Arrêt n° 365
du 17/05/2023
N° RG 22/00082 - N° Portalis DBVQ-V-B7G-FDPL
MLS/ACH
Formule exécutoire le :
à :
COUR D'APPEL DE REIMS
CHAMBRE SOCIALE
Arrêt du 17 mai 2023
APPELANTES :
d'une décision rendue le 14 décembre 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CHARLEVILLE MEZIERES, section ENCADREMENT (n° F20/00129)
S.A.S. SOCIETE ARDENNAISE INDUSTRIELLE
[Adresse 8]
[Localité 9]
Représentée par la SCP DELVINCOURT - CAULIER-RICHARD - CASTELLO AVOCATS ASSOCIES, avocats au barreau de REIMS et par la SELARL CAPSTAN LMS, avocat au barreau de PARIS
S.A.S. ELECTROLUX FRANCE
[Adresse 6]
[Localité 9]
Représentée par la SCP DELVINCOURT - CAULIER-RICHARD - CASTELLO AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS et par la SELARL CAPSTAN LMS, avocats au barreau de PARIS
INTIMÉS :
Monsieur [W] [S]
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représenté par la SCP LEDOUX FERRI RIOU-JACQUES TOUCHON MAYOLET, avocats au barreau des ARDENNES
S.E.L.A.R.L. V & V ASSOCIES
Prise en la personne de Maître [J] [P], es-qualité d'administrateur judiciaire de la société SOCIETE ARDENNAISE INDUSTRIELLE (SAI)
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentée par la SELARL GM ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS
S.C.P. ANGEL-[M]-DUVAL
Prise en la personne de Maître [I] [M], es-qualité de mandataire judiciaire au redressement de la société SAS SOCIETE ARDENNAISE INDUSTRIELLE (SAI)
[Adresse 7]
[Localité 10]
Représentée par la SELARL GM ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS
CENTRE DE GESTION ET D'ETUDE AGS (CGEA) D'[Localité 11] Constitution en lieu et place de Maître RAFFIN
[Adresse 5]
[Localité 11]
Représentée par la SCP X.COLOMES S.COLOMES-MATHIEU-ZANCHI, avocats au barreau de l'AUBE
DÉBATS :
En audience publique, en application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 mars 2023, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Lisette SAUTRON, conseillère, et Madame Isabelle FALEUR, Conseillère, chargées du rapport, qui en ont rendu compte à la cour dans son délibéré ; elle a été mise en délibéré au 17 mai 2023.
COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :
Madame Marie-Lisette SAUTRON, conseillère faisant fonction de président
Madame Marie-Laure BERTHELOT, conseillère
Madame Isabelle FALEUR, conseillère
GREFFIER lors des débats :
Madame Allison CORNU-HARROIS, greffière
ARRÊT :
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Marie-Lisette SAUTRON, conseillère faisant fonction de président, et Madame Allison CORNU-HARROIS, greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
* * * * *
Par jugement du 3 janvier 2018, le tribunal de commerce de Compiègne a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la Société Ardennaise Industrielle (ci-après la SAI) et nommé la Selarl V&V, représentée par Maître [J] [P], en qualité d'administrateur judiciaire et la SCP Angel-[M] représentée par maître [I] [M], en qualité de mandataire judiciaire.
Par jugement du 23 février 2018, la procédure de redressement judiciaire a été étendue à la SAS Electrolux Home Products France (ci-après la SAS EHPF).
Par jugement du 16 mai 2018, le tribunal de commerce de Compiègne a ordonné le plan de cession partielle des actifs de la SAI au profit d'une société Delta Dore finance.
M. [W] [S] était salarié de la SAI et a fait partie des vingt-quatre salariés dont le contrat de travail a été transféré à la société Delta Dore dans le cadre de ce plan de cession.
Par un arrêt du 17 juillet 2018, la cour d'appel d'Amiens a annulé le jugement d'extension du tribunal de commerce de Compiègne du 23 février 2018. Toutefois, saisie de l'entier litige par l'effet dévolutif de l'appel, la cour d'appel a étendu la procédure de redressement judiciaire de la SAI à la SAS EHPF.
Par jugement du 7 septembre 2018 un plan de redressement sous patrimoine commun de la SAI et de la SAS EHPF a été arrêté, la SCP Angel-[M] représentée par Me [I] [M] a été nommée commissaire à l'exécution du plan de ces deux sociétés et il a été mis fin à la mission de Me [J] [P], en qualité d'administrateur judiciaire.
Par un arrêt du 11 mars 2020, la Cour de cassation a cassé l'arrêt du 17 juillet 2018 de la Cour d'appel d'Amiens en ce qu'il a étendu à la SAS EHPF la procédure de redressement judiciaire ouverte le 8 janvier 2018 à l'encontre de la SAI.
Le 19 mai 2020, M. [W] [S] a saisi le conseil de prud'hommes de Charleville-Mézières de demandes dirigées contre la SAI, la SAS EHPF et la SCP Angel-[M] représentée par Me [I] [M], en qualité de commissaire à l'exécution du plan de ces deux sociétés. Il a sollicité le paiement, sous exécution provisoire, des sommes suivantes:
9 754,64 euros à titre de rappel de prime de préjudice,
476,96 euros à titre de rappel de participation,
10 000,00 euros à titre de dommages-intérêts,
3 000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Le 31 décembre 2020, la SAS EHPF a été absorbée par la société Electrolux France.
Les demandes de M. [W] [S] ont alors été dirigées contre la société Electrolux France venant aux droits de la SAS EHP.
Par jugement du 14 décembre 2021, le conseil de prud'hommes a condamné la société Electrolux France venant aux droits de la SAS EHPF au paiement des sommes de:
9 754,64 euros à titre de rappel de prime de préjudice,
476,96 euros à titre de rappel de participation,
1 000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Le 14 janvier 2021, la SAI et la société Electrolux France ont interjeté appel de ce jugement sur les chefs de condamnation prononcés.
Par arrêt en date du 10 mars 2022, la cour d'appel d'Amiens a infirmé la décision rendue par le tribunal de commerce de Compiègne en date du 7 septembre 2018, prononçant l'arrêt du plan de redressement par voie de continuation de la SAI.
Par actes des 6 et 8 juillet 2022, le salarié a appelé en la cause :
- la SCP ANGEL-[M]-DUVAL prise en la personne de maître [I] [M], en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan des sociétés SAI et EHPF, et en sa qualité de mandataire judiciaire au redressement de la société SAI,
- la SELARL V&V ASSOCIES pris en la personne de Me [J] [P], en sa qualité d'administrateur judiciaire de la société SAI.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 24 octobre 2022.
EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par conclusions notifiées par voie électronique le 21 octobre 2022, auxquelles il sera expressément renvoyé pour plus ample exposé du litige, les appelantes demandent à la cour:
- de se déclarer incompétente pour se prononcer sur l'irrecevabilité soulevée par l'intimé ;
- par conséquent, de constater l'irrecevabilité de la prétention d'irrecevabilité soulevée par M. [W] [S];
En tout état de cause,
- de débouter M. [W] [S] de sa demande d'irrecevabilité ;
- d'infirmer le jugement des chefs des condamnation prononcées et de le confirmer pour le surplus;
Et statuant à nouveau,
A titre principal,
- de débouter M. [W] [S] de l'ensemble de ses demandes,
- de condamner M. [W] [S] à verser à chacune des sociétés appelantes la somme de 1 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
A titre subsidiaire,
-d'infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Electrolux France à un rappel de participation,
- de limiter une éventuelle condamnation à titre de rappel de prime de préjudice à la somme de 8 470,86 euros;
- de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes de M. [W] [S];
- de condamner M. [W] [S] aux dépens.
A titre liminaire, les appelantes font observer que seule la société Electrolux France a été condamnée ce qui est contraire aux demandes du requérant et au constat tenant à l'absence d'extension du redressement judiciaire de la SAI à la SAS EHPF, désormais définitive.
Elles prétendent ensuite à l'irrecevabilité de la demande d'irrecevabilité soulevée par M. [W] [S] aux motifs, d'une part, que celle-ci aurait dû être formulée devant le conseiller de la mise en état et, d'autre part, qu'elle n'est pas fondée en droit dès lors qu'elles sont en droit de réitérer en cause d'appel les moyens qu'elles ont présentés oralement devant le conseil de prud'hommes, en rappelant l'oralité de la procédure devant cette juridiction.
Les appelantes affirment que M. [W] [S] ne peut se prévaloir d'aucun droit ni d'aucune créance à l'égard de la SAS EHPF (devenue Electrolux France) dès lors que celle-ci n'est pas l'employeur de l'intimé, que l'extension de la procédure de redressement judiciaire n'a pas pour effet d'entraîner la disparition de la SAI, qu'un jugement ordonnant l'extension d'une procédure de redressement judiciaire n'a pas d'effet rétroactif et que l'extension du redressement judiciaire à la SAS EHPF a été annulée.
Elles arguent du caractère infondé de la demande de rappel de prime de préjudice aux motifs que certes la SAS EHPF s'était engagée à payer une indemnité de préjudice mais sans qu'aucune exonération totale de charges sociales n'ait été décidée, que cette indemnité nette ne saurait être supérieure à celle qu'aurait perçue un salarié licencié et que le système de cotisations sociales français n'est pas progressif.
S'agissant du rappel de participation, les appelantes soutiennent que M. [W] [S] a été rempli de ses droits et qu'il effectue une lecture inexacte des comptes.
Sur la demande de dommages-intérêts, elles font observer que M. [W] [S] ne démontre aucune faute de leur part, que les préjudices dont il se prévaut sont sans lien avec l'insuffisance du versement de l'indemnité supra-légale et qu'il n'apporte pas la preuve de ses préjudices.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 13 octobre 2022, auxquelles il sera expressément renvoyé pour plus ample exposé du litige, M. [W] [S], intimé, demande à la cour de dire et juger irrecevables les prétentions émises par les sociétés SAI et Electrolux France, de confirmer le jugement des chefs de condamnation prononcés et de l'infirmer pour le surplus.
Il prétend, sous garantie de L'ASSOCIATION UNEDIC DELEGATION AGS-CGEA, à la fixation au passif de la SAI et à la condamnation solidaire ou in solidum des sociétés SAI et Electrolux France au paiement des sommes suivantes:
9 754,64 euros à titre de rappel de prime de préjudice,
476,96 euros à titre de rappel de participation,
10 000,00 euros à titre de dommages-intérêts,
900,00 euros à titre de frais irrépétibles de première instance,
3 000,00 euros titre de frais irrépétibles d'appel.
Au soutien de sa demande d'irrecevabilité des prétentions des appelantes, M.[W] [S] fait valoir que celles-ci n'ont pas établies de conclusions devant le conseil de prud'hommes tendant au débouté des demandes, qu'elles se sont contentées d'observations orales et ne sont donc pas fondées à formuler des prétentions à hauteur d'appel. Il conclut à l'irrecevabilité de la fin de non recevoir qui est opposée à cette prétention en faisant valoir que la fin de non recevoir est de la compétence de la cour et non du conseiller de la mise en état.
Il conteste les calculs retenus par les appelantes pour l'évaluation de la prime de préjudice et la participation et détaille celui qu'il convient, selon lui, de retenir.
S'agissant de sa demande en paiement de dommages-intérêts, il estime avoir été lésé par rapport aux salariés licenciés par la SAI, avoir été laissé dans l'incertitude de son sort pendant quatre années par les sociétés SAI et EHPF lesquelles, en fraude des droits des salariés, se sont délestées du site de Revin au profit d'une société considérée par la cour d'appel d'Amiens comme une société fictive. Il estime également avoir perdu de nombreux avantages, avoir perçu tardivement et partiellement l'indemnité de préjudice promise. Il soutient finalement un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.
Sur la garantie solidaire ou in solidum, M. [W] [S] fait valoir que la société Electrolux s'était engagée au paiement de la prime de préjudice et ne saurait donc prétendre à sa mise hors de cause. Il soutient, en outre, qu'en acceptant de prêter son concours à la société Electrolux France, la SAI est devenue garante de la restitution des fonds aux salariés et que cette dernière est une société fictive qui n'agit pas pour son propre compte.
Il prétend par ailleurs à la garantie des salaires sur le fondement des dispositions de l'article L.3253-8 du code du travail.
Enfin, il sollicite le débouté du mandataire judiciaire et de l'administrateur judiciaire de leur demande reconventionnelle dès lors qu'ils ne sont pas intervenus volontairement et qu'ils avaient la possibilité de s'expliquer en première instance.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 6 octobre 2022, auxquelles il sera expressément renvoyé pour plus ample exposé du litige, la SCP Angel-[M]-Duval prise en la personne de Me [I] [M] en qualité de mandataire judiciaire de la SAI et la SELARL V&V Associés prise en la personne de Me [J] [P] en sa qualité d'administrateur judiciaire de la SAI, intervenants forcés, sollicitent l'infirmation du jugement des chefs de condamnation prononcés et confirmation pour le surplus.
Ils demandent à la cour de :
A titre principal,
- prononcer la mise hors de cause la SCP ANGEL-[M]-DUVAL prise en la personne de maître [I] [M], en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan des sociétés SAI et EHPF ;
- débouter M. [W] [S] de l'ensemble de ses demandes dirigées à l'encontre de la société SAI ;
A titre subsidiaire,
- limiter une éventuelle condamnation à titre de rappel de prime de préjudice à la somme de 8 470,86 euros;
- confirmer le jugement pour le surplus en ce qu'il a rejeté les demandes de M. [W] [S];
- condamner M. [W] [S] aux dépens.
Au soutien de leur contestation des demandes en paiement de rappel de prime de préjudice ils expliquent que la société EHPF s'étaient engagée à payer aux salariés repris par la société DELTA DORE une somme équivalente à celle prévue dans la convention de garantie 2014 pour les salariés licenciés, mais que cette somme était entendue brute et soumise à charge sociale dans les conditions légales ; que le régime d'exonération prévue pour les salariés licenciés ne peut s'appliquer aux salariés non licenciés. Ils ajoutent que le salarié ne peut prétendre à obtenir une indemnité nette qui serait supérieure à celle perçue par les salariés licenciés qui bénéficient d'une exonération qui n'est pas totale. Ils soutiennent qu'en tout état de cause une condamnation ne saurait excéder 8 470,86 euros, somme qui rétablirait l'égalité avec les salariés licenciés. Ils prétendent que les primes de participation pour 2015 et 2016 ont été réglées tardivement en raison de difficultés de trésorerie, avec les intérêts de retard de sorte que le salarié a été rempli de ses droits. Concernant les dommages-intérêts,ils rappellent la nécessité pour le salarié de justifier d'un préjudice lequel est selon eux inexistant dans la mesure où le salarié a conservé son emploi et a perçu un capital de 92 000,00 euros brut.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 11 juillet 2022, auxquelles il sera expressément renvoyé pour plus ample exposé du litige, l'association UNEDIC DELEGEGATION AGS -CGEA ([Localité 11] )demande à la cour de :
A titre principal,
- débouter M. [W] [S] de ses demandes;
A titre subsidiaire
- dire que sa garantie ne peut être mise en jeu au titre de la «prime de préjudice», qui procède d'un engagement autonome de la SAS EHPF;
- dire qu'en toute hypothèse, sa garantie ne pourrait être sollicitée qu'à titre subsidiaire, la SAI se trouvant in bonis;
- dire et juger que la demande de l'article 700 du code de procédure civile n'entre pas dans son champ de garantie;
- lui donner acte de ce qu'elle ne pourra être amenée à avancer le montant des condamnations qui seront éventuellement prononcées par la Cour, qu'entre les mains du mandataire liquidateur et dans la seule limite des textes légaux et plafonds réglementaires applicables, à l'exclusion de tous intérêts et autres;
- condamner tout autre que la concluante aux entiers dépens.
L'association fait observer que les demandes concernant la prime de préjudice procèdent d'un engagement autonome unilatéral de la SAS EHPF, sans lien avec leurs contrats de travail de sorte que sa garantie ne peut être sollicitée à ce titre.
Sur la participation, elle s'en rapporte aux écritures de la société SAI pour soutenir que cette demande n'est pas fondée.
Elle rappelle ensuite le champ d'application de sa garantie, ses limites ainsi que ses modalités de règlement.
MOTIFS DE LA DECISION
1- Sur les fin de non recevoir.
L'irrecevabilité étant, au sens de l'article 122 du Code de procédure civile, une fin de non recevoir, elle relève de la compétence du conseiller de la mise en état par l'effet combiné des articles 907 et 789 du code de procédure civile.
Par ailleurs, la fin de non recevoir soulevée par le salarié intimé concerne l'irrecevabilité de demandes qu'il considère comme nouvelles en appel de sorte qu'il ne s'agit pas de moyens d'irrecevabilité de l'appel ou de conclusions concernées par l'article 914 du Code précité, indifférent au litige sur ce point.
Par conséquent, en application des dispositions de l'article 789 du Code de procédure civile, le salarié devait soumettre sa fin de non recevoir au conseiller de la mise en état qui était compétent pour en connaître jusqu'à son dessaisissement. Les parties ne sont plus recevables à soulever ces fins de non recevoir après dessaisissement du conseiller de la mise en état, à moins qu'elle ne surviennent ou soient révélées postérieurement au dessaisissement de celui-ci, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.
Par conséquent, c'est à raison que les parties appelantes ont conclu à l'irrecevabilité de la fin de non recevoir soulevée par le salarié intimé.
2- Sur le fond.
- L'indemnité dite 'de préjudice'.
Il ressort des conclusions et des pièces du dossier du salarié et de l'employeur que le plan social de la société SAI a été garanti par le groupe ELECTOLUX, lequel s'est engagé dans l'accord collectif du 27 octobre 2014 à verser aux salariés une « indemnité complémentaire de préjudices ».
Ainsi la société EHPF s'est engagée à verser aux salariés licenciés pour motif économique ou quittant la société dans le cadre d'un départ volontaire pour une solution professionnelle (hors départ volontaire en préretraite), en complément de l'indemnité conventionnelle de licenciement, une indemnité complémentaire destinée à compenser le préjudice de toute nature subi par les salariés. Le montant brut total de cette indemnité était composé d'un montant correspondant à 12 mois de salaire brut et d'un montant correspondant à 2 300,00 euros par année d'ancienneté, le tout plafonné à 92'000,00 euros bruts. Dans cet accord il était précisé expressément que l'indemnité complémentaire de préjudice était entendue brute et soumise à charges sociales dans les conditions légales.
En cas de licenciement économique intervenant dans le cadre d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire de la société SAI, la société EHPF s'est engagée à verser aux salariés concernés par ces licenciements, à titre de dommages-intérêts, une indemnité égale au montant de l'indemnité complémentaire de préjudices prévus à l'accord du 27 octobre 2014 à l'exclusion du financement de toutes autres mesures d'accompagnement.
Concernant les 24 salariés repris par la société DELTA DORE, dont fait partie l'intimé, la société EHPF s'est engagée à payer, le jour de la signature des actes de cession, « une somme équivalente en euros nets de charges sociales à celle prévue dans ladite convention en cas de licenciement d'un salarié de SAI en procédure collective et aux mêmes conditions que celles prévues dans cette convention de garantie et reprise dans l'accord collectif du 27 octobre 2014 ».
Le complément d'indemnité réclamé par le salarié en l'espèce, correspond au prélèvement effectué par la SAI qui en a assuré le paiement, au titre des charges sociales.
Le litige porte finalement sur l'interprétation de la clause accordant aux salariés transférés le bénéfice de l'indemnité de préjudice accordée aux salariés licenciés, concernant la déduction des charges sociales.
En application des clauses précitées, la société EHPF s'est engagée à verser aux salariés transférés la même somme nette que celle qu'elle aurait accordée aux salariés licenciés. Autrement dit, quelles que soient les charges sociales applicables à l'indemnité versée, et dont il appartient au débiteur d'en faire son affaire, le salarié doit percevoir la même somme nette que celle qu'aurait perçue un salarié licencié.
Dans ces conditions, le salarié ne peut prétendre à obtenir la somme qu'il réclame après s'être exonéré de toutes charges sociales.
Pour autant, il est avéré qu'il n'a pas été rempli de ses droits puisque l'employeur prétend que l'application des charges sociales à hauteur de celles qui seraient applicables aux salariés licenciés ouvrirait droit à un complément d'indemnité.
En effet, l'application des charges sociales, y compris CSG et CRDS, aurait dû laisser au salarié une somme nette de 81'738,49 euros. À la lecture du bulletin de paie, qui mentionne le versement de l'indemnité critiquée, en plus d'autres paiement à d'autres titres, il apparaît que le salarié a perçu proportionnellement une somme nette de 73'283,70 euros, de sorte qu'il lui reste dûe une somme de 8 454,79 euros. Par conséquent, il sera fait droit au subsidiaire de la société EHPF, qui se trouvant en l'état in bonis, sera condamnée à verser au salarié la somme de 8 470,86 euros. À cet égard, la question de l'extension de la procédure collective de la société SAI à la société EHPF, aujourd'hui mise à néant par l'arrêt de cassation ci-dessus cité, est indifférente, dès lors qu'il s'agit d'exécuter un engagement qu'elle a pris indépendamment de la situation de la société qu'elle a garantie.
Dans la mesure où l'indemnité incomplète a été versée par la société SAI, celle-ci doit être tenue in solidum, au paiement de la somme due. Dans la mesure où l'extrait du registre du commerce ainsi que le dernier arrêt du 10 mars 2022 de la cour d'appel d'Amiens, font état d'une société bénéficiant d'un plan de redressement par voie de continuation, il y a donc lieu de la condamner in solidum au paiement.
Par voie de conséquence, il faut mettre hors de cause la SCP ANGEL-[M]-DUVAL prise en la personne de maître [I] [M], en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société EHPF, et en sa qualité de mandataire judiciaire au redressement de la société SAI, ainsi que la SELARL V&V ASSOCIES pris en la personne de Me [J] [P], en sa qualité d'administrateur judiciaire de la société SAI.
- La participation.
C'est à tort que le conseil de prud'hommes a fait droit à la demande à partir du moment ou la société SAI justifie avoir rempli le salarié de ses droits en démontrant que le total de 408'595,19 euros de primes de participation distribuées en 2016 correspondaient au cumul des primes de participation 2015 et 2016 suites à une erreur comptable sur l'exercice 2015.
Par infirmation du jugement le salarié doit être débouté de sa demande à ce titre.
- Les dommages et intérêts.
C'est à raison que le conseil de prud'hommes a rejeté la demande en l'absence de démonstration d'un préjudice après avoir constaté que le salarié avait conservé son emploi. Il faut ajouter que le salarié a de plus perçu l'indemnité complémentaire objet du présent litige.
Toutefois, y ajoutant, il n'est pas inutile de rappeler que l'allocation de dommages et intérêts en réparation d'un préjudice, suppose l'existence d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre ces deux éléments.
Or la faute que le salarié impute aux sociétés SAI et EHPF n'est pas démontrée. Celui-ci soutient que les sociétés appelantes ont agi en fraude des droits des salariés en constituant une société fictive qui serait reconnue par l'arrêt de la cour d'appel d'Amiens du 21 juillet 2018, en réalité 17 juillet 2018. Or cet arrêt a été cassé par la Cour de cassation, alors qu'aucune autre pièce du dossier du salarié ne vient établir que les vicissitudes procédurales reprises en exorde, serait caractéristique d'une fraude.
En outre, le salarié qui prétend avoir perdu de nombreux avantages caractérisant un préjudice supplémentaire, n'en justifie pas, étant de plus rappelé que l'indemnité complémentaire qui lui a été versée avait vocation à réparer les préjudices subis.
Par ailleurs, le retard de versement de l'indemnité de préjudice est imputable à l'extension de la procédure collective à la société EHPF. Enfin, le paiement tardif de la participation ne peut constituer un préjudice dès lors que la cour a considéré que les sommes réclamées n'étaient pas dues.
Enfin l'obligation de sécurité ne saurait empêcher l'employeur de mettre en oeuvre ses choix de développement fussent-ils générateur d'inquiétude, ce qui n'est pas démontré en l'occurrence.
Par conséquent, et par motifs complétés, il faut débouter le salarié de sa demande de dommages-intérêts.
- Les autres demandes.
* la garantie des salaires.
Les sociétés condamnées étant in bonis, il n'y a pas lieu à garantie. De plus, s'agissant de l'exécution d'une obligation contractée par une société qui n'a jamais fait l'objet d'une procédure collective, la garantie ne saurait avoir lieu
* les frais irrépétibles et les dépens
Aucune des deux parties ne succombe ni ne triomphe totalement de sorte qu'il convient de partager les dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, contradictoirement, et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Déclare irrecevable la fin de non-recevoir tendant à faire dire irrecevables les prétentions des société SAI et ELETROLUX FRANCE,
Met hors de cause la SCP ANGEL-[M]-DUVAL prise en la personne de maître [I] [M], en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société EHPF, et en sa qualité de mandataire judiciaire au redressement de la société SAI, ainsi que la SELARL V&V ASSOCIES prise en la personne de Me [J] [P], en sa qualité d'administrateur judiciaire de la société SAI,
Déboute la SCP ANGEL-[M]-DUVAL prise en la personne de maître [I] [M], en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société SAI, de sa demande tendant à être mise hors de cause,
Confirme le jugement rendu le 14 décembre 2021 par le conseil de prud'hommes de Charleville-Mézières en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande de dommages et intérêts,
Infirme le surplus,
Statuant à nouveau, dans la limite des chefs d'infirmation,
Déboute M. [W] [S] de sa demande de rappel de participation,
Condamne in solidum la société SAI et la société ELECTROLUX FRANCE venant aux droits de la société ELECTROLUX HOME PRODUCT FRANCE, à payer à M. [W] [S] la somme de 8 470,86 euros (huit mille quatre cent soixante dix euros et quatre vingt six centimes) nette de toutes charges y compris de CSG et de CRDS, au titre du solde de l'indemnité de préjudice,
Rejette les demandes de remboursement des frais irrépétibles de première instance et d'appel,
Déclare la présente instance opposable à l'ASSOCIATION UNEDIC DELEGATION AGS CGEA ([Localité 11]),
Déboute M. [W] [S] de sa demande tendant à faire garantir la condamnation par l'ASSOCIATION UNEDIC DELEGATION AGS CGEA ([Localité 11]),
Fait masse des dépens de première instance et d'appel qui seront partagés par moitié entre la SAI et la société ELECTROLUX FRANCE d'une part et M. [W] [S] d'autre part.
La Greffière La Conseillère