aux autres griefs, des pièces portant sur une période postérieure.
La cour relève, par ailleurs, que le salarié procède par voie de pure affirmation en postulant que les salariés extérieurs à l'échantillon de vingt-quatre, en l'occurrence les autres engagés en 2000, devraient être intégrés au panel.
En dépit de ses demandes de production de très nombreuses pièces, il n'a, en effet, ni demandé à l'employeur de justifier de la situation de ces autres salariés, sur laquelle aucun élément de comparaison ne figure donc aux débats, ni d'élargir l'échantillon produit, étant observé que la situation de deux d'entre eux, MM. [J] [V] et [W] [R], a été surabondamment exposée à l'aide de pièces justificatives.
Il apparaît que, sur les vingt-quatre salariés, plus d'une dizaine ont eu une évolution de carrière inférieure à celle de M. [P], ce qui place ce dernier dans un déroulement de carrière normal.
B - Sur l'absence de versement de la prime de chargement
C'est par des motifs pertinents, que la cour adopte, que le conseil de prud'hommes a rejeté ce grief.
Il importe de souligner que, dès avant que M. [P] ne devienne titulaire de mandats représentatifs, la prime de chargement a pu ne pas lui être versée mais qu'elle lui a, en revanche, été réglée, à une seule reprise certes, postérieurement.
Ce simple constat exclut d'emblée tout lien entre l'activité syndicale et le versement de cette prime.
Si, compte tenu de leur caractère relativement aléatoire, les conditions dans lesquelles a été versée celle-ci, réservée en principe aux salariés affectés aux opérations de chargement, ce qui n'était pas le cas de M. [P], apparaissent critiquables, il n'en reste pas moins que d'autres salariés, qui n'y avaient pas davantage droit, ne l'ont pas non plus systématiquement perçue (par exemple, pièce n° 42).
Ce grief ne repose pas sur des faits matériellement établis.
C - Sur l'absence de convocations à des réunions du comité d'entreprise
L'appelant soutient, pour l'essentiel, ne pas avoir été régulièrement convoqué à diverses réunions courant 2016, 2017, 2018 et 2019 dans la mesure où, se trouvant parfois en arrêt de travail pour maladie et l'exercice de son mandat n'étant alors pas suspendu, l'employeur aurait dû le convoquer par lettre recommandée avec demande d'avis de réception à son domicile.
M. [P], qui indique ne pas disposer de messagerie professionnelle, prétend que ce mode de convocation était le seul valable et que le non-respect de la formalité constitue un délit d'entrave à son égard.
C'est néanmoins à juste titre que la société rappelle, sur le fondement de l'article L.2325-14 du code du travail, que la convocation par un employeur aux réunions du comité d'entreprise n'est assujettie à aucune forme, l'essentiel étant qu'elle soit identique et réponde aux mêmes modalités pour tout le monde, sans qu'il soit nécessaire de s'assurer qu'elle soit parvenue à son destinataire.
La société se prévaut d'un usage, dont l'existence n'apparaît pas contestée, selon lequel les convocations sont adressées sur les messageries syndicales, chaque délégué transférant ensuite au salarié intéressé la convocation.
Il s'en déduit que M. [P], qui ne peut exiger l'utilisation à son égard d'un formalisme spécifique, ne justifie pas des faits à l'appui du grief dont il se prévaut.
D - Sur le rejet des candidatures du salarié à plusieurs postes
C'est par des motifs pertinents, que la cour adopte, que le jugement écarte, notamment en page 15, ce grief en ce qu'il rappelle l'examen objectif des candidatures ayant conduit à préférer des collègues.
La cour ajoute que les notations au titre des 'valeurs Tarkett' ne reposent pas sur des critères subjectifs mais sur la bonne conduite des intéressés au sein de l'entreprise.
Or, contrairement aux autres candidats choisis, le salarié avait fait l'objet d'une sanction disciplinaire et, en outre, un seul point lui a été retiré à ce titre ce qui n'a pas eu d'incidence significative sur les résultats.
Celui-ci soutient, par ailleurs, que l'un des candidats était hors délai pour postuler, ce qui est certes exact, étant toutefois précisé que la tardiveté demeure très relative, le candidat en question ayant déposé son dossier le vendredi 18 août 2018 alors qu'il disposait jusqu'à la veille pour le faire et après avoir rédigé le 17 août 2018 son acte de candidature.
Ce candidat, qui appartient d'ailleurs, ce fait est notable, à la même organisation syndicale que celle de l'appelant, avait des compétences et une expérience professionnelles très solides pour le poste convoité (pièces n° 32 et 33).
Dans ces conditions, ce grief ne repose pas sur des faits matériellement établis en ce qu'il ne s'agit pas, à proprement parler, d'un rejet de candidatures mais d'une mise en concurrence loyale et régulière qui n'appelle pas d'autres justifications.
E - Sur l'insuffisance des sessions de recyclage et de formation
C'est par des motifs pertinents, que la cour adopte, que le jugement écarte, notamment en page 15, ce grief en ce qu'il rappelle les démarches de l'employeur et les refus systématiques du salarié.
Ce grief ne repose pas sur des faits matériellement établis.
F - Sur l'absence d'évolution du coefficient depuis 2007
Ce grief est réfuté par la réponse au grief A -.
G - Sur l'absence de versement de la journée supplémentaire de repos
Le grief repose sur des faits exacts en ce qu'ils procèdent d'une méconnaissance, par l'employeur, de l'article 76 de la convention collective qui ouvre droit aux 'ouvriers travaillant en équipe de nuit, non alternante, [...] une fois par an, [à] une nuit de repos supplémentaire donnée collectivement à l'occasion d'un jour férié, de sorte que la nuit qui précède et la nuit qui suit ce jour seront l'une et l'autre chômées.'
Interpellée par M. [P] en sa qualité de représentant du personnel, la société a reconnu, dans une lettre du 2 octobre 2018, et après consultation du comité d'établissement, qu'elle avait mal interprété la convention collective.
Elle a immédiatement régularisé, à l'égard de l'ensemble du personnel concerné, la situation.
M. [P] a ainsi bénéficié du jour de repos manquant, comme tous ses collègues.
Mais le grief doit être retenu en ce qu'il traduit un manquement de l'employeur dans l'application de la convention collective.
H - Sur la régularisation du compteur de repos compensateurs et le défaut d'information afférent
La société reconnaît clairement (pièce n° 39) le solde restant dû, au 1er octobre 2018, qui est égal à une cinquantaine d'heures tel que revendiquée.
Ce décompte informatique est fidèle, reprenant par exemple les heures du 26 juin 2017 qui avaient déjà été régularisées par la société dans un courrier écrit produit par M. [P] (pièce n° 131).
Le grief ne peut donc être retenu en ce qu'il reposerait sur un défaut de régularisation, alors que celle-ci a été faite depuis plusieurs années.
M. [P] se prévaut également d'un défaut d'information, celle-ci ayant été donnée par un simple décompte de l'employeur et non, en violation de l'article D.3171-11 du code du travail, par un document annexé au bulletin de salaire.
Contrairement à ce qu'il soutient, la méconnaissance de ce texte n'ouvre pas droit, en elle-même, à des dommages-intérêts.
L'information n'a pas été donnée dans les formes prévues mais elle a été donnée, et cela depuis fort longtemps, sans que le salarié n'établisse en avoir subi un préjudice.
M. [P] ne soutient pas ne pas avoir été mis en mesure de prendre ses repos compensateurs.
Le grief ne repose donc pas sur des faits matériellement établis.
I - Sur l'abattement sur salaire en cas d'arrêt de travail
L'article 48.1 (O) B de la convention collective, relatif au montant de l'indemnité servie par l'employeur en cas d'arrêt de travail pour maladie, dispose notamment qu'elle ' se calcule de manière à maintenir à l'ouvrier malade le salaire effectif net qu'il aurait gagné s'il avait travaillé, sous déduction de la rémunération correspondant à 24 heures de travail [...]'.
La rémunération nette ayant été garantie à M. [P] pendant ses arrêts de travail pour maladie, déduction faite des indemnités journalières de sécurité sociale, l'employeur, subrogé dans les droits du salarié, a conservé une partie de celles-ci.
Il explique que le cumul intégral du salaire pour la période travaillée et des indemnités journalières correspondantes sur la période de référence ne saurait permettre au salarié malade de percevoir une somme excédant son salaire habituel.
La société a certes fait une stricte application de la convention collective en ce qu'elle a formellement maintenu la rémunération nette.
Mais l'employeur n'a pas vocation à conserver des indemnités journalières destinées au salarié et dont le fait générateur réside dans la maladie de ce dernier.
Il n'est subrogé dans les droits du salarié aux indemnités journalières de la sécurité sociale que dans la limite des sommes qu'il a effectivement versées à l'intéressé au titre de la rémunération dont celui-ci bénéficie pendant ses absences pour maladie ou accident.
C'est pourquoi il devait impérativement les restituer à M. [P], en leur partie excédant la rémunération maintenue, comme ce dernier le soutient à bon droit et comme a d'ailleurs pu le juger la Cour de cassation dans des espèces comparables (par exemple, Soc., 7 juillet 1993, n° 89-44.060).
M. [P] a le droit de récupérer les sommes de 250,98 euros et de 265,75 euros au titre respectivement des mois de juillet et d'août 2018, soit la somme totale de 516,73 euros de sorte que ce grief est fondé.
J - Sur l'absence de délégation permanente
M. [P] prétend, pour l'essentiel, que l'employeur traiterait différemment les délégués syndicaux car ce dernier aurait dénoncé en 2013 un usage permettant aux salariés d'être en délégation permanente tout en continuant de le maintenir à son encontre.
Il invoque le fait de devoir ainsi signer des bons de délégation, au contraire d'un autre représentant du personnel qui appartient à un syndicat différent.
Mais il est justifié, au contraire que la société a déjà eu l'occasion, à plusieurs reprises, d'exiger de chacun des intéressés la justification des circonstances exceptionnelles en cas de dépassement ainsi que la production tant d'un bon de délégation que le respect des dispositions légales applicables en matière de crédit d'heures.
Le grief ne repose donc pas sur des faits matériellement établis.
K - Sur l'absence d'évolution conforme à celle des collègues
M. [P] apparaît revendiquer, au-delà d'une argumentation non dépourvue d'ambiguïté, le bénéfice du coefficient conventionnel 240 sur la base de l'évolution de carrière maximale à laquelle seraient parvenus les salariés ayant participé, en 2007, à une formation qualifiante.
Outre que l'événement choisi, en l'occurrence une formation qualifiante datant de 2007, présente un caractère ancien et parfaitement aléatoire, le grief est réfuté par la réponse au grief A -.
L - Sur le non-paiement d'heures supplémentaires de juillet 2017
Ce grief ne peut être retenu, le salarié ne produisant aucun décompte, au sens de l'article L.3171-4 du code du travail, relatif à son temps de travail.
M - Sur la tenue d'un fichier illégal
Ce fait est reconnu par l'employeur qui avait dressé par-devers lui une liste de médecins délivrant les arrêts de travail et cela afin d'apprécier par lui-même s'ils pouvaient, par exemple, s'agir d'arrêts analysés par lui comme de complaisance.
A la suite du signalement de M. [P], la direction a retiré cette liste qui n'avait évidemment pas lieu d'être.
7°/ Sur les demandes afférentes à la discrimination syndicale
A - Sur l'existence d'une discrimination syndicale
Il résulte de ce qui précède que seuls les griefs G -, I - et M - reposent sur des faits matériellement établis.
Mais ils ne sauraient en aucun cas laisser supposer l'existence, au sens de l'article L.1134-1 du code du travail, d'un traitement discriminatoire à raison de l'activité syndicale de l'intéressé dès lors que ces faits traduisent la méconnaissance par l'employeur de dispositions conventionnelles applicables à tous au sein de l'entreprise ou caractérisent une pratique ayant vocation à y soumettre tout le personnel, sans distinction liée à l'appartenance syndicale .
Le jugement sera confirmé.
B - Sur la demande en dommages-intérêts
Il s'en déduit que la demande en dommages-intérêts sera rejetée de sorte que le jugement sera confirmé.
C - Sur les demandes salariales
Les demandes afférentes à la discrimination invoquée seront rejetées, soit celles relatives notamment au paiement des primes de vacances, des primes de chargement, des primes de poste, de la reclassification au coefficient 240, de la prime d'ancienneté et de l'ensemble des congés payés afférents.
8°/ Sur la demande en dommages-intérêts au titre du harcèlement moral
M. [P] reprend, à l'appui de sa demande, les faits et griefs déjà soutenus et invoqués à l'occasion de son action au titre de la discrimination syndicale.
Il y ajoute 'le retrait des registres des dangers graves et imminents' (A -) , l'absence de transmission de ses bulletins de salaire (B -), l'absence d'envois à la caisse primaire de l'attestation de salaire pour les mois de juin et de juillet 2018 (C -) et l'absence d'entretien d'évaluation et d'entretien professionnel 'depuis de très nombreuses années'.
Il y a lieu d'observer à titre préliminaire, et comme le fait exactement remarquer l'employeur, que la demande au titre du harcèlement moral n'a été formée qu'en cours de procédure, bien après la saisine initiale du conseil de prud'hommes, ce qui interroge sur sa spontanéité alors que le salarié en fait désormais grand cas.
M. [P] n'invoque pas un harcèlement moral au titre de méthodes de gouvernance et de management dirigées contre les salariés.
Il soutient avoir été victime, à titre personnel, d'un harcèlement moral dirigé contre lui en particulier.
Il résulte néanmoins des très nombreux échanges épistolaires ou par courriels, produits aux débats, ayant eu lieu entre l'appelant et la société intimée que celle-ci a très souvent pris le soin de répondre, point par point, aux doléances du premier.
S'agissant du grief A -, il n'est pas aisé de comprendre ce qu'il recouvre exactement en ce qu'il serait dirigé contre M. [P] de sorte qu'il ne peut, dans ces conditions, être retenu.
S'agissant du grief B -, la matérialité des faits est établie mais seulement jusqu'au second semestre de l'année 2018, M. [P] convenant, par une lettre du 14 août 2018 adressée à l'employeur, que 'le problème était réglé'.
Il est d'ailleurs très ponctuel en ce qu'il apparaît relatif aux seuls mois de mars, avril et mai 2018 (pièce n° 160 notamment).
La difficulté a été réglée, à la suite des doléances de l'intéressé, au terme d'une lettre du 16 avril 2018 (pièce n° 135) dans laquelle la société rappelle la procédure interne de transmission des bulletins de salaire, source d'erreurs ou de retards, et envisage la mise en place de bulletins de paie électroniques.
Le grief C - repose sur des faits très ponctuels et apparaît en lien avec le grief précédent.
Le grief D - prend appui sur des faits avérés.
En définitive, si les présents griefs B -, C - et D -, ainsi que les faits G -, I - ,M -, tels qu'établis au titre de la discrimination syndicale, doivent être retenus et laissent supposer, pris ensemble et à première vue, l'existence d'un harcèlement moral, l'employeur justifie qu'il n'en est rien au sens des articles L.1152-1 et L.1154-1 du code du travail.
Les griefs G -, I - et M - s'expliquent, comme il l'a déjà été dit dans les développements consacrés à l'action au titre de la discrimination syndicale, par des considérations tout à fait extérieures à M. [P], tout comme d'ailleurs les griefs B - et C -.
Il s'agit de faits anciens, isolés, ayant cessé voilà plus de trois ans et demi, reposant sur une explication rationnelle et auxquels l'employeur a remédié à la demande du salarié.
Il reste les faits D - qui sont persistants dès lors que l'employeur ne démontre pas avoir effectivement conduit des entretiens professionnels et d'évaluation.
Toutefois, ces faits prennent leur source dans un climat délétère entre les parties et qui a été résumé, ainsi qu'il ressort des pièces médicales, comme se réduisant à une 'guerre d'usure' ayant conduit M. [P] à des arrêts pour maladie avec des répercussions psychologiques.
M. [P] a sa part dans ce climat puisqu'il est parti du postulat qu'il avait été victime d'une discrimination syndicale alors qu'il a été démontré le contraire.
Il résulte également de l'ensemble des développements précédents que la situation professionnelle de M. [P] a bien été prise en considération lorsqu'il s'est agi d'apprécier le mérite de ses candidatures à différents postes et que sa carrière a évolué normalement au sein du panel du comparaison.
M. [P] ne prétend à aucun moment que la société a commis un harcèlement managerial y compris à l'égard d'autres collègues puisqu'il insiste résolument sur sa propre situation.
Le manquement de l'employeur doit être apprécié à l'aune de tout cela et ne peut, dans ces conditions, conduire à retenir l'existence d'un harcèlement moral.
Le jugement qui rejette cette demande sera confirmé.
9°/ Sur les intérêts légaux
En l'absence de précisions fournies par le salarié relatives à la date exacte à laquelle il a demandé à l'employeur de lui rembourser l'abattement effectué sur ses arrêts de travail, la différence présentant la nature d'une créance salariale, il y a lieu de retenir celle du 12 novembre 2019 qui correspond à l'audience de plaidoiries devant le conseil de prud'hommes.
10°/ Sur la demande reconventionnelle au titre d'une procédure abusive
Il résulte de l'ensemble des développements qui précèdent que cette demande n'est pas fondée.
11°/ Sur les frais irrépétibles
Il sera équitable de condamner la société intimée, qui sera déboutée de ce chef ayant partiellement succombé, à payer à M. [P], dont les prétentions seront rejetées en très large partie, la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour d'appel statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi :
- confirme le jugement rendu le 13 novembre 2020, entre les parties, par le conseil de prud'hommes de Charleville-Mézières, mais sauf en ce qu'il déboute M. [P] de sa demande salariale au titre de l'abattement sur salaire en cas d'arrêts de travail donnant droit à indemnités journalières, en ce qu'il rejette sa demande au titre des frais irrépétibles et le condamne aux dépens ;
- l'infirme sur ces points et, statuant à nouveau :
* condamne la société Tarkett France à payer à M. [P] la somme de 516,73 euros avec intérêts légaux à compter du 12 novembre 2019 au titre de ladite créance salariale ;
* la condamne également à payer à M. [P] la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel ;
- rejette le surplus des prétentions ;
- condamne la société Tarkett France aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT