ARRET N°
du 03 septembre 2024
N° RG 23/00597 - N° Portalis DBVQ-V-B7H-FKEF
S.A.S. LUSTRAL
c/
[G]
Formule exécutoire le :
à :
la SELARL GUYOT - DE CAMPOS
COUR D'APPEL DE REIMS
CHAMBRE CIVILE-1° SECTION
ARRET DU 03 SEPTEMBRE 2024
APPELANTE :
d'un jugement rendu le 17 février 2023 par le tribunal judiciaire de CHARLEVILLE- MEZIERES
S.A.S. LUSTRAL, Société par actions simplifiée, ayant son siège social sis [Adresse 2], immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de REIMS, sous le numéro B 309 674 414, agissant poursuites et diligences de son représentant légal, M. [V] [B] domicilié ès qualités audit siège,
Représentée par Me Carlos DE CAMPOS de la SELARL GUYOT - DE CAMPOS, avocat au barreau de REIMS
INTIME :
Monsieur [D] [G]
Né le 26 avril 1970 à [Localité 7]
[Adresse 5]
[Localité 1]
Représenté par Me Thierry PELLETIER de la SELARL PELLETIER ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :
Madame MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre, et Madame PILON, conseillère, ont entendu les plaidoiries, les parties ne s'y étant pas opposées. Elles en ont rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre
Madame Florence MATHIEU, conseillère
Madame Sandrine PILON, conseillère
GREFFIER :
Madame Jocelyne DRAPIER, greffière lors des débats et de la mise à disposition
DEBATS :
A l'audience publique du 04 juin 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 03 septembre 2024
ARRET :
Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 03 septembre 2024 et signé par Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre, et Madame Jocelyne DRAPIER, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
La SAS Lustral (entreprise de nettoyage ayant son siège social à [Localité 6]), a employé M. [D] [G] comme directeur d'agence à [Localité 4], jusqu'au 11 juin 2020, date à laquelle celui-ci a été licencié pour faute grave.
Les deux parties ont signé une transaction le 30 juin 2020, aux termes de laquelle, la SAS Lustral a versé à M. [G] une indemnité transactionnelle de 40 000 euros bruts le 30 juin 2020.
Cette transaction prévoyait également l'engagement de M.[D] [G] de ne pas travailler directement ou indirectement avec les anciens clients de la SAS Lustral pour une durée de 2 ans.
Par courrier du 30 mars 2021, la SAS Lustral a mis en demeure M. [D] [G] de lui régler la somme de 10.000 euros pour violation de la clause de non-concurrence, lui reprochant de travailler avec un de ses anciens clients (la société Walor).
Par acte d'huissier en date du 21 septembre 2021, la SAS Lustral a fait assigner M. [D] [G] devant le tribunal judiciaire de Charleville-Mézières aux fins d'obtenir la condamnation de ce dernier à lui payer la somme de 10 000 euros en réparation de la violation de la clause de non concurrence.
Par jugement rendu le 17 février 2023, le tribunal judiciaire de Charleville-Mézières a :
-débouté la SAS Lustral de l'ensemble de ses demandes,
-rejeté la demande reconventionnelle de M. [D] [G],
-condamné la SAS Lustral aux dépens.
Par un acte en date du 31 mars 2023, la SAS Lustral a interjeté appel de ce jugement.
Aux termes de ses dernières écritures notifiées électroniquement le 29 juin 2023, la SAS Lustral conclut à l'infirmation du jugement déféré et demande à la cour de condamner M. [D] [G] à lui payer les sommes de :
- 10.000 euros pour violation de la clause de non concurrence en raison de l'intervention de celui-ci chez WALOR le 25 mars 2021,
-10.000 euros pour violation de la clause de non concurrence en raison de l'intervention de celui-ci chez AMADA,
- 2.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et injustifiée,
-3.500 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles.
Elle expose qu'il y a violation de l'obligation de non-concurrence contenue dans la clause lorsque son débiteur agit dans le domaine qui lui est interdit pour son propre compte ou celui d'un tiers.
Elle soutient qu'en versant une somme de 40.000 euros à M. [G], elle s'assurait de l'absence de siphonnage de la clientèle par l'ancien salarié au profit d'une nouvelle entité.
Elle fait valoir que la société WALOR n'a jamais été un client commun aux sociétés AG NET et Lustral avant l'arrivée de M. [G] chez AG NET, ce dernier devant refuser de se rendre sur le site de la société WALOR, en raison de la signature de la clause de non-concurrence.
Elle ajoute que postérieurement à la délivrance de l'assignation, elle a découvert que M. [G] était également intervenu sur le site de la société AMADA le 13 octobre 2021 et avait grossièrement tronqué le cahier des entrées et des sorties en remplaçant son nom par "[S]".
Aux termes de ses dernières écritures notifiées électroniquement le 22 septembre 2023, M. [D] [G] conclut à la confirmation partielle du jugement entrepris et demande à la cour de condamner la SAS Lustral à lui payer les sommes de 15.000 euros pour procédure abusive et injustifiée et de 3.000 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles.
Il soutient que la transaction ne lui interdisait pas de travailler dans le même secteur d'activité, mais uniquement de ne pas travailler avec d'anciens clients de la SAS Lustral.
Il fait valoir que la société WALOR a appelé directement la directrice commerciale de la société AG NET et que ce n'est pas lui qui est entré directement en contact avec la société WALOR.
Il précise qu'il est passé sur le site de la société WALOR le 25 mars 2021, en raison d'un empêchement de dernière minute de la directrice commerciale de la société AG NET mais que ce n'est pas lui qui a négocié et signé le contrat.
Il indique que la société AG NET travaillait déjà avec la société AMADA avant son arrivée.
Il ajoute que le comportement procédural de la SAS Lustral manifeste une volonté évidente de cette société de le destabiliser, ce qui est contraire à la liberté du travail.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 21 mai 2024.
MOTIFS DE LA DECISION
*Sur la clause de non concurrence
Aux termes de l'article 2044 du code civil, la transaction est un contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître.
Ce contrat doit être rédigé par écrit.
L'article 1103 du même code énonce que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
L'article 1104 précise que les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Cette disposition est d'ordre public.
Dans le corps de la transaction datée du 30 juin 2020 signée entre les parties prévoyant le versement par " la Sas Lustral à M. [D] [G] de la somme globale forfaitaire et définitive de 40.000 euros bruts à titre d'indemnité transactionnelle ayant la nature de dommages et intérêts venant réparer les préjudices qu'il indique avoir subi du fait des conditions de conclusion, d'exécution et de la rupture de son contrat de travail, ainsi que de compensation de la clause de non concurrence ", il est stipulé que :
" En contrepartie de ce règlement, Monsieur [G] s'engage à ne pas travailler directement ou indirectement avec les anciens clients de la société Lustral pendant une durée de deux ans.
En cas d'infraction de ce règlement, Monsieur [G] devra régler une pénalité de 10.000 euros par infraction à titre de dommages et intérêts, sauf à ce que la société Lustral justifie d'un préjudice supérieur à ce montant ".
Il est constant que M.[G], ensuite de la rupture de son contrat de travail, a été embauché par la société AG-NET, intervenant dans le même secteur d'activité que la société Lustral, à savoir le nettoyage.
La société Lustral produit les attestations de :
- Mme [T] [O], agent d'entretien, indiquant le 25 mars 2021 avoir vu M. [G] dans la galerie le 25 mars 2021 alors qu'elle réalisait sa prestation chez la société Walor,
- Mme [Y] [P], agent d'entretien, écrivant le 29 avril 2021, avoir vu M. [G] le 25 mars 2021 chez Walor au cours de sa prestation dans les bureaux administratifs et ensuite sans la galerie,
- M. [K] [V], directeur d'agence, écrivant le 13 octobre 2021 " Le 13/10/2021 à 14h10 je me suis rendu chez notre client Walor à [Localité 3] et j'ai pris cette photo du cahier de présence visiteurs se situant à l'accueil ". Sur la photographie dont s'agit, il est mentionné [G] en face d'AG.NET.
Elle communique également :
-un contrat de prestation d'entretien daté du 28 janvier 2019 signé entre la société Walor et la société Lustral représentée par M. [G], chef d'agence,
-un contrat d'entretien des locaux signé entre la société Amada et la société Lustral, représentée par M. [G] concernant le démarrage de prestations au 2 janvier 2018.
Il résulte de ces pièces que des relations contractuelles existaient déjà entre la société Walor et la société Lustral avant la transaction du 30 juin 2020 consacrant la rupture du contrat entre la SAS Lustral et M. [G]. Aussi, le courrier du 7 avril 2021 adressé par M.[G] à l'avocat de la société Lustral, aux termes duquel celui-ci écrit :
" Je fais suite à votre courrier recommandé du 30 mars 2021 et vous précise que je ne suis intervenu ni de près ni de loin dans le cadre d'un contrat avec une société Walor.
J'ai transmis votre courrier à ma directrice d'agence qui m'a indiqué que la société Walor avait opéré une consultation pour une opération de nettoyage industriel auprès de plusieurs entreprises dont AG NET qui a finalement été retenue.
Votre courrier d'intimidation est une nouvelle fois sans fondement " présente un contenu mensonger puisque qu'il a été démontré que c'est M.[G] lui-même qui a signé un contrat avec la société Walor pour le compte de la société Lustral, avant son embauche par la société AG NET.
La transaction faisant la loi des parties et interdisant à M.[G] de ne pas travailler directement ou indirectement avec les anciens clients de la société Lustral, il y a lieu de souligner que l'attestation de Mme [H] [E], directrice commerciale chez AG NET, datée du 27 septembre 2021, aux termes de laquelle elle écrit " (') Je suis désolée pour la société Lustral, mais la présence de Mr [G] en tant que responsable d'exploitation au sein de notre structure ne doit pas m'empêcher de répondre à nos clients si ceux-ci me contactent pour un besoin de nettoyage sachant que dans ce cas, il s'agit d'opérations ponctuelles et non d'une opération régulière " est inopérante et ne dédouane pas M. [G] de son obligation de ne pas travailler avec toutes les sociétés ayant eu des relations contractuelles antérieures avec son ancien employeur.
La présence de M. [G] dans les locaux de la société Walor à trois reprises en 2021 dans le cadre de l'exécution d'une prestation de service au bénéfice de la société AG NET, soit dans le délai de la clause de non concurrence de deux ans débutant le 30 juin 2020, concurrent de la Sas Lustral, est dès lors caractérisée. En revanche, la société Lustral ne produit aucun élément probant établissant l'exécution d'une prestation de nettoyage par M. [G] au service de la société AG NET au sein de la société Amada pendant la période contractuelle de la clause de non-concurrence.
Dès lors, il convient de ne retenir que la violation de la clause de non concurrence avec la société Walor. En application de la transaction précitée, il convient de condamner M. [D] [G] à payer à la Sas Lustral la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de la clause de non concurrence, s'agissant de l'intervention au sein de la société Walor et de débouter la Sas Lustral de sa demande en indemnisation s'agissant d'une intervention au sein de la société Amada.
Par conséquent, il convient d'infirmer le jugement déféré de ce chef.
*Sur les autres demandes
En l'absence de caractérisation d'une faute distincte de la violation de la clause de non concurrence déjà indemnisée, il y a lieu de constater la carence de la Sas Lustral dans l'administration de la preuve et en conséquence de la débouter de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour résistance abusive.
Conformément à l'article 696 du code de procédure civile, M. [D] [G] succombant, il sera tenu aux dépens de première instance et d'appel.
Les circonstances de l'espèce commandent de condamner M. [D] [G] à payer à la Sas Lustral la somme de 2.000 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles et de le débouter de sa demande en paiement sur ce même fondement.
Par conséquent, il convient d'infirmer le jugement déféré de tous ses chefs.
PAR CES MOTIFS,
La cour statuant publiquement et contradictoirement,
Infirme le jugement rendu le 17 février 2023 par le tribunal judiciaire de Charleville-Mézières, en toutes ses dispositions.
Et statuant à nouveau,
Condamne M. [D] [G] à payer à la Sas Lustral la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de la clause de non-concurrence s'agissant de l'intervention au sein de la société Walor.
Déboute la Sas Lustral de sa demande en paiement pour violation de la clause de non-concurrence s'agissant de l'intervention au sein de la société Amada.
Déboute la Sas Lustral de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive.
Condamne M. [D] [G] à payer à la Sas Lustral la somme de 2 000 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles.
Le déboute de sa demande en paiement sur ce même fondement.
Condamne M. [D] [G] aux dépens de première instance et d'appel et autorise la Selarl Guyot & De Campos, avocats, à les recouvrer directement dans les formes et conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le greffier La présidente