ARRET N°
du 09 mai 2023
N° RG 22/00983 - N° Portalis DBVQ-V-B7G-FFQ5
S.A.S. YOOTH INFORMATION TECHNOLOGY
c/
S.A.S. CAQUOT DISTRIBUTION
Formule exécutoire le :
à :
COUR D'APPEL DE REIMS
CHAMBRE CIVILE-1° SECTION
ARRET DU 09 MAI 2023
APPELANTE :
d'un jugement rendu le 05 avril 2022 par le Tribunal de Commerce de Reims
S.A.S. YOOTH INFORMATION TECHNOLOGY
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Me Ludiwine MOINAULT, avocat au barreau de REIMS, avocat postulant, et Me Badhr MAHBOULI, avocat plaidant, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE :
S.A.S. CAQUOT DISTRIBUTION
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Laurent THIEFFRY de la SELARL CTB AVOCATS ET ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :
Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre
Madame Véronique MAUSSIRE, conseillère
Madame Sandrine PILON, conseillère
GREFFIER :
Madame Eva MARTYNIUK, greffière lors des débats et Monsieur Nicolas MUFFAT-GENDET, greffier lors du prononcé
DEBATS :
A l'audience publique du 21 mars 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 09 mai 2023,
ARRET :
Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 09 mai 2023 et signé par Madame Véronique MAUSSIRE, conseillère en remplacement de la présidente de chambre régulièrement empêchée, et Monsieur Nicolas MUFFAT-GENDET, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * * *
Le 13 décembre 2018, la société Caquot Distribution a passé commande auprès de la société Yooth Information Technology (société Yooth IT) d'une installation téléphonique avec abonnement pour une durée de 48 mois, moyennant le paiement d'un abonnement mensuel de 305,95 euros TTC.
La mensualité correspondant au mois d'avril 2019 n'ayant pas été réglée, la société Yooth IT a émis une facture correspondant au solde dû jusqu'à la fin du contrat, soit 13 768,84 euros TTC.
Par acte d'huissier du 31 mars 2021, la société Yooth IT a fait assigner la société Caquot Distribution en référé devant le président du tribunal de commerce de Reims afin de voir constater la résiliation du contrat aux torts exclusifs du défendeur et d'obtenir la somme provisionnelle de 13'796,84 euros TTC.
Le juge des référés s'est déclaré incompétent par ordonnance du 8 septembre 2021 et a renvoyé la cause et les parties devant le tribunal statuant au fond.
Par jugement du 5 avril 2022, le tribunal de commerce de Reims a':
reçu la société Yooth IT en ses demandes et les a déclarées partiellement fondées,
prononcé la résiliation du contrat conclu le 13 décembre 2018 entre la société Caquot Distribution et la société Yooth IT en date du 31 juillet 2019,
condamné la société Caquot Distribution à payer à la société Yooth IT la somme de 1223,80 euros TTC,
dit qu'il n'y a pas lieu d'allouer d'indemnités au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
rejeté toutes autres demandes, fins et conclusions des parties,
rappelé que l'exécution provisoire est de droit,
condamné les sociétés Caquot Distribution et Yooth IT chacune pour moitié aux dépens de l'instance dont frais de greffe liquidés à la somme de 69,59 euros TTC dont 11,60 euros de TVA.
Le tribunal a relevé que des problèmes de configuration ont été évoqués dans des courriers électroniques dès le mois de janvier 2019, qu'un huissier mandaté par la société Caquot Distribution aux fins de constat le 15 février 2019, mentionne que l'installation téléphonique ne fonctionne pas correctement et que des salariés de cette société ont attesté de dysfonctionnements téléphoniques, que la société Caquot Distribution a fait appel à la société Yooth IT, mais qu'aucune solution n'a pu être trouvée entre les deux sociétés et que la société Caquot Distribution a notifié à la société Yooth IT le 23 juillet 2019 sa volonté de voir le contrat résilié pour non-respect des engagements. Il a estimé qu'il convenait de prononcer la résiliation du contrat après cette notification, soit fin juillet 2019 et de condamner la société Caquot Distribution au paiement des mensualités dues avant cette résiliation.
La SAS Yooth IT a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 5 mai 2022.
Dans ses dernières conclusions, notifiées le 14 janvier 2023, la SAS Yooth IT demande à la cour d'appel d'infirmer le jugement et de':
dire et juger que la résiliation du contrat est intervenue aux torts exclusifs de la société Caquot Distribution,
en conséquence,
condamner la société Caquot Distribution à lui verser les sommes suivantes':
13 796,84 euros TTC en paiement des factures non réglées, avec intérêts au taux légal à compter de la date d'échéance des factures,
2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance,
2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel,
condamner la société Caquot Distribution aux entiers dépens,
débouter la société Caquot Distribution de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions reconventionnelles.
Par conclusions notifiées le 17 octobre 2022, la SAS Caquot Distribution sollicite de la cour d'appel'd'infirmer le jugement et de':
débouter la société Yooth IT de l'ensemble de ses demandes,
condamner la société Yooth IT à lui payer une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'instance devant le tribunal de commerce,
condamner la société Yooth IT aux dépens de première instance,
condamner la société Yooth IT à lui payer une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
la condamner aux entiers dépens dont distraction au profit de la société CTB Avocats et associés.
MOTIFS
Sur la clause résolutoire et la demande principale en paiement
La société Yooth IT entend se prévaloir de la clause résolutoire stipulée en ces termes dans le contrat signé par les parties': «'8.5.5 En cas de défaut de paiement total ou partiel de toute somme due par le client en principal, intérêts et accessoires, et après une mise en demeure restée infructueuse pendant huit jours, Yooth-it pourra résilier de plein droit le contrat aux torts et griefs exclusifs du client, sans préjudice de tous dommages intérêts susceptibles d'être demandés par le prestataire'».
Elle invoque en outre l'article 8.5.6 du contrat, qui prévoit que le non-paiement partiel ou total par le client d'une facture emportera immédiatement et automatiquement déchéance du terme de l'ensemble des factures émises, échues ou non échues, au titre du contrat en cours et que ces dernières deviendront immédiatement exigibles.
La société Caquot Distribution invoque l'article 1217 du code civil, dont il résulte que la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut refuser d'exécuter ou suspendre l'exécution de sa propre obligation et l'article 1220 du même code, selon lequel une partie peut suspendre l'exécution de son obligation dès lors qu'il est manifeste que son cocontractant ne s'exécutera pas à l'échéance et que les conséquences de cette inexécution sont suffisamment graves pour elle, cette suspension devant être notifiée dans les meilleurs délais.
Cette société ne conteste pas avoir cessé de régler les mensualités mises à sa charge par le contrat.
Il convient donc de déterminer si les conditions prévues par les textes précités étaient réunies, pour savoir si la société Caquot Distribution encourt ou non les sanctions contractuelles dont argue la société Yooth IT pour défaut de paiement.
Les parties s'opposent quant à l'obligation pesant sur la société Yooth It, celle-ci soutenant qu'il s'agit d'une obligation de moyens, tandis que la société Caquot Distribution affirme qu'elle est de résultat.
Le contrat signé par les parties prévoit': «'7.2.1 Le prestataire s'engage à mettre en 'uvre tous les moyens permettant au client un accès fiable et rapide au service dans la limite de capacité du réseau et des infrastructures ainsi que des contraintes techniques inhérentes à leur fonctionnement. 7.2.2. Il s'agit d'une obligation de moyen et non de résultat, le prestataire étant lui-même tributaire de la fourniture des lignes auprès de l'opérateur Telecom, ce que le client n'ignore pas et accepte expressément. 7.2.3 Le prestataire s'engage à apporter tout le soin et la compétence nécessaire à la fourniture du service conformément aux normes professionnelles applicables et aux conditions fixées par le contrat'».
Puisque les parties ont ainsi prévu que la société Yooth It supportait une obligation de moyens, il appartient à la société Caquot Distribution de démontrer que celle-ci a commis une faute.
Elle invoque une défaillance de la société Yooth It dans l'exécution de son obligation de fournir une installation téléphonique en état de fonctionnement. Elle produit un procès-verbal de constat d'huissier dressé le 15 février 2019 dont il ressort qu'un représentant de la société Caquot Distributon a téléphoné à l'établissement avec son propre téléphone mobile et que la communication était faible, l'officier ministériel indiquant qu'il n'entendait pas distinctement et devait prêter l'oreille pour entendre la communication, puis que son interlocuteur ne l'entendait plus trois mètres après avoir franchi la porte de la réserve.
L'huissier a en outre constaté, par deux fois, l'impossibilité de répondre à un appel entrant avec un des téléphones sans fils objets du contrat entre les parties.
Le représentant de la société Caquot Distribution a déclaré à l'huissier que le bâtiment de l'entreprise est grand et constitué d'une structure métallique, de sorte que l'installation téléphonique devait être adaptée, qu'elle avait acheté un amplificateur, mais que le technicien qui devait procéder au raccordement de l'installation à cet amplificateur n'était jamais venu.
La société Yooth It ne disconvient pas de ce que les difficultés déplorées par son cocontractant proviennent de la structure métallique de ses locaux, ainsi qu'elle l'écrit dans ses conclusions (page 9), mais elle assure qu'elle a offert deux stations de bases amplificatrices et rappelle que le contrat prévoit que l'installation devait être réalisée par la société Caquot Distribution elle-même. Elle produit des courriers électroniques internes à ses services rendant compte d'une assistance apportée à cette dernière afin de la guider dans le branchement des différents équipements, suivie d'une vérification de la configuration de l'installation et faisant état d'un rendez-vous au sein de la société Caquot Distribution le 15 mars 2019, au cours duquel il a été procédé à la vérification du matériel téléphonique.
Celle-ci produit deux attestations de salariés évoquant l'absence de téléphone entrant et sortant sur une période d'un mois, sans qu'il soit possible cependant de dater cette période, de sorte qu'il n'est pas démontré que les dysfonctionnements dénoncés ont perduré après les interventions de la société Yooth It. A cet égard, il n'est pas établi que le refus de portabilité auquel la société Caquot Distribution a été confrontée lorsqu'elle a décidé de changer d'opérateur, trouve sa cause dans le mauvais fonctionnement de l'installation téléphonique, dès lors que le motif de ce refus est ainsi mentionné, sans plus d'explications': «'HA09'».
Il résulte de ce qui précède que si l'installation téléphonique objet du contrat a connu des dysfonctionnements, le contrat signé par les parties prévoit que celle-ci devait être réalisée par la société Caquot Distribution et que la société Yooth It a pris des mesures pour y remédier, sans que la société Caquot Distribution ne démontre que lesdites mesures ont été insuffisantes ou inefficaces et que des défaillances ont ensuite persisté.
Ainsi, elle ne démontre pas suffisamment l'existence de manquements de la société Yooth It à son obligation de moyens et, à tout le moins, que ceux-ci étaient suffisamment graves pour justifier sa propre décision de cesser définitivement de régler le coût de l'abonnement mensuel, qui constitue l'essentiel de ses engagements.
Le refus de la société Caquot Distribution de continuer à régler le coût de l'abonnement mensuel n'étant pas justifié par les propres manquements de la société Yooth It, celle-ci est fondée à se prévaloir de la clause résolutoire stipulée par les parties pour défaut de paiement total ou partiel et de la clause de déchéance du terme des factures.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 19 septembre 2019, l'avocat de la société Yooth It a mis la société Caquot Distribution en demeure de procéder au règlement de la somme de 13 796,84 euros TTC correspondant aux 45 mois restant d'abonnement, après application de la déchéance du terme de l'ensemble des factures prévue par l'article 8.5.6. précité.
La société Caquot Distribution ne démontre pas avoir versé une quelconque somme dans le délai qui a suivi cette lettre.
En conséquence, la clause résolutoire est acquise à la société Yooth It, de même que la déchéance du terme affectant le paiement de l'abonnement. La société Caquot Distribution doit donc être condamnée à payer à la société Yooth It la somme de 13 767,75 euros (305,95 euros X 45). Cette somme produira intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 19 septembre 2019, ainsi que le prévoit l'article 1231-6 du code civil. Le jugement sera donc infirmé de ces chefs.
Sur les frais et les dépens
La société Caquot Distribution, partie perdante, est tenue aux dépens de première instance et d'appel et ses demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile doivent donc être rejetées. Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il met la moitié des dépens à la charge de la société Yooth It.
L'équité ne commande pas de faire droit aux demandes de la société Yooth It au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel. Le jugement sera également confirmé de ce chef.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement rendu le 5 avril 2022 par le tribunal de commerce de Reims en ce qu'il dit qu'il n'y a pas lieu d'allouer d'indemnités au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et condamne la société Caquot Distribution aux dépens de l'instance,
L'infirme pour le surplus,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Constate la résolution du contrat conclu le 13 décembre 2018 entre la SAS Yooth It et la SAS Caquot Distribution,
Condamne la SAS Caquot Distribution à payer à la SAS Yooth It la somme de 13 767,75 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 19 septembre 2019,
Déboute la SAS Yooth It de sa demande en paiement pour ses frais irrépétibles d'appel,
Condamne la SAS Caquot Distribution aux dépens de première instance et d'appel.
Le greffier La conseillère pour la présidente régulièrement empêchée