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23/11/2022 | FRANCE | N°21/01312

France | France, Cour d'appel de Reims, Chambre sociale, 23 novembre 2022, 21/01312


Arrêt n°

du 23/11/2022





N° RG 21/01312





CRW/FJ









Formule exécutoire le :







à :



COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE SOCIALE

Arrêt du 23 novembre 2022





APPELANTE :

d'un jugement rendu le 2 juin 2021 par le Conseil de Prud'hommes de REIMS, section Encadrement (n° F 19/00393 et F 20/00274)



SA MALTEUROP GROUPE

[Adresse 2]

[Localité 3]



Représentée par la SARL BELLEC & ASSOCIES, a

vocats au barreau de REIMS





INTIMÉ :



Monsieur [K] [J]

[Adresse 1]

[Localité 4]



Représenté par Me Fiona MERIOT, avocat au barreau de REIMS et par la SELARL DUMET-BOISSIN & ASSOCIES, avocats au barreau de HAUTS-DE-SEINE

DÉBATS...

Arrêt n°

du 23/11/2022

N° RG 21/01312

CRW/FJ

Formule exécutoire le :

à :

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE SOCIALE

Arrêt du 23 novembre 2022

APPELANTE :

d'un jugement rendu le 2 juin 2021 par le Conseil de Prud'hommes de REIMS, section Encadrement (n° F 19/00393 et F 20/00274)

SA MALTEUROP GROUPE

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par la SARL BELLEC & ASSOCIES, avocats au barreau de REIMS

INTIMÉ :

Monsieur [K] [J]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Fiona MERIOT, avocat au barreau de REIMS et par la SELARL DUMET-BOISSIN & ASSOCIES, avocats au barreau de HAUTS-DE-SEINE

DÉBATS :

En audience publique, en application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 29 août 2022, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Christine ROBERT-WARNET, président de chambre, chargé du rapport, qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré ; elle a été mise en délibéré au 12 octobre 2022, prorogée au 23 novembre 2022.

COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :

Madame Christine ROBERT-WARNET, président

Madame Marie-Lisette SAUTRON, conseiller

Madame Marie-Laure BERTHELOT, conseiller

GREFFIER lors des débats :

Monsieur Francis JOLLY, greffier

ARRÊT :

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Christine ROBERT-WARNET, président, et Monsieur Francis JOLLY, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

[K] [J] a été embauché par la SA Malteurop Groupe, dans le cadre d'un contrat à durée déterminée à compter du 1er septembre 2014, puis à durée indéterminée, à temps plein, à compter du 1er mai 2015.

Dans le dernier état de la relation salariale, il occupait les fonctions de Directeur des Ressources Humaines, en contrepartie d'une rémunération brute annuelle moyenne sur 12 mois de 14'361,38 euros, 13e mois, ancienneté et prime sur objectifs et intéressement compris.

De plus, il a été membre du comité exécutif de Malteurop Groupe et membre du comité RH du groupe Vivescia.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 2 mai 2019, [K] [J] a été convoqué à un entretien préalable à licenciement pour celui-ci se tenir le 17 mai 2019 dans le cadre duquel il était entendu sur un litige existant avec une collaboratrice quant à la validité d'une convention de forfait.

Alors qu'il réclamait depuis 2 ans une revalorisation de sa rémunération, en faisant valoir auprès de son employeur que celle-ci était inférieure (dans des proportions de l'ordre de 50 %) à celles de ses collègues du comité exécutif, [K] [J] a refusé la transaction qui lui était proposée, quant à l'indemnité de départ à lui servir.

La lettre de licenciement, datée du 7 juin 2019, fondée sur une faute grave, a été réceptionnée par le salarié le 17 juin 2019.

Contestant le bien-fondé du licenciement dont il a fait l'objet, [K] [J] a saisi le conseil de prud'hommes de Reims le 29 août 2019 de demandes tendant notamment au paiement d'un rappel de rémunération et d'indemnisation du licenciement dont il a fait l'objet.

Il sollicitait ainsi la condamnation, sous exécution provisoire, de la SA Malteurop Groupe au paiement des sommes suivantes :

- sur la base d'une rémunération majorée de 16'306,38 euros :

. 48'919,14 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

. 4891,91 euros à titre de congés payés afférents,

. 21'198,29 euros à titre d'indemnité de licenciement,

. 97'838,28 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse,

- subsidiairement, sur la base d'une rémunération de 14'361,38 euros :

. 43'084,14 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

. 4308,41 euros à titre de congés payés afférents,

. 18'669,79 euros à titre d'indemnité de licenciement,

. 86'168,28 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse,

- en tout état de cause,

. 70'020 euros à titre de rappel de salaire pour violation du principe d'égalité,

. 7002 euros à titre de congés payés afférents,

. 23'483,94 euros à titre de prime sur objectifs,

. 2348,94 euros à titre de congés payés afférents,

. 20'000 euros nets à titre de dommages-intérêts pour exécution dolosive du contrat,

. 5000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 2 juin 2021, le conseil de prud'hommes de Reims a dit dénué de cause réelle et sérieuse le licenciement de [K] [J], faisant droit à ses demandes en paiement, calculées sur la base d'une rémunération de 14'361,38 euros, sauf à réduire le montant des dommages-intérêts alloués en indemnisation de ce licenciement, ainsi que l'indemnité pour frais irrépétibles, a accueilli les demandes formées par le salarié au titre du rappel de prime sur objectifs et des congés payés afférents.

En revanche, [K] [J] a été débouté en sa demande en paiement de rappel de salaire fondée sur une violation du principe d'égalité.

La SA Malteurop Groupe a interjeté appel de cette décision le 30 juin 2021.

Vu les conclusions transmises au greffe par RPVA le 18 mars 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour plus ample informé des moyens de la partie appelante par lesquelles la SA Malteurop Groupe, au regard des fonctions confiées à [K] [J] soutient avoir, à bon droit, licencié celui-ci au motif d'une faute grave avérée. En conséquence, elle sollicite l'infirmation du jugement du chef des condamnations mises à sa charge, et sa confirmation, du chef des demandes dont a été débouté son salarié.

En tout état de cause, elle maintient que le licenciement de [K] [J] repose sur une faute grave avérée, que la prime sur objectifs n'est pas due de sorte qu'elle conclut nécessairement au débouté de [K] [J] en l'ensemble de ses demandes et prétend à sa condamnation au paiement d'une indemnité de 3000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu les conclusions transmises au greffe par RPVA le 30 mai 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour plus ample informé des moyens de la partie intimée par lesquelles [K] [J], maintenant que ses demandes sont bien fondées, sollicite la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a dit sans cause réelle et sérieuse le licenciement dont il a fait l'objet, lui allouant le bénéfice du rappel de prime sur objectifs et des congés payés afférents, tels que sollicitées.

En revanche, formant appel incident, il renouvelle ses prétentions à paiement, à titre principal, sur la base d'une rémunération majorée de 16'306,38 euros, subsidiairement, sur la base d'une rémunération de 14'361,38 euros, reprenant ainsi l'intégralité des demandes qu'il avait initialement formées, pour les sommes sollicitées, y compris au titre des dommages-intérêts qu'il sollicitait, quant à l'indemnisation de la rupture du contrat.

Il renouvelle dans les mêmes termes les demandes qu'il avait formées, en paiement de dommages-intérêts pour exécution dolosive du contrat de travail et en indemnisation des frais irrépétibles qu'il a pu exposer.

En revanche, au titre de la violation du principe d'égalité, il sollicite la condamnation de la SA Malteurop Groupe au paiement de la somme de 91'026 euros à titre de rappel de salaire outre 9102,60 euros à titre de congés payés afférents.

Sur ce :

- Sur le bien-fondé du licenciement

La faute grave, dont la charge de la preuve incombe à l'employeur, telle qu'énoncée dans la lettre de licenciement dont les termes fixent le cadre du litige soumis à l'appréciation des juges du fond se définit comme un fait ou un ensemble de faits, imputables au salarié, caractérisant de sa part un manquement tel aux obligations découlant de la relation de travail que son maintien dans l'entreprise, pendant la durée du préavis, s'avère impossible.

En l'espèce, la lettre de licenciement adressée à [K] [J] le 6 juin 2019 est ainsi rédigée :

«' vous avez été embauché en date du 1er septembre 2014 en tant que Directeur des Ressources Humaines de Malteurop Groupe et membre du Comité de Direction, avec pour missions de définir, valider, piloter et suivre la réalisation de la stratégie RH des différentes entités Malteurop, en France et à l'international, à l'aide de relais RH au sein des différentes entités, et en pilotant en direct les sujets au sein de la société Malteurop Groupe.

Vous avez notamment été recruté au regard de votre parcours professionnel complet et de votre expertise en matière de ressources humaines, qui vous permettaient d'assurer vos fonctions dans un parfait respect des dispositions législatives, réglementaires et conventionnelles en vigueur.

Malgré plusieurs difficultés rencontrées lorsque Monsieur [Z] [I] était Directeur Général de Malteurop, j'ai souhaité, lors de ma nomination en tant que Directeur Général de Malteurop, continuer à vous faire confiance.

Néanmoins, depuis cette date, de nombreux dysfonctionnements sont constatés dans le cadre du pilotage des ressources humaines de l'entreprise, avec plusieurs carences majeures.

La dernière problématique en date, représentative des multiples difficultés constatées de manière récurrente, est à nos yeux d'une gravité telle qu'elle remet en cause le bon fonctionnement de l'entreprise :

Dans le cadre d'un dossier contentieux avec un collaborateur de l'entreprise Malteurop Groupe, Madame [S] [L], vous m'avez transmis par courriel le 6 mars 2019 une copie de la requête devant le tribunal, en indiquant que vous étiez en contact avec notre avocat habituel pour gérer le dossier, mais qu'au regard des demandes très élevées, un accord semblait inenvisageable.

Devant cette situation qui semblait maîtrisée, je ne me suis pas inquiété et vous ai demandé de me tenir au courant des suites qui seraient données et d'organiser un entretien avec notre avocat. C'est dans ce cadre que vous m'avez ensuite convié à participer à un échange téléphonique avec ce dernier et vous-même, le 11 avril 2019.

Lors de ces échanges, je découvre que :

- la situation est extrêmement grave et vous avez clairement sous-estimé le risque dans votre premier échange sur le sujet,

- le dossier est très mal engagé et les risques importants,

- l'entreprise ne respecte pas la législation en vigueur en matière de durée du travail et de forfait jours,

- Il est conseillé de trouver un accord rapidement pour éviter un contentieux compliqué qui pourrait se propager à d'autres collaborateurs.

Face à ces annonces, vous m'expliquez qu'en fait les accords qui ont été mis en place au sein de Malteurop France vers 2010/2012 n'ont jamais été transposés chez Malteurop Groupe et qu'effectivement aucun forfait jour n'a été mis en place au sein de la société alors qu'ils sont considérés comme étant existants dans le cadre de la signature par vos soins des contrats de travail (dans lesquels vous intégrez une clause de forfait en jours sans vérifier en amont la validité du dispositif) et les gestions quotidiennes du temps de travail. Vous avez néanmoins fait signer des contrats de travail avec des clauses de forfait à de multiples reprises sans vérifier la validité du dispositif.

Un risque sur lequel à aucun moment je n'ai été alerté, qui concerne l'ensemble des cadres de l'entreprise et peut déboucher sur des sanctions pénales au titre du travail dissimulé. La difficulté est qu'à aucun moment vous n'aviez évalué ce risque ou les autres risques qui pèsent sur l'entreprise en matière de ressources humaines et en conséquence aucune préconisation d'action n'avait été faite.

Nous découvrons donc un risque financier extrêmement important pour l'entreprise qui pourrait remettre en cause son bon fonctionnement, et une mise en danger de la Direction de l'entreprise, à laquelle vous n'avez d'ailleurs jamais préconisé la mise en place de délégations de pouvoirs pourtant indispensables. Sur de nombreux sujets, vous vous êtes montré incapable d'identifier les risques pesant sur l'entreprise et d'apporter des préconisations afin de les sécuriser (comme par exemple la signature d'un accord collectif sur le forfait en jours sur l'année à défaut d'accord de branche applicable).

En définitive, nous constatons que malgré les demandes, vous persistez à travailler en réaction aux problématiques et non en anticipation de celles-ci, sans construire de réelle stratégie RH et sans contribuer avec vos réflexions à la stratégie de l'entreprise. En parallèle, vous vous refusez à me tenir informés (sic) des suites données aux dossiers, en soulignant que vos compétences vous permettent de les gérer en parfaite autonomie sans avoir besoin de me donner de précisions.

Ce mode de fonctionnement entraîne de nombreuses problématiques et risques importants pour l'entreprise, tout en portant gravement préjudice au lien de confiance pourtant indispensable dans notre relation. Ces difficultés et manquement ne nous permettent pas d'envisager sereinement la poursuite de nos relations contractuelles.

Lors de notre entretien, vous nous avez expliqué concernant le dossier de notre collaboratrice que vous aviez pris connaissance de la problématique le jour de réception du dossier, et que vous n'aviez pas de moyen de le savoir avant. Vous avez ajouté que dans tous les cas ce dernier ne pouvait avoir de conséquences pénales importantes et qu'il n'était pas de la responsabilité d'un Directeur des Ressources Humaines de mettre en place les délégations de pouvoirs au sein de l'entreprise.

Ces éléments confortent malheureusement notre sentiment d'absence de maîtrise des dossiers RH et montre une fois de plus que les graves problématiques rencontrées sont liées à la méthode de travail que vous suivez' »

A la demande de précisions de [K] [J] quant aux motifs du licenciement, l'employeur lui a adressé le 4 juillet 2019 un courrier, indiquant que les précisions qu'il comporte ne doivent pas être considérées comme une information exhaustive.

Ce courrier énonçait ainsi, «parmi les nombreux dysfonctionnements constatés dans le cadre du pilotage des ressources humaines de l'entreprise'

- malgré votre fonction et nos attentes communiquées à de nombreuses reprises sur le sujet, l'absence de création d'une dynamique Ressources Humaines avec l'ensemble des interlocuteurs de la fonction au sein de l'entreprise Malteurop,

- en lien avec ce premier élément, l'absence de mise en place de propositions de votre part en vue d'implémenter une réelle politique Ressources Humaines au sein de Malteurop. En effet, à mon arrivée dans l'entreprise, j'ai constaté l'absence de stratégie Ressources Humaines. À ma demande, vous avez construit dans l'urgence une stratégie Ressources Humaines, document mal abouti et insuffisamment construit et partagé avec vos équipes. Cela a en conséquence rendu impossible la mise en place d'un plan d'actions ; actions pourtant indispensables au développement de nos collaborateurs.

- dans le cadre de la mise en place d'une formation managériale pour nos cadres, un planning des formations a été requis et n'a jamais été mis en place.

- l'application Talensoft, utilisée pour les entretiens de nos collaborateurs, n'a jamais été mise en place à l'international, alors que c'est pourtant le cas pour d'autres filiales de Vivescia,

- un manque de réactivité dans le cadre des dossiers dont vous assuriez la gestion, créant de la complexité et des relations conflictuelles qui auraient pu être évitées si la problématique avait été gérée dans des délais raisonnables,

- l'absence de retour d'informations sur les dossiers dont vous aviez la gestion'»

[K] [J] conteste avoir abordé avec son employeur les dysfonctionnements dont la responsabilité lui est imputée, lors de l'entretien préalable au licenciement, dysfonctionnements dont il conteste avec vigueur la réalité.

Il oppose, sur le grief relatif à la convention de forfait jours conclue avec [S] [L], à l'origine d'un litige prud'homal, la prescription en faisant valoir que dès février 2019, son employeur était informé de la situation, sans engager à son encontre de poursuites dans un délai de 2 mois, de sorte que ce grief est prescrit.

Il prétend à la confirmation du jugement déféré sur ce point, tandis que la société soutient qu'elle n'a eu connaissance de ce fait fautif que le 11 avril 2019, de sorte que la prescription du grief ne peut lui être valablement opposée.

Comme l'ont relevé les premiers juges, [K] [J] justifie, par la production aux débats des documents afférents que le 18 février 2019 est parvenu dans l'entreprise, comme en atteste l'apposition d'un tampon dateur, un courrier, destiné à son Directeur Général, émanant du conseil de [S] [L], auquel, en sa qualité de Directeur des Ressources Humaines, il a répondu, par lettre recommandée avec accusé de réception du 21 février 2019, pour le courrier commencer en ces termes :

« Maître, notre Directeur Général m'a transmis votre lettre du 15 février dernier concernant la situation' »

Il ressort de ce document, comme le soutient le salarié, que son employeur avait connaissance, dès le 15 février 2019, de la nullité de la convention de forfait jours invoquée par [S] [L] dans le cadre de l'instance prud'homale qu'elle entendait engager.

En revanche, il ne peut se déduire, ni des mails échangés entre le Directeur Général de la société Malteurop Groupe et son Directeur des Ressources Humaines, ni du courrier du conseil de [S] [L], pas plus que la réponse faite à celui-ci qu'à la date du 18 février 2019, l'employeur avait connaissance de la nature de l'irrégularité affectant la convention de forfait jours conclue avec [S] [L].

Cette connaissance résulte à l'évidence de la saisine, par [S] [L] du conseil de prud'hommes, dont a eu connaissance l'employeur par sa convocation devant le bureau de conciliation le 11 avril 2019, soutient-il, tandis qu'il produit aux débats ce document, en pièce n° 19 de son dossier, comme ayant accompagné le courriel que lui avait adressé le conseil de sa collaboratrice le 6 mars 2019.

Contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, suivant l'argumentation de [K] [J], l'employeur a eu connaissance de ce fait qu'il qualifiera de fautif au plus tôt le 6 mars 2019, soit dans le délai lui permettant d'engager une procédure disciplinaire à l'encontre de son salarié, sans que puisse lui être lui opposée la prescription.

Le jugement déféré mérite donc d'être infirmé, qui a écarté ce grief, comme prescrit.

La réalité du grief n'est pas véritablement contestée, pour [K] [J] préciser que les accords mis en place chez Malteurop France en 2012, permettant la mise en place de forfait jours dans l'entreprise n'ont pas été transposés chez Malteurop Groupe.

Or, au regard des fonctions qui lui étaient confiées, de la délégation de pouvoir qui lui avait été consentie dès le 21 avril 2016 (contrairement à ce qu'il soutient), la négociation et la mise en place de tous accords avec les syndicats et/ou les représentants du personnel relevaient directement de sa sphère de compétences, en sa qualité de Directeur des Ressources Humaines.

En outre, il ressort clairement du courriel établi par [V] [Y], Directeur Général le 12 avril 2019 (pièce 21 dossier employeur) que [K] [J] avait connaissance de cette situation, à laquelle il n'a pas remédié et dont il n'a pas avisé son employeur, comme visé dans la lettre de licenciement.

Ce grief, avéré, justifie à lui seul, compte tenu des fonctions confiées à [K] [J], son licenciement au motif d'une faute grave.

Sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres griefs comme surabondants, le jugement déféré sera infirmé et [K] [J] débouté en ses demandes en paiement d'une indemnité compensatrice de préavis, de congés payés afférents, d'une indemnité de licenciement et de dommages-intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse.

- Sur les demandes relatives à l'exécution du contrat de travail

*sur le rappel de salaire

Après avoir sollicité en première instance le paiement d'un rappel de salaire au titre de la violation du principe d'égalité d'un montant de 70'020 euros, outre les congés payés afférents, [K] [J] prétend, de ce chef, à hauteur d'appel, à la condamnation de son employeur au paiement de la somme de 91'026 euros outre 9102,60 euros à titre de congés payés afférents.

Il fonde cette demande sur la retranscription des entretiens de développement de 2017 à 2019, ainsi que sur une étude réalisée par un expert au sein de l'entreprise sur la rémunération des postes.

À défaut d'être traduit en Français, ce document doit être écarté comme pièce probatoire.

Nonobstant, sur la base de cette réclamation de [K] [J], il incombe à l'employeur de rapporter la preuve que celui-ci n'a subi aucune discrimination en termes de rémunération par rapport à ses collègues.

En l'espèce, la société Malteurop Group, par les pièces qu'elle produit aux débats, s'agissant, par exemple, du guide pratique et méthodologique pour l'évaluation des emplois cadres et non-cadres du groupe Vivescia 2017, ou des Benchmark qu'elle a fait réaliser par une société extérieure que [K] [J] n'a pas subi de discrimination en termes de rémunération, par rapport aux autres membres du Comex.

La décision déférée mérite donc d'être confirmée en ce qu'après avoir analysé précisément et pertinemment les pièces qui lui étaient soumises, elle a débouté [K] [J] en sa demande en paiement de rappel de salaire.

* Sur le rappel de prime sur objectifs

Il est constant qu'au terme du contrat liant les parties, [K] [J] peut prétendre au bénéfice d'une prime d'objectifs, représentant 20 % au maximum de la rémunération annuelle brute à compter du 1er juillet 2015, pour l'exercice 2015/2016.

Et même, l'article 6 du contrat liant les parties, afférent aux conditions de rémunération, prévoyait qu'à la rémunération fixe perçue par le salarié, « pourra s'ajouter en complément de salaire, une prime d'objectif égale à 15 % maximum de la rémunération annuelle brute' à compter de l'exercice 2015/2016 portée à 20 %'le montant de la prime d'objectifs est fonction du niveau de réalisation des objectifs fixés par son supérieur hiérarchique en début de chaque exercice. Elle sera versée, prorata temporis, au plus tard au 31 octobre de chaque année.

Il est rappelé qu'en cas de départ en cours de période, Monsieur [K] [J] ne pourra prétendre au versement de la prime prorata temporis' »

Il est constant que la faute grave étant avérée, le contrat liant les parties s'est trouvé rompu à la date de réception, par le salarié, de la lettre lui notifiant son licenciement, soit le 17 juin 2019. Il était donc absent de l'entreprise avant le terme de la période de référence.

Dès lors que cette prime d'objectifs est un complément à sa rémunération annuelle, il ne peut prétendre à ce que celle-ci soit calculée prorata temporis.

La décision déférée mérite donc d'être infirmée de ce chef et [K] [J] débouté en sa demande en paiement.

* sur la demande en paiement de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

[K] [J] prétend de ce chef à la condamnation de son employeur au paiement de la somme de 20'000 euros, lui faisant grief de lui avoir refusé, sans motif sérieux, le réajustement de sa rémunération.

Ayant été débouté de cette prétention, alors que sa demande en paiement de dommages-intérêts ne repose sur aucun autre fondement, la décision déférée sera confirmée qui a débouté [K] [J] en cette demande.

- Sur les frais irrépétibles

Eu égard aux circonstances de la cause, chacune des parties conservera à sa charge l'intégralité des frais irrépétibles qu'elle a pu exposer, s'agissant de ceux exposés tant en première instance qu'à hauteur d'appel.

Par ces motifs :

La cour, statuant contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Reims le 2 juin 2021 en ce qu'il a débouté [K] [J] en ses demandes en paiement de rappel de salaire, de congés payés afférents et de dommages-intérêts fondés sur une prétendue exécution déloyale du contrat de travail,

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau et, y ajoutant,

Déboute [K] [J] en l'ensemble de ses demandes,

Déboute les parties en leurs demandes respectives fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, tant en première instance qu'à hauteur d'appel,

Condamne [K] [J] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Reims
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/01312
Date de la décision : 23/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-23;21.01312 ?
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