Arrêt n°
du 17/05/2023
N° RG 22/01132
MLB/FJ
Formule exécutoire le :
à :
COUR D'APPEL DE REIMS
CHAMBRE SOCIALE
Arrêt du 17 mai 2023
APPELANT :
d'un jugement rendu le 23 mai 2022 par le Conseil de Prud'hommes de TROYES, section Industrie (n° F 22/00065)
Monsieur [P] [Z]
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représenté par la SCP PLOTTON-VANGHEESDAELE-FARINE-YERNAUX, avocats au barreau de l'AUBE
INTIMÉE :
SAS PAC DAMAS
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentée par la SCP TEN FRANCE, avocats au barreau de POITIERS
DÉBATS :
En audience publique, en application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 mars 2023, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Laure BERTHELOT, conseiller, chargé du rapport, qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré ; elle a été mise en délibéré au 17 mai 2023.
COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :
Madame Marie-Lisette SAUTRON, conseiller faisant fonction de président
Madame Marie-Laure BERTHELOT, conseiller
Madame Isabelle FALEUR, conseiller
GREFFIER lors des débats :
Monsieur Francis JOLLY, greffier
ARRÊT :
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Marie-Lisette SAUTRON, conseiller faisant fonction de président, et Monsieur Francis JOLLY, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
* * * * *
Monsieur [P] [Z] a été salarié de la SAS PAC DAMAS, dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée, du 4 janvier 1988 au 1er février 2022, date à laquelle il est parti à la retraite.
Au début de l'année 2021, il sollicitait auprès de son employeur la régularisation de sa situation relative aux heures supplémentaires, en vain.
C'est dans ces conditions, que le 15 juillet 2021, Monsieur [P] [Z] saisissait le conseil de prud'hommes de Troyes des demandes suivantes :
- ordonner à la SAS PAC DAMAS d'établir une fiche de paie au titre de la rémunération des heures supplémentaires effectuées en 2019 et 2020, en faisant ressortir la part des heures supplémentaires exonérées d'impôt sur le revenu (compte tenu des plafonds indiqués dans ses écritures) et en appliquant aux heures supplémentaires l'exonération de cotisations salariales fixée à 11,31%,
- condamner la SAS PAC DAMAS à lui payer les sommes suivantes :
. 610,02 euros bruts au titre des heures supplémentaires de l'année 2018, outre les congés payés y afférents,
. 330,35 euros bruts au titre des heures supplémentaires de l'année 2019, outre les congés payés y afférents
. 381,55 euros bruts au titre des heures supplémentaires de l'année 2020, outre les congés payés y afférents ou, sur la base du récapitulatif hebdomadaire d'heures, 208,12 euros bruts au titre des heures supplémentaires de l'année 2020, outre les congés payés y afférents,
. 4157,92 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice (en remplacement du repos obligatoire),
. 4986,42 euros nets de CSG CRDS à titre de dommages-intérêts pour défaut d'information du salarié sur ses droits à repos,
. 12000 euros nets de CSG CRDS pour non-respect de l'obligation légale de formation,
. 3000 euros nets de CSG CRDS à titre de dommages-intérêts pour non-respect de l'obligation d'organiser les entretiens professionnels,
. 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
outre les intérêts à compter du jour de la réception de la convocation émanant du conseil de prud'hommes,
- dire et juger que la SAS PAC DAMAS devra, dans les 15 jours de la notification du jugement, établir un bulletin de paie au titre des condamnations à caractère salarial prononcées et l'adresser avec le règlement correspondant, par lettre recommandée, sous peine d'une astreinte définitive de 150 euros par jour de retard à compter du 16e jour,
- condamner la SAS PAC DAMAS aux dépens qui comprendront notamment les honoraires de l'huissier de justice éventuellement chargé du recouvrement forcé de la créance, au titre de l'article 10 du décret du 12 décembre 1996,
- débouter la SAS PAC DAMAS de toute demande reconventionnelle.
Par jugement du 23 mai 2022, le conseil de prud'hommes a :
- déclaré Monsieur [P] [Z] recevable mais mal fondé en ses demandes,
- débouté Monsieur [P] [Z] de l'ensemble de ses demandes,
- débouté la SAS PAC DAMAS de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit que les dépens seront à la charge de Monsieur [P] [Z].
Le 1er juin 2022, Monsieur [P] [Z] a formé appel de la décision en ce qu'il a été déclaré recevable mais mal fondé en ses demandes et en ce qu'il a été débouté de l'ensemble de ses demandes.
Dans ses écritures en date du 18 juillet 2022, Monsieur [P] [Z] demande à la cour d'infirmer le jugement en sa totalité, reprenant à hauteur d'appel les demandes formées en première instance.
Dans ses écritures en date du 17 octobre 2022, la SAS PAC DAMAS demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Monsieur [P] [Z] de ses demandes, de l'infirmer en ce qu'il l'a déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner Monsieur [P] [Z] à lui payer la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Motifs :
- Sur les heures supplémentaires :
Monsieur [P] [Z] demande à la cour de faire droit à sa demande en paiement au titre des heures supplémentaires de 2018 à 2020, calculées dans le cadre du 'régime classique', soutenant que le mode de détermination des heures supplémentaires, tel qu'il résulte de l'accord de substitution à l'accord du 20 décembre 1999 sur la réduction du temps de travail et à ses avenants de 2010 et 2012, en date du 25 novembre 2015, ne lui est pas opposable, dès lors qu'il n'a pas donné son accord et qu'en toute hypothèse, la SAS PAC DAMAS ne fournit aucun calcul pour chaque année considérée permettant de justifier qu'elle n'est redevable d'aucune somme au titre des heures supplémentaires qu'il a accomplies.
La SAS PAC DAMAS réplique à raison que ce n'est pas le régime de droit commun des heures supplémentaires qui s'applique en son sein, au regard de l'accord susvisé, lequel prévoit de décompter le temps de travail sur l'année civile, du 1er janvier au 31 décembre, sur la base de 1607 heures annuelles, un tel aménagement du temps de travail sur une période supérieure à la semaine ne nécessitant pas l'accord du salarié qui travaille à temps complet, en application de l'article L.3121-43 du code du travail, dès lors qu'il ne constitue pas une modification du contrat de travail.
Sur la base des récapitulatifs hebdomadaires des heures effectuées par Monsieur [P] [Z] qui sont produits aux débats de 2018 à 2020, il est établi que celui-ci a accompli :
- en 2018, 1861,81 heures, soit 254,81 heures supplémentaires,
- en 2019, 1905,82 heures, soit 298,82 heures supplémentaires,
- en 2020, 1777,67 heures, soit 170,67 heures supplémentaires.
Au vu des sommes versées par la SAS PAC DAMAS au titre des heures supplémentaires, telles qu'elles sont reprises sur les bulletins de paie de la période en cause, Monsieur [P] [Z] a été rempli de ses droits à ce titre.
Dans ces conditions, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur [P] [Z] de sa demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires de 2018 à 2020.
- Sur la remise d'une fiche de paie au titre des heures supplémentaires 2019 et 2020 :
Monsieur [P] [Z] demande à la cour, compte tenu des heures supplémentaires qu'il a effectuées et de la contrepartie financière qui lui est due, d'ordonner à la SAS PAC DAMAS d'établir une fiche de paie au titre de la rémunération des heures supplémentaires effectuées en 2019 et 2020, sous astreinte, en faisant ressortir la part des heures supplémentaires exonérées d'impôt sur le revenu (compte tenu des plafonds indiqués dans ses écritures) et en appliquant aux heures supplémentaires l'exonération de cotisations salariales fixée à 11,31%.
Or, la SAS PAC DAMAS conclut à raison au rejet d'une telle demande dès lors que d'une part, Monsieur [P] [Z] a été rempli de ses droits au titre des heures supplémentaires, et que d'autre part, il ressort des bulletins de paie qu'ils comportent tous une ligne relative à la 'réduction cotisations heures suppl' et pour certains d'entre eux, lorsqu'il y a lieu, une ligne intitulée 'rémunération HS Exo d'impôt'.
Dans ces conditions, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur [P] [Z] de sa demande au titre de l'établissement d'une fiche de paie contenant les indications susvisées.
- Sur la contrepartie en repos obligatoire :
Au vu de ce qui vient d'être précédemment retenu, la demande de Monsieur [P] [Z] au titre de la contrepartie obligatoire en repos est partiellement justifiée.
Elle ne l'est pas au titre de l'année 2020, comme le fait remarquer à juste titre la SAS PAC DAMAS, en l'absence de dépassement du contingent des heures supplémentaires fixé à 220.
Elle est en revanche justifiée au titre des années 2018 et 2019, le dépassement du contingent des heures supplémentaires étant respectivement de 34,81 heures et de 78,82 heures.
Dans ces conditions, la SAS PAC DAMAS doit être condamnée à payer à Monsieur [P] [Z] la somme de 1864,04 euros, en ce compris l'indemnité de congés payés, au titre de la contrepartie obligatoire en repos, et ce, avec intérêts au taux légal à compter du 6 août 2021, date de réception de la convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation.
Le jugement doit être infirmé en ce sens.
- Sur les dommages-intérêts pour défaut d'information sur le droit à repos :
Monsieur [P] [Z] demande à la cour de condamner la SAS PAC DAMAS à lui payer une somme nette de CSG CRDS de 4986,42 euros, dès lors que celle-ci ne l'a pas informé de son droit à repos, ce qui lui a causé un préjudice puisqu'il n'a pas été en mesure de prendre le repos dont il avait besoin au regard de son âge et de son problème de santé.
La SAS PAC DAMAS réplique à raison qu'une telle demande ne saurait prospérer dès lors que Monsieur [P] [Z] a déjà été indemnisé à ce titre au vu de la somme précédemment allouée.
Monsieur [P] [Z] doit donc être débouté de sa demande de dommages-intérêts et le jugement doit être confirmé de ce chef.
- Sur les dommages-intérêts pour non-respect de l'obligation légale de formation :
Monsieur [P] [Z] demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages-intérêts pour non-respect de l'obligation légale de formation.
Il soutient n'avoir reçu qu'une seule formation en 33 ans de carrière, à l'origine d'une perte de chance de bénéficier d'une promotion et d'une augmentation de salaire, dont il demande l'indemnisation à hauteur de 12000 euros.
La SAS PAC DAMAS réplique qu'il a bénéficié de formations et d'une évolution professionnelle au sein de l'entreprise, de sorte qu'il n'a subi aucun préjudice.
Si Monsieur [P] [Z] s'est vu dispenser plus d'une formation au cours de la relation contractuelle, la SAS PAC DAMAS n'établit toutefois pas, au travers des quelques formations listées, sur une durée de 33 ans, telles que reprises en pages 11 et 12 de ses écritures, avoir satisfait à l'obligation qui pèse sur elle en application de l'article L.6321-1 du code du travail.
Toutefois, Monsieur [P] [Z] ne caractérise aucun préjudice à ce titre.
En effet, il soutient tout au plus avoir perdu la chance de bénéficier d'une promotion et d'une augmentation de salaire, sans produire aucun élément à ce titre en dehors de la classification des ouvriers telle qu'elle ressort de la convention collective applicable, alors que dans le même temps, son employeur décrit, sans être contredit sur ce point, son évolution professionnelle, mettant en évidence qu'il a été embauché en qualité d'ouvrier monteur au niveau II échelon 1 de la classification et qu'il était au dernier état de la relation contractuelle chef de secteur Huisseries et Emballage au niveau IV échelon 1 coefficient 255 de la classification, soit au niveau le plus haut de la classification.
Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur [P] [Z] de sa demande de dommages-intérêts.
- Sur les dommages-intérêts pour non-respect de l'obligation d'organiser les entretiens professionnels :
Monsieur [P] [Z] reproche encore aux premiers juges de l'avoir débouté de sa demande de dommages-intérêts pour non-respect de l'obligation d'organiser les entretiens professionnels, alors que depuis l'année 2014, date à partir de laquelle de tels entretiens auraient dû être mis en place, il n'a bénéficié que d'un entretien au mois de juillet 2021, ce qui l'a privé de la possibilité de faire part à son employeur de sa volonté de continuer à évoluer dans l'entreprise.
La SAS PAC DAMAS n'établit pas avoir procédé à de tels entretiens, contrairement à ce qu'elle soutient, avant le 19 juillet 2021, et ce en violation de l'article L.6315-1 du code du travail. Toutefois, elle fait valoir à raison que Monsieur [P] [Z] ne caractérise aucun préjudice.
En effet, le 1er juin 2017, alors qu'il n'avait jamais eu d'entretien professionnel, il changeait à la fois de niveau et d'échelon, passant du niveau III échelon 240 au niveau IV échelon 255.
De surcroît dans le cadre de son entretien professionnel du mois de juillet 2021, à la question 'Où vous voyez-vous dans l'avenir et qu'aimeriez-vous faire '', il répondait 'En retraite dans 6 mois si tout va bien'.
Dans ces conditions, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur [P] [Z] de sa demande de dommages-intérêts.
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La SAS PAC DAMAS devra remettre à Monsieur [P] [Z] un bulletin de paie au titre de la condamnation à caractère salarial conforme à la présente décision, sans qu'il y ait lieu toutefois de lui enjoindre d'adresser à ce dernier le règlement correspondant, ni d'ordonner une astreinte.
Il y a lieu de dire que la condamnation est prononcée sous déduction des éventuelles cotisations sociales salariales applicables.
La SAS PAC DAMAS doit être condamnée aux dépens de première instance et d'appel, déboutée de sa demande d'indemnité de procédure au titre des deux instances et condamnée en équité à payer à Monsieur [P] [Z] la somme de 2000 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel.
Par ces motifs :
La cour, statuant contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a débouté Monsieur [P] [Z] de sa demande au titre de la contrepartie obligatoire en repos et de sa demande au titre de l'indemnité de procédure et sauf en ce qu'il l'a condamné aux dépens ;
L'infirme de ces chefs ;
Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant :
Condamne la SAS PAC DAMAS à payer à Monsieur [P] [Z] la somme de 1864,04 euros au titre de la contrepartie obligatoire en repos, avec intérêts au taux légal à compter du 6 août 2021 ;
Enjoint à la SAS PAC DAMAS de remettre à Monsieur [P] [Z] un bulletin de paie au titre de la condamnation à caractère salarial conforme à la présente décision ;
Dit n'y avoir lieu à astreinte ;
Condamne la SAS PAC DAMAS à payer à Monsieur [P] [Z] la somme de 2000 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel ;
Déboute la SAS PAC DAMAS de sa demande d'indemnité de procédure à hauteur d'appel ;
Condamne la SAS PAC DAMAS aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LE CONSEILLER