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17/01/2023 | FRANCE | N°21/02329

France | France, Cour d'appel de Reims, 1ere chambre sect.civile, 17 janvier 2023, 21/02329


ARRET N°

du 17 janvier 2023



R.G : N° RG 21/02329 - N° Portalis DBVQ-V-B7F-FDHX





[M]





c/



Compagnie d'assurance MMA IARD

Compagnie d'assurance MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES



















Formule exécutoire le :

à :



Me Sandrine GENIN-LAHMAR



la SELARL RAFFIN ASSOCIES

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE-1° SECTION

ARRET DU 17 JANVIER 2023



APPELANT :

d'un jugeme

nt rendu le 14 septembre 2021 par le tribunal judiciaire de Reims



Monsieur [I] [M]

[Adresse 2]

[Localité 4]



Représenté par Me Sandrine GENIN-LAHMAR, avocat au barreau de REIMS



INTIMEES :



Compagnie d'assurance MMA IARD prise en la personn...

ARRET N°

du 17 janvier 2023

R.G : N° RG 21/02329 - N° Portalis DBVQ-V-B7F-FDHX

[M]

c/

Compagnie d'assurance MMA IARD

Compagnie d'assurance MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES

Formule exécutoire le :

à :

Me Sandrine GENIN-LAHMAR

la SELARL RAFFIN ASSOCIES

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE-1° SECTION

ARRET DU 17 JANVIER 2023

APPELANT :

d'un jugement rendu le 14 septembre 2021 par le tribunal judiciaire de Reims

Monsieur [I] [M]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Sandrine GENIN-LAHMAR, avocat au barreau de REIMS

INTIMEES :

Compagnie d'assurance MMA IARD prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés de droit audit siège.

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Jessica RONDOT de la SELARL RAFFIN ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS

Compagnie d'assurance MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés de droit audit siège.

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Jessica RONDOT de la SELARL RAFFIN ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre

Monsieur Cédric LECLER, conseiller

Mme Sandrine PILON, conseiller

GREFFIER LORS DES DEBATS:

Madame [D] [B],

DEBATS :

A l'audience publique du 15 novembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 10 janvier 2023 prorogée au 17 janvier 2023 compte tenu du manque d'effectif de greffe

ARRET :

Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 17 janvier 2023 et signé par Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre, et Madame Lucie NICLOT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

FAITS ET PROCEDURE

Monsieur [I] [M] a été victime d'un accident de la circulation le 3 juillet 2015 sur la commune de [Localité 4] (Marne) alors qu'il conduisait un scooter, assuré auprès de la société MACIF. Cet accident a impliqué un véhicule assuré auprès des sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles.

Une expertise amiable a été réalisée à l'initiative de la société MACIF par le Docteur [V] [L] qui, le 03 mai 2016, dans son premier rapport, a conclu que la victime n'était pas consolidée.

Une seconde expertise a été réalisée par ce médecin, ayant donné lieu à un rapport daté du 16 mai 2018.

Sur la base des conclusions de ce dernier rapport, Monsieur [I] [M] a, par acte d'huissier du 28 février 2019, fait assigner en paiement la société MACIF devant le tribunal de grande instance de Reims afin qu'il soit statué sur la liquidation de l'intégralité des préjudices.

Par acte d'huissier du 6 juin 2019, la société MACIF a fait assigner en garantie la société MMA IARD assurances mutuelles. La société MMA IARD est intervenue volontairement à l'instance.

Les instances ont été jointes par ordonnance du 2 septembre 2019.

Par jugement du 17 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Reims a ordonné la réouverture des débats avec révocation de l'ordonnance de clôture, invité Monsieur [I] [M] à mettre en cause la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Marne, sursis à statuer sur les demandes des parties et ordonné le renvoi de l'affaire à l'audience de mise en état du 4 janvier 2021.

Par acte d'huissier en date du 26 novembre 2020, Monsieur [I] [M] a fait assigner la CPAM de la Marne devant ce tribunal. Les instances ont été jointes par ordonnance du 4 janvier 2021.

Monsieur [M] demandait notamment aux juges de première instance de fixer l'assiette du recours de la CPAM de la Marne à la somme de 11.442,66 euros au titre des frais hospitaliers, médicaux et pharmaceutiques, la condamnation solidaire de la MACIF et la MMA au versement de la somme totale de 83.099,70 euros au titre de dommages et intérêts pour lesquels il détaillait tous les chefs de préjudice allégués, en déduisant la provision de 5.000euros déjà versée par la MACIF. Enfin, il demandait le paiement d'une pénalité correspondant à 15% des sommes allouées conformément à l'article L.211-14 du code des assurances.

Par décision du 14 septembre 2021, le tribunal judiciaire de Reims a statué comme suit':

met hors de cause la société MACIF ;

juge que Monsieur [I] [M] est recevable et bien fondé à solliciter l'indemnisation de l'intégralité des préjudices subis suite à l'accident de la circulation survenu le 3 juillet 2015 ;

juge que l'indemnisation du préjudice subi par Monsieur [I] [M] s'établit comme suit :

-déboute Monsieur [I] [M] du surplus de ses demandes indemnitaires et de ses demandes d'indemnisation des dépenses de santé futures et du préjudice de formation

-fixe la créance de la Caisse primaire d'assurance maladie de la Marne à la somme de 12.132,38 euros

-condamne in solidum les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles à verser à Monsieur [I] [M] la somme totale de 19.792,66 euros, avant déduction des provisions versées.

-Assortit les différentes sommes accordées à Monsieur [I] [M], hors déduction des créances du tiers payeur ou des provisions éventuelles, d'un intérêt de retard au double du taux légal pour la période ayant couru du 3 mars 2016 au 21 septembre 2018 ;

-condamne in solidum les sociétés MMA IARD et MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES à verser au fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages une somme égale à 15% de l'indemnité allouée ;

déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

-déclare le jugement commun à la Caisse primaire d'assurance maladie de la Marne ;

-condamne in solidum les sociétés MMA IARD et MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES à verser à Monsieur [I] [M] une somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

-condamne in solidum les sociétés MMA IARD et MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES aux dépens, dont distraction au profit de Maître Stanislas CREUSAT, membre de la SCP RAHOLA DELVAL CREUSAT LEFEVRE ;

-ordonne l'exécution provisoire du jugement

Par déclaration du 29 décembre 2021, Monsieur [I] [M] a interjeté appel de la décision rendue par le tribunal judiciaire de Reims.

Dans ses dernières conclusions signifiées par RPVA le 18 février 2022, Monsieur [I] [M], appelant, demande à la cour au visa de la loi du 5 juillet 1985 et des articles L.211-9 et suivants du code des assurances, de le déclarer recevable et bien fondé en son appel et d'infirmer le jugement rendu le 14 septembre 2021 en ce qu'il :

a fixé son indemnisation pour les préjudices suivants à :

445,91 euros au titre de la perte de gains professionnels actuels

3 500 euros au titre de l'incidence professionnelle

l'a débouté de ses demandes d'indemnisation des dépenses de santé future et du préjudice de formation.

Statuant à nouveau':

-condamner solidairement MMA IARD et MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES à payer à Monsieur [M] la somme totale de 64 540,95 euros à titre de dommages et intérêts selon le détail suivant :

Perte de gains professionnels actuels 4.524,45 euros

Préjudice de formation 28.528,50 euros

Incidence professionnelle 30.000,00 euros

Dépenses de santé futures 1.500,00 euros

-Déduire la somme de 3.945,91 euros déjà versée en application des dispositions du jugement du 14 septembre (PGA : 445,91 euros ; IP : 3500 euros) ;

-Assortir le solde, soit la somme de 60 595,04 euros, du double de l'intérêt au taux légal à compter du 3 mars 2016 jusqu'au 21 septembre 2018 conformément aux dispositions du jugement du 14 septembre 2021

-Condamner solidairement MMA IARD et MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES à payer à Monsieur [M] la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

-Condamner solidairement MMA IARD et MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES aux entiers dépens (première instance et procédure d'appel) lesquels seront recouvrés par Maître GENIN-LAHMAR, avocat aux offres de droit conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Aux termes de leurs dernières conclusion signifiées le 13 septembre 2022, MMA IARD et MMA lARD ASSURANCES MUTUELLES, intimées, demandent à la cour de les recevoir dans leur appel incident et dans leurs demandes et demandent à la cour de confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Reims le 14 septembre 2021 en ce qu'il a':

juge que l'indemnisation du préjudice subi par Monsieur [M] s'établit comme suit:

-pertes de gains professionnels actuels 1135,63 euros dont 445,91 euros revenant à Monsieur [M]

-incidence professionnelle de 3500 euros

-Déboute Monsieur [M] du surplus de ses demandes indemnitaires et de ses demandes d'indemnisation des dépenses de santé futures et du préjudice de formation.

-Condamne in solidum les sociétés MMA lARD et MMA lARD ASSURANCES MUTUELLES à verser à Monsieur [M] la somme totale de 19 792,66 euros, avant déduction des provisions versées

En conséquence :

-Débouter Monsieur [M] de ses demandes formées au titre de la perte de gains professionnels actuels, de l'incidence professionnelle, des dépenses de santé futures et du préjudice de formation.

-Infirmer le jugement rendu par le Tribunal judiciaire de REIMS le 14 septembre 2021 en ce qu'il a:

assortit les différentes sommes accordées à Monsieur [I] [M], hors déduction des créances du tiers payeur ou des provisions éventuelles, d'un intérêt de retard au double du taux légal pour la période ayant couru du 3 mars 2016 au 21 septembre 2018;

-Condamne in solidum les sociétés MMA lARD et MMA lARD ASSURANCES MUTUELLES à verser au fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages une somme égale à 15% de l'indemnité allouée;

-Condamne in solidum les sociétés MMA lARD et MMA lARD ASSURANCES MUTUELLES à verser à Monsieur [I] [M] une somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ».

En conséquence,

-débouter Monsieur [M] de ses demandes formées au titre de l'intérêt de retard au double du taux légal, de la pénalité à verser au FGAO et des frais irrépétibles exposés en première instance.

A tout le moins':

-réduire dans de plus justes proportions la pénalité à verser au FGAO, celle-ci ne pouvant excéder 5% de l'indemnité allouée à Monsieur [M] (hors déduction des créances du tiers payeur ou des provisions éventuelles).

-réduire dans de plus justes proportions la somme allouée à Monsieur [M] au titre de l'article 700 du Code de procédure civile en première instance.

En tout état de cause, débouter Monsieur [M] de ses demandes plus amples ou contraires, notamment au titre des frais irrépétibles et des dépens exposés à hauteur de Cour.

MOTIFS

Monsieur [I] [M] victime d'un accident de la circulation le 3 juillet 2015 a été déclaré recevable et bien fondé à solliciter l'indemnisation de l'intégralité de son préjudice à MMA IARD et MMA lARD ASSURANCES MUTUELLES.

Il sollicite l'infirmation du jugement qui a liquidé ses préjudices, dans les seuls postes concernant la perte de gains professionnels actuels, l'incidence professionnelle, les dépenses de santé futures et le préjudice de formation.

Il réclame à ce titre la somme totale de 64 540,95 euros selon le détail suivant :

-Perte de gains professionnels actuels 4.524,45 euros

-Préjudice de formation 28.528,50 euros

-Incidence professionnelle 30.000,00 euros

-Dépenses de santé futures 1.500,00 euros

Les compagnies d'assurance MMA, intimées concluent à la confirmation du jugement et donc au débouté de Monsieur [M] de ses demandes formées au titre des 4 postes précités.

L'expert judiciaire qui a examiné Monsieur [I] [M] le 16 mai 2018 conclut notamment :

'déficit fonctionnel temporaire total du 3 au 8 juillet 2015 et le 7 juin 2017

'déficit fonctionnel temporaire partiel:

*classe III du 9 juillet 2015 au 15 octobre 2007

*classe II du 16 octobre 2015 au 16 janvier 2016 et du 8 juin 2017 au 8 juillet 2017

*classe I du 17 janvier 2016 au 6 juin 2017 et du 9 juillet 2017 au 30 novembre 2017

'pertes de gains professionnels actuels : du 3 juillet 2015 au 15 décembre 2015 et du 7 juin 2017 au 17 juin 2017

'date de consolidation : 1er décembre 2017 avec un déficit fonctionnel permanent de 2 %

'incidence professionnelle : pénibilité dans le travail, dévalorisation sur le marché du travail, pas de reclassement

'frais à caractère certain et prévisible : utilisation de genouillères en gel siliconé, équipements généralement fournis par l'employeur dans le cadre d'activités de carreleur.

Sur les préjudices patrimoniaux temporaires :

Sur le préjudice financier lié au retard pris dans la formation et les pertes de gains avant la consolidation

Ce poste a vocation à indemniser les préjudices économiques correspondant aux revenus dont la victime a été privée'; ceux-ci peuvent résulter le cas échéant du retard occasionné dans son arrivée sur le marché au regard du retard pris dans sa formation en raison du fait générateur ouvrant droit à réparation.

Il couvre la période qui se situe entre la date du dommage la date de la consolidation.

Monsieur [I] [M] se prévaut d'une perte de revenus avant la consolidation de son état résultant du fait que le terme de sa formation en qualité de carreleur a été repoussé d'avril 2015 à décembre 2016 en raison de son hospitalisation et de son déficit fonctionnel temporaire.

Il développe que lors de son accident, il était en train de suivre une formation dispensée par l'AFPA de Champagne-Ardenne qui a dû être interrompue et qu'il n'a pu reprendre celle-ci que le 12 septembre 2016'; qu'ainsi entre la survenance de l'accident (3/07/2015) et l'achèvement de sa formation (16/12/2016), il s'est écoulé 16 mois et demi, période qui a différé son intégration sur le marché du travail en qualité de carreleur diplômé qui lui aurait permis de prétendre à une somme de 28.528,50 euros calculée en prenant pour base le revenu moyen des français correspondant à la catégorie socioprofessionnelle des ouvriers à laquelle appartient le métier de carreleur, lequel était fixé par l'Insee en 2015 à la somme de 11,40 euros nets de l'heure, soit un salaire mensuel net de 1729 euros (11,40 euros x 151,67 h). (1729 euros x 16,5 mois).

Il souligne qu'il ne demande une indemnisation que pour la période durant laquelle il n'a pas pu finir sa formation, et non pas sur la période jusqu'à son entrée effective dans le monde du travail en juillet 2017.

Les intimées estiment que la réclamation de Monsieur [M] n'entre pas dans la définition de la nomenclature Dintilhac, que l'expert n'a pas relevé de préjudice à ce titre et qu'il ne s'agit pas d'un préjudice temporaire.

Ils développent qu'il n'y a pas eu de perte d'une année, l'issue de la formation ayant été simplement décalée sans aucune raison médicale liée à l'accident et sans justification d'aucune activité durant la période entre l'accident et la reprise de sa formation, ni des démarches pour trouver un emploi; que l'intégration de Monsieur [M] sur le marché du travail en qualité de carreleur a été retardée en raison de son incarcération qui lui a fait rater la première session de formation (qui avait lieu du 22/09/2014 au 10/04/2015); qu'il a obtenu son diplôme avant sa date de consolidation qui était fixée au 1er décembre 2017; qu'au regard des conclusions de l'expert, l'appelant n'a subi une gêne temporaire totale que sur 7 jours lors de ses hospitalisations.

La cour retient alors que Monsieur [I] [M], né en 1981, justifie que le 18 septembre 2014 il avait régularisé un contrat individuel de 770 heures de formation de carreleur parcours qualifiant MO à effectuer à un rythme hebdomadaire de 35 h, avec l'AFPA de Champagne Ardenne, dont les dates de formation étaient fixées du 22 septembre 2014 à une fin prévisionnelle au 10 avril 2015.

Cette formation a été retardée du fait de son incarcération et donc pour des faits sans lien de causalité avec l'accident.

Finalement, dans le cadre d'un aménagement de peine sous le régime de la semi liberté, la formation a débuté le 20 avril 2015.

Une attestation de l'organisme formateur du 6 novembre 2015 certifie que Monsieur [I] [M] n'a suivi une formation de carreleur que de 322 heures pour laquelle il a touché une rémunération mensuelle de 401,09 euros.

Ainsi la formation qui aurait du s'achever le 6 novembre 2015 a été interrompue par l'accident survenu le 3 juillet 2015.

Monsieur [I] [M] a été:

en incapacité totale de travail du 3 au 8 juillet 2015,

en déficit fonctionnel temporaire partiel de :

*classe III du 9 juillet 2015 au 15 octobre 2015

*classe II du 16 octobre 2015 au 16 janvier 2016

*classe I du 17 janvier 2016 au 6 juin 2017

* classe II du 8 juin 2017 au 8 juillet 2017

* classe I du 9 juillet 2017 au 30 novembre 2017.

Il précise à juste titre qu'il n'a pas à fournir un contrat de travail pour obtenir une indemnisation du chef de préjudice dont il se prévaut et que le lien de causalité établi entre l'accident et l'obtention différée de son diplôme de fin de formation lui conférant les qualités requises pour être carreleur, suffit.

En revanche il ne peut être suivi lorsqu'il établit un lien de causalité direct et certain entre l'accident et la totalité du retard de formation de 16 mois et demi courant entre avril 2015 et décembre 2016 alors qu'il a été vu que la première formation devait s'achever en novembre 2016 de sorte que dans tous les cas le retard ne serait que d'environ une année.

Par ailleurs pour que ce retard soit entièrement imputable à l'accident il faut encore que son incapacité l'empêchait de reprendre sa formation en cours, d'intégrer une formation avant le mois de septembre 2016.

Or s'il apparaît que son hospitalisation puis son déficit fonctionnel de classe III voir de classe II jusqu'au 16 janvier 2016 a nécessairement interrompu sa formation en juillet 2015 et retardé sa possible candidature à une nouvelle formation, celle-ci était parfaitement envisageable avec un déficit de classe I puisque ce classement était le sien lorsqu'il a repris sa formation en septembre 2017.

Et les différentes dates de début de formation justifiées par Monsieur [I] [M] montrent que celles-ci pouvaient être débutées tout au moins en avril ou en septembre ce qui lui permettait de reprendre une formation en avril 2016.

Il n'est donc pas démontré dans ces conditions qu'une formation n'aurait pas pu être reprise avant le mois de septembre 2017 et donc au mois d'avril.

Mais un classement en classe II est à nouveau constaté au cours de l'été 2017 (DFT de classe II du 8 juin au 8 juillet 2017)qui aurait à nouveau interrompu cette formation au cours de l'été comme l'accident l'avait interrompue un an plus tôt'; il n'est donc pas certain que finalement elle aurait opportunément pu être entamée avant l'opération du mois de juillet 2017 et donc avant le mois de septembre 2017.

En conséquence la cour considère qu'un lien de causalité entre l'accident et une date de fin de formation repoussée de novembre 2016 à décembre 2017 est établi.

Monsieur [I] [M] estime que son intégration dans le monde du travail en qualité de carreleur diplômé a été retardé d'autant, et que le préjudice en ayant résulté est égal au montant qu'il aurait touché sur la base d'un salaire net horaire d'un carreleur de 11,40 euros, de 1 729 euros mensuels.

Mais ce préjudice ne constitue qu'une perte de chance de travailler immédiatement à temps complet et sans interruption pendant l'année qui suivait la formation.

Or cette chance était faible si on retient avec les compagnies d'assurances MMA IARD et MMA lARD ASSURANCES MUTUELLES qu'il a obtenu son diplôme en décembre 2016 soit avant la date de consolidation fixée en décembre 2017 mais ne justifie pas avoir pris un quelconque travail avant le mois de juillet 2017 et de plus pas dans sa spécialité (ponçage, peinture, entretien et nettoyage des locaux) et que son premier contrat en lien avec sa spécialité de carreleur date d'octobre 2018 soit bien après sa consolidation; qu'il ne justifie d'aucune recherche d'emploi et que des dizaines de condamnations figurent sur son casier judiciaire limitant d'autant ses périodes d'activité.

Ainsi la réparation du préjudice liée à sa perte de chance de percevoir un an plus tôt un salaire de carreleur ou même de travailler dans un autre domaine est limité à la somme de 2 000 euros.

Monsieur [I] [M] réclame par ailleurs une perte de gains pendant la période au cours de laquelle il a dû interrompre sa formation égale au montant mensuel de 401,90 euros qu'il aurait du percevoir.

En se prévalant de la jurisprudence de la Cour de cassation ( Crim., 24 janvier 2018, n°15'84 990 et Civ. 2ème, 23 octobre 2014, n°13-23481,) qui rappelle qu'il est nécessaire qu'une activité antérieure aux faits traumatiques ait existé, et que cette activité ait produit des revenus (incluant même les allocations chômage) pour qu'il y ait perte de gain professionnel, le concluant dit avoir perçu 401,09euros par mois durant sa formation.

Il en déduit qu'il doit être indemnisé pour ces 13 mois à hauteur du montant qu'il n'a pas perçu de 5.214,17euros (13 mois x 401,09euros), somme de laquelle il convient de retrancher les indemnités journalières perçues jusqu'au 29 décembre 2015 de 689,72euros, soit un solde lui revenant de 4.524,45euros.

Mais Monsieur [I] [M] n'a pas subi de perte de revenus pour sa formation puisqu'il ne travaillait pas antérieurement à l'accident, qu'il s'agissait par ailleurs que d'une formation à durée déterminée de 6 mois qui a été interrompue et reprise mais pour laquelle il a touché en deux fois certes mais finalement en intégralité les revenus mensuels limités qu'elle proposait.

Par ailleurs Monsieur [I] [M] ne travaillait pas avant l'accident, le préjudice lié au retard pris jusqu'à l'issue de sa formation et son entrée sur le monde du travail a été analysé plus haut et il ne démontre pas l'existence d'un lien de causalité entre les séquelles laissées par son accident entre la fin de la formation en décembre 2016 et la consolidation de son état en novembre 2017 alors que son DFT n'était que de classe I et que son DFP ne sera que de 2 % .

En conséquence aucun préjudice financier supplémentaire lié au retard pris dans la formation et les pertes de gains avant la consolidation n'est retenu.

En conséquence la cour infirme le jugement de première instance en ce qu'il dit que la somme de 1353,63 euros proposée par la MACIF et reprise par MMA, en prenant en compte les indemnités journalières perçues à hauteur de 689,72 euros offrait une juste indemnisation de 445,91euros et fixe ce préjudice à la somme de 2 000 euros dont 689,72 revenant à la CPAM soit 1 310,34 euros restant dû à Monsieur [I] [M] déduction faite des indemnités.

Sur les préjudices patrimoniaux permanents

Sur l'incidence professionnelle

Ce poste de préjudice prend en compte le préjudice subi par la victime en raison de sa dévalorisation sur le marché du travail, sa perte d'une chance professionnelle de l'augmentation de la pénibilité de l'emploi qu'elle occupe et imputable aux dommages. Il inclut le préjudice qui a trait à la nécessité de devoir abandonner une profession exercée avant le dommage au profit d'une autre choisie en raison de la survenance du handicap, des frais de reclassement professionnel, de formation, de changement de poste, de perte de retraite. Contrairement à la perte de gain professionnel qui fait généralement l'objet d'une évaluation très précise, l'incidence professionnelle est le plus souvent forfaitaire tenant notamment compte d'une perte de chance sérieuse de la victime d'augmenter ses revenus professionnels, du caractère plus ou moins probable de la perte invoquée de revenus supplémentaires du fait de la survenue dommage.

Monsieur [M] explique qu'il a exercé son emploi de carreleur dans le cadre de missions intérimaires, mais a dû cesser compte tenu de la douleur au genou après 3heures de travail au sol, que l'expert avait d'ailleurs estimé que son état de santé pouvait donner lieu à une pénibilité dans son travail et une dévalorisation sur le marché du travail compte tenu de ses douleurs persistantes, qu'il était nécessaire d'adapter ses conditions de travail en lui faisant porter des genouillères ou en modifiant régulièrement ses appuis.

Au regard de ces circonstances, il apparaît que Monsieur [M] subit une dévalorisation sur le marché du travail qui n'est d'ailleurs pas contesté par MMA IARD et MMA lARD ASSURANCES MUTUELLES qui propose la somme de 3 500 euros

Il réclame une indemnisation de cette incidence professionnelle susceptible d'être subie durant 30 ans, soit à compter de la consolidation de Monsieur [M] (à l'âge de 37 ans) jusqu'à l'âge prévisible de départ en retraite (67 ans), à hauteur de 30.000euros

Mais il faut retenir que le déficit fonctionnel n'est que de 2%, que l'expert ne note pas de contre indication au poste de carreleur et que Monsieur [I] [M] peut continuer à l'exercer si ce n'est de contrer la gène et la douleur éventuelle par le port de genouillère qui est peu contraignant et conforme aux usages dans un métier dans lequel les genoux sont très sollicités.

Dès lors l'estimation du préjudice faite par les premiers juges est confirmée.

Sur les dépenses futures

Ce poste de préjudice inclut notamment les dépenses que la victime devra faire pour exercer son travail malgré son handicap et à ce titre l'expert préconise l'utilisation d'une genouillère en gel siliconé pour que Monsieur [M] puisse exercer sa profession.

Monsieur [I] [M] réclame une indemnisation de 1.500euros correspondant au prix de deux paires de genouillères gel silicone par an, jusqu'à la retraite soit pendant 30 ans sur la base d'une prix moyen d'une paire de genouillère de qualité de 25 euros soit 25x2x30 = 1.500euros.

MMA IARD et MMA lARD ASSURANCES MUTUELLES s'opposent à la demande en paiement de ces genouillères en développant en premier lieu que ce prix doit être pris en charge par l'employeur au titre de l'obligation relative aux protections individuelles (EPI), ensuite que c'est un dispositif médical pris en charge par la sécurité sociale qu'enfin Monsieur [M] n'apporte aucun élément concernant sa situation professionnelle et donc justifiant qu'il occupe des fonctions de carreleur.

Mais Monsieur [I] [M] développe à juste titre que le matériel n'est pas toujours fourni par l'employeur dès lors que ce n'est pas du matériel de protection obligatoire, qu'il n'a pas à justifier de frais futurs et donc de l'existence et du nombre de contrats ou de jours d'exercice du métier de carreleur.

En revanche il est tenu de justifier des frais engagés jusqu'à ce jour et ne produit aucun élément à ce titre.

En conséquence la cour retient un préjudice correspondant au prix de deux genouillères par an, mais pas de sa consolidation auquel cas il lui appartenait de justifier de l'achat de ces appareils, mais à compter de ce jour, et pas jusqu'à ses 67 ans, alors que l'âge légal de départ à la retraite est de 62 ans.

Ainsi, reprenant la base de calcul de la victimle, la cour fixe ce préjudice à 25 euros X2 X 20 ans =1 000 euros.

Sur la demande d'un intérêt de retard au double du taux légal .

Monsieur [I] [M] a obtenu la condamnation de l'assureur au paiement d'intérêt du double de l'intérêt légal sur la somme allouée entre le jour où l'offre aurait dû être faite (le 3 mars 2016 expiration du délai de 8 mois)et cette offre.

L'article L.211-9 du code des assurances, impose à l'assureur qui garantit la responsabilité civile du fait d'un véhicule terrestre à moteur de faire une offre d'indemnisation à la victime d'un accident qui a subi une atteinte à sa personne dans le délai maximum de 8 mois suivant l'accident qui comprend tous les éléments indemnisables du préjudice, y compris les éléments relatifs aux dommages aux biens lorsqu'ils n'ont pas fait l'objet d'un règlement préalable. Elle peut avoir un caractère provisionnel lorsque l'assureur n'a pas, dans les 3 mois de l'accident, été informé de la consolidation de l'état de la victime'; l'offre définitive d'indemnisation doit alors être faite dans un délai de 5 mois suivant la date à laquelle l'assureur a été informé de cette consolidation. En tout état de cause le délai le plus favorable à la victime s'applique.

A défaut d'offre dans les délais impartis le montant de l'indemnité offerte par l'assureur ou allouée par le juge, produit intérêt de plein droit au double du taux de l'intérêt légal, en vertu de l'article L. 211-13 du même code, à compter de l'expiration du délai et jusqu'au jour de l'offre ou du jugement devenu définitif. Cette pénalité peut être réduite par le juge en raison de circonstances non imputables à l'assureur.

Faisant application de ces dispositions le tribunal a assorti les différentes sommes allouées à Monsieur [I] [M] hors déduction des créances du tiers payeur ou des provisions éventuelles, d'un intérêt de retard au double du taux légal pour la période ayant couru du 3 mars 2016, postérieur de 8 mois à l'accident du 3 juillet 2015, au 21 septembre 2018, date de la première offre au motif que la MACIF mandatée à cette fin, ne justifiait d'aucune offre d'indemnisation soumise à Monsieur [I] [M] préalablement et que la provision réglée n'était pas de nature à pallier la carence de l'assureur dans la présentation d'une offre d'indemnisation complète.

MMA IARD et MMA lARD ASSURANCES MUTUELLES sollicitent l'infirmation de ce point au motif qu'elles ont versé des provisions avant la première offre de 500 euros le 16 novembre 2015, de 3 000 euros le 24 octobre 2016 et de 1 500 euros le 20 septembre 2017, qu'elles n'ont été informées de la consolidation le 16 mai 2018 que 3 mois plus tard soit le 21 septembre 2018 et qu'une offre raisonnable et suffisante au regard du préjudice subi a été faite pour une indemnisation globale de 14 147,50 euros et une seconde le 21 décembre 2018 pour 19 343,41 euros, montant pratiquement équivalent à celui alloué par le tribunal.

Mais les dispositions légales précitées supposent qu'une offre tout au moins prévisionnelle et sérieuse soit faite dans les 8 mois alors que les provisions successives proposées de 500 euros dans les 8 mois de l'accident, de 3 000 euros dans les 15 mois et de 1500 euros dans les 2 ans de l'accident pour un total de 5 000 euros d'un quart du montant de l'offre ou de celui fixé par le tribunal, n'apparaissent pas suffisamment sérieuses pour valoir offre provisionnelle d'indemnisation conforme aux dispositions précitées.

En conséquence le jugement est confirmé.

Sur la demande de condamnation des concluantes à verser au FGAO une somme égale à 15% de l'indemnité allouée.

L'article L. 211-14 du code des assurances impose au juge qui fixe l'indemnité, de condamner d'office, lorsqu'il estime que l'offre proposée par l'assureur était manifestement insuffisante, l'assureur à verser au FGAO, une somme égale au plus à 15% de l'indemnité allouée, sans préjudice des dommages-intérêts dus de ce fait à la victime.

Les concluantes estiment que l'application de l'article L.211-14 du code des assurances n'a pas lieu d'être dès lors que les offres proposées par la MACIF étaient suffisantes.

Mais le contraire a été retenu précédemment par la cour.

A titre subsidiaire MMA IARD et MMA lARD ASSURANCES MUTUELLES estiment que la pénalité à verser au FGAO doit être réduite au regard des éléments de la cause (3 provisions versées, deux expertises effectuées rapidement, deux offres émises, etc...) et du fait que les concluantes ne bénéficiaient pas du mandat d'indemnisation de Monsieur [M] à l'époque, qu'une indemnité à hauteur de 5% maximum apparaît plus conforme à la jurisprudence en la matière.

Mais le fait que une faute pourrait être reprochée à l'assureur mandaté par une convention IRCA et qui n'est pas opposable à la victime, ne peut conduire à justifier la défaillance constatée et la proposition faite est manifestement sous évaluée.

C'est dès lors à juste titre que le premier juge a condamné MMA IARD et MMA lARD ASSURANCES MUTUELLES à verser au fonds de garantie une somme égale à 15% de l'indemnité allouée à Monsieur [I] [M].

Par ces motifs;

La cour statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme le jugement du tribunal judiciaire du 14 septembre 2021 en toutes ses dispositions contestées si ce n'est quant au montant du préjudice financier lié au retard pris dans la formation et les pertes de gains avant la consolidation,

Statuant à nouveau sur ce seul point et ajoutant,

Dit que le préjudice lié à la perte de gains professionnels actuels inclut celui lié au retard pris dans la formation,

Condamne à ce titre MMA IARD et MMA lARD ASSURANCES MUTUELLES à payer à Monsieur [I] [M] la somme de 2 000 euros dont à déduire les indemnités revenant à la CPAM de 689,72 euros,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne MMA IARD et MMA lARD ASSURANCES MUTUELLES aux dépens.

Le greffier La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Reims
Formation : 1ere chambre sect.civile
Numéro d'arrêt : 21/02329
Date de la décision : 17/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-17;21.02329 ?
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