ARRET N°
du 07 février 2023
R.G : N° RG 21/02278 - N° Portalis DBVQ-V-B7F-FDDM
[E]
c/
[P]
Formule exécutoire le :
à :
la SCP DELVINCOURT - CAULIER-RICHARD - CASTELLO AVOCATS ASSOCIES
la SCP PLOTTON-VANGHEESDAELE-FARINE-YERNAUX
COUR D'APPEL DE REIMS
CHAMBRE CIVILE-1° SECTION
ARRET DU 07 FEVRIER 2023
APPELANT :
d'un jugement rendu le 22 octobre 2021 par le TJ de TROYES
Monsieur [J] [E]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représenté par Me Isabelle CASTELLO de la SCP DELVINCOURT - CAULIER-RICHARD - CASTELLO AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS, avocat postulant et Me Laurent ADAMCZYK de la SCP ADAMCZYK ET TROUVE, avocat au barreau de MELUN, avocat plaidant
INTIME :
Monsieur [S] [P]
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représenté par Me Anne-sophie FARINE de la SCP PLOTTON-VANGHEESDAELE-FARINE-YERNAUX, avocat au barreau de L'AUBE
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :
Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre
Madame Florence MATHIEU, conseillère
Madame Véronique MAUSSIRE, conseillère
GREFFIER :
Madame Frédérique ROULLET, greffier lors des débats et Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffier lors du prononcé
DEBATS :
A l'audience publique du 12 décembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 07 février 2023,
ARRET :
Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 07 février 2023 et signé par Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre, et Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * * *
M. [S] [P] est propriétaire d'une maison d'habitation située [Adresse 3]).
A la fin de l'année 2014, il a confié à M. [J] [E] des travaux de rénovation de la couverture, de l'isolation et de l'enduit de la façade de sa maison.
Ces travaux ont donné lieu à un devis du 20 octobre 2014 pour un montant total de 13 264,80 euros.
Le chantier a débuté en décembre 2014 et M. [P] a réglé au total une somme de 9 800 euros en quatre acomptes.
Le 3 mai 2015 alors que le chantier était en cours, la couverture de la maison a subi un dégât des eaux.
Suite à ce sinistre, l'entreprise de couverture [C] est intervenue à titre conservatoire afin de reprendre les désordres à l'origine de ces fuites.
Les prestations ont été facturées pour un montant de 2 457,62 euros ttc.
Les travaux confiés à M. [E] ayant été interrompus, aucune réception du chantier n'a eu lieu.
Une expertise judiciaire a été ordonnée le 13 décembre 2016.
M. [I], expert désigné, a déposé son rapport le 23 octobre 2017.
En l'absence de résolution amiable, M. [P] a fait assigner M. [E] le 25 mars 2019 devant le tribunal de grande instance de Troyes aux fins de le voir déclarer responsable des désordres et le voir condamner à lui payer la somme de 40 525 euros à titre d'indemnisation.
M. [E] a contesté les demandes et à titre principal, a soulevé une fin de non-recevoir pour voir déclarer M. [P] irrecevable en ses demandes, arguant d'une transaction intervenue avec M. [P] le 22 septembre 2015.
Par jugement du 22 octobre 2021, le tribunal a :
- déclaré M. [P] recevable en ses demandes,
- condamné M. [E] à payer à M. [P] les sommes suivantes :
* au titre des travaux conservatoires : 2 457,82 euros ttc,
* au titre des travaux de reprise de la couverture : 23 320 euros ttc,
* au titre du préjudice de jouissance : 21 600 euros ttc,
- débouté M. [P] du surplus de ses demandes,
- condamné M. [E] à payer à M. [P] la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [E] aux dépens avec recouvrement direct, qui incluent les frais et honoraires d'expertise judiciaire mais ne comprennent pas les frais et dépens de référé,
- ordonné l'exécution provisoire de la décision.
Pour statuer ainsi, le tribunal a :
- rejeté la fin de non recevoir soulevée par M. [E] faute de production de la transaction dont il se prévalait,
- considéré qu'il existait des manquements suffisamment graves de M. [E] pour justifier la résiliation du marché de travaux et ce sur le fondement de l'article 1184 du code civil en retenant sa responsabilité exclusive dans l'arrêt anticipé des travaux,
- jugé que M. [E] avait commis des manquements contractuels et devait, sur le fondement de l'article 1147 ancien du code civil, répondre des dommages en résultant.
Par déclaration reçue le 22 décembre 2021, M. [E] a formé appel de ce jugement.
Une médiation a été proposée aux parties mais il n'y a pas été donné suite.
Par conclusions notifiées le 21 mars 2022, l'appelant demande à la cour de :
- infirmer en toutes ses dispositions le jugement,
Statuant à nouveau,
- déclarer irrecevables les demandes de M. [P],
- subsidiairement, débouter M. [P] de l'ensemble de ses demandes,
- condamner M. [P] à payer à M. [E] la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [E] aux dépens avec distraction.
Par conclusions notifiées le 13 juin 2022, M. [P] demande à la cour de :
Vu les dispositions de l'article 1147 ancien du code civil,
- dire et juger Monsieur [J] [E] mal fondé en son appel formé à l'encontre du jugement rendu le 22 octobre 2021 par le tribunal judiciaire de Troyes,
- l'en débouter purement et simplement,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
* déclaré Monsieur [S] [P] recevable en ses demandes,
* condamné Monsieur [J] [E] à verser à Monsieur [S] [P] les sommes de :
- 2 457,82 € ttc au titre des travaux conservatoires réalisés par Monsieur [P] en décembre 2015 selon facture de l'entreprise [C] en date du 19 décembre 2015 (pièce n°12), - 21 200 € ht soit 23 320 € ttc au titre des travaux de reprise de la couverture, à réactualiser sur la base de l'indice du coût de la construction à compter d'octobre 2017 jusqu'à la date de l'arrêt à intervenir,
- 300 € x 72 mois = 21 600 € en réparation du préjudice de jouissance subi par Monsieur [P], arrêtée au 3 mai 2021 et à parfaire au jour du jugement, soit au total 23 100 €,
Y additant,
- condamner Monsieur [J] [E] au versement de la somme de 2 400 € au titre du trouble de jouissance postérieur à la décision de première instance, arrêtée à juin 2022 et à parfaire au jour de l'arrêt à intervenir,
- condamner Monsieur [J] [E] au versement d'une somme complémentaire de 3 000 € en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles exposés par Monsieur [S] [P] à hauteur d'appel,
Infirmant la décision entreprise s'agissant des dépens,
- condamner Monsieur [J] [E] aux entiers dépens de la présente procédure, incluant les frais et honoraires d'expertise judiciaire et les dépens relatifs à la procédure de référé expertise, avec droit de recouvrement conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION :
La fin de non-recevoir soulevée par M. [E] :
L'appelant soutient, comme en première instance, qu'un procès-verbal de constatations relatives aux causes et circonstances et à l'évaluation des dommages a été signé par M. [P] et M. [E] et que la somme de 10 086,44 euros a été arrêtée par l'assureur de M. [P] comme indemnisant son entier préjudice, somme qu'il a réglée, de sorte que cette transaction rend irrecevables les demandes.
C'est à juste titre que M. [P] lui répond qu'il n'existe aucune transaction entre M. [E] et M. [P] portant sur l'indemnisation des conséquences des malfaçons affectant les travaux exécutés par M. [E].
En effet, cette transaction, qui a été signée le 22 septembre 2015 par GAN Assurances, M. [P] et M. [E], porte sur la somme de 10 086, 44 euros que l'entrepreneur s'engageait à verser au GAN et a pour unique objet de réparer les seules conséquences du dégât des eaux du 3 mai 2015 mais en aucun cas cette indemnité n'a pu porter sur les travaux de mise en conformité dont le montant n'a, en tout état de cause, pu être déterminé qu'après la désignation de l'expert judiciaire le 13 décembre 2016.
Cette transaction ne porte donc pas sur le même objet que celui du présent litige et l'appelant ne peut donc l'opposer à M. [P] y compris pour voir diminuer l'indemnisation de celui-ci.
M. [E] est d'ailleurs particulièrement mal fondé à se prévaloir d'une transaction dont il n'a pas respecté les termes puisqu'il devait apurer sa dette par des versements mensuels de 100 euros, accord qui n'a pas été tenu.
Il indique dans ses conclusions avoir réglé l'indemnité à l'assureur mais n'en justifie pas.
La décision sera par conséquent confirmée en ce qu'elle a déclaré recevables les demandes de M. [P].
Les malfaçons imputables à M. [E] :
Aux termes de l'article 1147 ancien applicable au litige, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.
A titre subsidiaire, l'appelant soutient qu'il n'est pas établi que l'ouvrage manquait d'une qualité qu'il aurait déjà dû posséder au moment de la résiliation ; que l'ouvrage partiellement réalisé n'était pas en soi défectueux ; qu'en tout état de cause, il convient de s'en tenir à l'acompte de
9 800 euros versé par M. [P] et qu'en toute hypothèse, la somme de 10 086,44 euros arrêtée par l'assureur de M. [P] devra être déduite de l'indemnisation.
La cour s'appropriera la motivation des premiers juges quant à l'entière responsabilité de M. [E] dans l'arrêt anticipé des travaux, point qui n'est d'ailleurs pas réellement discuté par l'appelant dans ses écritures.
Aux termes du devis versé aux débats et du rapport d'expertise judiciaire, M. [P] avait confié à M. [E] la réalisation des travaux suivants :
- la réfection totale de la couverture de la maison,
- l'isolation des combles de la maison,
- la réfection totale de la couverture du garage/chaufferie,
- le ravalement de la façade arrière de la maison,
- le ravalement de la façade arrière du local garage/chaufferie et une partie du retour droit de l'annexe située à droite du garage/chaufferie.
Il ressort de l'expertise judiciaire réalisée par M. [I] que :
- les travaux de couverture étaient en cours le jour de l'orage ayant provoqué un dégât des eaux et M. [E] n'a pas mis de protection provisoire pour assurer le hors d'eau de la maison,
- l'ouvrage est affecté de multiples malfaçons qui sont listées par l'expert au rapport duquel il est renvoyé, qui relève notamment que les travaux de couverture ne sont pas conformes aux DTU et aux règles professionnelles et qu'ils n'ont pas été réalisés dans les règles de l'art ;
Il n'existe aux termes de ce rapport aucune discussion possible sur la responsabilité de M. [E] au titre de l'obligation de résultat à laquelle il est tenu et contrairement à ce qu'il soutient, l'ouvrage même non terminé qu'il a réalisé est défectueux.
La décision sera confirmée en ce qu'elle a retenu la responsabilité de l'entrepreneur.
Les préjudices :
M. [E] étant responsable des désordres, c'est également à juste titre qu'il a été condamné par les premiers juges à indemniser M. [P] du coût des travaux conservatoires de M. [C] à hauteur de 2 457, 82 euros ttc ainsi que du coût des travaux de reprise de la couverture à hauteur de 23 320 euros ttc.
Le préjudice de jouissance, qui est subi du fait de l'absence d'étanchéité de l'ouvrage due aux carences de l'entrepreneur, ayant généré des infiltrations et inondations qui ont fortement endommagé le premier étage de l'habitation, a justement été évalué à 300 euros par mois, soit 21 600 euros mais sera actualisé à compter du jour du jugement jusqu'au jour de prononcé de l'arrêt , soit 15 mois x 300 euros = 4 500 euros.
L'article 700 du code de procédure civile :
La décision sera confirmée.
Succombant en son appel, M. [E] ne peut prétendre à une indemnité à ce titre.
L'équité commande en revanche qu'il soit condamné à payer à M. [P] la somme de 2 000 euros.
Les dépens :
M. [P] n'avait pas produit devant les premiers juges l'ordonnance du 13 décembre 2016 rendue par le juge des référés du tribunal de grande instance de Troyes ayant désigné M. [I], ce qui a légitimement conduit à un débouté de sa demande au titre des frais et dépens de cette procédure.
Cette décision est produite à hauteur de cour, de sorte qu'il y a lieu d'infirmer la décision et de condamner M. [E] au paiement des dépens de l'instance de référé.
M. [E], partie succombante, sera également condamné aux dépens d'appel avec recouvrement direct par application de l'article 699 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement et par arrêt contradictoire ;
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 22 octobre 2021 par le tribunal judiciaire de Troyes à l'exception de sa disposition concernant les dépens.
Statuant sur ce seul point ;
Condamne M. [J] [E] aux dépens de première instance comprenant les frais et honoraires d'expertise judiciaire et les dépens relatifs à la procédure de référé expertise, avec droit de recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Y ajoutant ;
Condamne M. [J] [E] à payer à M. [S] [P] la somme de 4 500 euros au titre du préjudice de jouissance actualisé au jour de l'arrêt.
Condamne M. [J] [E] à payer à M. [S] [P] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Le déboute de sa demande à ce titre.
Condamne M. [J] [E] aux dépens d'appel avec recouvrement direct par application de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE