ARRET N°
du 09 juillet 2024
N° RG 24/00025 - N° Portalis DBVQ-V-B7I-FNZY
[Z]
c/
[T]
[Z]
LA PROCUREURE GENERALE PRES LA COUR D'APPEL DE REIMS
Formule exécutoire le :
à :
la SCP DELVINCOURT - CAULIER-RICHARD - CASTELLO AVOCATS ASSOCIES
Me Olivier PINCON
COUR D'APPEL DE REIMS
CHAMBRE CIVILE-1° SECTION
ARRET DU 09 JUILLET 2024
APPELANT :
d'un jugement rendu le 27 décembre 2023 par le tribunal de commerce de REIMS
Monsieur [J] [O] [Z]
Né le [Date naissance 2] 1976 à [Localité 10]
[Adresse 4]
[Localité 7]
Représenté par Me Mélanie CAULIER-RICHARD de la SCP DELVINCOURT - CAULIER-RICHARD - CASTELLO AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS, avocat postulant, et Me Nathalie HAUSMANN, avocat au barreau de REIMS, avocat plaidant
INTIMES :
Maître [M] [T] ès qualités de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la Société IL FESTINO, SARL au capital de 1.000 euros ayant son siège social [Adresse 9], immatriculée au registre de commerce et des sociétés de REIMS sous le numéro 517.888.897, désignée à cette fonction par jugement du tribunal de commerce de REIMS en date du 14 mai 2019,
[Adresse 5]
[Localité 6]
Représenté par Me Olivier PINCON, avocat au barreau de REIMS
Monsieur [S] [Z]
Né le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 11] (51)
[Adresse 9]
[Localité 8]
Non comparant, ni représenté, bien que régulièrement assigné
Madame la procureure générale près la cour d'appel de REIMS
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représentée par Monsieur Alain ZAKRAJSEK, avocat général près la cour d'appel de REIMS
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :
Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre
Madame Christina DIAS DA SILVA, conseillère
Madame Florence MATHIEU, conseillère
GREFFIER :
Madame Jocelyne DRAPIER, greffière lors des débats
Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffière lors de la mise à disposition
DEBATS :
A l'audience publique du 10 juin 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 09 juillet 2024,
ARRET :
Par défaut, prononcé par mise à disposition au greffe le 09 juillet 2024 et signé par Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre, et Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * * *
EXPOSE DU LITIGE
Par jugement en date du 14 mai 2019, le tribunal de commerce de Reims a prononcé la liquidation judiciaire de la Sarl Il Festino, qui exploitait une activité d'épicerie fine et de vente de produits alimentaires italiens.
Messieurs [S] et [J] [Z] étaient co-gérants et associés.
Maître [M] [T] a été désignée en qualité de liquidateur.
Par actes d'huissier en date des 3 mai 2021 et 4 avril 2023, le procureur de la République de Reims a fait assigner Messieurs [J] et [S] [Z] devant le tribunal de commerce de Reims, sur le fondement du rapport de Maître [T], ès-qualités, et des articles L653-1 et suivants du code de commerce, aux fins de voir prononcer, avec le bénéfice de l'exécution provisoire, une interdiction de gérer de 10 ans à l'égard de chacun d'entre eux.
Par jugement rendu le 27 décembre 2023, le tribunal de commerce de Reims a, avec le bénéfice de l'exécution provisoire :
- prononcé une interdiction de gérer pour une durée de 10 ans à l'égard de Monsieur [S] [Z],
- prononcé une interdiction de gérer pour une durée de 10 ans à l'égard de Monsieur [J] [Z],
- ordonné la signification à la diligence du greffier de la décision aux personnes sanctionnées,
- ordonné l'emploi des dépens en frais privilégiés de procédure collective.
Par un acte en date du 8 janvier 2024, Monsieur [J] [Z] a interjeté appel de ce jugement.
Par ordonnance réputée contradictoire rendue le 15 mai 2024, le premier président de cette cour a rejeté la demande d'arrêt de l'exécution provisoire attachée à la décision du 27 décembre 2023 formée par Monsieur [J] [Z] et l'a condamné aux dépens.
Aux termes de ses dernières écritures notifiées électroniquement le 22 mai 2024, Monsieur [J] [Z] conclut à l'infirmation du jugement déféré, à l'irrecevabilité des demandes de Maître [T], ès-qualités et subsidiairement demande à être relevé de l'interdiction de gérer prononcée à son encontre.
Il sollicite en outre le paiement de la somme de 3.000 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles.
Il expose que le tribunal de commerce aurait dû prendre en compte la fraude de son frère, [S] [Z], dans sa nomination comme co-gérant de la Sarl Il Festino.
Il soutient que l'assemblée générale qui l'a nommé co-gérant et sur laquelle repose la formalité d'inscription au greffe, est un faux et qu'une plainte pour faux et usurpation d'identité a été déposée.
Il fait valoir qu'il est de bonne foi et que les fautes de gestion sont exclusivement imputables à son frère. Il estime que les premiers juges auraient dû motiver leur décision de manière individuelle car la demande d'interdiction de gérer est fondée sur des fautes de gestion qui ne lui sont pas imputables.
Il affirme qu'il ne pouvait sciemment omettre de procéder à une déclaration de cessation des paiements dès lors qu'il n'avait pas les comptes, ni les relevés bancaires, qu'il n'avait pas été prévenu de l'assignation de l'URSSAF et qu'il n'avait pas été destinataire du résultat de l'enquête, ni convoqué devant le tribunal. Il précise qu'il n'a accompli aucun acte de gestion, ni signé de contrat de travail et estime que la demande de co-gestion a été demandée par la banque pour lui faire signer un acte de cautionnement et appeler ce cautionnement dès le prononcé de la liquidation.
Il ajoute qu'il a remboursé la créance constituée par le prêt du CIC au titre du cautionnement personnel de ce prêt à hauteur de 48.000 euros.
Il invoque l'application du principe de proportionnalité.
Il soulève que le tribunal aurait dû prendre en compte son éligibilité au relèvement total de la mesure d'interdiction de gérer pour écarter la demande d'interdiction de gérer de 10 ans ou exclure les sociétés dont il était le seul gérant du périmètre de l'interdiction.
Il ajoute qu'il a fourni des éléments prouvant sa capacité à diriger ou contrôler des sociétés.
Aux termes de ses dernières écritures notifiées électroniquement le 18 mars 2024, Maître [T] ès-qualités, conclut à la confirmation du jugement déféré et sollicite en outre le paiement de la somme de 2.400 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles ainsi que la condamnation aux dépens.
Elle expose que le rapport du juge-commissaire a été lu à l'audience à laquelle Monsieur [J] [Z] était présent et qu'il pouvait en demander la communication.
Elle estime que le dépôt de plainte pour faux invoqué par Monsieur [J] [Z], le 25 novembre 2022 est tardif car postérieur à la délivrance de l'assignation en paiement pour comblement de passif.
Elle soutient que les fautes justifiant l'interdiction de gérer sont les suivantes :
- avoir, en s'abstenant de coopérer avec les organes de la procédure fait obstacle à son bon déroulement : obstacle à la détermination des créanciers et des salariés,
-avoir fait disparaître des documents comptables, ne pas avoir tenu de comptabilité lorsque les textes comptables en font obligation, ou avoir tenu une comptabilité fictive, manifestement incomplète ou irrégulière,
-ne pas avoir remis les documents sollicités ou sciemment manqué à l'obligation d'information en contravention des articles L 622-6 et L 622-22 du code de commerce,
- avoir omis de demander l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire dans les 45 jours de l'état de cessation des paiements, cette procédure ayant été initiée par l'URSSAF,
Elle insiste sur le fait qu'un prêt bancaire a été souscrit le 25 août 2016 pour un montant total de 192.000 euros, ramené à 160.000 euros le 28 février 2027 pour l'acquisition de matériel d'exploitation et qu'aucune explication ne lui a été fournie sur le sort de ce matériel.
S'agissant du principe de proportionnalité, elle précise que Monsieur [J] [Z] n'a pas justifié de son patrimoine et de ses ressources mais qu'en revanche elle prouve que celui-ci a d'autres participations ou mandats dans de nombreuses autres sociétés, tout comme son frère [S].
Par ordonnance rendue le 4 juin 2024, le président de la chambre a déclaré irrecevables les conclusions notifiées électroniquement par le ministère public le 22 mai 2024.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 10 juin 2024.
MOTIFS DE LA DECISION
*Sur la recevabilité de l'appel incident formé par Maître [A], ès-qualités
M. [J] [Z] a interjeté appel du jugement ayant notamment prononcé à son encontre une interdiction de gérer suivant acte en date du 8 janvier 2024. Maître [T], ès-qualités a été intimée, et M. [J] [Z] a signifié à cette dernière sa déclaration d'appel par acte du 7 février 2024.
Maître [A], ès-qualités a formé appel incident en notifiant des conclusions électroniquement le 14 février 2024, soit dans le délai d'un mois prévu par le code de procédure civile.
Aussi, Maître [T], ès-qualités, est parfaitement recevable à demander à la cour la confirmation du jugement déféré, et ce, indépendamment de l'irrecevabilité des conclusions du ministère public.
*Sur l'interdiction de gérer
L'article L 653-8 du code de commerce dispose que dans les cas prévus aux articles L 653-3 à L 653-6, le tribunal peut prononcer, à la place de la faillite personnelle, l'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, soit toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, soit une ou plusieurs de celles-ci.
L'interdiction mentionnée au premier alinéa peut également être prononcée à l'encontre de toute personne mentionnée à l'article L 653-1 qui, de mauvaise foi, n'aura pas remis au mandataire judiciaire, à l'administrateur ou au liquidateur les renseignements qu'il est tenu de lui communiquer en application de l'article L 622-6 dans le mois suivant le jugement d'ouverture ou qui aura, sciemment manqué à l'obligation d'information prévue par le second alinéa de l'article L 622-22.
Elle peut également être prononcée à l'encontre de toute personne mentionnée à l'article L 653-1 qui a omis sciemment de demander l'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans le délai de quarante cinq jours à compter de la cessation des paiements, sans avoir, par ailleurs, demandé l'ouverture d'une procédure de conciliation.
*Sur le fait de s'être abstenu volontairement de coopérer avec les organes de la procédure collective
Les statuts de la Sarl Il Festino confèrent la qualité de cogérant à M. [J] [Z] et l'extrait Kbis de la Sarl Il Festino daté du 21 février 2021 mentionne MM. [S] et [J] [Z] chacun en qualité de gérant de la société exerçant l'activité de brasserie, épicerie et vente de produits italiens.
M. [J] [Z] réfute la qualité de cogérant et affirme que le procès-verbal d'assemblée générale du 4 mars 2016 l'ayant désigné en qualité de cogérant avec son frère [S] est un faux. Il lui incombe donc d'en faire la démonstration.
Si son frère [S] écrit dans une attestation datée du 28 juin 2022, que seul lui était le gérant, et que M. [P] [C], actionnaire de la Sarl Il Festino, dans une attestation datée du 23 janvier 2024, indique "(') [J] [Z] était, de mémoire, actionnaire comme les autres. M. [S] [Z] était gérant unique me semble-t-il " toutefois, ces pièces sont insuffisantes pour contrecarrer la cogestion de droit car celles-ci ne sont corroborées par aucun élément probant, la plainte pour faux et usage de faux déposée le 25 novembre 2022 étant au demeurant tardive et contemporaine aux actions en comblement d'actif et interdiction de gérer formée à l'encontre de M. [J] [Z].
En revanche, il est justifié que dans le contrat de prêt daté du 5 août 2016 aux termes duquel la banque CIC EST a consenti à la Sarl Il Festino, un crédit d'un montant de 160.000 euros, la société était représentée par MM. [S] et [J] [Z], cogérants. Il y a lieu de relever, d'une part, que M. [J] [Z] ne critique ni la validité de cet acte, dans le corps duquel chacun des cogérants s'est porté, caution personnelle et solidaire de la société dans la limite de la somme de 48.000 euros pour la durée de 86 mois, et d'autre part, qu'il a exécuté des obligations en découlant, puisqu'il produit un courrier du directeur de l'agence CIC EST datée du 1er octobre 2022 attestant de ce que " M. [J] [Z] a bien honoré sa caution pour un prêt accordé par CIC EST à la société IL FESTINO ".
Dans ces conditions, la cour estime que M. [J] [Z] avait parfaitement connaissance de sa qualité de cogérant de droit la Sarl Il Festino et échoue dans l'administration de la preuve contraire qui incombe à ce dernier.
L'ouverture de la procédure collective à l'égard de la Sarl Il Festino l'a été à la requête de l'URSSAF Champagne Ardenne, suivant une assignation délivrée le 18 décembre 2018 au siège social de la société à une employée de la structure (adresse distincte du domicile de M. [S] [Z]). Or, si M. [J] [Z] n'a pas constitué avocat dans cette instance, toutefois, il est établi que le mandataire l'a convoqué, par pli recommandé avec avis de réception du 16 mars 2019, en son étude pour faire le point sur la situation de la société et que ce dernier s'est abstenu d'y répondre.
Il est également démontré que Maître [T], ès-qualités, a informé M. [J] [Z] du prononcé de la liquidation judiciaire de la société Il Festino, par lettre recommandée avec avis de réception du 22 mai 2019 et lui a, à nouveau réclamé, des documents comptables, sociaux et fiscaux.
Il est ainsi prouvé que postérieurement à l'ouverture de la procédure collective, M. [J] [Z] régulièrement convoqué par le mandataire judiciaire pour transmettre les documents comptables, fiscaux et sociaux, ne s'est pas manifesté pour collaborer avec ce dernier faisant ainsi obstacle à la détermination des créanciers et des salariés, en contravention avec les obligations prescrites par l'article L 622-6 du code de commerce, sa seule qualité de cogérant de la Sarl Il Festino lui imposant de coopérer avec les organes de la procédure.
M. [J] [Z] ne produit aucun élément sérieux pour expliquer cette passivité qui s'analyse au vu des circonstances ci-dessus développées comme une abstention volontaire. En effet, cette carence a nécessairement fait obstacle au bon déroulement de la procédure en ce qu'elle a retardé les opérations de liquidation, obligeant le mandataire à rechercher les éléments manquants.
Ce grief est caractérisé.
*Sur l'absence de comptabilité
Contrairement à ce que soutient l'appelant, il n'est pas exigé que sa mauvaise foi soit établie mais il suffit, pour caractériser ce grief, que la comptabilité n'ait pas été tenue ou qu'elle l'ait été de manière fictive, manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions applicables.
Il ne peut davantage se retrancher derrière l'incompétence réelle ou supposée de son comptable.
Les articles L 123-12 à L 123-15 du code de commerce édictent les obligations incombant au gérant d'une SARL, à savoir l'établissement d'une comptabilité fidèle et régulière, retraçant toutes les opérations annuelles. Il incombe donc au gérant d'établir des comptes annuels composés d'un bilan, d'un compte de résultat, d'une annexe reprenant l'inventaire et les immobilisations.
En l'espèce, il n'est pas justifié de la tenue d'une comptabilité après le 1er mai 2018.
Ce grief, non contesté dans sa matérialité, est caractérisé.
* Sur le défaut de déclaration de l'état de cessation des paiements dans les délais légaux
En redressement judiciaire et en liquidation judiciaire, les articles L 631-4 et L 640-4 du code de commerce prévoient que l'ouverture de cette procédure doit être demandée par le débiteur au plus tard dans les quarante-cinq jours qui suivent la cessation des paiements, s'il n'a pas dans ce délai demandé l'ouverture d'une procédure de conciliation.
En l'espèce, le jugement rendu le 14 mai 2019 prononçant la liquidation judiciaire de la Sarl Il Festino a fixé la date de cessation des paiements au 31 mars 2018, date qui est désormais définitive.
Or, il résulte des débats que la procédure collective a été ouverte par le tribunal de commerce de Reims, suite à l'assignation délivrée par l'URSSAF, par acte d'huissier en date du 18 décembre 2018 et non à l'initiative de la société ; force est de constater dès lors, que M. [J] [Z], en sa qualité de cogérant n'a pas respecté le délai de 45 jours précité.
Il est constant que l'omission par un dirigeant de solliciter l'ouverture d'une procédure collective, dans le délai susvisé, constitue une faute de gestion lorsqu'elle a contribué à l'insuffisance d'actif et qu'elle ne peut s'analyser en une simple négligence compte tenu de l'importance des difficultés rencontrées par la société. Au cas présent, la procédure a été ouverte sur un rapport d'enquête, elle-même initiée sur assignation de l'URSSAF, organisme à l'égard duquel la Sarl Il Festino était redevable de cotisations impayées depuis le premier trimestre 2017.
Aucune explication probante n'est fournie par M. [J] [Z] sur la situation déficitaire de sa société, or il ressort d'un courriel adressé le 28 avril 2019 par le cabinet d'expertise-comptable KPMG à Maître [T], ès-qualités, que le prêt souscrit en septembre 2016 d'un montant initial de 192.000 euros ramené ensuite à 160.000 euros pour l'achat de matériel et d'équipement a été débloqué progressivement pour l'être totalement le 28 février 2017 selon la comptabilité, à une période où des dettes sociales existaient déjà.
M. [J] [Z], en sa qualité de cogérant est responsable de plein droit de l'affectation du matériel et de l'équipement acquis par la société acquis pour l'exercice de l'activité. Or entre le 28 février 2017, date du déblocage complet des avoirs financiers provenant du prêt et le 31 mars 2018, date de la cessation des paiements, M. [J] [Z] est dans l'impossibilité de démontrer le type de matériel et/ou d'équipement acquis par le prêt professionnel souscrit à ce titre. Or, après le prononcé de la liquidation judiciaire le 14 mai 2019, le mandataire prouve que la société n'avait quasiment plus d'actif et que les seuls matériels et équipement de la société consistaient en un mobilier de salle (tables, fauteuils, chaises, banquettes, suspensions lumineuses) une vitrine de magasin, quelques boissons suivant l'inventaire établi par le commissaire-priseur le 26 juin 2019, lesquels ont été évalués à la somme de 1.320 euros. Ce montant modeste est sans commune mesure avec le montant du prêt d'un montant de 160.000 euros.
Aussi, la cour estime que c'est sciemment que M. [J] [Z] n'a pas procédé à la déclaration de la cessation des paiements dans le délai impératif légal, puisqu'au vu du déblocage progressif du prêt, et notamment entre le 28 février 2017 et le 31 mars 2018, il est dans l'incapacité de justifier des matériels et équipement acquis avec ledit prêt et donc de l'affectation réelle dudit prêt. Il est indéniable que ce comportement est préjudiciable à la société, laquelle a été siphonnée de son actif puisque le seul actif réalisé par Maître [T] ès-qualités s'élève à la somme de 687, 35 euros.
Cette déclaration tardive a permis de détourner la quasi intégralité des ressources de la Sarl Il Festino et M. [J] [Z], cogérant de droit, ne peut se dédouaner de sa responsabilité en affirmant que seule la faute repose sur son frère, M. [S] [Z], ce qu'il échoue à démontrer.
Ce grief est dès lors caractérisé à l'encontre de M. [J] [Z].
*Sur la durée de la sanction
M. [J] [Z], jusqu'à la décision déférée, était gérant de la Sarl Alliances [Z] [J] ayant pour activité le commerce de gros, demis-gros et détail de produits alimentaires depuis janvier 2016.
Il démontre que les comptes de cette société ont été déposés au greffe du tribunal de commerce de Reims de janvier 2016 à janvier 2024.
Il produit :
- un courrier de Madame [Y] chargée d'affaires au sein de la société Caisse d'Epargne attestant le 25 juin 2022 que le compte ouvert au nom de la Sarl Alliances [Z] [J] fonctionne à la satisfaction de son établissement,
- une lettre de son expert-comptable, Madame [V] [K], datée du 23 juin 2022 qui lui écrit " (') Vous m'avez demandé ce que je pensais de votre gestion d'ALLIANCES [Z] [J], la société que vous avez créée et qui a pour objet principal la fourniture de produits pour la restauration, ainsi que vos compétences de gérant.
Je les juge conforme à ce qui est requis d'une bonne entreprise. Sinon, je ne vous aurais jamais pris pour client, ou je vous aurais déjà indiqué la sortie (')',
- un courrier conjoint de Madame [X] [F], responsable administrative en charge de la facturation et de la comptabilité de la société Alliances [Z] [J] et de Monsieur [U] [B], commercial et responsable qualité et détenteur de 2000 parts sociales indiquant, le 23 juin 2022 :
" Attestons que M. [J] [Z], notre gérant, est totalement engagé dans la gestion de l'entreprise, que ce soit au niveau de l'approvisionnement, le commercial, la gestion du personnel, le suivi de la trésorerie.
Il est constamment présent dans l'entreprise et s'implique à tous niveaux, des réunions sont organisées chaque semaine, afin de faire le point avec les salariés et de prendre connaissance de leur ressenti sur la semaine écoulée et des difficultés rencontrées ".
En considération des griefs ci-dessus caractérisés retenus par la cour et du principe intangible suivant lequel une sanction, de quelque nature qu'elle soit, doit être proportionnée à la gravité des fautes commises et adaptée à la situation personnelle de l'intéressé qui justifie gérer sérieusement depuis de nombreuses années la Sarl Alliances [Z] [J], l'interdiction de gérer M. [J] [Z] sera prononcée pour une durée de 2 ans à l'exclusion de la société Alliances [Z] [J].
Par conséquent, il convient d'infirmer le jugement entrepris de ce chef et d'ordonner la publication de cette décision au fichier national automatisé des interdits de gérer suivant des modalités précisées au dispositif de cet arrêt.
*Sur les autres demandes
S'agissant d'une sanction personnelle qui ne concerne pas la société mais son ex-dirigeant, il n'y a pas lieu d'employer les dépens en frais privilégiés de procédure collective. Dès lors conformément à l'article 696 du code de procédure civile, M. [J] [Z] succombant, il sera tenu aux dépens de première instance et d'appel.
Par conséquent, le jugement sera infirmé du chef des dépens.
La nature de l'affaire et les circonstance de l'espèce commandent de condamner M. [J] [Z] à payer à Maître [T], ès-qualités, la somme de 1.500 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles et de le débouter de sa demande en paiement sur ce même fondement.
PAR CES MOTIFS,
La cour statuant publiquement et par arrêt rendu par défaut,
Infirme le jugement rendu le 27 décembre 2023 par le tribunal de commerce de Reims, en ce qu'il a :
- prononcé une interdiction de gérer à l'égard de M. [J] [Z] d'une durée de 10 ans,
- ordonné l'emploi des dépens en frais privilégiés de procédure,
Et statuant à nouveau,
Prononce l'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, de M. [J] [Z] pour une durée de 2 ans à l'exclusion de la Sarl Alliances [Z] [J].
Dit qu'en application des articles L 128-1 et suivants et R 128-1 et suivants du code de commerce, cette sanction fera l'objet d'une inscription au fichier national automatisé des interdits de gérer, tenu sous la responsabilité du Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce auprès duquel la personne est inscrite pourra exercer ses droits d'accès et de rectification prévus par les articles 15 et 16 du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données.
Condamne M. [J] [Z] aux dépens de première instance et d'appel et autorise Maître Olivier Pinçon, avocat, à les recouvrer directement dans les formes et conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
Y ajoutant,
Condamne M. [J] [Z] à payer à Maître [T], ès-qualités, la somme de 1.500 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles.
Le déboute de sa demande en paiement sur ce même fondement.
Le greffier La présidente