ARRET N°
du 17 janvier 2023
R.G : N° RG 22/00017 - N° Portalis DBVQ-V-B7G-FDKQ
[S]
c/
[J]
Organisme CPAM DE LA MARNE
Formule exécutoire le :
à :
Me Carole MANNI
la SCP SCP ACG & ASSOCIES
COUR D'APPEL DE REIMS
CHAMBRE CIVILE-1° SECTION
ARRET DU 17 JANVIER 2023
APPELANT :
d'un jugement rendu le 07 décembre 2021 par le tribunal judiciaire de Reims
Monsieur [I] [S]
[Adresse 6]
[Localité 9]
Représenté par Me Carole MANNI, avocat au barreau de REIMS
INTIMES :
Monsieur [H] [J]
[Adresse 5]
[Localité 9]
Représenté par Me Gérard CHEMLA de la SCP ACG & ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS
Organisme CPAM DE LA MARNE
[Adresse 4]
[Localité 9]
N'ayant pas constitué avocat
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :
Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre
Monsieur Cédric LECLER, conseiller
Mme Sandrine PILON, conseiller
GREFFIER LORS DES DEBATS:
Madame Yelena MOHAMED-DALLAS,
DEBATS :
A l'audience publique du 15 novembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 10 janvier 2023 prorogée au 17 janvier 2023 compte tenu du manque d'effectif de greffe
ARRET :
Réputé contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 17 janvier 2023 et signé par Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre, et Madame Lucie NICLOT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * * *
Depuis 2007, Monsieur [I] [S] a souffert d'un hallux rigidis droit.
Le 21 octobre 2008, il a consulté le professeur [H] [J] sur recommandation de son rhumatologue le docteur [E] selon courrier du 20 octobre 2008.
Cette consultation a donné lieu au diagnostic d'un hallux valgus arthrosé.
Le 6 novembre 2008, Monsieur [J] a réalisé une arthrodèse de la métatarso-phalangienne associée à une plastie de la sangle avec réaxation des tendons.
Monsieur [S] s'est plaint de douleurs persistantes du gros orteil et du deuxième orteil.
Le 5 décembre 2008, il a été réalisé une radiographie, quelques jours avant la consultation postopératoire, qui a montré la fixation en place de l'arthrodèse du premier rayon avec un fil métallique et un embrochage en croix, ainsi qu'un raccourcissement net du premier rayon.
Monsieur [S] a souffert de douleurs l'handicapant dans son quotidien, et l'obligeant à porter des chaussures de type Sobert, à utiliser la voiture pour l'intégralité de ses déplacements, et à renoncer à la pratique de la marche et des activités sportives auxquelles il s'adonnait auparavant.
Le 27 novembre 2009, Monsieur [S] a de nouveau consulté le professeur [J].
Le 28 novembre 2009, il a été réalisé une radiographie du patient, qui a mis en évidence l'absence de fusion de l'arthrodèse.
Dans ce contexte, le patient a demandé l'ablation des broches au professeur [J], ce que ce dernier a réalisé le 14 décembre 2009.
Eu égard à la persistance de vives douleurs au pied droit, Monsieur [S] a de nouveau consulté le docteur [E], lequel a demandé au docteur [R] de procéder à une radiographie.
Ce dernier a diagnostiqué une pseudarthrose évidente selon lui depuis l'intervention du 14 décembre 2009.
Par la suite, Monsieur [S] a consulté le Docteur [T] qui a procédé à de nouvelles interventions chirurgicales:
- le 12 août 2010, de type reprise de l'arthrodèse métatarso-phalangienne, avec ostéotomie du premier métatarsien;
- le 26 juillet 2011, consistant en une ostéotomie de Weil des deuxième, troisième et quatrième métatarsiens;
- le 3 janvier 2013, avec une ablation du matériel d'ostéosynthèse et une reprise de l'arthrodèse métatarso-phalangienne avec greffe osseuse.
Malgré la stabilisation des lésions et l'amélioration fonctionnelle, Monsieur [S] a dénoncé la persistance de séquelles.
Le 11 décembre 2014, Monsieur [S] a saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Reims aux fins de voir ordonner une expertise médicale.
Par ordonnance en date du 28 janvier 2015, le juge des référés du tribunal de grande instance de Reims a fait droit à cette demande d'expertise, et a désigné à cette fin le Docteur [Z] [G].
Le 28 janvier 2016, l'expert commis a déposé son rapport définitif.
Ce rapport a conclu à:
- la conformité de la technique d'arthrodèse réalisée aux règles de l'art et aux données acquises de la science au moment des faits, concernant l'établissement du diagnostic, des soins et du traitement;
- la fourniture de l'information préopératoire à travers le consentement éclairé;
- la survenue d'un aléa thérapeutique compte tenu de la pseudarthrose.
Le 26 mai 2020, Monsieur [S] a assigné Monsieur [J] et la caisse primaire d'assurance-maladie de la Marne (la caisse) devant le tribunal judiciaire de Reims.
En dernier lieu, Monsieur [S] a demandé:
- d'ordonner une contre-expertise médicale sur sa personne et de désigner tel expert qu'il plairait avec la mission suivante :
* entendre contradictoirement les parties et tout sachant, compulser tous documents même détenus par les tiers et tout dossier médical, recueillir au besoin la vie de tous techniciens de son choix d'une spécialité distincte de la sienne;
* décrire les soins, interventions et traitements pratiqués sur lui;
* décrire son état antérieur;
* procéder à son examen clinique et décrire les lésions et séquelles directement imputables aux soins et traitements critiqués;
* décrire les conditions d'exercice professionnel et dire si ces conditions étaient conformes aux règles inhérentes à la matière et à l'état des données acquises de la science au moment de l'intervention;
* en cas de manquements, en préciser la nature ou les auteurs ainsi que leurs conséquences au regard de l'état initial du plaignant comme de l'évolution prévisible de celui-ci;
* dire s'il avait bénéficié de soins conformes à ces règles ou s'il pouvait être reproché erreur, imprudence, défaut de précaution, ou autre défaillance, notamment un retard dans le diagnostic; dans l'affirmative, dire s'il y avait perte de chance ou réalisation de la thérapeutique;
* rechercher si le patient avait reçu une information préalable suffisante sur les risques
que lui faisait encourir intervention chirurgicale et si c'était en toute connaissance de cause qu'il s'était prêté à cette intervention;
plus précisément,
* dire, en tenant compte du niveau fonctionnel qu'il souhaitait conserver, si la réalisation d'une arthrodèse fut au moment des faits la seule solution thérapeutique à proposer;
* si oui, préciser les raisons qui contre-indiquaient les autres solutions thérapeutiques;
* dire si, au vu des éléments du dossier des informations recueillies, on pouvait affirmer qu'il avait reçu une information claire et complète sur les risques et les complications d'une arthrodèse, ainsi que sur le retentissement fonctionnel d'une telle intervention;
* dire si le suivi post-opératoire avait été effectué de façon attentive et consciencieuse et en particulier si ses plaintes avaient été prises en compte;
*dire si la réalisation de l'arthrodèse avait été faite en respectant les critères techniques d'exécution et en tenant compte de l'équilibre architectural de l'avant-pied;
* préciser quelles avaient été toutes les conséquences fonctionnelles de l'intervention réalisée;
* décrire les conséquences dommageables en lien direct avec les éventuelles fautes de négligence constatées en ne s'attachant qu'à la seule part imputable aux éventuels manquements retenus;
* évaluer ses différents postes de préjudice;
- dire la décision à intervenir opposable à la caisse;
- réserver les dépens.
En dernier lieu, Monsieur [J] a demandé de:
- dire et juger que l'organisation d'une mesure de contre-expertise n'était pas justifiée;
- débouter par conséquent Monsieur [S] de l'intégralité de ses demandes;
- condamner Monsieur [S] à lui payer la somme de 1000 euros au titre des frais irrépétibles.
Quoique régulièrement touchée par acte d'huissier remis à sa personne, la caisse n'a pas constitué avocat.
Par jugement réputé contradictoire en date du 7 décembre 2021, le tribunal judiciaire de Reims a:
- débouté Monsieur [S] de ses demandes;
- condamné Monsieur [S] à payer à Monsieur [J] la somme de 1000 euros titre des frais irrépétibles.
Le 4 janvier 2022, Monsieur [S] a relevé appel de cette ordonnance.
La caisse n'a pas constitué avocat.
Le 28 mars 2022, Monsieur [S] a signifié sa déclaration d'appel et ses écritures déposées le 24 mars 2022 à la caisse à sa personne.
Le 18 octobre 2022, a été ordonnée la clôture de l'instruction de l'affaire.
PRETENTIONS ET MOYENS:
Pour plus ample exposé, il sera expressément renvoyé aux écritures déposées par les parties:
- le 4 août 2022 par Monsieur [S], appelant;
- le 23 juin 2022 par Monsieur [J], intimé.
Par voie d'infirmation, Monsieur [S] réitère ses prétentions initiales, et sollicite de débouter Monsieur [J] de toutes ses demandes.
Monsieur [J] demande la confirmation intégrale du jugement déféré, et sollicite la condamnation de Monsieur [S] à lui payer la somme de 1500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.
MOTIVATION:
Selon l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir, avant tout procès, la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.
L'article 145 du code de procédure civile n'impose pas au juge de caractériser le motif légitime d'ordonner une mesure d'instruction au regard du ou des différents fondements juridiques de l'action que la partie demanderesse se propose d'engager.
Le juge n'a pas à se prononcer sur le bien fondé ni même sur l'opportunité d'un éventuel procès.
L'intérêt légitime attaché à une demande de mesure d'instruction in futurum suppose seulement que soit établie l'existence d'éléments rendant plausibles le bien-fondé de l'action envisagée.
Le requérant doit donc faire la preuve de son intérêt légitime à établir la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un éventuel litige.
La procédure édictée par ce texte n'est pas limitée à la conservation des preuves, mais peut aussi tendre à leur établissement.
Le juge ne peut donc pas exiger que le requérant à la mesure d'instruction démontre un fait que la mesure d'instruction qu'il sollicite a précisément pour objet d'établir.
En effet, l'article 146 du code de procédure civile est sans application lorsque le juge est saisi sur le fondement de l'article 145 du même code.
Il en résulte qu'une action en référé engagée sur le fondement de l'article 145 de ce code ne peut pas être rejetée, en retenant que la mesure d'expertise sollicitée avant tout procès n'aurait pour objet que de suppléer la carence des demandeurs dans l'administration de la preuve, sans se prononcer sur le motif légitime prévu par ce texte.
Cependant, il appartient au juge de déterminer si la mesure d'instruction sollicitée est de nature à apporter des éléments utiles à la solution d'un procès éventuel.
Sur la teneur de l'expertise judiciaire déjà réalisée:
L'expertise du professeur [G] met en évidence:
- l'existence d'un hallux rigidus droit évolué depuis plusieurs années, résistant au traitement médical et aux infiltrations;
- la proposition, par Monsieur [J], d'une arthrodèse de l'articulation métatarso-phalangienne de l'hallux droit en raison du retentissement fonctionnel de cet hallux rigide (arthrose du gros orteil), avec consentement éclairé signé le 28 octobre 2008;
- la possibilité pour le patient de se soustraire à ce geste chirurgical ne revêtant pas un caractère d'urgence, au prix cependant de la persistance des douleurs et d'une limitation progressive du périmètre de marche et des activités;
- la justification de l'indication d'arthrodèse par une arthrose ancienne, évoluée et douloureuse du premier rayon limitant les activités de marche et de loisirs;
- la conduite des soins, investigations et actes annexes conformément aux règles de l'art et aux données acquises de la science au moment des faits;
- la conformité de la technique d'arthrodèse réalisée aux règles de l'art et aux données acquises de la science au moment des faits, avec fourniture d'une information prévue en pré-opératoire à travers un consentement éclairé;
- l'absence de documents écrits retraçant les différentes consultations effectuées auprès de Monsieur [J];
- la particularité du dossier tenant aux fait que Monsieur [S], en sa qualité de médecin, était reçu par Monsieur [J] de manière informelle, ce dernier réalisant des actes gratuits ne réalisant pas de courriers lors de ses consultations, d'où une traçabilité incomplète des événements;
- l'absence de résultats escomptés portant sur l'amélioration des symptômes cliniques, en particulier la douleur et la gêne à la marche.
Le professeur [G] ajoute également que:
- la pseudarthrodèse n'est pas le résultat attendu de l'intervention du 6 novembre 2008;
- il en a résulté un mauvais résultat fonctionnel qui a conduit à deux interventions chirurgicales (12 août 2010 et 3 janvier 2013);
- la survenue d'une pseudarthrodèse est un risque connu inhérent à l'arthrodèse de l'hallux dont les taux varient de 5 à 25 % dans la littérature internationale, alors que le taux de reprise est relativement faible dans la mesure la pseudarthrodèse est le plus souvent bien tolérée;
- l'ablation du matériel du 14 décembre 2009 n'a pas de lien avec la complication (le matériel est habituellement retiré même en cas de fusion de l'arthrodèse du fait de son caractère superficiel potentiellement source de douleurs).
Pour l'expert judiciaire, l'intervention du 26 juillet 2011 (ostéotomies de Weil de M2M3M4) est liée à la survenue d'une métatarsalgie secondaire en lien avec le raccourcissement du premier rayon inhérent à l'arthrodèse, et aurait pu survenir indépendamment de la complication de pseudarthrodèse; il ne peut pas affirmer qu'il existe un lien direct et certain entre la pseudarthrodèse du premier rayon et la survenue de la métatarsalgie latérale.
L'expert ajoute que l'absence de fusion de l'arthrodèse (pseudarthrodèse) était visible sur les contrôles radiographiques du 28 novembre 2009, mais qu'il n'existait aucune trace écrite à ce moment-là évoquant ce diagnostic, alors que Monsieur [S], qui ne reverra plus Monsieur [J] après cette deuxième intervention chirurgicale, disait ne pas en avoir été informé.
Sur l'opportunité de l'indication thérapeutique d'arthrodèse:
Monsieur [S] met en doute que la réalisation d'une arthrodèse était, au moment des faits, la seule solution thérapeutique à proposer, en tenant compte du niveau fonctionnel qu'il souhaitait conserver, pour demander au nouvel expert de se prononcer sur ce point, et de préciser les raisons qui contre-indiquaient les autres solutions.
Dans son certificat médical en date du 25 juin 2014, le docteur [V], praticien hospitalier à l'unité de médecine interne au centre hospitalier universitaire de [Localité 9], dont l'appelant précise qu'il est médecin interniste et rhumatologue, et spécialiste du pied comme titulaire d'un Ces de podologie, sans contradiction adverse, rapporte:
- un retard au diagnostic et à la prise en charge de cette pseudarthrose de l'ordre de deux ans;
- dans le même temps, une décompensation de métatarsalgies au niveau des rayons médians, probablement précipitée par le retard de la prise en charge de cette pseudarthrose qui a entraîné une esquive d'appui du fait de la douleur d'un report de la charge des appuis sur les têtes externes.
Dans un nouveau certificat médical du 25 juin 2019, le docteur [V] rapporte:
- revoir en consultation le patient, qui continuait à souffrir de métatarsalgies médianes avec un échauffement permanent plantaire auxquelles s'associent depuis peu une sensation de cartonnement des orteils, témoignant probablement d'une irritation des rameaux sensitifs par les réactions inflammatoires associées;
- estimer que l'arthrodèse a été un échec, responsable des douleurs postopératoires liées à une pseudarthrodèse dont le diagnostic ne sera fait que tardivement; la pseudarthrodèse du gros orteil a décompensé des métatarsalgies par esquive d'appui et par le raccourcissement du premier rayon car il n'y a pas eu d'ostéotomies d'allongement du premier métatarsien dans le même temps que la résection des épiphyses nécessaires à ce type de chirurgie;
- que la persistance de douleurs sur un avant-pied pluri-réopéré reste probable; les séquelles sont imputables aux événements en cascade découlant de l'échec de la pseudarthrose initiale du gros orteil dont on peut discuter l'indication à un stade peu avancé d'arthrose métatarso-phalangienne, et incriminer la responsabilité sur la métatarsalgie des autres orteils au vu du raccourcissement non anticipé du premier rayon.
Dans son rapport d'expertise en date du 21 juin 2019, le docteur [T], chirurgien orthopédiste, rapporte que:
- Monsieur [S] présentait une arthrose métatarso-phalangienne ou hallux rigidus;
- cette arthrose métatarso-phalangienne a plusieurs types de solutions thérapeutiques; ce n'est qu'en cas d'échec d'un traitement médical qu'une solution chirurgicale doit être envisagée;
- les traitements chirurgicaux sont de plusieurs types conservateurs lorsque le type de l'arthrose n'est pas encore trop élevé;
- si cette arthrose est évoluée, il est alors nécessaire de recourir à une arthrodèse métatarso-phalangienne; celle-ci doit être réalisée dans les conditions techniques tout à fait optimales pour permettre d'obtenir l'indolence de l'articulation métatarso-phalangienne; cette articulation, même lorsqu'elle conduit une fusion, ne permet jamais aux patients de retrouver un niveau fonctionnel parfaitement normal;
- la marche rapide, la pratique de l'escalade, la marche en montagne paraissent difficilement réalisables avec une arthrodèse métatarso-phalangienne;
- en conséquence, cette technique ne doit être proposée qu'avec parcimonie et réflexion chez les patients actifs;
- cette pratique de réalisation technique est bien codifiée pour limiter les conséquences et les complications; il existe bien sûr toujours un risque de pseudarthrodèse; ces pseudarthrodèses ne sont pas forcément douloureuses mais lorsque le sont, elles doivent être traitées;
- l'existence du raccourcissement important du premier rayon ramène obligatoirement l'apparition d'une déstabilisation de l'avant-pied, avec parfois une griffe du deuxième orteil, souvent des métatarsalgies par hyper-sollicitation des métatarsiens médians.
Pour le Docteur [T], la prise en charge de Monsieur [S] ne paraît donc pas optimale:
- d'une part sur la décision de réalisation d'une arthrodèse métatarso-phalangienne qui, compte tenu des stades évolutifs d'arthrose, compte tenu du désir fonctionnel qu'il avait, n'était sûrement pas la solution la mieux adaptée; si elle devait être choisie, elle devait conduire à parfaitement éclairer Monsieur [S] sur les conséquences de cette arthrodèse; visiblement, Monsieur [S] n'a pas été mis en garde sur les conséquences fonctionnelles que pouvait avoir une telle intervention;
- d'autre part, si une arthrodèse doit être effectuée, elle doit répondre aux obligations techniques pour limiter le risque de complications inhérentes à cette intervention; il faut veiller à la position de l'hallux, il faut limiter les risques de pseudarthrodèse et surtout éviter l'apparition des métatarsalgies en effectuant un raccourcissement trop important du premier rayon; en effet, les défauts techniques peuvent amener à l'apparition de phénomènes douloureux par déstabilisation de l'avant-pied; la prise en charge dont a bénéficié Monsieur [S] ne l'a pas préservé de ces complications dont il n'avait d'ailleurs pas été mis en garde;
- enfin, la prise en charge des douleurs que Monsieur [S] a développées dans les suites de son intervention ne répondent pas aux exigences d'une prise en charge post-opératoire, même si le patient en question est lui-même médecin.
Il ressort de l'expertise du docteur [T] qu'en utilisant la classification de [X] qui reconnaît trois stades l'évolution de l'arthrose métatarso-phalangienne, les stades I et II A peuvent en règle générale être traités par des solutions conservatrices, l'arthrodèse métatarso-phalangienne étant réservée aux formes les plus évolués que sont les stades III et II B; et que le résultat fonctionnel des ostéotomies des solutions conservatrices restait le plus souvent meilleur à celle de l'arthrodèse métatarso-phalangienne.
Le Docteur [T] estime que Monsieur [S] présentait une arthrose de stade II où il était encore très actif et avait plusieurs activités qui ont nécessité pour pouvoir être continuées une bonne mobilité de l'articulation métatarso-phalangienne du premier rayon, et que la décision d'une arthrodèse métatarso-phalangienne devait donc être bien pesée, et de toute façon assurément parfaitement expliquée à Monsieur [S].
Et dans un dernier certificat du 15 janvier 2021, le docteur [T] vient préciser que cette indication thérapeutique a consisté à sacrifier une mobilité articulaire pour traiter des douleurs qui semblaient encore tolérables vu le niveau d'activité du patient; il ajoute qu'aucune alternative thérapeutique conservant l'articulation n'a été proposée à Monsieur [S].
Avec l'appelant, il convient de relever que l'expert judiciaire ne se prononce pas explicitement sur le stade d'évolution de l'arthrose métatarso-phalangienne dont souffre Monsieur [S], même si ce dernier conclut que l'indication d'arthrodèse était justifiée par une arthrose ancienne, évoluée et douloureuse du premier rayon limitant les activités de marché de loisirs
Même si les deux certificats et l'expertise amiable présentés ne remettent pas formellement en cause cette dernière appréciation de l'expert judiciaire, il en ressort cependant la formulation d'un doute sérieux et argumenté quant à l'opportunité exclusive de l'indication thérapeutique retenue par Monsieur [J], que le Docteur [T] fonde plus spécialement sur son appréciation relative au stade selon lui insuffisamment avancé de la maladie, ne justifiant pas à son sens nécessairement l'indication thérapeutique retenue, sans que le professeur [G] se soit expressément prononcé sur ce stade d'évolution.
Dans ces circonstances, l'appelant a suffisamment justifié de son intérêt légitime à voir investiguer sur le point de savoir si, en tenant compte du niveau fonctionnel qu'il souhaitait conserver, si la réalisation d'une arthrodèse fut au moment des faits la seule solution thérapeutique à proposer, et si oui, de préciser les raisons qui contre-indiquaient les autres solutions thérapeutiques.
Sur l'obligation d'information préalable:
Monsieur [S] demande à l'expert de se prononcer sur le point de savoir si au vu des éléments du dossier et des informations recueillies, on pouvait affirmer qu'il avait reçu une information claire et complète sur les risques et les complications d'une arthrodèse, ainsi que sur le retentissement fonctionnel d'une telle intervention.
L'expert judiciaire a déjà retenu que l'intéressé avait signé un consentement éclairé avant le 6 novembre 2008, et le formulaire de consentement y afférent, datant du 28 octobre 2008, a été versé aux débats.
Mais au-delà de ce constat factuel laconique, l'expert ne se prononce pas formellement sur la nature et l'étendue de l'information qui aurait alors été donnée à Monsieur [S].
Par ailleurs, l'expertise du 21 juin 2019 du docteur [T] rappelle que dans son courrier à Monsieur [J], le docteur [E] rappelle la recherche d'une solution répondant à plusieurs impératifs, redonner de l'indolence tout en maintenant des possibilités fonctionnelles suffisantes pour la poursuite d'activité telle que le vélo, la montagne le ski et bien sûr la marche à pied, et qu'il serait intéressant aussi de bien dire au patient les modalités de la chirurgie, la période d'hospitalisation, de suppression de la marche, et du travail.
Mais cet expert amiable observe que l'on ne retrouve pas dans le dossier de Monsieur [S] de lettre de réponse au docteur [E], en particulier pas de trace d'une explication claire sur les conséquences d'une arthrodèse de l'articulation métatarso-phalangienne du premier rayon chez un patient encore très actif et qui souhaite poursuivre des activités sportives.
Or, cet expert amiable souligne, sans contradiction adverse, qu'il est admis également que la reprise de l'activité sportive comme la marche sportive ou l'escalade n'est en règle générale pas possible à la suite d'une arthrodèse métatarso-phalangienne
S'agissant plus précisément du formulaire de consentement éclairé, cet expert estime qu'il s'agit d'un document type distribué de façon systématique, et qu'il n'est pas possible au vu des documents d'être certain que Monsieur [S] avait été parfaitement informé des conséquences de l'arthrodèse métatarso-phalangienne du premier rayon et de son pied droit, en particulier sur ses activités physiques et sportives, et ce d'autant plus qu'aucun courrier n'a été adressé au docteur [E], qui pourtant dans son courrier introductif, avait mis l'accent sur le niveau fonctionnel que souhaitait conserver Monsieur [S], avec énumérations activités sportives qu'il pratiquait.
Cet expert amiable a considéré qu'une information lapidaire systématique et générale avait sûrement été donnée, mais qu'il est fort probable que l'accent n'a pas été porté de façon spécifique sur les conséquences fonctionnelles d'une telle intervention.
Et dans sa note du 15 janvier 2021, cet homme de l'art a précisé qu'alors que son rhumatologue avait bien précisé la nécessité de conserver un niveau fonctionnel, alors que l'indication d'une arthrodèse diminue le niveau fonctionnel du patient, en particulier pour les activités sportives, ses conséquences fonctionnelles, tout comme les complications possibles, n'ont pas été exposées à Monsieur [S].
Le docteur [T] soutient encore que la non-fusion de l'arthrodèse (pseudoarthrodèse) est une complication prévisible et connue estimée à 15 %, dont le risque aurait dû être exposé au patient. Sur ce point, l'expert judiciaire qualifie la complication de pseudarthrodèse d'aléa thérapeutique.
Et si l'expert judiciaire estime que la métatarsalgie latérale survenue est liée à un raccourcissement du premier rayon inhérent à l'arthrodèse, l'expert amiable soutient que le raccourcissement important du premier rayon amène obligatoirement à l'apparition d'une déstabilisation de l'avant-pied, avec parfois une griffe du deuxième orteil, souvent des métatarsalgies par hyper-sollicitation des métatarsiens médians.
Enfin, l'expert judiciaire rappelle lui-même que la particularité du dossier réside en ce que Monsieur [S], en sa qualité de médecin, était reçu par Monsieur [J] de manière informelle, ce dernier réalisant des actes gratuits et ne réalisant pas de courriers lors de ses consultations, d'où une traçabilité incomplète des événements.
Il ressort de cette énumération factuelle rapportée par les experts, judiciaire ou amiable, des éléments suffisants pour conclure que, au regard du retentissement fonctionnel de l'acte chirurgical ainsi que ses complications connues, et nonobstant les conclusions laconiques de l'expert judiciaire, et en l'état de la traçabilité incomplète de son dossier médical, Monsieur [S] a suffisamment justifié de son intérêt légitime à voir investiguer sur le point de savoir si au vu des éléments du dossier et des informations recueillies, on pouvait affirmer qu'il avait reçu une information claire et complète sur les risques et les complications d'une arthrodèse, ainsi que sur le retentissement fonctionnel d'une telle intervention.
Dès lors, la demande d'expertise sera accueillie sur ce point.
Sur la réalisation de l'arthrodèse:
Monsieur [S] demande de fixer mission à l'expert de dire si la réalisation de l'arthrodèse avait été faite en respectant les critères techniques d'exécution et en tenant compte de l'équilibre architectural de l'avant-pied.
Certes, le rapport d'expertise judiciaire conclut que la technique d'arthrodèse réalisée était conforme aux règles de l'art et aux données acquises de la science au moment des faits.
Mais il ne qualifie pas le raccourcissement du premier rayon, alors qu'il indique lui-même (page 10 de son rapport) que l'intervention du 26 juillet 2011 est liée à la survenue d'une métatarsalgie secondaire, liée à un raccourcissement du premier rayon inhérent à l'arthrodèse (et qui aurait pu survenir indépendamment de la complication de pseudarthrose).
L'expert [G] énonce qu'il n'est pas possible d'affirmer qu'il existe un lien direct et certain entre la pseudoarthrodèse du premier rayon et la survenue de la métatarsalgie latérale.
Mais ces conclusions ne permettent pas pour autant d'exclure de manière certaine l'existence d'un tel lien.
Or, dans son rapport d'expertise amiable, le docteur [T] rapporte que le raccourcissement de l'intervention réalisée chez Monsieur [S] est manifestement important, et peut entraîner dans ces conditions l'apparition d'une griffe du deuxième orteil, ou d'une métatarsalgie d'appui.
Et dans sa note du 15 janvier 2021, le Docteur [T] ajoute que l'arthrodèse a été réalisée avec une résection osseuse généreuse aboutissant au raccourcissement du premier rayon; et que ce raccourcissement est un effet délétère de l'arthrodèse qu'on doit éviter de voir se produire, dans la mesure où il peut procurer des troubles de la statique de l'avant-pied, avec déformation des orteils latéraux et métatarsalgie.
Alors que l'expertise judiciaire établit un lien de causalité entre la métatarsalgie secondaire liée à un raccourcissement du premier rayon inhérent à l'arthrodèse, (qui aurait pu survenir indépendamment de la complication de pseudarthrose), le requérant à la mesure d'instruction présente des éléments techniques suffisants pour rendre nécessaire la réponse à la question de savoir si l'ampleur du raccourcissement de ce premier rayon était justifiée par les données médicales de l'espèce, et ce d'autant plus qu'il ne peut pas être formellement exclu que la complication de pseudo-arthrose du premier rayon n'aurait pas été elle aussi en lien avec la métatarsalgie latérale.
Dans ces circonstances, l'appelant a suffisamment justifié de son intérêt légitime à voir investiguer sur le point de voir dire si la réalisation de l'arthrodèse avait été faite en respectant les critères techniques d'exécution et en tenant compte de l'équilibre architectural de l'avant-pied.
Il sera donc fait droit à sa demande de mesure d'instruction sur ce point.
Sur le suivi post-opératoire:
Monsieur [S] demande que l'expertise à venir porte le point de savoir si le suivi post-opératoire avait été effectué de façon attentive et consciencieuse et en particulier si ses plaintes avaient été prises en compte.
Selon l'expertise judiciaire :
- Monsieur [S] reverra le Docteur [J] en consultation le 12 décembre 2008, précisant conserver d'importantes douleurs de l'hallux droit, sans qu'il y ait de trace écrite de cette consultation, et il n'y aura pas de nouvelles consultations avant début 2009, là encore il n'y a pas de trace écrite de cette nouvelle consultation, dont la date n'est pas précisée et dont la nature même est contestée par les parties;
- Monsieur [S] sera revu ensuite le 27 novembre 2009 par Monsieur [J], avec un bilan radiographique qui montre l'absence de fusion de l'arthrodèse;
- le 14 décembre 2009, il a été procédé au retrait du matériel d'intervention sous rachi- anesthésie;
- les radiographies du 14 décembre 2009 montrent l'absence de matériel au niveau de l'hallux et l'existence d'une pseudo arthrodèse serrée au niveau de l'AMP de l'hallux;
- l'absence de fusion de l'arthrodèse (pseudo arthrodèse) était visible sur les contrôles radiographiques du 28 novembre 2009;
- il n'existe pas de traces écrites évoquant ce diagnostic;
- Monsieur [S] ne reverra plus Monsieur [J] après cette deuxième intervention chirurgicale;
- par courrier en date du 29 avril 2010, le docteur [E] a interpellé Monsieur [J] sur la persistance des phénomènes douloureux;
- par courrier en date du 31 mai 2010, le docteur [E] a relancé sur ce point Monsieur [J], qui a précisé devant l'expert judiciaire ne pas avoir reçu ce second courrier.
Du tout, l'expert judiciaire conclut que la prise en charge post-opératoire a été conforme aux règles de l'art.
Et l'expertise amiable du docteur [T] vient elle aussi préciser cette chronologie, pour observer que la consultation de contrôle du 12 décembre 2008, au cours de laquelle Monsieur [S] a signalé la persistance de phénomènes douloureux importants au niveau du premier rayon, n'ont pas donné lieu à l'établissement d'un courrier, de même qu'une nouvelle consultation début 2009.
Mais l'expert amiable a observé que le bilan radiographique du 27 novembre 2009 avait montré l'absence de fusion de l'arthrodèse, de telle sorte qu'il a été décidé d'améliorer les phénomènes douloureux de Monsieur [S] en réalisant le matériel d'ostéosynthèse, ce qui fut fait le 14 décembre 2009.
L'expert amiable a lui aussi remarqué que la radiographie du 14 décembre 2009 mettait en évidence l'existence d'une pseudoarthrose serrée de l'articulation métatarso-phalangienne du premier rayon.
Et il est constant que les phénomènes douloureux ont persisté, sans que Monsieur [J] ne revoie à nouveau Monsieur [S], malgré les courriers de son rhumatologue des 29 avril et 31 mai 2010, avant de consulter à plusieurs reprises le docteur [T], chirurgien orthopédiste, qui l'a opéré à trois reprises:
- le 12 août 2010 avec reprise de l'arthrodèse et une ostéotomie de M1;
- le 26 juillet 2011 avec une ostéotomie de Weil des deuxièmes, troisième et quatrième métatarsiens;
- le 3 janvier 2013 avec une ablation du matériel d'une reprise de l'arthrodèse avec greffe osseuse.
Or, l'expert amiable estime que la pseudo-arthrodèse a une responsabilité dans les phénomènes douloureux du patient.
Il en conclut que la prise en charge des douleurs que le patient a développées dans les suites de son intervention ne répond pas aux exigences d'une prise en charge post-opératoire, même si le patient est lui-même médecin.
De son côté, le docteur [V] retient:
- l'échec de l'arthrodèse, qui est responsable des douleurs postopératoires liées à une pseudo arthrose;
- un retard au diagnostic et à la prise en charge de cette pseudoarthrose de l'ordre de deux ans,
- que la pseudoarthrose du gros orteil a décompensé des métatarsalgies par esquive d'appui par raccourcissement du premier rayon, car il y a pas eu d'ostéotomie d'allongement du premier métatarsien dans le même temps que la résection des épiphyses nécessaires à ce type de chirurgie.
Alors que Monsieur [J] a été avisé de la persistance des phénomènes douloureux dès après l'opération du 6 novembre 2008, et que les radiographies réalisées en novembre et décembre 2009 l'avait informé de l'existence d'une pseudoarthrose de nature à générer ces phénomènes douloureux, il est ainsi constant qu'il n'a donné aucune suite aux doléances du sujet, même après avoir été sollicité par le rhumatologue traitant le 29 avril 2010.
Dans ces circonstances, l'appelant a suffisamment justifié de son intérêt légitime à voir investiguer sur le point de savoir si le suivi post-opératoire avait été effectué de façon attentive et consciencieuse et en particulier si ses plaintes avaient été prises en compte.
Sa demande de mesure d'instruction sera accueillie sur ce dernier point.
* * * * *
Il ressort de ces éléments que pour l'ensemble des points en discussion, la demande de mesure d'instruction présentée par Monsieur [S] est bien fondée, et il y sera fait droit selon les modalités précisées au dispositif.
Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a débouté Monsieur [S] de sa demande de mesure d'instruction.
* * * * *
Le présent arrêt sera déclaré commun à la caisse.
Le jugement sera infirmé pour avoir condamné Monsieur [S] à payer à Monsieur [J] la somme de 1000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance.
La partie défenderesse à une demande d'expertise ordonnée sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile ne peut être considérée comme la partie perdante (Cass. 2e civ., 10 février 2011, n°10-11.774, Bull. 2011, II, n°34).
Dès lors, Monsieur [S] sera débouté de sa demande au titre des frais irrépétibles des deux instances à l'encontre de Monsieur [J], auquel par ailleurs aucune considération d'équité ne conduira à lui allouer une somme quelconque à ce stade procédural, et ce dernier sera donc débouté de sa demande en ce sens.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné Monsieur [S] aux dépens de première instance, et ce dernier sera aussi sera condamné aux entiers dépens d'appel.
Par ces motifs:
La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Infirme l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'elle a condamné Monsieur [I] [S] aux dépens de première instance;
Confirme l'ordonnance de ce seul chef;
Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant:
Ordonne une expertise médicale sur la personne de Monsieur [I] [S], né le [Date naissance 3] 1946 à [Localité 10] (Algérie), demeurant [Adresse 6], et désigne à cette fin Monsieur le Professeur [N] [F], [Adresse 7] ([XXXXXXXX01], [XXXXXXXX02], [Courriel 8])
avec la mission suivante :
* entendre contradictoirement les parties et tout sachant, compulser tous documents même détenus par les tiers et tout dossier médical, recueillir au besoin l'avis de tous techniciens de son choix d'une spécialité distincte de la sienne;
* décrire les soins, interventions et traitements pratiqués sur lui;
* décrire son état antérieur;
* procéder à son examen clinique et décrire les lésions et séquelles directement imputables aux soins et traitements critiqués;
* décrire les conditions d'exercice professionnel et dire si ces conditions étaient conformes aux règles inhérentes à la matière et à l'état des données acquises de la science au moment de l'intervention;
* en cas de manquements, préciser la nature ou les auteurs ainsi que leurs conséquences au regard de l'état initial du plaignant comme de l'évolution prévisible de celui-ci;
* dire s'il avait bénéficié de soins conformes à ces règles ou s'il pouvait être reproché erreur, imprudence, défaut de précaution, ou autre défaillance, notamment un retard dans le diagnostic; dans l'affirmative, dire s'il y avait perte de chance ou réalisation d'un aléa thérapeutique;
* rechercher si le patient avait reçu une information préalable suffisante sur les risques
que lui faisait encourir l'intervention chirurgicale et si c'était en toute connaissance de cause qu'il s'était prêté à cette intervention;
plus précisément,
dire, en tenant compte du niveau fonctionnel qu'il souhaitait conserver, si la réalisation d'une arthrodèse fut au moment des faits la seule solution thérapeutique à proposer;
* si oui, préciser les raisons qui contre-indiquaient les autres solutions thérapeutiques;
* dire si, au vu des éléments du dossier des informations recueillies, on pouvait affirmer qu'il avait reçu une information claire et complète sur les risques et les complications d'une arthrodèse, ainsi que sur le retentissement fonctionnel d'une telle intervention;
* dire si le suivi post-opératoire avait été effectué de façon attentive et consciencieuse et en particulier si ses plaintes avaient été prises en compte;
*dire si la réalisation de l'arthrodèse avait été faite en respectant les critères techniques d'exécution et en tenant compte de l'équilibre architectural de l'avant-pied;
* préciser quelles avaient été toutes les conséquences fonctionnelles de l'intervention réalisée;
* décrire les conséquences dommageables en lien direct avec les éventuelles fautes de négligence constatées en ne s'attachant qu'à la seule part imputable aux éventuels manquements retenus;
* décrire les conséquences dommageables en lien direct avec les éventuelles fautes de négligence constatées en ne s'attachant qu'à la seule part imputable aux éventuels manquements retenus;
* fixer la date de consolidation;
* déterminer la durée d'incapacité temporaire de travail en indiquant s'il a été total ou si une reprise partielle est intervenue, dans ce cas en préciser la durée;
* rechercher si du fait des lésions constatées initialement, il existe une atteinte permanente d'une ou plusieurs fonctions, et dans l'affirmative, après en avoir précisé les éléments, chiffrer le taux du déficit physiologique résultant au jour de l'examen de la différence entre la capacité antérieure, dont le cas échéant les anomalies devront être discutées et évaluées, et la capacité actuelle;
* rechercher si malgré son incapacité permanente, la victime est au plan médical physiquement et intellectuellement apte à reprendre les conditions antérieures, ou autres, l'activité qu'elle exerçait, et toute éventuelle incidence professionnelle;
* rechercher si l'état de la victime est susceptible de modification en aggravation ou en amélioration; dans l'affirmative, fournir toutes précisions utiles sur cette évolution, son degré de probabilité; dans le cas où un nouvel examen serait nécessaire, indiquer le délai dans lequel il devra y être procédé;
* préciser si le traitement de la victime nécessite des soins spéciaux, un traitement ou un appareil de prothèse; dans l'affirmative, déterminer leur durée ou leur fréquence de renouvellement leur coût;
* donner son avis sur l'importance des souffrances endurées, des atteintes esthétiques du préjudice d'agrément, préciser notamment si la victime subit une gêne dans ses activités de sport et de loisir;
* dire le cas échéant, si l'aide d'une tierce personne à domicile est nécessaire, s'il existe un besoin d'appareillage et si des soins postérieurs à la consolidation des blessures sont à prévoir;
dans l'affirmative, donner tous éléments permettant d'en chiffrer le coût;
Dit que l'expert pourra se faire assister par tout sapiteur, dans une spécialité distincte de la sienne;
Fixe à la somme de 1500 euros toutes taxes comprises le montant de la provision à valoir sur la rémunération de l'expert, qui devra être consignée entre les mains du Régisseur d'Avances et de Recettes de la cour d'appel de Reims par Monsieur [I] [S] dans le délai de six semaines à compter de cet arrêt, à peine de caducité de la désignation de l'expert,
Dit que dans le délai de TROIS MOIS à compter du jour de sa saisine effective (dépôt de la consignation), l'expert déposera au greffe de cette chambre civile et commerciale de la cour d'appel de Reims et adressera aux parties un pré-rapport comprenant son avis motivé sur l'ensemble des chefs de sa mission ; il laissera alors aux parties un délai d'UN MOIS à compter du dépôt du pré-rapport pour leur permettre de faire valoir leurs observations par voies de dires récapitulatifs ; puis, dans le MOIS SUIVANT, l'expert répondra à chacun des dires qui, le cas échéant, lui auront été adressés et, de toutes ses opérations et constatations, auxquelles s'ajouteront ses réponses aux dires, l'expert dressera enfin un rapport qu'il adressera aux parties et qu'il déposera au greffe de cette chambre de la cour d'appel de Reims, au plus tard à la fin du sixième mois suivant sa saisine,
Dit qu'en cas d'empêchement ou de refus de l'expert, il sera pourvu à son remplacement d'office par ordonnance du président de cette chambre, chargé du contrôle de la présente mesure d'instruction,
Dit que cette affaire sera rappelée à l'audience de mise en état du 14 juin 2023 à 10 heures pour vérifier l'état d'avancement des opérations d'expertise;
Déclare le présent arrêt commun à la caisse primaire d'assurance maladie de la Marne;
Déboute les parties de leurs demandes respectives au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel;
Condamne Monsieur [I] [S] aux entiers dépens d'appel.
Le greffier La présidente