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28/06/2023 | FRANCE | N°22/00189

France | France, Cour d'appel de Reims, Chambre sociale, 28 juin 2023, 22/00189


Arrêt n°

du 28/06/2023





N° RG 22/00189





MLS/FJ









Formule exécutoire le :







à :



COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE SOCIALE

Arrêt du 28 juin 2023





APPELANTE :

d'un jugement rendu le 26 janvier 2022 par le Conseil de Prud'hommes de REIMS, section Encadrement (n° F 20/00508)



SAS MEUBLES IKEA FRANCE

[Adresse 2]

[Localité 4]



Représentée par Me Leila HAMZAOUI de l'AARPI Studio Av

ocats, avocat au barreau de PARIS





INTIMÉ :



Monsieur [V] [T]

[Adresse 1]

[Localité 3]



Représenté par Me Julien DAMAY, avocat au barreau de DIJON

DÉBATS :



En audience publique, en application des dispositions des articles ...

Arrêt n°

du 28/06/2023

N° RG 22/00189

MLS/FJ

Formule exécutoire le :

à :

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE SOCIALE

Arrêt du 28 juin 2023

APPELANTE :

d'un jugement rendu le 26 janvier 2022 par le Conseil de Prud'hommes de REIMS, section Encadrement (n° F 20/00508)

SAS MEUBLES IKEA FRANCE

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Leila HAMZAOUI de l'AARPI Studio Avocats, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉ :

Monsieur [V] [T]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Julien DAMAY, avocat au barreau de DIJON

DÉBATS :

En audience publique, en application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 mai 2023, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Lisette SAUTRON, conseiller faisant fonction de président, chargé du rapport, qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré ; elle a été mise en délibéré au 28 juin 2023.

COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :

Madame Marie-Lisette SAUTRON, conseiller faisant fonction de président

Madame Véronique MAUSSIRE, conseiller

Madame Marie-Laure BERTHELOT, conseiller

GREFFIER lors des débats :

Monsieur Francis JOLLY, greffier

ARRÊT :

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Marie-Lisette SAUTRON, conseiller faisant fonction de président, et Monsieur Francis JOLLY, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

M. [V] [T] a été embauché par la SAS Meubles IKEA France à compter du 14 octobre 1985 et a exercé les fonctions de directeur du magasin de [Localité 5] du 1er septembre 2014 jusqu'à son départ à la retraite le 1er août 2020.

Le salarié bénéficiait d'un programme spécifique d'intéressement dénommé Value Added Participation Share (VAPS), au titre duquel il a perçu des sommes qu'il considère de nature salariale, à intégrer à l'assiette de calcul de son indemnité de départ à la retraite.

Par requête enregistrée au greffe le 30 septembre 2020, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Reims des demandes suivantes :

- juger que le conseil des prud'hommes de Reims est compétent,

- juger que son indemnité de départ à la retraite a été minorée,

- juger que la SAS Meubles IKEA France n'a pas exécuté de bonne foi le contrat de travail,

- condamner la SAS Meubles IKEA France au paiement des sommes suivantes :

537 740,00 euros à titre de rappel d'indemnité de départ volontaire à la retraite,

des cotisations retraite correspondant au rappel d'indemnité de départ à la retraite ou subsidiairement, 200 000,00 euros à parfaire de dommages-intérêts pour perte de droits à la retraite,

outre intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation,

150 000,00 euros nets de dommages-intérêts en réparation des préjudices nés de l'exécution déloyale du contrat de travail,

6 000,00 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

- ordonner à la SAS Meubles IKEA France :

le versement des cotisations retraite supplémentaires sur le salaire de décembre 2019, en application de l'engagement unilatéral de l'employeur dit 'article 83"

la délivrance du bulletin de salaire rectificatif pour décembre 2019,

la remise d'un bulletin de salaire rectifié conformément aux termes du jugement à intervenir.

En défense, la S.A.S. MEUBLES IKEAFRANCE a demandé au conseil de prud'hommes :

in limine litis,

- de se déclarer incompétent sur l'application de l'accord de participation, et de renvoyer le demandeur devant le tribunal arbitral de Malmö,

- de déclarer sa saisine irrecevable pour défaut du respect du préalable obligatoire de recherche de solution amiable prévu à l'article 4.3 et 20 du contrat de participation,

- d'écarter la pièce n° 2 de M. [T],

à titre subsidiaire,

- de déclarer irrecevable car nouvelle la demande visant l'intégration des sommes versées en application du contrat d'intéressement de décembre 2019 dans la base de répartition individuelle de son intéressement et sa participation aux résultats de l'année fiscale 2019-2020,

- de débouter le salarié de ses demandes,

- de le condamner à lui payer la somme de 6 000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 26 janvier 2022, le conseil de prud'hommes de Reims a rejeté l'exception d'incompétence au profit du tribunal arbitral de Malmö, débouté M. [V] [T] en l'ensemble de ses demandes, condamné celui-ci aux dépens et au paiement d'une indemnité de 1 500,00 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Le 9 février 2022, M. [V] [T] a interjeté appel du jugement sauf en ce qu'il s'est déclaré compétent, en ce qu'il a refusé d'écarter la pièce litigieuse, et en ce qu'il a débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires. L'affaire a été enregistrée sous le n° 22/189.

Le 25 février 2022, la SAS Meubles IKEA France a interjeté appel du jugement en ce qu'il a déclaré le conseil de prud'hommes compétent pour connaître du litige, en ce qu'il a refusé de renvoyer les parties devant le tribunal arbitral de Malmö, en ce qu'il a rejeté sa fin de non-recevoir tirée de l'absence de recherche préalable de solution amiable, en ce qu'il n'a pas écarté des débats la pièce n°2 produite par le salarié, et en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes plus amples. L'affaire a été enregistrée sous le n° 22/492.

Par conclusions du 14 juillet 2022 M. [V] [T] a demandé l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a débouté de toutes ses demandes fins et prétentions, et en ce qu'il l'a condamné à verser à la société employeur la somme de 1 500,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. À cette occasion, il a réitéré sa demande de rappel d'indemnité de départ volontaire à la retraite avec intérêts au taux légal, sa demande de régularisation des cotisations retraite subséquentes, sa demande de versement des cotisations retraite supplémentaires (article 83), sa demande de dommages-intérêts en réparation des préjudices nés de l'exécution déloyale du contrat de travail, outre la délivrance d'un bulletin de salaire rectificatif et une indemnité de l'article 700 du code de procédure civile.

Les affaires ont été jointes par ordonnance du 14 septembre 2022, pour l'instance se poursuivre sous le n° 22/189.

Par arrêt du 18 janvier 2023, la cour d'appel a :

- dit n'y avoir lieu au rabat de l'ordonnance de clôture rendue le 10 octobre 2022 en ce qu'elle concerne le dossier enregistré sous le numéro 22/189,

- prononcé la caducité de la déclaration d'appel formé par M. [V] [T] le 9 février 2022 enregistrer sous le répertoire général 22/189,

- dit irrecevable l'appel incident subséquemment formé par la SAS Meubles IKEA France,

- ordonné le rabat de l'ordonnance de clôture rendue le 10 octobre 2022 en ce qu'elle concerne le dossier enregistré sous le numéro 22/492 du répertoire général,

- renvoyé le dossier devant le conseiller chargé de la mise en état, qui déterminera un nouveau calendrier de procédure avant une nouvelle fixation de l'affaire.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 3 avril 2023.

Exposé des prétentions et moyens des parties

Par conclusions reçues au greffe le 30 mars 2023, auxquelles il sera expressément renvoyé pour plus ample exposé du litige, la SAS Meubles IKEA France demande à la cour :

In limine litis

- d'infirmer le jugement en ce qu'il s'est déclaré matériellement compétent ;

- de déclarer le conseil de prud'hommes incompétent pour statuer sur la demande formulée au titre de l'application de convention VAPS ;

- de renvoyer M. [V] [T] à mieux se pourvoir devant le tribunal arbitral de Malmö.

Sur le fond

- de confirmer le jugement en ce qu'il a relevé le défaut de respect du préalable obligatoire de recherche de solution amiable entre les parties prévu aux articles 4.3 et 20 du contrat VAPS

- d'infirmer le jugement en ce qu'il n'en a pas tiré les conséquences,

- de déclarer irrecevable la saisine de M. [V] [T],

- de renvoyer M. [V] [T] à mieux se pourvoir.

A titre principal, sur l'appel incident de M. [V] [T]

- de limiter la portée de l'appel incident opéré par M. [V] [T] au chef de jugement relatif à la condamnation de l'article 700 du Code de procédure civile, faute d'effet dévolutif de l'appel incident sur les autres chefs ;

- de débouter M. [V] [T] de sa demande d'infirmation de sa condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

A titre subsidiaire, sur l'appel incident de M. [V] [T]

- de déclarer irrecevables les demandes de M. [V] [T] au titre de l'exécution du contrat de travail, en ce que le chef du jugement constatant que la SAS Meubles Ikea France a exécuté le contrat de travail de bonne foi n'a pas été frappé d'appel incident valide ;

- de débouter M. [V] [T] de ses demandes pécuniaires au motif que les sommes perçues dans le cadre du contrat VAPS ne constituent pas des rémunérations salariales entrant dans le calcul des indemnités de départ à la retraite,

En tout état de cause, sur l'appel incident de M. [V] [T]

- de confirmer le jugement en ce qu'il a :

dit et jugé que la SAS Meubles IKEA France a exécuté le contrat de travail de bonne foi,

débouté M. [V] [T] de l'ensemble de ses demandes,

condamné M. [V] [T] au paiement de la somme 1 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civil et aux entiers dépens.

-de débouter M. [V] [T] de l'ensemble de ses demandes,

- de condamner M. [V] [T] au paiement de la somme de 6 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Elle prétend à l'infirmation du jugement déféré en soutenant que la juridiction prud'homale est incompétente pour statuer sur les demandes au titre du contrat VAPS, s'agissant d'une convention commerciale, indépendante du contrat de travail. Soutenant la validité de la clause compromissoire insérée dans cette convention, désignant le tribunal arbitral de Malmö comme juridiction compétente, elle conclut à l'incompétence de la cour et à la nécessité de renvoyer [V] [T] à mieux se pourvoir.

Elle conclut également au débouté de M. [V] [T] en ses demandes, considérant que les sommes qu'il a perçues dans le cadre du contrat VAPS ne constituent pas une rémunération salariale, qui entrerait dans le calcul des indemnités de départ à la retraite.

Elle entend aussi voir limiter la portée de l'appel incident de M. [V] [T] aux chefs de jugement afférents à la condamnation fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile aux motifs que le dispositif des conclusions notifiées le 14 juillet 2022 ne vise aucun des chefs de jugement expressément critiqué et n'a donc pas valablement saisi la cour d'appel.

Par conclusions reçues au greffe le 27 mars 2023, auxquelles il sera expressément renvoyé pour plus ample exposé du litige, M. [V] [T] demande à la cour :

- de confirmer le jugement en ce qu'il a retenu la compétence du conseil de prud'hommes ;

- de déclarer recevable sa saisine,

- d'infirmer le jugement rendu en ce qu'il :

a relevé le défaut de respect du préalable obligatoire de recherche de solution amiable entre les parties prévu aux articles 4.3 et 20 du contrat VAPS,

a considéré que la SAS Meubles IKEA France a exécuté loyalement le contrat de travail,

l'a débouté de sa demande de dommages- intérêts pour exécution déloyale dudit contrat,

l'a débouté de sa demande de rappel d'indemnité de départ volontaire en retraite,

l'a débouté de sa demande des cotisations retraites supplémentaires (article 83) correspondantes au bonus VAPS,

l'a condamné au paiement de la somme de 1 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Il renouvelle l'intégralité des demandes qu'il avait initialement formées, pour les sommes alors sollicitées, sauf à demander qu'il soit ordonné à la société Meubles IKEA France de verser les cotisations retraite supplémentaires (article 83) correspondantes au bonus VAPS versé en décembre 2019 et au rappel d'indemnité de départ à la retraite, dans la limite de la tranche C- soit 8 fois le plafond annuel de la sécurité sociale et sauf à abandonner sa demande subsidiaire de dommages-intérêts pour perte de droits à la retraite.

Sur la recevabilité de l'ensemble de ses prétentions, il soutient que celles-ci ont été exposées de manière claire et sans ambiguïté dans ses écritures de sorte que la SAS Meubles IKEA France est mal fondée en sa demande de voir limiter la dévolution du litige au chef du jugement relatif à la condamnation à l'article 700 du code de procédure civile.

Sur la compétence matérielle du conseil de prud'hommes, il demande à la cour de considérer que la clause compromissoire insérée dans le contrat VAPS est prohibée et conteste que la solution du litige relèverait d'un tribunal de commerce, à défaut d'avoir la qualité de commerçant mais bien d'être lié à la société Meubles IKEA France SAS par une relation salariale.

Sur le fond, il soutient que le bonus VAPS, défini par la convention du même nom, qui est indissociable du contrat de travail, a bien la nature d'un salaire.

Motifs

1 - Sur l'effet dévolutif des appels principal et incident

Il n'est pas inutile ici de rappeler préalablement que l'appel principal de M. [V] [T] a été déclaré caduc et l'appel incident de la SAS MEUBLES IKEA FRANCE a été déclaré irrecevable par arrêt de la présente cour du 18 janvier 2023.

La cour reste donc saisie de l'appel principal de la SAS MEUBLES IKEA FRANCE à l'encontre du jugement en ce qu'il a déclaré le conseil de prud'hommes compétent pour connaître du litige, en ce qu'il a refusé de renvoyer les parties devant le tribunal arbitral de Malmö, en ce qu'il a rejeté sa fin de non-recevoir tirée de l'absence de recherche préalable de solution amiable, en ce qu'il n'a pas écarté des débats la pièce numéro 2 produite par le salarié, et en ce qu'il l'a débouté de ses demandes plus amples, outre l'appel incident de la partie intimée.

C'est vainement que la SAS Meubles IKEA France prétend que le dispositif des premières conclusions d'intimé de M. [V] [T], notifiées le 14 juillet 2022, n'a pas valablement saisi la cour. Elle soutient à tort qu'en sollicitant l'infirmation du jugement « en ce qu'il a débouté M. [T] de toutes ses demandes, fins et prétentions », sans lister les points juridiques tranchés par le jugement critiqués devant la cour, la dévolution n'a pas opéré.

Elle en déduit donc de manière erronée que l'appel incident de M. [V] [T] est limité à l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a condamné à payer 1 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En effet, l'article 901 du code de procédure civile qui oblige les parties à indiquer les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, n'impose pas aux parties de reconstituer un dispositif qui a rejeté l'ensemble des demandes par une formulation globale.

La cour est donc également saisie de l'appel incident de M. [V] [T] en ce qu'il a demandé dans ses écritures infirmation du jugement en ce qu'il a rejeté ses demandes c'est-à-dire sa demande de déloyauté contractuelle et des dommages-intérêts subséquents, en ce qu'il l'a débouté de sa demande de rappel d'indemnité de départ volontaire en retraite et de régularisation subséquente des cotisations retraite, en ce qu'il l'a débouté de sa demande de cotisations retraite supplémentaires (article 83) et en ce qu'il l'a condamné au paiement d'une indemnité de l'article 700 du code de procédure civile. En effet, en déboutant le salarié de l'ensemble de ses demandes, ce sont bien ces prétentions qui lui avaient été soumises, que le conseil de prud'hommes a rejetées, de sorte que l'appel incident du salarié a valablement dévolu à la cour le chef de jugement déboutant le salarié de ces demandes.

2 - sur le rejet de la pièce n° 2 produite par le salarié

Bien que l'appelante ait étendu son appel à ce point du litige, elle ne réitère pas sa demande en cause d'appel, de sorte que le jugement sur ce point sera confirmé.

3 - sur la compétence matérielle du conseil de prud'hommes

L'article L.1411-1 du code du travail prévoit que le conseil de prud'hommes dispose d'une compétence exclusive pour régler les différends qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail entre les employeurs et les salariés qu'ils emploient.

En l'espèce, les parties s'opposent sur la compétence de la juridiction prud'homale pour statuer sur la demande de M. [V] [T], laquelle porte sur la prise en compte du bonus 'VAPS' dans la moyenne des salaires servant de base de calcul de l'indemnité de départ volontaire à la retraite et des cotisations supplémentaires retraite.

La nature commerciale alléguée de ce contrat, importe peu pour la détermination de la juridiction compétente, dans la mesure où l'objet du litige n'est pas l'exécution de ce contrat, mais bien l'exécution par l'employeur de ses obligations liées au paiement de l'indemnité de départ en retraite et des cotisations de retraite supplémentaire.

Certes, l'article 20 de l'accord de participation résultats de magasin conclu le 1er juillet 2014 entre les parties, stipule que « tout litige, toute contestation ou réclamation survenant à la suite en relation avec le présent accord, ainsi que la rupture, résiliation ou la validité de celui-ci seront résolus en dernier ressort par arbitrage selon les règles de l'institut d'arbitrage de la chambre de Commerce de Stockholm... le lieu d'arbitrage sera Malmö. »

Toutefois, cette convention d'arbitrage ne peut être opposée au salarié pour régler les litiges nés de la relation de travail, cette compétence étant réservée au conseil de prud'hommes par les dispositions de l'article L.1411-1 précité du code du travail, toute convention contraire étant réputée non écrite selon les dispositions de l'article L 1411-4 du même code.

C'est donc à raison que le conseil de prud'hommes s'est déclaré compétent pour statuer sur le litige.

4 - la recevabilité des demandes

- l'irrecevabilité des demandes en raison de l'absence de tentative d'accord préalable

C'est vainement que la société MEUBLES IKEA FRANCE, suivie à tort par le conseil de prud'hommes, soutient l'irrecevabilité de la demande à défaut de recherche préalable d'un accord amiable.

En effet, l'article 20 de l'accord de participation résultats de magasin contient des stipulations dans lesquels les parties s'engagent à se réunir et à rechercher une solution en toute bonne foi en cas de litige, et en cas d'échec les parties peuvent soumettre le litige à l'arbitrage.

Ce préalable n'est pas stipulé à peine d'irrecevabilité de toutes demandes, étant observé que le recours à l'arbitrage n'est qu'une faculté, et en tout état de cause inopposable au salarié.

Par conséquent, en l'absence de décision en ce sens dans le dispositif du jugement critiqué, il faut rejeter la fin de non-recevoir soulevée par la société MEUBLES IKEA FRANCE.

- l'irrecevabilité de la demande de dommages-intérêts en l'absence d'appel incident sur l'exécution de bonne foi du contrat de travail

Si dans ses premières écritures portant appel incident, l'intimé n'a pas inclus dans son appel incident le chef du dispositif du jugement qui a dit et jugé que la société employeur avait exécuté le contrat de travail de bonne foi, ce chef du jugement n'en est pas moins dévolu à la cour dans la mesure où le salarié a formé appel incident du chef du jugement le déboutant de sa demande de dommages-intérêts subséquente et dans la mesure où, par l'effet des dispositions de l'article 562 du code de procédure civile, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs du jugement qu'il critique expressément et ceux qui en dépendent, comme c'est le cas en l'espèce.

La fin de non-recevoir sera donc rejetée.

5 - sur le fond

- l'indemnité conventionnelle de départ à la retraite

M. [V] [T] affirme que le bonus 'VAPS ' a la qualité de salaire et doit être pris en compte dans le calcul de la moyenne des salaires servant de base de calcul de l'indemnité de départ volontaire à la retraite.

La SAS Meubles IKEA France s'oppose à cette demande en faisant valoir que seules les sommes perçues en contrepartie de la prestation de travail doivent être retenues ce qui n'est pas le cas du bonus 'VAPS'.

Selon l'accord interne d'IKEA 'Une indemnité de départ en retraite sera versée à tout salarié âgé de plus de 60 ans et quittant volontairement l'entreprise, dès lors qu'il justifie d'au moins 20 ans d'ancienneté dans l'entreprise. Le calcul de l'indemnité de départ volontaire sera effectué sur les mêmes bases que l'indemnité de licenciement pour motif personnel, divisée par deux.'

L'article 39 de l'accord interne prévoit :

'Sauf faute grave ou lourde, il sera alloué aux agents de maîtrise, cadre et assimilés licenciés, une indemnité selon un coefficient à appliquer au salaire mensuel moyen, étant précisé que :

Le salaire pris en considération pour le calcul de l'indemnité est le 12ème de la rémunération des 12 derniers mois, précédant le licenciement ou selon la formule la plus avantageuse pour l'intéressé des trois derniers mois, étant entendu que dans ce cas toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel qui aura été versé au salarié pendant cette période ne sera prise en compte que prorata temporis'

Ces dispositions sont identiques à l'article R.1234-4 du code du travail et doivent par conséquent, sauf disposition conventionnelle contraire, s'interpréter de la même manière.

La rémunération à retenir doit ainsi, sauf stipulation plus favorable, contenir tous les éléments à caractère de salaire, c'est-à-dire perçue en contrepartie du travail. Sont donc pris en compte pour le calcul de l'indemnité légale de licenciement l'ensemble des éléments de rémunération, fixe ou variable, soit l'ensemble des primes, avantages en nature et complément de salaire.

Au regard de ces dispositions conventionnelles, il importe de connaître la nature juridique du bonus VAPS. Ce bonus a été mis en place par un accord du 1er juillet 2014 intitulé 'participation aux résultats du magasin'.

Certes, l'intimé devait verser à l'appelante un dépôt financier intitulé 'max VAPS value'. Toutefois, le bonus est fonction de l'évolution du résultat du magasin et il n'est constitué que dans le cas où cette évolution est supérieure à celle des magasins comparables. Autrement dit, la constitution du bonus dépend plus du travail de l'intimé que de son investissement financier.

De plus, l'article 3.1 de l'accord stipule expressément que ce bonus est versé en tant que salaire au Participant. Le document de présentation intitulé 'participation à la valeur ajoutée (VAPS)' de mars 2016 précise également que le règlement financier se fera sous forme de salaire. D'ailleurs, le paiement était comptabilisé sur le bulletin de paie et était soumis à charges sociales et salariales.

En conséquence, la somme versée à ce titre doit entrer dans l'assiette de calcul de l'indemnité de départ volontaire à la retraite.

En revanche, elle ne doit être prise en compte que prorata temporis conformément aux dispositions de l'article 39 de l'accord interne IKEA.

M. [V] [T] a fait valoir ses droits à la retraite en août 2020. La moyenne la plus avantageuse des salaires est le 12ème de la rémunération des 12 derniers mois, précédant le licenciement puisque cette moyenne englobe le bonus litigieux versé en décembre 2019.

Selon son bulletin de paie de décembre 2019, M. [V] [T] a perçu la somme de 1 201 000,00 euros à titre de 'revenus différé 2016" correspondant au bonus VAPS. Cette somme a été attribuée, selon courrier du 7 juillet 2017 du référent expert paie (pièce 7 du salarié) pour la période courant de septembre 2014 à août 2019.

La période de référence pour le calcul du salaire de référence servant de base de calcul de l'indemnité de départ volontaire à la retraite étant comprise entre août 2019 et juillet 2020, il convient de prendre en compte le bonus VAPS mensuel pour cette période.

Or, le bonus était de 388 700,00 euros pour la période de septembre 2018 à août 2019, ce qui représente un bonus mensuel de 32 391,66 euros. Le bonus qu'il faut intégrer aux salaires est donc celui du seul mois d'août 2019, soit la somme de 32 391,66 euros. Au total, l'assiette de calcul de l'indemnité se monte à 170 190,35 euros annuel soit 14 182,60 euros mensuels incluant l'avantage en nature.

En appliquant le coefficient de 10,85 prévue par l'accord (9,90 + 0,80 + 0,15) c'est une indemnité de 76 940,22 euros qui est due (14 182,60 X 10,85 / 2).

Aussi, compte tenu de la somme de 61 567,17 euros déjà perçue par M. [V] [T] à ce titre, la SAS Meubles IKEA France sera condamnée à lui verser la somme de 15 373,05 euros à titre de solde l'indemnité de départ à la retraite qui est due, assortie des intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes, soit à compter du 5 octobre 2020.

Par infirmation du jugement, l'appelante sera condamnée au paiement de ces sommes.

- la régularisation des cotisations sociales afférentes à l'indemnité de départ en retraite

L'appelant demande qu'il soit fait injonction à la SAS Meubles IKEA France de régulariser les cotisations sociales afférentes au paiement de ce rappel d'indemnité de départ à la retraite et de justifier de cette régularisation. Dès lors que cette indemnité a un caractère salarial, il convient d'y faire droit et d'ordonner à la SAS Meubles IKEA France de procéder à la régularisation des cotisations sociales et de retraite afférentes aux salaires et de fournir à M. [V] [T] la preuve de sa régularisation.

Le jugement qui a rejeté la demande sera infirmé.

- la cotisation retraite supplémentaire

M. [V] [T] fait grief à son employeur de ne pas avoir versé les cotisations dues au titre du financement du régime de retraite supplémentaire, sur la tranche C de sa rémunération du mois de décembre 2019.

La SAS Meubles IKEA France soutient que le bonus VAPS ne constitue pas un salaire et n'a pas à être soumis à cotisation de retraite supplémentaire.

L'article 5 de la décision unilatérale instaurant le régime de retraite supplémentaire à cotisations définies prévoit :

' Les cotisations servant au financement du Régime Article 83 obligatoire à cotisations définies s'élèvent à un montant correspondant à :

4 % de la Tranche A du salaire annuel de l'Adhérent

7 % de la Tranche B du salaire annuel de l'Adhérent.

7 % de la Tranche C du salaire annuel de l'Adhérent.

Ces taux sont uniformes pour l'ensemble des Adhérents.

La prise en charge est effectuée exclusivement par l'employeur.

Le salaire annuel de l'Adhérent est constitué, de manière strictement limitative, par le traitement de base et la rémunération variable liée à la performance, à l'exclusion de toute autre forme de rémunération, directe ou indirecte, soumise ou non à impôt et à charges sociales. De même, est exclue du salaire de référence toute somme qui, à cette date, ne peut être qualifiée de salaire au sens de l'article L.242-1 du code de la sécurité sociale et qui pourrait, ultérieurement à la mise en place du présent régime, revêtir une telle qualification.'

Le bonus VAPS ne représente pas le traitement de base de M. [V] [T], mais doit être en revanche considéré comme une rémunération liée à la performance du magasin et par voie de conséquence, de son directeur. Il doit donc être intégré à la base de calcul des cotisations litigieuses.

En conséquence, il faut faire droit à la demande de M. [V] [T] dès lors que l'employeur sur le mois de décembre 2019 a cotisé dans la limite des deux premières tranches et sur le salaire de base sans tenir compte du bonus, qui doit être pris en compte dans son intégralité soit 1 201 000,00 euros.

- l'exécution du contrat de travail

M. [V] [T] sollicite la condamnation de son employeur au paiement de la somme de 150.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral né de l'exécution déloyale de son contrat de travail.

Il reproche à la SAS Meubles IKEA France d'avoir considéré, de mauvaise foi, que le bonus VAPS n'avait pas la nature de salaire et d'avoir adopté une attitude d'abstention et de silence pendant plusieurs mois.

Il démontre au moyen notamment du contrat VAPS du 1er juillet 2014, d'une présentation interne de 2016 de ce dispositif, de ses avis d'imposition et de l'attestation pôle emploi d'un homologue que le bonus VAPS a toujours été traité comme un salaire par la SAS Meubles IKEA France.

Il établit également, par la production de mails, avoir sollicité, en vain, à plusieurs reprises des informations quant au calcul de son indemnité de départ à la retraite.

Ainsi il établit la mauvaise foi de l'appelante et donc l'exécution déloyale du contrat de travail au moment de liquider l'indemnité de départ en retraite.

Aussi, au regard de la somme dont il a été provisoirement privée tant au titre de l'indemnité de départ à la retraite que du bénéfice minoré de la retraite supplémentaire, la somme de 5 000,00 euros apparaît de nature à réparer entièrement le préjudice subi.

Le jugement sera donc infirmé.

- les autres demandes

- le bulletin de salaire

L'appelante sera condamnée à remettre à M. [V] [T] un bulletin de salaire conforme au présent arrêt.

- les frais irrépétibles et les dépens

Succombant au sens de l'article 696 du code de procédure civile, l'appelante doit supporter les frais irrépétibles et les dépens de première instance et d'appel. Toutefois aucun appel principal ni incident ne vient contester la décision du conseil de prud'hommes en ce qu'il a mis les dépens à la charge de M. [T]. Quand bien même il doit supporter les dépens, il serait inéquitable au regard du succès partiel de ses demandes, de laisser à la charge du salarié les frais irrépétibles de première instance de sorte que le jugement querellé sur ce point sera infirmé.

La société MEUBLES IKEA FRANCE qui succombe supportera les dépens d'appel, sera déboutée de sa demande de remboursement de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel, et sera condamnée à ce titre à payer à l'intimé la somme de 3 000,00 euros.

Par ces motifs :

La cour statuant publiquement, par décision contradictoire et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Dit que les prétentions liées au solde d'indemnité de départ à la retraite, aux cotisations subséquentes, aux cotisations de retraite supplémentaire, à la déloyauté contractuelle avec les dommages et intérêts subséquents, sont dévolues à la cour,

Confirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Reims le 26 janvier 2022 en ce qu'il s'est déclaré matériellement compétent pour traiter du litige opposant M. [V] [T] à la société MEUBLES IKEA FRANCE,

Infirme le surplus du jugement, en ses dispositions soumises à la cour,

Statuant à nouveau, dans la limite des chefs d'infirmation, et y ajoutant,

Déclare recevables les demandes de M. [V] [T],

Condamne la SAS Meubles IKEA France à payer à M. [V] [T] :

- la somme de 15 373,05 euros (quinze mille trois cent soixante treize euros et cinq centimes) à titre de solde de l'indemnité de départ à la retraite, assortie des intérêts au taux légal à compter du 5 octobre 2020,

- la somme de 5 000,00 euros (cinq mille euros) à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral né de l'exécution déloyale de son contrat de travail ;

Ordonne à la SAS Meubles IKEA France de procéder :

- à la régularisation des cotisations sociales et de retraite afférentes à cette somme et de fournir à M. [V] [T] la preuve de sa régularisation ;

- au versement entre les mains de l'organisme concerné, des cotisations de retraite supplémentaires (article 83) correspondant au bonus de 1 201 000,00 euros versé en décembre 2019, dans la limite des plafonds correspondant à la tranche C,

Condamne la SAS Meubles IKEA France à remettre à M. [V] [T] un bulletin de paie rectificatif conforme au présent arrêt,

Condamne la SAS Meubles IKEA France à payer à M. [V] [T] la somme de 3 000,00 euros (trois mille euros) au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel,

Déboute la SAS Meubles IKEA France de sa demande en paiement fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SAS Meubles IKEA France aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE CONSEILLER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Reims
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 22/00189
Date de la décision : 28/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-28;22.00189 ?
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