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23/11/2022 | FRANCE | N°21/01788

France | France, Cour d'appel de Reims, Chambre sociale, 23 novembre 2022, 21/01788


Arrêt n°

du 23/11/2022





N° RG 21/01788





CRW/FJ









Formule exécutoire le :







à :



COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE SOCIALE

Arrêt du 23 novembre 2022





APPELANT :

d'un jugement rendu le 4 août 2021 par le Conseil de Prud'hommes de CHARLEVILLE-MEZIERES, section Commerce (n° F 20/00026)



Monsieur [C] [H]

Chez Madame [K], [Adresse 3]

[Localité 1]



Représenté par la SCP MEDEAU-LAR

DAUX, avocats au barreau des ARDENNES





INTIMÉE :



SAS LEGALLAIS

[Adresse 4]

[Localité 2]



Représentée par la SELARL FOSSIER NOURDIN, avocats au barreau de REIMS et par la SELARL SALMON & ASSOCIES, avocats au barreau de CAEN

DÉ...

Arrêt n°

du 23/11/2022

N° RG 21/01788

CRW/FJ

Formule exécutoire le :

à :

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE SOCIALE

Arrêt du 23 novembre 2022

APPELANT :

d'un jugement rendu le 4 août 2021 par le Conseil de Prud'hommes de CHARLEVILLE-MEZIERES, section Commerce (n° F 20/00026)

Monsieur [C] [H]

Chez Madame [K], [Adresse 3]

[Localité 1]

Représenté par la SCP MEDEAU-LARDAUX, avocats au barreau des ARDENNES

INTIMÉE :

SAS LEGALLAIS

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par la SELARL FOSSIER NOURDIN, avocats au barreau de REIMS et par la SELARL SALMON & ASSOCIES, avocats au barreau de CAEN

DÉBATS :

En audience publique, en application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 29 août 2022, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Christine ROBERT-WARNET, président de chambre, chargé du rapport, qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré ; elle a été mise en délibéré au 12 octobre 2022, prorogée au 23 novembre 2022.

COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :

Madame Christine ROBERT-WARNET, président

Madame Marie-Lisette SAUTRON, conseiller

Madame Marie-Laure BERTHELOT, conseiller

GREFFIER lors des débats :

Monsieur Francis JOLLY, greffier

ARRÊT :

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Christine ROBERT-WARNET, président, et Monsieur Francis JOLLY, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

[C] [H] a été embauché par la SAS Legallais selon contrat de travail à durée indéterminée du 4 mars 2013 en qualité de représentant, pour exercer ses fonctions de commercial sur le secteur du département des Ardennes.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 5 janvier 2019, il a été convoqué à un entretien préalable à licenciement pour celui-ci se tenir le 17 janvier 2019.

Le 7 février 2019, la SAS Legallais a notifié à son salarié son licenciement au motif d'une faute grave.

Contestant le bien-fondé du licenciement dont il a fait l'objet, [C] [H] a saisi, par requête enregistrée au greffe le 7 février 2020, le conseil de prud'hommes de Charleville-Mézières.

Aux termes de ses dernières écritures, il prétendait à voir dire sans cause réelle et sérieuse le licenciement dont il a fait l'objet et son employeur condamné, sous exécution provisoire, au paiement des sommes suivantes :

- 4 626,42 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 462,64 euros à titre de congés payés afférents,

- 3 518 euros à titre d'indemnité de licenciement,

- 34'500 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse,

prétendant de ce chef voir écarter les dispositions de l'article L 1235-3 du code du travail pour inconventionnalité :

- 2 313,21 euros à titre d'indemnité pour irrégularité de la procédure,

- 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect de l'obligation de formation,

- 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral,

- 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice financier,

- 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 4 août 2021, le conseil de prud'hommes de Charleville-Mézières a déclaré [C] [H] partiellement recevable et bien fondé en ses demandes, requalifié en cause réelle et sérieuse le motif du licenciement, condamnant en conséquence l'employeur au paiement de l'indemnité légale de licenciement, de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents, tel que sollicité par le salarié mais débouté celui-ci en ses autres demandes à l'exception de celle afférente aux frais irrépétibles.

[C] [H] a interjeté appel de cette décision le 22 septembre 2021.

Vu les conclusions transmises au greffe par RPVA le 19 mai 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour plus ample informé des moyens de la partie appelante par lesquelles [C] [H], continuant de prétendre au bien-fondé de ses demandes qui, contrairement à l'argumentation de la partie adverse ne sont pas prescrites, sollicite l'infirmation du jugement, renouvelant l'intégralité de ses demandes initiales en paiement, pour les sommes alors sollicitées.

Vu les conclusions transmises au greffe par RPVA le 20 janvier 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample informé des moyens de la partie intimée par lesquelles la SAS Legallais prétend :

*à titre principal,

à l'infirmation du jugement,

au bien-fondé du licenciement de son salarié au motif d'une faute grave,

au débouté de [C] [H] en l'ensemble de ses demandes,

à sa condamnation au paiement d'une indemnité de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

*à titre subsidiaire,

à la confirmation du jugement dont appel,

à la condamnation de son salarié au paiement d'une indemnité de 3 000 euros au titre de ses frais irrépétibles,

*à titre infiniment subsidiaire,

à la réduction du montant des demandes présentées par le salarié,

à l'absence de cumul entre les éventuels dommages-intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement et ceux pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse,

à dire expressément que les éventuels dommages-intérêts s'entendent en brut.

Sur ce :

- Sur la prescription

Aux termes des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne doit statuer que sur les prétentions des parties figurant dans le dispositif de leurs conclusions.

En l'espèce, si le corps des conclusions déposées par la SAS Legallais évoque la prescription de l'action et des demandes formées par [C] [H], aucune demande tendant à déclarer irrecevables son action et ses demandes ne figure dans le dispositif des mêmes conclusions.

Il n'y a donc pas lieu de statuer à nouveau sur cette fin de non-recevoir, qu'avaient rejetée les premiers juges.

- Sur le bien-fondé du licenciement

* sur le licenciement verbal

[C] [H] prétend avoir été informé verbalement de son licenciement, à l'occasion d'une conversation téléphonique avec la directrice des ressources humaines de l'entreprise, dont il atteste par la production de 2 témoignages de collègues, présents lors de cet entretien dont ils ont entendu les termes puisque [C] [H] avait enclenché le haut-parleur du téléphone.

Si elle sollicite le rejet de ces attestations, qu'elle considère illicites, dans le corps de ses conclusions, la SAS Legallais ne renouvelle pas une telle demande aux termes du dispositif de ces mêmes conclusions, auquel est seule tenue de répondre la cour, pour l'application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile.

Toutefois, il y a lieu de relever que ces témoignages sont établis sans respecter les prescriptions formelles des dispositions de l'article 202 du code de procédure civile et comportent une erreur de date en ce que l'un d'eux vise des faits du 7 janvier 2019, tandis que l'autre vise des faits du 7 février 2019.

Pourtant, ces témoignages confortent les déclarations de [C] [H], auquel incombe la charge de la preuve de ce fait juridique, tandis que dans ses conclusions, l'employeur énonce expressément qu'il est «convenable pour la société de prévenir M. [H] de son licenciement par téléphone le jour même de l'envoi de la lettre de licenciement, aux fins de lui éviter de se présenter à une réunion et de se voir congédier devant ses collègues de travail' »

Or, une telle attitude de la part de l'employeur équivaut à licencier un salarié sans énoncer de motifs, que ne saurait suppléer la lettre de licenciement adressée ultérieurement, même si elle est adressée le même jour, sous la signature de l'auteur de l'appel téléphonique.

Dès lors, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, le licenciement de [C] [H] se trouve privé de cause réelle et sérieuse.

Il y a donc lieu de confirmer la décision déférée en ce qu'elle a fait droit aux demandes en paiement formées par le salarié au titre de l'indemnité de préavis, des congés payés afférents, et de l'indemnité légale de licenciement, pour les sommes qu'elle a exactement fixées.

La décision mérite également d'être confirmée en ce qu'elle a rejeté la demande en paiement de dommages-intérêts formée par [C] [H] au titre de l'indemnité pour irrégularité de procédure, laquelle ne se cumule pas avec des dommages-intérêts alloués au titre d'un licenciement dénué de cause réelle et sérieuse, pour les présents motifs se substituer à ceux retenus par les premiers juges.

En revanche, ce jugement doit être infirmé en ce qu'en requalifiant en cause réelle et sérieuse le motif du licenciement de [C] [H], il a débouté celui-ci en sa demande en paiement de dommages-intérêts pour licenciement abusif.

[C] [H] prétend voir écarter l'application des dispositions de l'article L 1235-3 du code du travail, invoquant leur inconventionnalité.

Or, les dispositions des articles L. 1235-3, L. 1235-3-1 et L. 1235-4 du code du travail sont de nature à permettre le versement d'une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l'article 10 de la Convention n° 158 de l'OIT, tandis que les dispositions de l'article 24 de la charte sociale ne sont pas applicables à l'espèce.

Il en résulte que les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail sont compatibles avec les stipulations de l'article 10 de la Convention précitée et qu'il appartient à la cour d'apprécier la situation concrète du salarié pour déterminer le montant de l'indemnité due entre les montants minimaux et maximaux déterminés par l'article L. 1235-3 du code du travail.

Compte tenu de l'effectif de l'entreprise (supérieur à 11), de l'ancienneté de [C] [H] (5 ans et 11 mois), le barème obligatoire de l'article L. 1235-3 du code du travail prévoit le paiement d'une indemnité comprise entre trois et six mois de salaire brut.

Sur la base d'un salaire brut moyen de 2 313,21 euros, la SAS Legallais sera condamnée à payer à [C] [H] la somme de 13'000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse.

Les conditions s'avèrent réunies pour condamner l'employeur, en application de l'article L.1235-4 du code du travail, à rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage versées au salarié, du jour de son licenciement jusqu'au jour de la décision judiciaire, dans la limite de six mois d'indemnités.

Il y a lieu de préciser que toute condamnation est prononcée sous déduction des éventuelles cotisations sociales salariales applicables.

- Sur la demande en paiement de dommages-intérêts pour non-respect de l'obligation de formation

[C] [H] prétend à l'infirmation du jugement de ce chef, renouvelant sa demande en paiement pour la somme de 5 000 euros.

Par application de l'article L 6321-1 du code du travail, l'employeur assure l'adaptation des salariés à leur poste de travail et veille à leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l'évolution des emplois des technologies et des organisations.

L'employeur produit aux débats un historique des formations suivies par son salarié au cours de la relation contractuelle qui établit que, contrairement à ce qui est soutenu, il n'aurait pas dispensé ni veillé à l'employabilité de son salarié.

La décision déférée sera donc confirmée en ce qu'elle a débouté [C] [H] en cette demande.

- Sur la demande en paiement de dommages-intérêts pour préjudice moral

A défaut pour [C] [H] de rapporter la preuve de l'existence d'un préjudice autre que celui précédemment indemnisé, il sera débouté en ce chef de demande, par confirmation du jugement de ce chef, par motifs substitués.

- Sur la demande en paiement de dommages-intérêts pour préjudice financier

Hors ses allégations, [C] [H] ne rapporte pas la preuve de l'existence ni même de l'étendue du préjudice financier qui l'invoque, autre que celui résultant de la perte de son emploi, précédemment indemnisée, de sorte qu'il doit être débouté en sa demande, par confirmation du jugement de ce chef, par motifs substitués.

- Sur les frais irrépétibles

Compte tenu des termes de la présente décision, il y a lieu de faire droit à la demande en paiement formée par [C] [H] au titre des frais irrépétibles qu'il a pu exposer, en première instance et à hauteur d'appel.

Ainsi, la SAS Legallais sera condamnée à lui payer la somme de 1 500 euros, en indemnisation des frais engagés devant les 2 degrés de juridiction.

En revanche, la SAS Legallais sera déboutée en ce même chef de demande.

Par ces motifs :

La cour, statuant contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Charleville-Mézières le 4 août 2021, sauf en ce qu'il a dit fondé sur une cause réelle et sérieuse le licenciement de [C] [H], et lui a alloué 900 euros au titre des frais irrépétibles,

Statuant à nouveau de ces chefs et, y ajoutant,

Dit sans cause réelle et sérieuse le licenciement de [C] [H],

Condamne la SAS Legallais à payer à [C] [H] :

- 13'000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse,

- 1 500 euros au titre des frais irrépétibles qu'il a pu exposer, en première instance et à hauteur d'appel,

Précise que toutes les condamnations sont prononcées sous réserve de déduire les cotisations salariales ou sociales éventuellement applicables,

Ordonne le remboursement, par la SAS Legallais à Pôle Emploi, des indemnités de chômage servies au salarié, du jour de son licenciement jusqu'au jour de la présente décision, dans la limite de six mois d'indemnités,

Déboute la SAS Legallais en sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SAS Legallais aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Reims
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/01788
Date de la décision : 23/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-23;21.01788 ?
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