Arrêt n°
du 11/05/2022
N° RG 21/01224
MLS/FJ
Formule exécutoire le :
à :
COUR D'APPEL DE REIMS
CHAMBRE SOCIALE
Arrêt du 11 mai 2022
APPELANTE :
d'un jugement rendu le 8 juin 2021 par le Conseil de Prud'hommes de CHARLEVILLE - MEZIERES, section Commerce (n° F 20/00089)
SAS UQIL
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentée par la SELARL AHMED HARIR, avocats au barreau des ARDENNES
INTIMÉES :
Madame [U] [P]
[Adresse 4]
[Localité 1]
Représentée par la SCP AUBERSON DESINGLY, avocats au barreau des ARDENNES
SELARL V & V ASSOCIES
prise en la personne de M. [V] [O]
en qualité d'administrateur provisoire de la société UQIL
[Adresse 2]
[Localité 1]
Défaillante
DÉBATS :
En audience publique, en application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 9 mars 2022, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Christine ROBERT-WARNET, président de chambre, et Madame Marie-Lisette SAUTRON, conseiller, chargés du rapport, qui en ont rendu compte à la cour dans son délibéré ; elle a été mise en délibéré au 4 mai 2022 puis prorogée au 11 mai 2022.
COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :
Madame Christine ROBERT-WARNET, président
Madame Marie-Lisette SAUTRON, conseiller
Madame Marie-Laure BERTHELOT, conseiller
GREFFIER lors des débats :
Monsieur Francis JOLLY, greffier
ARRÊT :
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Christine ROBERT-WARNET, président, et Monsieur Francis JOLLY, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
* * * * *
Exposé des faits :
Madame [U] [P] a été embauchée par la S.A.S. UQIL par contrat à durée indéterminée à compter du 1er septembre 2018, en qualité d'employée polyvalente.
Le 1er mars 2019, suite à un accident, elle a été placée en arrêt de travail.
Le 17 juin 2019, elle a été licenciée en raison d'une absence prolongée perturbant le bon fonctionnement de l'entreprise.
Le 13 mai 2020, la salariée a saisi le conseil de prud'hommes de Charleville-Mézières de demandes tendant à :
- faire dire son licenciement nul,
- faire condamner l'employeur à lui payer les sommes suivantes :
. 1 532,99 euros d'indemnité compensatrice de préavis,
. 153,29 euros de congés payés afférents,
. 674,92 euros d'indemnité de licenciement,
. 9 197,94 euros de dommages-intérêts en réparation des préjudices nés du licenciement nul,
. 388,93 euros à titre de maintien de salaire,
. 38,89 euros de congés payés afférents,
. 2 000,00 euros d'indemnité de l'article 700 du code de procédure civile,
- faire ordonner sous astreinte la remise des documents de fin de contrat.
Par jugement du 8 juin 2021, le conseil de prud'hommes :
- a déclaré les demandes recevables et fondées,
- a déclaré le licenciement nul,
- a condamné l'employeur à payer à la salariée les sommes demandées sauf l'indemnité de l'article 700 du code de procédure civile, ramenée à 900,00 euros.
Le 18 juin 2021, la société employeur a régulièrement interjeté appel du jugement sauf en ce qu'il l'a condamnée à payer des congés payés afférents à l'indemnité compensatrice de préavis.
Prétentions et moyens :
Pour plus ample exposé, il sera expressément renvoyé aux écritures déposées par les parties :
- le 9 août 2021 pour l'appelante,
- le 20 septembre 2021 pour l'intimée.
La SELARL V & V ASSOCIES, en qualité d'administrateur provisoire de la société employeur, bien qu'intimée, n'a pas constitué ni conclu. En effet, par ordonnance du 20 juillet 2020, le président du tribunal de commerce de Sedan a mis fin à ses fonctions.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 novembre 2021.
L'appelante demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré le licenciement nul, de débouter la salariée de l'intégralité de ses demandes. A titre subsidiaire, elle demande à la cour de réduire le montant des dommages et intérêts à de plus justes proportions et de condamner la salariée à lui payer la somme de 2 000,00 euros sur le fondement l'article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de ses prétentions, elle expose que le licenciement est bien fondé dès lors que l'absence de la salariée, qui n'est pas imputable à la faute de l'employeur, a généré une désorganisation qu'il a fallu pallier. À titre subsidiaire, elle prétend que le montant des dommages-intérêts est disproportionné dans la mesure où la salariée ne peut prétendre qu'aux indemnités de l'article L 1235-3 du code du travail et non pas aux indemnités des articles L 1226-14 et L 1226-15 du code du travail.
L'intimée demande à la cour de confirmer le jugement, de dire que les condamnations porteront intérêts au taux légal à compter du 13 mai 2020, date de la saisine du conseil de prud'hommes, de condamner l'employeur à lui payer une somme de 2 000,00 euros en réparation de ses frais irrépétibles d'appel.
Au soutien de ses prétentions, elle expose qu'elle a été victime d'un accident du travail et qu'elle a droit aux indemnités prévues à l'article L 1235-3-1 du code du travail soit une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois ; qu'en application des dispositions de l'article L 1226-1 du code du travail et de l'article 20 de la convention collective nationale de la restauration rapide du 18 mars 1988, elle avait droit au complément de salaire que l'employeur s'est abstenu de payer.
Motifs de la décision :
C'est à raison que le conseil de prud'hommes a déclaré le licenciement nul aux termes d'une motivation pertinente mais lacunaire que la cour complète. En effet, après avoir rappelé la règle de l'article L 1226-9 du code du travail, le conseil a omis d'analyser concrètement le motif allégué par l'employeur pour licencier, à savoir la désorganisation du service en raison de l'absence de la salariée.
Toutefois, l'employeur, qui allègue, dans la lettre de licenciement, une difficulté de recruter un salarié temporaire en remplacement de la salariée absente, ne le justifie pas. Si la désorganisation temporaire est justifiée notamment par les collègues de Madame [P], elle ne justifie donc pas le licenciement de la salariée, faute de justification des vaines tentatives de recruter temporairement un personnel de remplacement à un poste d'employée polyvalente dans la restauration.
Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a dit nul le licenciement.
En conséquence, la confirmation s'étendra aux condamnations à une indemnité compensatrice de préavis, à une indemnité de licenciement et à un rappel de salaire avec congés payés afférents, non discutés dans leur quantum, même à titre subsidiaire, étant rappelé que les congés payés afférents à l'indemnité compensatrice de préavis n'a pas fait l'objet d'un appel.
En revanche, sur le montant discuté des dommages et intérêts et sur le barème applicable, c'est à bon droit que les premiers juges ont fait application de l'article L 1235-3-1 du Code du travail, écartant le barème de l'article L 1235-3, dès lors que le texte dont il a été fait application dispose expressément que le barème ne s'applique pas lorsque la nullité du licenciement est fondée sur l'article L 1226-13 du Code du travail comme c'est le cas en l'espèce.
Aussi, le montant de l'indemnité ne peut être inférieur aux salaires des six derniers mois.
Par conséquent, et dans la mesure où le montant du salaire mensuel n'est pas discuté, il faut confirmer le jugement déféré.
Au final, le jugement doit être confirmé, y compris sur la remise des documents de fin de contrat.
Au surplus, les condamnations doivent porter intérêts au taux légal :
- à compter du 13 août 2020, date de la réception de la convocation devant le conseil pour les condamnations salariales (indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, rappel de salaire et congés payés afférents),
- à compter du 8 juin 2021, date du jugement pour les condamnations à l'indemnité de licenciement et à des dommages et intérêts en réparation des dommages nés du licenciement nul.
Les condamnations sont prononcées sous réserve d'y déduire le cas échéant, les charges sociales et salariales.
Succombant, l'appelante doit supporter les dépens et les frais irrépétibles de première instance, par confirmation du jugement.
En appel, l'appelante sera déboutée et condamnée à payer à l'intimée la somme de 2 000,00 euros à ce titre.
Par ces motifs :
La cour statuant publiquement, par décision rendue par défaut, et après en avoir délibéré conformément à la loi,
statuant dans les limites de l'appel,
Confirme le jugement rendu le 8 juin 2021 par le conseil de prud'hommes de Charleville Mézières, en toutes ses dispositions,
y ajoutant,
Dit que les condamnations doivent porter intérêts au taux légal :
- à compter du 13 août 2020 pour les condamnations salariales (indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, rappel de salaire et congés payés afférents)
- à compter du 8 juin 2021, date du jugement pour les condamnations au paiement d'une indemnité de licenciement et de dommages et intérêts en réparation des dommages nés du licenciement nul,
Dit que les condamnations sont prononcées sous réserve d'y déduire le cas échéant, les charges sociales et salariales,
Déboute la S.A.S. UQIL de sa demande de remboursement de ses frais irrépétibles d'appel,
Condamne la S.A.S. UQIL à payer à Madame [U] [P] la somme de 2 000,00 euros (deux mille euros) euros en remboursement de ses frais irrépétibles d'appel,
Condamne la S.A.S. UQIL aux dépens de l'instance d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT