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09/05/2023 | FRANCE | N°22/00839

France | France, Cour d'appel de Reims, 1ere chambre sect.civile, 09 mai 2023, 22/00839


ARRET N°

du 09 mai 2023



N° RG 22/00839 - N° Portalis DBVQ-V-B7G-FFHE





[S]





c/



COMMUNE DE [Localité 6]



















Formule exécutoire le :

à :



la SCP LEDOUX FERRI RIOU-JACQUES TOUCHON MAYOLET



la SCP DELVINCOURT - CAULIER-RICHARD - CASTELLO AVOCATS ASSOCIES

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE-1° SECTION

ARRET DU 09 MAI 2023



APPELANT :

d'un jugement rendu le 17 d

écembre 2021 par le TJ de CHARLEVILLE-MEZIERES



Monsieur [L] [D] [G] [S]

Lieudit '[Adresse 1]'

[Adresse 1]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/000360 du 24/03/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de REIMS...

ARRET N°

du 09 mai 2023

N° RG 22/00839 - N° Portalis DBVQ-V-B7G-FFHE

[S]

c/

COMMUNE DE [Localité 6]

Formule exécutoire le :

à :

la SCP LEDOUX FERRI RIOU-JACQUES TOUCHON MAYOLET

la SCP DELVINCOURT - CAULIER-RICHARD - CASTELLO AVOCATS ASSOCIES

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE-1° SECTION

ARRET DU 09 MAI 2023

APPELANT :

d'un jugement rendu le 17 décembre 2021 par le TJ de CHARLEVILLE-MEZIERES

Monsieur [L] [D] [G] [S]

Lieudit '[Adresse 1]'

[Adresse 1]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/000360 du 24/03/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de REIMS)

Représenté par Me Sylvie RIOU-JACQUES de la SCP LEDOUX FERRI RIOU-JACQUES TOUCHON MAYOLET, avocat au barreau des ARDENNES

INTIME :

COMMUNE DE [Localité 6] représenté par son Maire en exercice dûment habilité, domicilié en cette qualité en la Mairie

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté par Me Mélanie CAULIER-RICHARD de la SCP DELVINCOURT - CAULIER-RICHARD - CASTELLO AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS, avocat postulant, et Me Ahmed HARIR de la SELARL Ahmed HARIR, avocat au barreau des ARDENNES, avocat plaidant

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre

Madame Véronique MAUSSIRE, conseillère

Madame Sandrine PILON, conseillère

GREFFIER :

Madame Eva MARTYNIUK, greffière lors des débats et Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffière lors du prononcé

DEBATS :

A l'audience publique du 21 mars 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 09 mai 2023,

ARRET :

Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 09 mai 2023 et signé par Madame Véronique MAUSSIRE, conseillère, en remplacement de la présidente de chambre régulièrement empêchée, et Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

FAITS ET PROCEDURE

Suivant acte sous seing privé en date du 5 juin 2014 établi en l'étude de la SCP «'S.& J.L. [T]'», notaires associés à Fumay, Monsieur [L] [S] s'est engagé à vendre à la commune de Vireux-Wallerand un chalet situé lieu-dit[Adresse 1]d, pour un prix de 30.000 euros, sous la condition suspensive notamment que les créanciers inscrits s'engagent à donner mainlevée amiable des inscriptions hypothécaires pouvant grever les biens immobiliers vendus.

La vente devait être réitérée par acte authentique au plus tard le 10 août 2014.

Suivant délibération en date du 20 juin 2014, le conseil municipal de la commune de [Localité 6] a autorisé l'achat de l'immeuble.

Interrogé par le conseil de la commune de [Localité 6], le service de publicité foncière a indiqué que le bien était grevé d'un privilège de prêteur de deniers au profit de la banque Crédit Lyonnais.

Le crédit logement a informé l'étude de Maître [T] par courrier du 30 juin 2014 que la mainlevée de l'hypothèque ne serait accordée qu'à la condition que le prix de vente lui revienne et que Monsieur [S] s'engage à lui régler en outre le solde du prêt, soit la somme de 19.000 euros.

Monsieur [S] n'a pas entendu donner suite à cette proposition.

Par exploit d'huissier en date du 3 octobre 2017, la commune de [Localité 6] a fait assigner Monsieur [S] devant le tribunal judiciaire de Charleville-Mézières aux fins de le voir condamner à réitérer la vente et à défaut le condamner à l'indemniser du préjudice subi au visa de l'article 1178 du code civil, la condition suspensive étant réputée accomplie.

Par jugement en date du 17 décembre 2021, le tribunal judiciaire de Charleville-Mézières a condamné Monsieur [L] [S] à réitérer la vente par acte authentique dans le délai d'un mois à compter de la signification de la présente décision, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et au paiement d'une somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le tribunal a rejeté la fin de recevoir soulevée par M. [S] tirée du défaut d'habilitation du maire à intenter l'instance sur le fondement des dispositions de l'article L.2122-22 du code général des collectivités territoriales au regard des délibérations du conseil municipal de la commune du 28 février 2017 et du 20 juin 2014.

Il développe que le bien immobilier est grevé d'un privilège de prêteurs de deniers au profit du Crédit Lyonnais et que même si M. [S] n'a pas honoré le règlement de ses échéances de crédit immobilier et a subi une déchéance du terme rendant exigible un solde de 49 814,557 euros et que sa dette est supérieure au prix de vente de 30 000 euros, il n'en reste pas moins que la condition suspensive prévue dans le compromis est présumée remplie dès lors que «'les créanciers inscrits s'engagent à donner mainlevée amiable des inscriptions hypothécaires pouvant grever les biens immobiliers vendus'»'; qu'or le crédit logement concerné, a accepté de procéder à la main levée de l'inscription hypothécaire lors de la transmission des fonds.

Par déclaration en date du 8 avril 2022, M. [L] [S] a interjeté appel de la décision rendue par le tribunal judiciaire de Charleville-Mézières.

Aux termes de ses dernières conclusions du 6 mars 2023, Monsieur [L] [S] demande à la cour d'infirmer le jugement en tous ses points, et plus généralement de toutes les dispositions faisant grief à Monsieur [L] [S], bien que non visées au dispositif selon les moyens qui seront développés dans les conclusions.

Et, statuant à nouveau, de voir constater que Monsieur le Maire de la Commune de Vireux-Wallerand prétendant la représenter ne justifie nullement avoir été habilité à engager l'instance dont avait été saisi le tribunal de grande instance par assignation du 3 octobre 2017, et dire en conséquence la commune irrecevable en ses prétentions sur le fondement des dispositions de l'article 122 du Code de Procédure Civile, avec toutes conséquences de droit.

A titre infiniment subsidiaire, de voir débouter la Commune de [Localité 6] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions à l'encontre de Monsieur [L] [S], la condamner à lui payer la somme de 2.000,00 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive et injustifiée, et de 2.000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, pour la procédure de première instance et de 3.000,00 euros pour la procédure d'appel, outre à supporter les entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de la SCP LEDOUX FERRI RIOU-JACQUES TOUCHON MAYOLET, avocats aux offres de droit.

A hauteur d'appel, Monsieur [S] persiste ainsi à soulever l'irrecevabilité de la procédure développant que la délibération du conseil municipal en date du 8 mars 2017 est trop vague, que la teneur de l'action en justice envisagée n'est pas indiquée (action en réitération de la vente) et qu'il ne peut être considéré que le maire ait été dûment habilité par le conseil municipal à engager la procédure.

S'agissant de la délibération du 5 mai 2014, qualifiée «'d'habilitation générale du Conseil Municipal'», il soutient qu'elle ne fait pas de référence assez précise à la procédure engagée et concernant la délibération du 20 juin 2014 autorisant l'achat de l'immeuble, mais hors sujet concernant une action en justice, que celle-ci serait particulièrement mal rédigée dès lors qu'il y est fait état d'une proposition d'achat alors que le compromis était déjà régularisé.

Au fond, M. [S] expose que le compromis a été établi à la hâte, sans présentation des titres de propriété ni d'un état hypothécaire ou encore des pièces d'urbanisme dans le but d'obtenir sa signature dans des conditions avantageuses pour la commune, mais pas pour lui, aucune estimation du bien n'ayant été faite'; que de surcroît la preuve n'est pas rapportée que son prétendu créancier (la banque) aurait donné accord pour la mainlevée de l'hypothèque pour la somme de 30 000 euros puisqu'il réclame en outre 19.000euros, ajoutant ainsi une condition et que dans tous les cas, il y a même une confusion sur son créancier entre le crédit lyonnais et le crédit logement et qu'enfin la commune ne peut s'immiscer dans un contentieux qui l'opposerait à son créancier pour une créance qu'il considère prescrite.

Il en déduit que la condition suspensive n'est pas réputée accomplie mais a défailli, que le compromis est caduc sans qu'il ait commis aucune faute et que la commune ne justifie pas d'un préjudice, sauf à ne pas avoir réalisé une opération spéculative.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 13 mars 2013 , la commune de [Localité 6], intimée, demande à la cour, aux visas des articles L 2122-22 du code général des collectivités territoriales, 1178 du code civil dans sa version antérieure à la réforme du droit des obligations, de' confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Charleville-Mézières le 17 décembre 2021 en ce qu'il a condamné Monsieur [L] [S] à réitérer la vente par acte authentique dans le délai d'un mois à compter de la signification de la présente décision, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et en ce qu'il a condamné Monsieur [L] [S] à payer à la commune de [Localité 6] la somme de 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens et débouter celui-ci de toute prétention, fin, moyen, prétention et demande contraire.

A titre subsidiaire,

Vu l'article 1147 du Code civil dans sa version antérieure à la réforme du droit des obligations de dire et juger que Monsieur [L] [S] a commis une faute contractuelle ayant occasionné un préjudice à la commune de [Localité 6] et par conséquent, le condamner à payer à la commune de [Localité 6] représentée par son maire en exercice la somme de 30.000 euros correspondant au préjudice subi par la commune du fait de l'absence de réalisation de la vente.

En tout état de cause,

- Débouter Monsieur [L] [S] de toutes demandes plus amples ou contraires;

- Condamner Monsieur [L] [S] à payer à la commune de [Localité 6] représentée par son maire en exercice la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner Monsieur [L] [S] aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SCP Delvincourt Caulier-Richard Catsello, Avocat aux Offres de droit en application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Sur la recevabilité de la demande, la commune de [Localité 6] précise qu'elle justifie que le Maire avait tout pouvoir pour agir à l'encontre de Monsieur [S] et que son action est par voie de conséquence recevable (article L.2122-22 du code général des collectivités territoriales)sur la base des délibérations du conseil municipal suivantes' ni vagues ni imprécises':

- 5 mai 2014 : délibération du conseil municipal autorisant le maire à ester en justice sur le fondement de l'article L 2122-22 du Code général des collectivités territoriales,

- 20 juin 2014 : le conseil municipal autorise la vente (suivant compromis du 5 juin 2014)

- 8 mars 2017 : le conseil municipal autorise le maire à ester en justice contre Monsieur [S].

Elle développe que en dernier lieu le maire a préalablement exposé la situation au conseil municipal concernant le refus de Monsieur [S] de réitérer la vente, que l'habilitation peut être générale et concerner tous types d'actions de nature à préserver les intérêts de la commune, sans exigence de caractéristiques précises dans l'article L.2122-22 et que la délibération du 8 mars 2017 n'est pas une reproduction pure de l'article, ce qui est seul condamné par la jurisprudence judiciaire.

Au fond, la commune rappelle que Monsieur [S] a déclaré pouvoir disposer librement de son bien alors qu'il connaissait l'existence d'une inscription de privilège de prêteur de deniers et qu'il savait qu'il ne pouvait disposer librement d'un bien pour lequel il ne procédait plus au règlement des échéances de son prêt depuis 2009'; qu'il avait conscience de ce qu'il signait et le comprenait parfaitement, savait que son bien était grevé d'une hypothèque dont il a dans un courrier adressé le 12 juillet 2014, sollicité le transfert sur d'autres parcelles et qu'il a donc menti au notaire et à l'acquéreur en certifiant qu'il avait la libre disposition de son bien.

Elle constate qu'il a refusé la mainlevée proposée par le Crédit logement alors que la déchéance du terme de son prêt avait été prononcée, et ce afin de ne pas remplir ses obligations contractuelles qui lui imposaient de régler le solde d'une dette sans qu'il ne perçoive rien de la vente'; qu'il a empêché la réalisation de la condition suspensive qui doit ainsi être réputée accomplie puisque le crédit logement a donné son accord pour donner la mainlevée de l'inscription d'hypothèque conformément aux termes de la condition suspensive prévue au compromis de vente

La concluante affirme que le prix de rachat du chalet était avantageux compte tenu de l'état du bien.

A titre subsidiaire, la commune invoque des fautes contractuelles de M. [S] constituées de man'uvres déloyales pour faire obstacle à la vente uniquement parce qu'il savait qu'il allait devoir désintéresser la banque, de mensonges en déclarant que son bien était disponible alors qu'il connaissait l'existence de l'hypothèque le grevant et en cachant au notaire et à l'acquéreur le conflit l'opposant au Crédit logement.

La commune reproche à M. [S] l'entreposage de déchets sauvages, suscitant l'intervention de la police municipale et le préjudice qu'elle a subi du fait de la non réalisation de la vente en perdant une subvention du conseil régional et de la communauté de communes Ardenne Rives de Meuse attachée à cet achat et au projet de destruction de celui-ci qui se trouve dans une zone de protection de la faune et de la flore, à proximité d'un ruisseau forestier protégé (zone NATURA 2000) et sollicite une indemnisation de son préjudice évalué à la somme de 30.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 1147 du Code civil dans sa version antérieure à la réforme du droit des obligations.

L'ordonnance de clôture est en date du 14 mars 2023.

MOTIFS

Sur la recevabilité des prétentions de la commune

L'article L2132-1 du code général des collectivités territoriales qui se fonde sur l'article L2122-22-16 de ce code qui prévoit que le maire peut, sur délégation du conseil, être chargé en tout ou partie et pour la durée de son mandat, d'intenter au nom de la commune les actions en justice ou de défendre la commune dans les actions intentées contre elles dans les cas définis par le conseil municipal, lui permet de recevoir une délégation permanente pour ester en justice.

Cette délégation est facultative de sorte qu'elle peut ne pas avoir été donnée par un conseil municipal qui est chargé par l'article L2132 du code général des collectivités territoriales de délibérer sur les actions à intenter au nom de la commune, comme elle peut être retirée, elle peut encore être donnée de manière totale, ou au contraire seulement pour une catégorie générale de contentieux ou de manière ponctuelle pour un contentieux particulier.

Le maire qui n'a qualité à agir en justice que dans la limite de sa délégation peut couvrir cette irrégularité de la saisine jusqu'au jour où le juge statue en démontrant qu'au delà de sa simple référence aux termes du point 16 de l'article L2122-22 précité une délibération lui a donné autorisation expresse d'introduire une action en justice pour le compte de la commune.

En l'espèce, par délibération du conseil municipal de la commune du 5 mai 2014 prise au visa général de l'article L2122-2 du code général des collectivités territoriales délégation a été donnée au maire de la commune de [Localité 6], et pour la durée de son mandat «'d'intenter au nom de la commune les actions en justice ou de défendre la commune dans les actions intentées contre elle lorsque ces actions concernent'les décisions prises par lui':

*par délégation du conseil municipal dans les conditions prévues par la présente délibérations

*pour l'exécution des délibérations du conseil municipal

*en vertu de ses compétences propres en matière d'administration de propriétés communales, d'urbanisme,de police et de gestion du personnel communal.

Ensuite par délibération du 20 juin 2014, le conseil municipal a accepté la proposition d'achat faite par la commune à Monsieur [L] [S] concernant les parcelles [Cadastre 5],[Cadastre 3] et [Cadastre 4] pour un montant de 30 000 euros selon compromis du 5 juin 2014 et lui a donné mandat spécial pour signer devant Maître [T] l'acte de vente dont la réalisation était prévue au compromis au plus tard le 10 août 2014.

Si cette délibération ne lui a donné mandat que pour signer l'acte devant notaire et pas expressément pour introduire une action en justice pour le condamner à cette signature, il faut toutefois estimer que ce pouvoir lui était donné par les dispositions de la délibération du 5 mai 2014 pour faire exécuter la délibération du 20 juin 2014 en ce que la signature de l'acte par le maire était empêchée par la position du vendeur qui soutenait qu'une condition suspensive n'était pas réalisée.

Néanmoins, ce lien ne peut être établi que si une action en justice a été intentée par le maire dans un délai raisonnable suivant l'expression de la position du vendeur.

Or, il est constant sur ce point que lors de la réception de l'état hypothécaire il a été révélé une inscription hypothécaire prise sur le bien, que le créancier a présenté un décompte de sa créance le 3 juillet 2014 et a donné son accord pour une main levée contre le versement à son profit du prix de vente de 30 000 euros et l'engagement de Monsieur [L] [S] de rembourser le solde de 19 000 euros mais que celui-ci, estimant que cette main levée conditionnelle rajoutait à celle prévue au compromis, et qu'en conséquence son refus d'accepter ces conditions était légitime, en a déduit à la non réalisation de cette condition ainsi qu'il l'a développé dès un courrier du 12 juillet 2014.

Or, l'action en justice n'a été introduite qu'en octobre 2017 soit plus de 3 ans après le refus exprimé par le vendeur de considérer que la condition suspensive était réalisée, plus de 3 ans après l'expiration du délai pour conclure l'acte fixé en août 2017 et sans que les pièces du dossier n'établissent de volonté réitérée de la commune de poursuivre l'exécution forcée ni même amiable de la vente dans ce délai.

Ainsi, cette délibération du 20 juin 2014 ne peut conduire à justifier dans le cadre de la procédure introduite le 3 octobre 2017 devant le tribunal judiciaire, la qualité à agir au nom de la commune du maire sur le fondement de son pouvoir général donné par la délibération du 5 mai 2014.

Reste une autorisation expresse «'de défendre les intérêts de la commune dans cette affaire, à ester en justice et à prendre conseil auprès d'un avocat'» qui lui a été donnée dans une troisième délibération du conseil municipal 8 mars 2017.

Cette délibération fait expressément référence au fait qu'elle a été rendue «' entendu l'exposé du maire relatif à l'achat du chalet [S]'«' et considérant «' le compromis du 5 juin 2014 et la délibération du 20 juin 2014'» 'mais mentionne également «'considérant le harcèlement par correspondance de Monsieur [L] [S]'».

Certes , ces correspondances ne sont pas produites mais 3 procès verbaux de police municipale montrent que l'utilisation par Monsieur [L] [S] de son terrain postérieurement à la signature du compromis, préoccupait régulièrement la commune qui constatait des violations avec la réglementation en vigueur, le refus de Monsieur [L] [S] de s'y conformer et des nuisances en résultant pour l'environnement.

Ainsi, ces 3 rapports de police municipale antérieurs à la délibération du 8 mars 2017 (19 janvier 2015- 13 janvier 2016- 27 février 2017- ) justifient de l'installation par Monsieur [L] [S] sur son terrain, fin 2014 d'un mobile home, puis de l'accumulation de nombreux tonneaux remplis de déchets quant il ne les déverse pas sur le terrain de tiers.

Dans ces conditions, il faut considérer que la délibération du conseil municipal du 8 mars 2017, qui donne au maire pouvoir de prendre conseil auprès d'un avocat et d'ester en justice lui donne pouvoir pour introduire une procédure visant à contraindre Monsieur [L] [S] à réitérer l'acte authentique afin d'obtenir la propriété de ce terrain et d'en déloger son occupant.

En conséquence, sans préjuger du bien fondé des prétentions de la commune, la cour retient qu'elle est régulièrement représentée par son maire qui justifie de sa qualité à agir pour son compte aux fins de réclamer la réitération de la vente ou subsidiairement des dommages et intérêts en conséquence du refus de Monsieur [L] [S] de réitérer le compromis du 5 juin 2014 et que donc ses demandes sont recevables.

Le jugement est confirmé à ce titre.

Sur le fond

Le compromis du 5 juin 2014 contient une condition suspensive dans «'fichier immobilier'» et visant la circonstance que les créanciers inscrits se soient engagés à donner main levée amiable des inscriptions hypothécaires pouvant grever les biens immobiliers vendus.

En l'absence d'un état hypothécaire récent, aucune référence à une hypothèque ou à un créancier inscrit particulier n'est faite dans le cadre de cette clause qui apparaît générale.

Il n'en reste pas moins qu'il appartenait le cas échéant à la commune de réclamer un état hypothécaire si elle entendait être plus informée de la situation à ce titre avant la signature du compromis.

Aussi, s'il ne lui est apparu que postérieurement à la régularisation du compromis et lors de la réponse à sa demande de renseignements faite à ce titre le 28 août 2014 que le bien était grevé d'une hypothèque, aucune réticence dolosive du vendeur ne pourrait lui être reprochée du fait qu'il ne l'a pas informée de cette inscription, ou de son retard dans le paiement des mensualités de remboursement du prêt garanti par cette inscription.

La condition suspensive sus visée n'en est donc pas moins applicable et invocable.

Le crédit logement, dont la créance est gérée par le crédit lyonnais, a déclaré qu'il acceptait de donner main levée de l'inscription faite à son profit et inscrite dans l'état de situation du terrain, contre le versement de tout le prix de vente de 30 000 euros et l'engagement de Monsieur [L] [S] de rembourser le solde restant dû de 19 000 euros.

Monsieur [L] [S] a refusé de sorte que cette condition n'a pas été réalisée avant la date d'échéance de réalisation de l'acte du 10 août 2014.

Aux termes des articles 1178 et 1181 du code civil, dans sa version en vigueur au jour de la signature de la promesse de vente, l'obligation contractée sous une conditions suspensive est celle qui dépend ou d'un événement futur et incertain, ou d'un événement actuellement arrivé, mais encore inconnu des parties.

Elle est supposée réalisée lorsque c'est le débiteur obligé sous cette condition, qui en a empêché la réalisation.

La commune explique que Monsieur [L] [S] ne pouvait déclarer disposer librement de son bien alors qu'il connaissait l'existence d'une inscription de privilège de prêteur et ne procédait plus au règlement des échéances de son prêt depuis 2009, qu'il a délibérément menti au notaire et à l'acquéreur.

Mais ces fautes sont sans effet sur la preuve qui incombe à la commune qu'il a ensuite empêché la réalisation de la condition suspensive.

Elle soutient alors que dans tous les cas il ne pouvait refuser la mainlevée proposée par le créancier alors que la déchéance du terme de son prêt avait été prononcée, que le prix de vente allait être attribué à son créancier et qu'il ne serait tenu qu'au règlement du solde.

Certes une autorisation de main levée donnée à un créancier bénéficiant d'une garantie sur un bien dont la vente est envisagée en échange de l'affectation de tout ou partie du prix de vente de ce bien au paiement de la créance garantie n'impose aucune contrainte particulière au débiteur et ne conduit qu'à faire produire à cette garantie ses effets habituels qui visent à assurer à un créancier le paiement de cette créance.

Et si par l'effet de ce transfert des fonds le débiteur peut ne récupérer aucun montant et rester redevable d'un solde, avec les mêmes effets qu'en cas de vente forcée du bien par le créancier les causes ne sont à en rechercher que dans le montant de sa dette.

Néanmoins, cette situation suppose l'existence d'une dette exigible du créancier au moment de la vente car dans le cas contraire aucune faute ne peut être reprochée au vendeur qui refuse sa condition de main levée tenant à un transfert des fonds dont il ne s'estime plus redevable.

En l'espèce, il faut constater que l'état hypothécaire mentionne un privilège de préteur de deniers pris sur le bien dans le cadre d'un acte de vente du 22 décembre 2008 et déposé le 19 février 2009 pour le remboursement de la somme en principal de 35 000 euros outre 7 000 euros en accessoires au taux d'intérêt de 5,35%, que le crédit logement se déclarant créancier garantie a produit un décompte de créance le 30 juin 2014 en s'engageant à donner main levée de sa garantie dès transmission des fonds détenus par le notaire'; que le décompte du 3 juillet 2014 présenté par le crédit lyonnais désigné en qualité de gestionnaire de son client, montre que 5 ans après cette acquisition restait dû un solde de 49 000 euros soit supérieur au capital et accessoire, que les échéances sont impayées depuis 2009 et que la déchéance du terme avait été prononcée depuis février 2011.

Or, l'action en paiement des mensualités impayées d'un'prêt immobilier'se'prescrit'à compter de leurs dates d'échéances successives, et l'action en paiement du capital restant dû se'prescrit'à compter de la déchéance du terme qui emporte son exigibilité sur le fondement des dispositions de l'article L132-7 du code de la consommation et il n'est justifié d'aucun acte suspendant ou interrompant cette prescription.

La commune ne pouvait donc imposer au vendeur d'accepter de régler une dette qu'il estimait ne plus devoir depuis plusieurs années sauf à démontrer que malgré l'ancienneté des échéances impayées et de la déchéance du terme, le créancier garanti disposait d'une créance exigible.

Or, aucun élément n'est apporté à ce titre.

Et il est observé de surcroît qu'il n'est pas même allégué de tentative de recouvrement forcée de sa créance par le crédit logement depuis l'année 2014 malgré le refus express du débiteur d'accepter les conditions de la main levée de la garantie et donc de le régler et malgré l'absence de poursuite de la commune pour le contraindre à vendre avant l'assignation du mois d'octobre 2017.

Aussi à défaut et dans ces conditions la démonstration que le refus de Monsieur [L] [S] d'accepter les conditions de main levée du crédit logement est abusif n'est pas apportée.

Il faut en déduire que la commune ne peut reprocher à Monsieur [L] [S] d'avoir empêché la réalisation de la condition avant la date d'échéance du compromis et ne peut en déduire que celle-ci est supposée réalisée.

Le compromis est dès lors caduc et la commune déboutée de sa demande en réitération de la vente comme de sa demande en dommages et intérêts pour refus de réitération et préjudice en ayant résulté au regard de l'entreposage de déchets sauvages nécessitant l'intervention de la police municipale et la perte d'une subvention du conseil régional et de la communauté de communes Ardenne Rives de Meuse attachée à cet achat et au projet de destruction de celui-ci qui se trouve dans une zone de protection de la faune et de la flore, à proximité d'un ruisseau forestier protégé (zone NATURA 2000).

Aussi le jugement est infirmé.

En revanche, il ne peut être reproché à la commune une erreur dans sa perception de son droit à poursuivre la vente ni sa volonté affichée en ce sens compte tenu du comportement de l'occupant des lieux et décrit dans les comptes rendus de police municipale précités de sorte que le jugement est confirmé en ce qu'il déboute M.[S] de sa demande en dommages et intérêts pour procédure abusive.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant publiquement et contradictoirement,

Infirme le jugement en toutes ses disposition si ce n'est en ce qu'il déclare l'action de la commune recevable et déboute M.[S] de sa demande en dommages et intérêts pour procédure abusive,

Statuant à nouveau,

Déboute la commune de [Localité 6] de sa demande de réitération d'un compromis dont il n'est pas établi que la condition suspensive a été réalisée avant la date d'échéance de l'acte sans démonstration d'une faute de son contractant,

Condamne la commune de [Localité 6] à payer à Monsieur [L] [S] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour l'ensemble de la procédure,

Condamne la commune de [Localité 6] aux dépens.

Le greffier La conseillère pour la présidente régulièrement empêchée


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Reims
Formation : 1ere chambre sect.civile
Numéro d'arrêt : 22/00839
Date de la décision : 09/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-09;22.00839 ?
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