ARRET N°
du 04 juillet 2023
R.G : N° RG 22/00679 - N° Portalis DBVQ-V-B7G-FEZN
S.A. POLYCLINIQUE DE [6]
c/
[H]
Etablissement CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE MA RNE
Formule exécutoire le :
à :
la SELARL RAFFIN ASSOCIES
Me Marine CENS
COUR D'APPEL DE REIMS
CHAMBRE CIVILE-1° SECTION
ARRET DU 04 JUILLET 2023
APPELANTE :
d'un jugement rendu le 25 janvier 2022 par le tribunal judiciaire de REIMS
S.A. Polyclinique de [6] venant aux droits de la Polyclinique [7]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Jessica RONDOT de la SELARL RAFFIN ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS et ayant pour conseil Maître FABRE avocat au barreau de PARIS
INTIMEES :
Madame [S] [H]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Marine CENS, avocat au barreau de REIMS
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE MARNE Etablissement de droit privé en charge d'un service public régi par le Code de la Sécurité Sociale agissant poursuites et diligences de son Directeur domicilié en cette qualité audit siège
Représentée par Me Christophe VAUCOIS, avocat au barreau des ARDENNES
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :
Madame Sandrine PILON conseiller, a entendu les plaidoiries, les parties ne s'y étant pas opposées ; en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre
Madame véronique MAUSSIRE, conseiller
Madame Sandrine PILON, conseiller
GREFFIER :
Madame Eva MARTYNIUK, greffier lors des débats et Monsieur MUFFAT-GENDET Nicolas, greffier lors du prononcé
DEBATS :
A l'audience publique du 4 avril 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 23 mai 2023 prorogé au 4 juillet 2023,
ARRET :
Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 4 juillet 2023 et signé par Madame MEHL-JUNGBLUTH présidente de chambre et Monsieur MUFFAT-GENDET, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCEDURE
Madame [S] [H], épouse [V], est infirmière diplômée d'état. Souffrant d'un pouce à ressaut sur la main droite, elle a consulté le docteur [R] [N], chirurgien exerçant au sein de la Polyclinique [7] devenue Polyclinique de [6].
Le praticien a préconisé une intervention qui a été réalisée le 30 novembre 2017 et a été suivie d'un arrêt de travail jusqu'au 31 décembre.
Compte tenu des douleurs et de l'impotence fonctionnelle éprouvées, Madame [S] [H] épouse [V] s'est rendue aux urgences de la Polyclinique [7] le 13 décembre 2017 où une antibiothérapie lui a été prescrite.
Devant la persistance des douleurs, elle est retournée aux urgences dans l'après-midi du 13 décembre 2017 où une reprise chirurgicale pour lavage a été pratiquée. Les résultats bactériologiques obtenus, concluant à la présence d'un staphylocoque doré, ont conduit à une adaptation de l'antibiothérapie initialement prescrite.
Puis elle a consulté un médecin spécialiste du [5] situé à [Localité 4] où un diagnostic d'arthrite septique a été posé.
Elle a subi une nouvelle intervention chirurgicale dans le cadre d'une hospitalisation du 25 au 27 janvier 2018.
Par ordonnance du 25 juillet 2018, le juge des référés du tribunal judiciaire de Reims a ordonné une expertise confiée au professeur [L] [P], qui s'est adjoint un sapiteur infectiologue en la personne du docteur [G].
Le rapport d'expertise judiciaire a été rendu le 18 mars 2019.
Il conclut à une infection nosocomiale survenue sans faute dans la période post opératoire précoce du site lors de l'opération 30 novembre 2017, dont les premiers signes sont apparus le 12 décembre 2017 et pour laquelle le diagnostic a été posé le 13 décembre 2017'; il pose que les séquelles constatées ce jour sont directement en relation avec cette infection
La date de consolidation est fixée au 15 octobre 2018 (reprise de la conduite), avec un déficit fonctionnel permanent de 7% correspondant «'aux douleurs présentées, à la perte modérée de la mobilité du poignet et des doigts main droite, à la baisse de force'».
Le 8 août 2019, Madame [H] [V] a été licenciée pour inaptitude.
Par actes d'huissier des 23 et 30 décembre 2019, Madame [S] [H] a fait assigner la SA Polyclinique de [6], venant aux droits de la Polyclinique [7], et la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Haute-Marne devant le tribunal judiciaire de Reims aux fins de voir la SA Polyclinique de [6] condamnée au paiement de diverses sommes en indemnisation des préjudices subis du fait de l'infection nosocomiale, sans faute, contractée lors de la première intervention chirurgicale.
La CPAM n'a pas constitué avocat à hauteur de première instance.
Par jugement en date du 25 janvier 2022, le tribunal judiciaire de Reims a constaté que l'établissement de santé ne discutait pas le caractère nosocomial de l'infection contractée en son sein et sa responsabilité engagée de plein droit sur le fondement de l'article L. 1142-1, I, du code de la santé publique et a en conséquence opéré la liquidation du préjudice.
Il a condamné la SA polyclinique [6], venant aux droits de la Polyclinique [7], à verser à Madame [S] [V] née [H] la somme totale de 108 628,14 euros en réparation de ses préjudices outre une somme de 5 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et le paiement des dépens, de l'instance de référé ayant abouti à l'ordonnance du 25 juillet 2018 et de la présente instance, et qui comprendront notamment le coût de l'expertise judiciaire (3 300 euros) ;
Par déclaration en date du 17 mars 2022, SA Polyclinique de [6] venant aux droits de la Polyclinique [7] a interjeté appel partiel de la décision rendue par le tribunal judiciaire de Reims.
Par ordonnance d'incident en date du 13 décembre 2022, le conseiller de la mise en état s'est déclaré incompétent pour statuer sur l'incident formé par la SA Polyclinique de [6] à l'encontre de la CPAM de la Haute-Marne et a renvoyé à la cour l'examen de la fin de non recevoir soulevée par la polyclinique, à savoir l'irrecevabilité des demandes formées par la CPAM de la Haute Marne qui doivent être considérées comme nouvelles dès lors que la CPAM était défaillante en première instance.
Aux termes de ses dernières conclusions en date du 13 mars 2023, la Polyclinique de [6], appelante, demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris sur les dispositions dont appel ;
Statuant à nouveau':
Fixer à 50% le taux de perte de chance pour Madame [S] [H] épouse [V] de retrouver un emploi en raison de la survenue de l'infection nosocomiale ;
Fixer les préjudices de Madame [S] [H] épouse [V] comme suit:
Perte de gains professionnels futurs : 2.856,95 euros
Incidence professionnelle : débouter, à défaut : 5.000,00 euros
Rejeter les demandes de la CPAM de la Haute Marne comme étant irrecevables car nouvelles en cause d'appel ;
A défaut, et dans l'hypothèse où les demandes de la CPAM de la Haute Marne seraient déclarées recevables, fixer les sommes revenant à la Caisse à 16.686,87 euros correspondant aux débours et à l'indemnité forfaitaire de gestion ;
Rejeter la demande de la CPAM de la Haute Marne concernant le point de départ des intérêts et leur capitalisation ;
Rejeter la demande de la CPAM de la Haute Marne concernant les intérêts au taux légal sur la somme de 1.162,00 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion et leur capitalisation ;
Débouter Madame [S] [H] épouse [V] et la CPAM de la Haute Marne de toute demande plus ample ou contraire ;
Réduire à de plus justes proportions la somme de 5.500,00 euros allouée au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile qui ne pourrait excéder en tout état de cause la somme de 1.000,00 euros ;
Rejeter la demande de la CPAM de la Haute Marne concernant les frais irrépétibles et les dépens ;
Condamner Madame [S] [H] épouse [V] à rembourser à la Polyclinique de [6] les sommes trop perçues ;
Condamner Madame [S] [H] épouse [V] aux entiers dépens lesquels seront recouvrés par la SELARL RAFFIN & associés conformément aux dispositions de l'article de 699 du Code de procédure civile.
La SA Polyclinique de [6] soutient que dès lors que Madame [S] [H], épouse [V] n'a pas été déclarée par l'expert inapte «'à tout poste'», son préjudice professionnel ne peut être analysé qu'en une perte de chance de retrouver un emploi jusqu'à son embauche en qualité d'infirmière diplômée d'État en CDI dans un EPHAD depuis le 1er novembre 2020, événement dont elle n'avait pas informé le tribunal de sorte que les postes pertes de gains futurs et incidence professionnelle devaient être revus.
S'agissant des demandes de la CPAM, la polyclinique sollicite qu'elles soient jugées irrecevables au motif qu'il s'agit de demandes nouvelles prohibées à hauteur d'appel puisque la CPAM était défaillante en première instance et n'a donc fait valoir aucune prétention et que celles présentées ne correspondent pas aux situations limitativement énumérées par l' article 564 CPC).
A titre subsidiaire, la concluante ne conteste pas le poste dépenses de santé pour lequel la CPAM sollicite la somme de 5.634,89 euros pour la période du 13 décembre 2017 au 13 décembre 2018 mais le montant de son recours sur le poste pertes de gains professionnels actuels et futurs qu'elle sollicite à hauteur de la somme de 14.834,43 euros en qu'il couvre les indemnités journalières versées pour la période du 15 janvier 2018 au 28 février 2019 (409 jours) alors que consolidation a été acquise le 15 octobre 2018 soit après 274 jours.
Elle propose que les demandes de la CPAM doivent être limitées à la somme totale de 15.572,87 euros (5.634,89 euros + 9.937,98 euros) à laquelle s'ajoute l'indemnité forfaitaire de gestion à hauteur de 1.114,00 euros, soit au total 16.686,87 euros.
Aux termes de ses dernières conclusions d'intimée en date du 19 octobre 2022, Madame [S] [H], divorcée [V], demande à la cour, au visa de l'article L1142-1 du Code la santé publique, de'déclarer la Polyclinique de [6] mal fondée en son appel, et de l'en débouter, de la déclarer bien fondée en son appel incident des mêmes chefs de préjudice que ceux contestés par l'appelante, et statuant à nouveau de condamner la Polyclinique de [6] à lui verser les sommes de
6.474 euros au titre de la perte de gains professionnels futurs,
34.221,50 euros au titre de l'incidence professionnelle.
Subsidiairement, de confirmer le jugement rendu en toutes ses dispositions.
Y ajoutant,
Condamner la Polyclinique de [6] à verser à Madame [H]-[V] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile à hauteur d'appel.
La condamner aux entiers dépens d'appel
La concluante considère que si elle n'a pas été déclarée inapte à la profession d'infirmière par l'Expert judiciaire, elle l'a clairement été par le médecin du travail lors de sa tentative de reprise de son poste alors que son licenciement a été prononcé pour inaptitude à son poste et impossibilité de reclassement'; qu'il ne peut être demandé à la victime de minimiser son préjudice en lui reprochant de ne pas exercer immédiatement un nouveau métier compatible avec ses restrictions physiques.
S'agissant du montant de la perte de ses gains professionnels futurs et de l'incidence professionnelle elle explique qu'elle a réduit ses prétentions au regard des montants accordés en première instance pour tenir compte de sa reprise d'un emploi après la consolidation et la perception pendant 13 mois de l'ARE de septembre 2019 (suite à son licenciement) à novembre 2020 ( date de retour à un emploi), pour un montant de 40,47 euros par jour soit 1.214,10 euros nets.
Aux termes de ses dernières conclusions en date du 10 mars 2022, la CPAM de la Haute-Marne, intimée, demande à la cour de la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes formées à hauteur d'appel et de débouter purement et simplement la S.A. Polyclinique de [6] de l'ensemble de ses moyens, prétentions et demandes.
Particulièrement de juger que dispose de la faculté de présenter des demandes à hauteur d'appel la partie qui n'a pas comparu en première instance et à défaut, de juger que ne sont pas nouvelles à hauteur d'appel les demandes présentées par un subrogé dans les droits de la partie qui possède ces droits et qui s'en est prévalue à hauteur de première instance.
Sur le fond, vu l'article L 376-1 du Code de la Sécurité Sociale elle demande à la cour de condamner la S.A. Polyclinique de [6] à payer à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Haute Marne les sommes suivantes:
Débours exposés : 20.469 euros
Indemnité forfaitaire de gestion':1.162 euros
Indemnité de l'article 700 du Code de Procédure Civile': 1.200 euros
S'agissant des intérêts, vu l'article 1344-1 du Code Civil elle entend obtenir que les débours portent intérêt au taux légal à compter de la date de notification des conclusions d'appel numéro 1 et que celle de 1.162 euros porte intérêt au taux légal à compter de la date de notification des présentes conclusions d'appel outre capitalisation des intérêts sur le fondement des dispositions de l'article 1343-2 du Code Civil.
L'ordonnance de clôture est en date du 14 mars 2023.
MOTIFS
Sur la recevabilité des demandes de la CPAM de la Haute Marne.
La polyclinique sollicite que soient jugées irrecevables les demandes de la CPAM de la Haute-Marne au motif qu'il s'agit de demandes nouvelles prohibées à hauteur d'appel par les dispositions de l'article 564 du code de procédure civile puisque la CPAM, défaillante en première instance, n'avait fait valoir aucune prétention.
Elle estime que les demandes formulées en appel par une partie défaillante en première instance sont irrecevables sauf s'il s'agit d'opposer compensation, de faire écarter les prétentions adverses de faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, de faire juger la révélation d'un fait ou de former une demande reconventionnelle alors qu'en sollicitant la condamnation de la Polyclinique de [6] à lui rembourser sa créance, la CPAM émet de nouvelles demandes et prétentions.
Mais sur le fondement des dispositions précitées, une partie est recevable à présenter pour la première fois en cause d'appel des prétentions qui sont le prolongement ou l'accessoire des demandes formées en première instance par une autre partie.
Or dans la mesure où la CPAM est organisme'tiers payeurs qui a avancé les frais pour le compte de la victime et'subrogée légale dans les droits de la victime contre le responsable sur le fondement des dispositions de l'article L376-1 du code de la sécurité sociale, sa demande en remboursement des frais engagés pour le compte de celle-ci et présentée en cause d'appel n'est que la conséquence nécessaire des prétentions soumises au premier juge par celle-ci et poursuit la même fin d'indemnisation du même fait originaire à savoir le caractère nosocomial de l'infection subie par Mme [S] [H].
En conséquence elle est recevable.
Sur le préjudice de Mme [S] [H].
Le préjudice de Mme [S] [H] a été ainsi fixé et réparti par le tribunal judiciaire entre la victime et son ayant droit subrogé lui ayant fait l'avance des frais et servi des indemnités en lien avec l'infection.
Poste de préjudice
Montant total du dommage
Revenant à Madame [S] [V]
Revenant à la CPAM de la Haute Marne
Dépenses de santé
5.737,90euros
/
5.737,90euros
Perte de gains professionnels actuels
16.594,42euros
5.604,61euros
10.989,81euros
Frais divers
403,30 euros
403,30 euros
/
Perte de gains professionnels futurs
24.651,78euros
16.164,62 euros
8.487,18euros
Assistance tierce personne avant consolidation
4.680euros
4.680euros
/
Déficit fonctionnel temporaire
2.568,75euros
2.568,75euros
/
Souffrances endurées
4.000euros
4.000euros
/
Préjudice esthétique temporaire
1.000euros
1.000euros
/
Préjudice esthétique permanent
1.500euros
1.500euros
/
Déficit fonctionnel permanent
7.500euros
7.500euros
/
Incidence professionnelle
63.706,86euros
63.706,86euros
/
Préjudice sexuel
1.500euros
1.500euros
/
Total
133.843,01 euros
108.628,14euros
25.214,89euros
Ces postes ne sont contestés par les parties que pour les montants apparaissant en gras dans le tableau et donc, s'agissant de Madame [S] [H], épouse [V], pour ceux alloués au titre de la perte des gains futurs et de l' incidence professionnelle ,
La position des parties se présente ainsi':
Perte de gains professionnels futurs : 2.856,95 euros offerts par la clinique, 6 474 euros réclamés par Madame [S] [H], épouse [V]
Incidence professionnelle : débouter, à défaut : 5.000,00 euros offerts par la clinique, 34 221,50 euros réclamés par Madame [S] [H], épouse [V]
Sur les pertes de gains professionnels
Jusqu'à la consolidation
Ce poste vise à indemniser les répercussions du dommage sur la sphère professionnelle de la victime pour la période courant du dommage en lien avec la perte pécuniaire et doit être évalué au regard de la perte de revenus effective.
Mme [S] [H] a été déclarée consolidée le 15 octobre 2018 à l'âge de 59 ans, elle disposait avant son arrêt maladie initial imputable à l'infection d'un salaire moyen de 1 695 euros calculé sur la période de janvier 2017 à novembre 2017 qui ne fait pas débat.
Elle aurait donc du percevoir des revenus sur la période du 1er janvier 2018 au 15 octobre 2018 de 1 695 X 9,5 = 16 093 euros.
Le tribunal lui a accordé la somme de 5 604,61 euros en considérant le maintien de salaire à 90% jusqu'en janvier 2018 inclus, puis à 70% à compter de février 2018 jusqu'au 15 octobre 2018 et le versement d'indemnités journalières par la CPAM de 36,27 euros par jour.
Ce poste n'est pas contesté.
Après la consolidation du 15 octobre 2018'(59 ans) et la perte de gains futurs.
Elle correspond à la perte ou à la diminution des revenus consécutive à l'incapacité permanente à compter de la date de consolidation en raison de la perte ou du changement d'emploi que les séquelles résiduelles ont entraînés.
La perte est évaluée à partir des revenus antérieurs, le revenu de référence étant toujours le revenu net annuel imposable avant l'accident soit en l'espèce de 1 694 euros mensuels.
Et elle se calcule en tenant compte d'une part des pertes échues de la consolidation à la décision et payées sous forme de capital et d'autre part des pertes à venir qui peuvent être capitalisées en multipliant la perte de revenus annuelle par un prix de l'euro de rente établi en fonction de l'âge et du sexe de la victime.
En l'espèce il ressort des conclusions de Madame [S] [H], épouse [V] qu'elle a réduit ses prétentions de première instance pour les fixer à la somme de 6 474 euros et tenir compte du fait qu'elle a retrouvé un emploi le 1er novembre 2020, circonstance qui n'avait pas été mentionnée dans les développements de première instance.
Les périodes suivantes sont ainsi déterminantes':
*de la consolidation du 15 octobre 2018 jusqu'au licenciement du 8 août 2019 (pour rappel non contesté) 5604,62 euros en déduisant du montant qu'elle aurait dû percevoir (1 694 X 9,5 mois) les salaires maintenus selon les bulletins de paie produits (10 488,38 euros).
* du licenciement (septembre 2019) à son embauche le1er novembre 2020 (qui est postérieure de 2 mois à son âge de départ légal à la retraite qu'elle n'a pas fait valoir), au cours de laquelle elle a perçu une allocation de retour à l'emploi. (ARE)
Madame [S] [H], épouse [V] se prévaut de sommes perçues au titre de l'ARE 40,47 euros x 30jours = 1 214 euros par mois et donc d'une perte mensuelle d'environ 498 euros sur 13 mois pour réclamer un total de 6474 euros.
Mais la différence se fixe à 480 euros (1694- 1214) pour les mois de 30 jours et à 439,43 euros (1694 -1254,57) les mois de 31 jours en retenant avec la SA Polyclinique de [6] que la lecture de l'attestation de pôle emploi du 11 septembre 2019 posant l'ouverture des droits qui mentionne des droits de 40,47 euros par jour à compter du 10 septembre 2019 (soit de 849,87 euros pour le mois de septembre) précise qu'il s'agit d'un montant mensuel variable selon le nombre de jours dans le mois.
La perte de Madame [S] [H], épouse [V] au cours de cette période est donc de':
(1 694X 13 mois) ' (849,87 + 1214X 5 mois + 1254,57X 8 mois ) = 22 022 ' 16 106 = 5 916 euros.
La SA Polyclinique de [6] entend en outre voir réduit ce montant dû après application du taux de perte de chance de 50%.
Elle considère que le parcours professionnel de Madame [S] [H], épouse [V] comme la reprise ultérieure d'un emploi montrent qu'elle aurait pu exercer d'autres activités (emploi d'accueil, encadrement d'une équipe dans un EPHAD)'; que ces constatations s'appuient également sur les conclusions expertales selon lesquelles Madame [V] n'était pas dans l'impossibilité totale de retrouver un emploi dès lors qu'elle n'était pas déclarée inapte à son travail d'infirmière de façon globale, que le médecin du travail qui s'est prononcé en faveur d'une « inaptitude à son poste » a estimé que sa capacité restante correspondait à un « poste de type administratif » et que donc un poste incluant des taches de coordination et d'organisation est compatible avec son état de santé.
Elle en déduit que dès lors qu'elle n'a pas été déclarée par l'expert comme inapte «'à tout poste'», son préjudice professionnel ne peut être analysé qu'en une perte de chance de retrouver un emploi sur la période courant de son licenciement de septembre 2019 jusqu'à l'âge légal de départ à la retraite au mois de novembre 2020 qu'il est raisonnable de fixer à 50%.
Mais les conclusions de l'expert ne peuvent se substituer à celles d'un médecin du travail quant à l'aptitude d'une victime à remplir son poste au regard des handicaps qu'elle développe, pas plus qu'elles ne peuvent contraindre un employeur à trouver un poste de reclassement'et force est de constater en l'espèce que l'expert a conclu à l'existence d'un retentissement professionnel avec une nécessaire adaptation du poste de travail afin d'éviter le port de charges lourdes (patients par exemple) et les tâches manuelles répétitives et qu'aucune autre restriction n'est posée dans l'avis d'inaptitude de Mme [S] [H] à son poste de travail rendu le 22 juillet 2019 de sorte qu'il n'apparaît aucune contradiction.
Il faut en déduire que le licenciement est la conséquence de l'inaptitude consécutive à l'infection' qui ne lui a pas permis de reprendre son travail dans les conditions antérieures alors qu'aucun poste de reclassement ne se présentait.
Lorsqu'une inaptitude, consécutive à l'accident est à l'origine du licenciement, ainsi que la cour la retenue en l'espèce, il suffit de constater que la victime n'est pas apte à reprendre ses activités dans les conditions antérieures sans avoir à justifier de la recherche d'un emploi compatible avec les préconisations de l'expert, ce d'autant que Mme [S] [H] retrouvera du travail à compter du 1er novembre 2020.
Et cette reprise du travail ne démontre pas qu'elle aurait pu rester à son poste antérieur ni qu'elle aurait pu reprendre un travail plus tôt alors que la période de chômage est certaine et directement liée à son licenciement pour inaptitude en lien de causalité'; aussi le préjudice subi ne constitue pas une perte de chance de percevoir le même salaire jusqu'à la retraite mais la perte elle même.
En conséquence le préjudice subi par Mme [S] [H] au cours de la période entre le licenciement et la reprise d'un travail en raison de la constatation qu'elle n'a pas retrouvé de travail équivalent après son licenciement pour inaptitude, ne caractérise pas une perte de chance mais est en lien de causalité direct certain et entier avec les conséquences de l'infection et de a perte de 5916 euros calculée précédemment .
*de son embauche du 1er novembre 2020 à ce jour.
A compter du 1er novembre 2020 Mme [S] [H] a retrouvé un emploi d'infirmière diplômée d'État en CDI dans un EPHAD sans perte de revenus.
Dans son appel incident elle précise qu'elle ne réclame plus aucun montant à ce titre.
*des pertes futures à compter de ce jour: aucune demande.
En conséquence le jugement de première instance est infirmé s'agissant du poste «'perte de revenus futurs'» et la créance de Mme [S] [H] se fixe à la somme de 5 604,62 euros + 5 916 =11 519,62 euros dont 5 604,62 ont été inclus dans le poste perte de gains actuels du jugement qui n'est pas contesté.
Le jugement est donc infirmé pour le poste «'perte de gains futurs de 16164,62 et fixé par la cour à 5 916 euros.
Sur l'incidence professionnelle post consolidation
Ce poste correspond aux séquelles qui limitent les possibilités professionnelles ou rendent l'activité professionnelle antérieure plus fatigante ou pénible.
Ce poste vise à réparer non pas la perte de revenus liée à ces séquelles résiduelles mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle, comme l'augmentation de la pénibilité de l'emploi occupé imputable au dommage, ou l'obligation d'abandonner la profession exercée avant l'accident au profit d'une autre choisie en raison de la survenance du handicap.
Ainsi il est admis qu'en poursuivant son activité antérieure, la victime pourra avoir un préjudice résultant notamment du fait qu'elle peut être confrontée à une fatigabilité plus importante, une pénibilité accrue, des difficultés de concentration qui l'empêcheront d'avoir l'efficacité dont elle faisait preuve précédemment et qu'ainsi le fait qu'une victime ait retrouvé du travail n'exclut pas nécessairement son droit à indemnisation de ce préjudice.
En première instance, Madame [V] sollicitait 102.480,00 euros indiquant perdre 414,10 euros par mois de pension de retraite qu'elle capitalisait à titre viager, car elle aurait continué à travailler jusque 67 ans.
Le tribunal judiciaire de Reims a calculé un montant de 70.785,41 euros au titre d'une incidence professionnelle puis alloué à Madame [V] la somme de 63.706,86 euros après application d'un « taux de perte de chance de bénéficier d'une pension de retraite «'pour le montant précité évalué à 90%.
Dans ses dernières conclusions d'intimée, Madame [V] a réduit ses prétentions à la somme de 34.221,50 euros au motif qu'elle avait retrouvé un travail.
Elle développe qu'elle a néanmoins subi un préjudice lié plusieurs circonstaces.
Elle évoque ainsi son licenciement pour cause de non-adaptabilité de son poste qui lui a fait perdre une chance d'évoluer dans ce poste qu'elle avait en CDI.
Mais la SA Polyclinique de [6] lui oppose à juste titre qu'elle a retrouvé un emploi équivalent, en CDI, à temps plein, avec un salaire supérieur et qu'elle n'apporte aucun élément montrant une perte de chance d'évolution dans son ancien poste qu'elle avait intégré un an plus tôt à 57 ans.
Elle rajoute qu'elle a perdu son identité collective et sociale.
Mais elle n'a pas perdu son identité sociale que pour une courte période et près de l'âge légal de la retraite puisqu'elle a rapidement retrouvé une nouvelle activité professionnelle similaire.
Elle soutient qu'elle aura forcément une perte de cotisation retraite pendant les 13 mois courant de son licenciement à son embauche.
Mais ses relevés de versement de l'ARE mentionnent des prélèvements cotisations retraite et elle' ne démontre pas l'existence d'une perte de droits à la retraite par la fourniture d'un comparatif de simulation de droits alors même qu'elle concerne une courte période échue depuis 3 ans.
Elle rajoute qu'enfin, l'emploi obtenu est forcément pénible en ce que des douleurs résiduelles sont toujours présentes dans sa main ce qui peut être retenu mais qui ne peut ouvrir réparation à hauteur des calculs qu'elle propose ( fraction du salaire antérieur de la victime + convertissement des différents aspects de l'incidence professionnelle en un coefficient de dégradation de la relation de travail pour l'appliquer ensuite sur le salaire perçu avant l'accident (« méthode Frédéric BIBAL »
Tenant compte alors de la réalité de contraintes physiques générées par ses séquelles à la main dont elle doit se servir, qui ont été développées par l'expert et qui rendent son travail plus pénible pendant la durée de vie professionnelle maximale restant encore à courir,mais également d'u préjudice lié à la courte période d'inactivité et enfin son obligation de changer de poste compte tenu de son licenciement pour inaptitude, la cour fixe l'incidence professionnelle au montant proposé par l'appelante soit à 5.000,00 euros
En conséquence le jugement qui s'est basé sur des informations erronées données par la victime est infirmé pour ce poste.
Sur les demandes de la CPAM de la Haute Marne.
Le principe du recours subrogatoire des organismes de sécurité sociale est posée par l'article L376-1 du code de la sécurité sociale et s'exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'elles ont pris en charge.
1)Sur les dépenses de santé':
La CPAM qui sollicitait la somme de 5.737,90 euros pour la période du 13 décembre 2017 au 13 décembre 2018 a réduit ses prétentions dans ses dernières conclusions à la somme de 5 634,99 euros pour les limiter aux dépenses de santé entreprises pour le compte de l'assurée avant sa consolidation.
Ce poste n'est ainsi pas contesté par la SA Polyclinique de [6] et sera réduit au montant réclamé par la CPAM à hauteur d'appel.
2) S'agissant de la perte des gains professionnels actuels:
La CPAM sollicite la somme totale de 14.834,43 euros couvrant le montant des indemnités journalières versées du 15 janvier 2018 au 28 février 2019 soit pendant 409 jours (versement des indemnités journalières jusqu'au 13 juillet 2019.
La SA Polyclinique de [6] observe que la CPAM sollicite la somme de 14.834,43 euros pour les indemnités journalières versées au cours de la période du 15 janvier 2018 au 28 février 2019 (409 jours) alors qu'elle ne peut prétendre pour ce poste qu'au remboursement de 274 jours d'indemnités courant jusqu'à la date de consolidation du 15 octobre 2018 ; elle propose sur la base du montant journalier indiqué dans le décompte de la CPAM la somme de 9937,98 euros soit 274 jours x 36,27 euros.
La cour en déduit que les indemnités journalières versées du 15 janvier 2017 au 15 octobre 2018 ne font pas débat et lui ouvrent une créance de 9937,98 euros.
Il est précisé que ce montant emporte infirmation du jugement en ce que la CPAM a réduit sa demande à ce titre puisqu'elle ne se prévaut de versements courants à compter du 15 janvier 2017 alors que le tribunal avait pour fixer une créance de 10 989,98 euros retenu 303 jours (6+90+207).
Le recours de la CPAM sur le poste perte de gains actuels est donc de 9 937,98 euros.
3) S'agissant du remboursement des IJJ versées après la consolidation :
La CPAM a continué à verser des indemnités journalières du 15 octobre 2018 au 13 juillet 2019 et a estimé à cette date que l'arrêt de travail de Mme [S] [H] n'était plus médicalement justifié.
Par son médecin conseil le docteur [M], elle a établi une attestation d'imputabilité de ces indemnités journalières aux conséquences de l'infection pour la période courant du 15 octobre 2018 au 28 février 2019.
Elle produit un accord signé entre son médecin conseil et le médecin expert de la compagnie d'assurance AXA l'assurant, le docteur [B] [W], qui s'entendent pour étendre la période d'indemnisation en lien avec la responsabilité de la clinique jusqu'au 28 février 2019 compte tenu des difficultés rencontrées par la victime au regard de sa situation professionnelle et réclame en conséquence un montant supplémentaire correspondant au montant des IJJ versés jusqu'au 28 février 2019 soit 14 834,43- 9 937,98 euros =4 896,44 euros supplémentaires.
Si l'avis du médecin expert de la compagnie AXA assurant cette dernière, reconnaissant dans ce document signé conjointement avec le médecin conseil de la CPAM le 25 janvier 2021, ne lie pas son assuré il n'en ressort pas moins qu'il a considéré, muni des pièces du dossier et alors que l'expertise judiciaire était rendue depuis le 18 mars 2019 et avait fixé la date de consolidation du 15 octobre 2018, que l'arrêt de travail de Mme [S] [H] jusqu'au 28 février 2019 était en lien direct et certain avec l'infection.
Et cet arrêt de travail s'est conclu par un avis d'inaptitude au poste en raison des séquelles résultant de l'infection puis le licenciement de Mme [S] [H] quelques mois plus tard.
Il en ressort que la CPAM est fondée à réclamer au responsable le montant des indemnités journalières versées qui sont venues réduire d'autant la dette du responsable envers la victime puisque celle-ci n'a réclamé que la différence entre le salaire qu'elle aurait du percevoir et celui qu'elle a touché de son employeur qui lui a reversé les IJJ payées par la CPAM.
En conséquence si ce n'est de l'imputer pour partie dans le poste perte de gains futurs la somme totale de 14.834,43 euros couvrant le montant des indemnités journalières versées du 15 janvier 2018 au 28 février 2019 soit pendant 409 jours , ouvre droit à recours subrogatoire de la CPAM et le jugement est confirmé à ce titre.
Sur les intérêts.
La CPAM réclame les intérêts sur les sommes dues à compter du dépôt de ses conclusions du 21 juin 2022.
Sur le fondement de l'article 1231'7 du code civil les intérêts au taux légal sont de droit à compter du jugement sauf si le tribunal en décide autrement.
En l'espèce rien ne justifie que les sommes dues à la CPAM produisent intérêt à partir d'une date antérieure à la date légale.
S'agissant de la capitalisation elle est de droit lorsqu'elle est demandée sur le fondement des dispositions de l'article
Enfin il sera fait droit à la demande de 1.162,00 euros correspondant à l'indemnité forfaitaire de gestion qui ne fait pas débat.
S'agissant des réclamée par les parties sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile il est retenu que l'appel était nécessaire au regard des indications erronées données en première instance par la victime sur sa situation professionnelle de sorte qu'elle sera déboutée de ses prétentions à ce titre pour la procédure d'appel.
S'agissant du montant accordé à ce titre par le tribunal pour la procédure de première instance la cour constate que Mme [S] [H] sollicitait 4 000 euros et que le tribunal lui a alloué une somme supérieure de sorte que infirmant ce jugement la cour condamne la SA Polyclinique de [6] à lui verser la somme de 4000 euros pour la procédure de première instance.
Pour le surplus il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la SA Polyclinique de [6] et à la CPAM la charge de leurs frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Infirme le jugement sur le poste de préjudices perte de gains futurs, incidence professionnelle et article 700 du code procédure civile accordée à Madame [S] [H], épouse [V] et sur les recours de la CPAM sur les postes dépenses de santé et remboursement des pertes de gains
Statuant à nouveau sur ces points et ajoutant,
- déclare les demandes de la CPAM recevables,
- condamne la SA Polyclinique de [6] à payer à Mme [S] [H]':
*au titre de la perte de de gains futurs': 5 916 euros
*au titre de l'incidence professionnelle : 5 000 euros
*au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance la somme': 4 000 euros,
- condamne la SA Polyclinique de [6] à payer à la CPAM de la Haute-Marne :
*au titre des dépenses de santé :5 634,89 euros
*au titre des indemnités journalières versées :14 834,43 euros
ces sommes avec intérêts au taux légal à compter du jugement et capitalisation des intérêts dus pour une année entière,
*au titre de l'indemnité de gestion : 1 176 euros,
- déboute les parties du surplus de leurs prétentions,
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel
- condamne Mme [S] [H] aux dépens d'appel
Le greffier La présidente de chambre