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04/09/2024 | FRANCE | N°22/02065

France | France, Cour d'appel de Reims, Chambre sociale, 04 septembre 2024, 22/02065


Arrêt n° 463

du 04/09/2024





N° RG 22/02065 - N° Portalis DBVQ-V-B7G-FIJE



MLS/ AC











Formule exécutoire le :



04/09/2024





à :



- CAPSTAN

- LINVAL

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE SOCIALE

Arrêt du 04 septembre 2024





APPELANTE :

d'une décision rendue le 10 novembre 2022 par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de TROYES, section ENCADREMENT (n° F22/00063)



S.A.S. PETIT

BATEAU

[Adresse 3]

[Localité 1]/FRANCE



Représentée par la SELARL CAPSTAN LMS, avocats au barreau de PARIS et par Me Pascal GUILLAUME, avocat au barreau de REIMS





INTIMÉE :



Madame [L] [Z] épouse [Z]

[Adresse 4]

[Localit...

Arrêt n° 463

du 04/09/2024

N° RG 22/02065 - N° Portalis DBVQ-V-B7G-FIJE

MLS/ AC

Formule exécutoire le :

04/09/2024

à :

- CAPSTAN

- LINVAL

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE SOCIALE

Arrêt du 04 septembre 2024

APPELANTE :

d'une décision rendue le 10 novembre 2022 par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de TROYES, section ENCADREMENT (n° F22/00063)

S.A.S. PETIT BATEAU

[Adresse 3]

[Localité 1]/FRANCE

Représentée par la SELARL CAPSTAN LMS, avocats au barreau de PARIS et par Me Pascal GUILLAUME, avocat au barreau de REIMS

INTIMÉE :

Madame [L] [Z] épouse [Z]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par la SELARL CORINNE LINVAL, avocats au barreau de l'AUBE et par la SCP DELVINCOURT - CAULIER-RICHARD - CASTELLO AVOCATS ASSOCIES, avocats au barreau de REIMS

DÉBATS :

En audience publique, en application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 mai 2024, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur François MÉLIN, Président de chambre, et Madame Marie-Lisette SAUTRON, conseillère, chargés du rapport, qui en ont rendu compte à la cour dans son délibéré ; elle a été mise en délibéré au 04 septembre 2024.

COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :

Monsieur François MÉLIN, président

Madame Marie-Lisette SAUTRON, conseillère

Madame Marie-Laure BERTHELOT, conseillère

GREFFIER lors des débats :

Madame Allison CORNU-HARROIS, greffière

ARRÊT :

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Monsieur François MÉLIN, président, et Madame Allison CORNU-HARROIS, greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Madame [L] [Z], embauchée depuis le 20 février 2017 par la SAS Petit bateau en qualité de responsable développement matière puis de responsable de l'offre matières, a pris acte de la rupture de son contrat de travail le 20 août 2021.

Le 10 mars 2022, la salariée a saisi le conseil de prud'hommes de Troyes de demandes tendant à :

- Faire dire nulle la convention individuelle de forfait en jours et subsidiairement juger qu'elle est privée d'effet,

- Faire condamner la SAS Petit Bateau à lui payer les sommes suivantes :

o rappel d'heures supplémentaires année 2019 : 12 164,16 euros,

o rappel d'heures supplémentaires année 2020 : 8 362,86 euros,

o congés payés sur heures supplémentaires 2019 : 1 216,41 euros,

o congés payés sur heures supplémentaires 2020 : 836,28 euros,

o contrepartie obligatoire en repos pour les heures réalisées hors contingent sur 2019 : 4 595,10 euros,

o contrepartie obligatoire en repos pour les heures réalisées hors contingent sur 2020 : 1 554,22 euros ;

- faire juger que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail du 20 août 2021 emporte les effets d'un licenciement nul ou, à tout le moins, qu'il est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- faire condamner la SAS Petit Bateau à lui payer les sommes suivantes :

o indemnité de licenciement : 6 172,27 euros,

o indemnité de préavis : 15 593,10 euros,

o congés payés sur préavis : 1 559,31 euros,

o dommages et intérêts en réparation des préjudices nés du licenciement nul: 50 000 euros, et à titre subsidiaire, dommages et intérêts nés licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse : 25 988,50 euros,

o dommages et intérêts en réparation d'un préjudice moral : 15 000 euros,

o dommages et intérêts en réparation des préjudices nés du manquement par l'employeur à son obligation de prévention des risques psychosociaux : 7 000 euros,

o indemnité de l'article 700 du Code de procédure civile : 5 000 euros.

En réplique, l'employeur a demandé au conseil de :

- constater que la prise d'acte du 20 août 2021 de Madame [L] [Z] constituait une démission ;

- constater la validité de la convention de forfait-jours à laquelle la relation de travail avait été soumise ;

- prononcer l'irrecevabilité de la demande de Madame [L] [Z] au titre de l'indemnisation d'un préjudice moral, laquelle a été ajoutée en cours de procédure ;

- débouter Madame [L] [Z] de l'ensemble de ses demandes ;

- condamner Madame [L] [Z] à verser à la SAS Petit Bateau les sommes suivantes :

o 12 300 euros à titre de dommages et intérêts pour inobservation du préavis de démission,

o 7 447,44 euros bruts à titre de remboursement des journées de repos indûment payées, outre 744,74 euros à titre de congés payés afférents, si le conseil devait juger que la convention de forfait en jours de Madame [L] [Z] était nulle ;

o 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

o 5 000 euros au titre de la procédure abusive sur les fondements des articles 1240 du code civil et 32-1 du code de procédure civile.

Par jugement contradictoire rendu le 10 novembre 2022, le conseil de prud'hommes a :

- Dit que la convention individuelle de forfait en jours attachée au contrat de travail du 9 février 2017 était nulle ;

- Dit que Madame [L] [Z] avait été victime de harcèlement moral ;

- Dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail en date du 20 août 2021 devait produire les effets d'un licenciement nul ;

- Condamné la SAS Petit Bateau à verser à Mme [L] [Z] la somme totale de 56 144,71 euros décomposée comme suit :

. 6 565,50 euros au titre du rappel d'heures supplémentaires sur l'année 2019,

. 656,55 euros au titre des congés payés afférents,

. 6 311,25 euros au titre du rappel d'heures supplémentaires sur l'année 2020,

. 631,12 euros au titre des congés payés afférents,

. 116,75 euros au titre de la contrepartie obligatoire en repos,

. 12 552,45 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

. 1 255,24 euros à titre des congés payés afférents,

. 5 055,85 euros à titre d'indemnité de licenciement,

. 20 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices nés du licenciement nul,

. 3 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation d'un préjudice moral;

- Débouté Madame [L] [Z] de sa demande tendant à se voir octroyer des dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de prévention des risques psychosociaux ;

- Débouté la SAS Petit Bateau de sa demande de remboursement des jours de réduction du temps de travail, de sa demande d'indemnité compensatrice de préavis et de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

- Débouté les parties de leurs demandes contraires ou plus amples ;

- Condamné la SAS Petit Bateau à verser à Madame [L] [Z] la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles ;

- Condamné la SAS Petit Bateau aux dépens.

Le 7 décembre 2022 l'employeur a interjeté appel tendant à voir infirmer le jugement en son entier sauf en ce qu'il a débouté Madame [L] [Z] de sa demande tendant à se voir octroyer des dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de prévention des risques psychosociaux, et de ses demandes contraires ou plus amples.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 5 février 2024.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions notifiées par voie électronique le 23 août 2023, l'appelante demande à la cour de :

A titre principal,

- Infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Troyes en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté Mme [L] [Z] de sa demande tendant à se voir octroyer des dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de prévention des risques psychosociaux et de ses demandes contraires ou plus amples ;

- Débouter Madame [Z] de l'ensemble de ses demandes ;

A titre subsidiaire,

- Ramener l'indemnisation de Madame [Z] à de plus justes proportions;

En tout état de cause,

- Débouter Madame [Z] de l'ensemble de ses demandes ;

- Condamner Madame [Z] à verser à la Société Petit bateau les sommes suivantes :

o 12 300 euros à titre de dommages et intérêts pour inobservation du préavis de démission ;

o 7 447,44 euros bruts, à titre de remboursement des journées de repos indûment payées, outre 744,74 euros bruts à titre de congés payés y afférents, si la Cour devait juger que la convention de forfait en jours de Madame [Z] était nulle ;

o 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- 5 000 euros au titre de la procédure abusive, sur les fondements des articles 1240 du Code civil et 32-1 du Code de procédure civile ;

- Condamner Mme [Z] aux entiers dépens, y compris les frais de signification de d'exécution de l'arrêt à intervenir.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 6 juin 2023, l'intimée demande à la cour de :

- Confirmer le jugement rendu par le Conseil des prud'hommes de Troyes, en ce qu'il a jugé nulle la convention de forfait en jours, jugé que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail produisait les effets d'un licenciement nul, débouté la société Petit bateau de toutes ses demandes et condamné la société Petit bateau au paiement :

o d'une indemnité de préavis de 12 552,45 euros,

o de congés y afférents à hauteur de 1 255,24 euros,

o d'une indemnité de licenciement à hauteur de 5 055,85 euros ;

Accueillant son appel incident et infirmant le jugement dans la mesure utile,

- Condamner la SAS Petit bateau à lui payer les sommes suivantes :

o Au titre des heures supplémentaires accomplies de juillet 2018 à décembre 2020 : 20 762,75 euros ou à titre subsidiaire : 18 302,43 euros,

o Au titre des congés payés y afférents : 2 076,27 euros et subsidiairement 1 830,24 euros,

o Au titre de la contrepartie obligatoire en repos pour les heures réalisées hors contingent : 2 770,57 euros,

o Au titre des Congés payés y afférents : 277,06 euros,

o Au titre des dommages et intérêts en réparation des préjudices nés du licenciement nul : 50 000 euros, en tout état de cause ceux nés du licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse : 20 920,75 euros,

o Au titre des dommages et intérêts en réparation d'un préjudice moral : 15000 euros ;

o Au titre des dommages et intérêts en réparation des préjudices nés du manquement de l'employeur à son obligation de prévention de risques psychosociaux : 7 000 euros

o Au titre de l'article 700 du code de procédure civile : 5 160 euros

- Ordonner la capitalisation des intérêts ;

- Condamner la SAS Petit bateau aux entiers dépens de la première instance et d'appel.

MOTIVATION

1- Sur l'exécution du contrat de travail

- Sur la convention de forfait en jours

L'employeur appelant, critiquant le jugement, soutient que le dispositif de forfait jours appliqué à la salariée est valable en ce qu'il est prévu en son principe par l'accord national du 16 octobre 1998 sur la réduction du temps de travail, précisée par l'accord d'entreprise du 18 janvier 2012, et acceptée par la salariée dans le contrat de travail. Il insiste sur le fait que l'accord collectif organise les garanties nécessaires à la mise en 'uvre d'un dispositif de forfait jours en prévoyant le respect du repos quotidien et hebdomadaire ainsi que les conditions de contrôle du nombre de jours travaillés. Il affirme que les garanties prévues par l'accord étaient parfaitement appliquées.

La salariée intimée, se fondant sur les articles D 2231-2 et D 2231-4 du code du travail, soutient que la convention de forfait s'appuie sur un accord collectif du 18 janvier 2012 qui n'a jamais été porté à sa connaissance faute d'avoir été joint au contrat de travail, contrairement à ses stipulations expresses, et faute d'avoir fait l'objet d'un dépôt auprès du ministère du travail et auprès du greffe du conseil de prud'hommes. Elle soutient également que la convention de forfait est nulle dans la mesure où l'accord collectif auquel se réfère l'employeur, à le supposer opposable, ne mentionne pas le nombre de jours de forfait. Elle soutient en dernier lieu que cette convention, à la supposer opposable et valide, serait privée d'effet faute pour l'employeur d'avoir assuré l'évaluation et le suivi de la charge de travail ainsi que son articulation entre la vie familiale et la vie professionnelle.

Les textes précités en leur version applicable en 2012, date de l'accord d'entreprise, prescrivaient, comme conditions de validité, un dépôt auprès du ministère du travail, du conseil de prud'hommes et de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi. Alors que la salariée en fait un moyen de nullité, l'employeur ne justifie pas avoir rempli ces conditions prescrites par la loi.

En tout état de cause, à peine de nullité, toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires.

L'accord du 18 janvier 2012 sur les salaires, la durée effective et l'organisation du travail, organise le régime du forfait jours en rappelant les repos quotidiens et hebdomadaires, et en prévoyant un contrôle du nombre de jours travaillés, en prévoyant de faire figurer sur les bulletins de paie le nombre, la date des jours travaillés ainsi que le positionnement et la qualification des jours de repos en repos hebdomadaire, congés payés, congés conventionnels, jours de repos au titre de la réduction du temps de travail auxquels le salarié n'a pas renoncé. Il était prévu un contrôle régulier par la société du nombre de jours travaillés. L'accord instaurait également un suivi de l'organisation et de la charge de travail en prévoyant que le supérieur hiérarchique du salarié devait assurer le suivi régulier de l'organisation du travail du salarié de sa charge de travail. S'y ajoute un entretien annuel au cours duquel l'organisation et la charge de travail du salarié sont évoquées ainsi que l'amplitude des journées de travail.

Cet accord d'entreprise met en 'uvre les dispositions de l'accord national du 19 octobre 1998 relatif à la durée du travail, lequel ne prévoit aucune des garanties exigées par les articles L 3121-64 et L 3121-65 du code du travail.

Toutefois, si l'article L 3121-65 I du code du travail, issu de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, permet à l'employeur de pallier la carence des stipulations conventionnelles en mettant en place un forfait jours accompagné effectivement d'une évaluation et d'un suivi réguliers de la charge de travail du salarié et d'une communication périodique sur la charge de travail du salarié, sur l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle, sur sa rémunération ainsi que sur l'organisation du travail dans l'entreprise, il n'a pas prévu de mécanisme correcteur en cas d'absence de stipulations conventionnelles sur la catégorie des salariés susceptibles de conclure une convention de forfait, sur la période de référence du forfait, sur le nombre d'heures ou de jours compris dans le forfait, sur les conditions de prise en compte, pour la rémunération des salariés des absences ainsi que les arrivées des parents ou de période, et sur les caractéristiques principales des conventions individuelles qui doivent notamment fixer le nombre d'heures de jours compris dans le forfait.

C'est donc à raison que le conseil de prud'hommes, prenant acte de l'absence de stipulations conventionnelles sur le nombre de jours compris dans le forfait, l'a annulé.

Le jugement doit donc être sur ce point confirmé.

- Sur les heures supplémentaires

L'employeur appelant rappelle que la salariée doit apporter à la juridiction des éléments de nature à laisser présumer qu'elle aurait effectué des heures supplémentaires et que les règles applicables au repos n'auraient pas été respectées, et fait observer que pendant la relation contractuelle, la salariée ne s'est jamais plaint de la durée du travail et qu'elle n'a jamais soutenu avoir réalisé des heures supplémentaires. Il ajoute que les documents produits au titre de récapitulatifs du temps de travail fixent une moyenne qui n'est pas suffisamment précise pour lui permettre de vérifier le temps de travail, tout en pointant les erreurs sur des semaines déclarées comme travaillées alors que la salariée était en congé. Il prétend que les éléments produits aux débats pour justifier la réalisation des heures supplémentaires ne sont pas suffisamment probants et que les demandes relatives aux heures qui ont été effectuées avant le 10 mars 2019 sont prescrites. Il conteste le quantum en faisant valoir que la salariée est rémunérée au-dessus du minima conventionnels de sorte que en toute hypothèse, il faudra retrancher du salaire mensuel 1265 euros brut.

La salariée intimée rappelle les dispositions de l'article L3245-1 du code du travail qui fait partir le délai de prescription au jour de la date de la rupture du contrat de travail, soit au mois d'août 2021, la mettant en droit de solliciter un rappel d'heures supplémentaires à compter de juillet 2018, ces salaires étant exigibles au mois d'août 2018. Elle critique le jugement qui a procédé à une réduction de sa demande en déduisant des périodes de congés payés en violation de l'article 7 de la directive 2003/88/CE tel qu'interprétée par la cour de justice de l'union européenne (CJUE 7ème chambre 13 janvier 2022 n°C-514-20). Elle note que la demande a été réalisée sur une base minimale avec une prise de poste à 9 heures, de fin de journée à 19 heures avec une pause déjeuner d'1h30 .

Concernant la prescription, force est de constater qu'aucune prétention d'irrecevabilité ne figure dans le dispositif des conclusions de l'employeur, de sorte que, en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, la cour n'a pas à examiner le moyen tiré de la prescription, lequel ne peut conduire qu'à une irrecevabilité de la demande, laquelle n'est pas sollicitée en l'espèce.

Sur le fond, aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, l'employeur tient à la disposition de l'agent de contrôle de l'inspection du travail mentionné à l'article L.8112-1 les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

La salariée produit des décomptes de son temps de travail au fil des semaines et des mois, précisant avoir réalisé, pour certaines semaines, une moyenne de 9 heures à 18 heures avec 1h30 de pause déjeuner, et pour d'autres semaines un nombre d'heures précis. Ces décomptes indiquent le nombre d'heures effectuées chaque semaine en 2017, 2018, 2019 et 2020, ce qui est suffisamment précis pour permettre à l'employeur de justifier de la réalité du temps de travail de la salariée. Il importe peu que la salariée ait fait une moyenne, dès lors que son décompte est suffisamment précis comme c'est le cas en l'espèce. Sauf à faire peser la charge de la preuve exclusivement sur la salariée, l'employeur ne peut soutenir une absence de fiabilité de ce décompte pour écarter l'existence des heures supplémentaires. En effet, en présence d'un décompte suffisamment précis, il lui appartient d'apporter la preuve de la réalité des heures effectuées par le salarié et écarter ainsi l'existence d'heures supplémentaires, ce qu'il ne fait pas. De plus, la salariée, cadre de l'entreprise, sous un régime de forfait jours, avait un salaire brut mensuel de 3 502 à 4 100 euros incluant les heures supplémentaires, comme l'indique l'article 6 de l'annexe IV de la convention collective des industries textiles, relative aux ingénieurs et cadres. Aussi, l'employeur qui rémunère la salariée selon une grille salariale intégrant des heures supplémentaires ne peut en nier l'existence.

C'est donc à raison que le conseil de prud'hommes a retenu l'existence d'heures supplémentaires.

En revanche, les critiques de l'employeur sur la fiabilité du décompte doivent être examinées dans le cadre du décompte des heures dont le paiement est réclamé.

À cet égard, c'est à tort que le conseil de prud'hommes, faisant droit à un moyen développé par l'employeur, a ôté du décompte effectué par la salariée, les heures de congés payés et de RTT.

Or, la salariée se prévaut à raison de l'arrêt rendu 13 janvier 2022 par la septième chambre de la cour de justice de l'union européenne dans l'affaire n°C-514/20 DS c/ Personaldienstleinstungen GmbH, qui dit pour droit que " l'article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, lu à la lumière de l'article 31, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à une disposition d'une convention collective en vertu de laquelle, afin de déterminer si le seuil des heures travaillées donnant droit à majoration pour heures supplémentaires est atteint, les heures correspondant à la période de congé annuel payé pris par le travailleur ne sont pas prises en compte en tant qu'heures de travail accomplies ".

Ces dispositions européennes doivent également s'analyser comme s'opposant à tout dispositif légal ou jurisprudentiel excluant les périodes de repos dans la prise en compte des heures travaillées pour déterminer le seuil de déclenchement des heures supplémentaires.

Certes, la directive communautaire n'a pas d'effet direct à l'encontre de la société de droit privé Petit bateau. Toutefois, la charte des droits fondamentaux à laquelle l'article 6 § 1 du traité de l'union européenne reconnaît la même valeur juridique que les traités, a un effet direct qui lui est opposable.

Aussi, les premiers juges ne pouvaient, comme il ont fait, déduire du décompte de la salariée 8,5 heures de travail correspondant aux jours de congés annuels et de RTT.

Selon son décompte, la salariée a effectué un temps de travail hebdomadaire de 40 heures en 2018 pendant 26 semaines y compris les semaines de congés payés, de 42,50 heures en 2019 pendant 52 semaines et de 42,50 heures en 2020 pendant 39 semaines, soit au total :

-122,31 heures pour l'année 2018,

- 390 heures pour l'année 2019,

- 292,50 heures pour l'année 2020.

Toutefois, la salariée sollicite :

- 122,31 heures pour l'année 2018,

- 292,50 heures pour l'année 2019,

- 217,50 heures pour l'année 2020.

Cependant la salariée ne peut évaluer son salaire horaire à partir de son salaire de base lequel est forfaitaire et comprend déjà des heures supplémentaires comme l'indique l'article 6 de l'annexe IV de la convention collective des industries textiles, relative aux ingénieurs et cadres.

Aussi, sur la base d'un salaire minimal conventionnel mensuel brut de 2 865 euros, comme stipulé dans l'accord du 29 mars 2018, revalorisé à 3 353,76 euros en novembre 2019 pour tenir compte de l'augmentation accordée par l'employeur sans reclassification dans un échelon supérieur, le salaire horaire doit être fixé à 18,98 euros de l'heure jusqu'en octobre 2019 inclus, et à 22,11 euros de l'heure à compter du mois de novembre 2019, ce qui porte le tarif des heures majorées à 25 % à 23,60 euros l'heure supplémentaire jusqu'en octobre 2019 inclus, et à 27,63 euros l'heure supplémentaire à compter du mois de novembre 2019.

Pour la période de juillet à décembre 2018 la salariée aurait dû percevoir un total de 20 258 euros de salaire comprenant 17 190 euros de salaire de base et 3 068 euros d'heures supplémentaires. Elle a perçu au total sur cette période 21 053,22 euros, de sorte que la salariée a été remplie de ses droits.

Pour la période de janvier à décembre 2019, la salariée aurait dû percevoir un total de 44 803,32 euros comprenant 35 357,52 euros de salaire de base et 9445,80 euros d'heures supplémentaires. Elle a perçu au total la somme de 47 398,16 euros, de sorte que la salariée a été remplie de ses droits.

Pour la période de janvier à septembre 2020, la salariée aurait du percevoir un total de 33 866,77 euros comprenant 25 785 euros de salaire de base et 8081,77 euros d'heures supplémentaires. Elle a perçu 36 900 euros, de sorte qu'elle était remplie de ses droits.

La demande de paiement d'heures supplémentaires n'est pas fondée et sera rejetée par infirmation du jugement sur ce point et sur les congés payés afférents.

- Sur la contrepartie obligatoire en repos

L'employeur conteste la réalité des heures supplémentaires alors que la salariée intimée prétend au contraire que le contingent d'heures supplémentaire été dépassé de 102,5 heures pour l'année 2019 et sollicité la somme de 2 770,57 euros au titre de la contrepartie obligatoire en repos compte tenu de l'effectif de l'entreprise supérieur à 20 salariés.

Compte tenu des heures supplémentaires retenues plus haut, en dépassement du contingent de 190 heures, pour un total au moins égal à 102,50 heures, compte tenu de l'effectif de l'entreprise, et sur la base d'un salaire horaire brut de 22,11euros c'est une somme 2 492,87 euros qui est due incluant les congés payés.

Le jugement sera infirmé sur ce point.

- Le harcèlement moral.

La salariée, formant appel incident sur ce point, qui allègue un harcèlement moral, doit, en application des dispositions de l'article L 1154-1 du Code du travail en sa version applicable en l'espèce, présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement, étant rappelé que le harcèlement est défini par l'article L 1152-1 du Code précité comme tous agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Au vu de ces éléments, il incombe alors à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs de harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l'espèce la salariée invoque :

- un volume de travail important avec une charge mentale importante,

- un management rigide et inapproprié de son manager,

- une absence de traitement des plaintes liées au harcèlement moral qu'elle subissait,

- une persistance à la laisser exposée au harcèlement moral qu'elle avait dénoncé, avant d'être placardisée par un évincement du service pour effectuer d'autres missions constitutives d'une rétrogradation par rapport à ses responsabilités antérieures, jusqu'à lui proposer une rupture conventionnelle, sans chercher un poste adapté à sa situation de santé,

- une impunité puis une promotion de l'auteur du harcèlement,

- une impossibilité de reprendre son poste antérieur qui a été supprimé après avoir été vidé de sa substance,

- une situation de santé dégradée.

Dans son évaluation de l'année 2019 la salariée évoque une année compliquée et chargée confirmant son envie de réussite malgré des moyens inexistants selon elle. Au demeurant l'existence d'heures supplémentaires a été retenue plus haut.

À compter du 11 janvier 2021, elle sera nommée temporairement chef de projet réglementaire, et conformément aux préconisations du médecin du travail, exercera à mi-temps thérapeutique. Une pérennisation de ce poste lui a été proposée le 30 juin 2021. Aucune pièce de son dossier ne permet de caractériser une rétrogradation sachant que le changement de poste a maintenu la classification.

Dans divers mails adressés à la direction des ressources humaines à partir du 30 juin 2021, elle évoque un management délétère de son ancien supérieur hiérarchique avec qui elle a travaillé moins d'un mois, que l'employeur admet, dans un courrier en réponse, relever de la rumeur sans fondement. Si dans le cadre de la présente procédure elle impute la dégradation de sa santé à ce management toxique, lors de ces échanges à propos de la rupture conventionnelle de mai 2021 elle l'imputait à un épuisement professionnel. Aucune pièce du dossier ne permet d'établir qu'elle aurait été victime d'un tel comportement entre le 1er septembre et le 29 septembre 2020, période pendant laquelle elle a effectivement travaillé avec le manager litigieux. Dans un courrier adressé à la salariée, l'employeur affirme au contraire que Mme [Z], sur la foi de rumeurs infondées, a refusé de travailler avec Mme [J], ce qui explique la recherche d'un autre poste, son positionnement sur une mission temporaire qui a été pérennisée le 30 juin 2021, après échec des négociations vers une rupture conventionnelle. Si la salariée prétend que l'employeur en est à l'origine, les échanges figurant à leurs dossiers n'en font pas la preuve. Au contraire, la salariée se montre intéressée par une rupture conventionnelle en mai 2021, puis va refuser la pérennisation à compter de septembre 2021 du poste provisoire qui lui avait été attribué, avant de prendre acte en août 2021 de la rupture du contrat de travail, dans un contexte où elle entamait à compter de septembre 2021 une carrière d'enseignant dans l'éducation nationale après réussite au concours externe de recrutement.

Il en résulte donc que :

- le volume de travail important avec une charge mentale importante, est établi,

- le management rigide et inapproprié de son manager n'est pas établi,

- l'absence de traitement des plaintes liées au harcèlement moral qu'elle subissait, n'est pas établi puisque la plainte est intervenue à une date où elle n'était plus en contact avec le manager et que l'employeur n'a pas imposé un retour à une collaboration qu'elle ne souhaitait pas,

- une persistance à la laisser exposée au harcèlement moral dénoncé, avant d'être placardisée par un évincement du service pour effectuer d'autres missions constitutives d'une rétrogradation par rapport à ses responsabilités antérieures, jusqu'à lui proposer une rupture conventionnelle, sans chercher un poste adapté à sa situation de santé, ce qui n'est pas caractérisé, puisqu'elle a dénoncé le harcèlement moral à une date où elle n'était plus exposée, que le déclassement n'est pas établi, que l'imputation de l'initiative de la rupture n'est pas établie, que l'employeur a proposé la pérénisation de son poste qu'elle a refusée, déjà tournée vers une autre carrière à laquelle elle se préparait nécessairement depuis plusieurs mois ;

- une impunité puis une promotion de l'auteur du harcèlement, qui n'est pas établi faute d'avoir établi le harcèlement, étant observé que la prétendue promotion n'est pas justifiée ;

- une impossibilité de reprendre son poste antérieur qui a été supprimé après avoir été vidé de sa substance, qui n'est pas justifié,

- une situation de santé dégradée qui est justifiée par les certificats médicaux et les avis de préconisations du médecin du travail, mais que rien ne permet d'imputer à la situation de travail.

Les éléments établis ci-dessus (la charge de travail et la dégradation de sa situation de santé), pris dans leur ensemble, ne sont pas de nature à laisser présumer l'existence d'un harcèlement moral, de sorte que le jugement sera infirmé.

- L'obligation de prévention des risques psychosociaux

La salarié appelante à titre incident soutient que l'employeur a été défaillante en n'opérant aucun suivi de sa charge de travail, se contentant d'un entretien annuel, sans répondre à sa plainte sur l'insuffisance des moyens et sur sa charge de travail et sans mettre en place un dispositif de prévention, et en ne traitant pas les difficultés liées au management délétère qu'elle a dénoncé.

L'employeur soutient qu'il ne pouvait prévenir un risque dont il n'était pas informé et qu'il l'a été à une date où le risque avait cessé.

L'employeur, tenu à une obligation de sécurité, supporte la charge de la preuve, de sorte qu'en déboutant la salariée de sa demande en raison de sa défaillance dans l'administration de la preuve du manquement de l'employeur, le conseil de prud'hommes a inversé la charge de la preuve.

Or, l'employeur ne justifie d'aucun dispositif préventif des risques psychosociaux. Par ailleurs, alors que la salariée indique en 2019 que ses conditions de travail sont compliquées par manque de moyens, aucune action corrective n'est apportée.

Certes, le harcèlement moral n'a pas été retenu. Toutefois, l'employeur reconnaît dans un courrier adressé le 27 août 2021 à la salariée, que celle-ci a refusé de travailler avec Mme [J] avant même leur collaboration en raison de rumeurs infondées sur son management. Il indique : " nous avons alors eu à c'ur de vous convaincre de tenter l'expérience, en faisant fi des rumeurs infondées' sans succès puisque vous vous êtes montrée extrêmement fermée à cette éventualité ".

Pourtant, aucune pièce de son dossier ne vient caractériser le caractère infondé des appréhensions dont la salariée lui avait fait part, ni justifier l'enquête de nature à écarter tout risque, ou encore d'un accompagnement de la collaboration qu'il a ainsi imposée.

Ce faisant, l'employeur a manqué à son obligation de sécurité, et a causé à la salariée un préjudice en lui imposant de travailler dans des conditions, dont certes la réalité n'a pas été justifiée, mais qu'elle appréhendait, ce qui a généré une modification subie de ses fonctions.

L'allocation d'une somme de 3 000 euros réparera entièrement le préjudice subi.

1- La rupture du contrat de travail.

- La prise d'acte.

L'employeur appelant sur ce point, soutient que les faits allégués par la salariée ne constituent pas des manquements graves empêchant la poursuite du contrat de travail, en ce que la salariée ne démontre pas avoir subi des faits de harcèlement moral ; que la rupture est opportuniste et répond à un projet personnel de changement de carrière.

La salariée soutient que la prise d'acte est motivée par chacun des éléments listés à l'appui du harcèlement moral.

Le harcèlement moral a été écarté bien que la cour ait reconnu la surcharge de travail et la dégradation de son état de santé dont l'imputation à l'employeur n'est pas démontrée.

Ces éléments n'apparaissent pas suffisamment graves pour justifier qu'il soit mis fin au contrat de travail aux torts de l'employeur.

Par conséquent, la prise d'acte du 20 août 2021 doit prendre les effets d'une démission.

La prise d'acte ayant les effets d'une démission, la salariée ne peut prétendre aux indemnités de rupture de sorte que le jugement sera infirmé sur ces points.

En revanche, la salariée est redevable de l'indemnité de préavis égal à 3 mois de salaire soit la somme de 12 300 euros.

La salarié prétend toutefois que le préavis était impossible à exécuter en l'état de sa situation de santé, et de la disparition de son poste.

Or, si Mme [Z] justifie d'un arrêt de travail du 30 juin au 30 juillet 2021 aucune pièce de son dossier ne permet de justifier que l'arrêt de travail se soit prolongé au-delà de cette date, sachant qu'après la rupture du contrat de travail le 20 août 2021, elle a immédiatement pris ses fonctions d'enseignante au 1er septembre 2021.

Par ailleurs, il n'est pas justifié de la disparition du poste de responsable de l'offre matières qu'elle occupait avant la mission temporaire qui avait pris fin le 30 juin 2021.

Aussi, sera-t-elle condamnée, par infirmation du jugement à payer à l'employeur la somme de 12 300 euros au titre du préavis.

1- Les autres demandes.

- Le remboursement des repos.

L'employeur soutient qu'en cas d'annulation de la convention de forfait, la salariée devra rembourser les sommes versées au cours des trois dernières années de la relation contractuelle, au titre des jours de repos outre congés payés.

La salariée soutient que la demande de restitution ne peut être accueillie que pour minorer les heures supplémentaires, lesquelles ont déjà été calculés en deça de la réalité des heures effectuées, que les jours RTT ont déjà été déduits du décompte rectificatif opéré par le juge, que la demande est partiellement prescrite. En tout état de cause, elle soutient que la demande ne saurait excéder 18 jours.

La convention de forfait à laquelle le salarié était soumise a été déclarée nulle, en sorte que le paiement des jours de réduction du temps de travail accordés en exécution de la convention est devenu indu.

Pour ce qui concerne la prescription force est de constater que la salariée ne formule aucune prétention d'irrecevabilité de sorte que le moyen n'a pas à être examiné par la cour, sachant que l'employeur a limité sa demande aux trois années précédant la rupture du contrat de travail conformément aux exigences de l'article L3245-1 du code du travail.

Au fond, sur la période d'août à décembre 2019 la salariée perçue 904,94 euros au titre des RTT, 1131,04 euros sur l'année 2020, et 1 222,27 euros sur la période comprise entre le 1er janvier et le 31 août 2021, la rupture étant intervenue le 20 août 2021.

Dans la mesure où les heures supplémentaires ont été décomptées y compris pendant la période de repos, que les sommes payées à la salariée sont supérieures à celles qui lui étaient dues au titre des salaires comprenant les heures supplémentaires, le remboursement des RTT indus, ne prive pas la salariée de ses heures supplémentaires.

Aussi, le remboursement sera ordonné, outre congés payés dans la mesure où les RTT considérés par l'article L3141-5 du code du travail comme une période de travail effectif prise en compte pour la détermination de la durée du congé, et qu'ils ont donc généré des congés payés qu'il faut également rembourser, soit au total la somme de 3 258,25 euros outre 325,82 euros de congés payés.

- L'abus de procédure.

L'employeur soutient que la salariée a agi avec mauvaise foi en trompant employeur pendant plusieurs mois dans la mesure où sachant qu'elle allait quitter l'entreprise, elle a mis en 'uvre divers stratagèmes ayant pour objet de se procurer un avantage financier. Il sollicite 5 000 euros de dommages-intérêts.

La salariée prétend au contraire que sa demande, fondée, ne peut être considérée comme abusive.

La majorité des demandes de la salariée a été rejetée, ce qui ne peut suffire à caractériser l'abus, étant rappelé que l'action justice est un droit qui engage la responsabilité que dans les cas où elle dégénère en abus.

Or, quand bien même la salariée préparait par reconversion, l'illicéité de la convention de forfait, la durée effective de travail dépassant la durée légale hebdomadaire, le manquement à l'obligation de sécurité, ont été reconnus de sorte que l'action n'était pas totalement dénuée de fondement, ce qui exclut l'abus.

C'est donc à raison que le conseil de prud'hommes a rejeté la demande dans son jugement qui sera confirmé sur ce point.

- Les frais irréptibles et les dépens.

Aucune des deux parties ne tient totalement gain de cause de sorte que les dépens seront partagés par moitié et les demandes de frais irrépétibles de première instance et d'appel seront rejetés par infirmation du jugement

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement rendu le 10 novembre 2022 par le conseil de prud'hommes de Troyes en ce qu'il :

- a dit que la convention individuelle de forfait du 9 février 2017 était nulle,

- a débouté la salariée de sa demande au titre des heures supplémentaires pour l'année 2018,

- débouté l'employeur de sa demande de dommages et intérêts au titre de l'abus de procédure,

Infirme le surplus du jugement, en ses dispositions soumises à la cour,

Statuant à nouveau dans les limites et chefs d'infirmation,

Juge que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail du 20 août 202 s'analyse en une démission ;

Condamne la SAS Petit bateau à payer à Mme [L] [Z] les sommes suivantes:

- 2 492,87 euros au titre de la contrepartie obligatoire en repos incluant les congés payés,

- 3 000 euros de dommages et intérêts en réparation des préjudices nés du manquement par l'employeur à son obligation de prévention des risques psychosociaux ;

Dit que les condamnations sont prononcées sous réserve d'y déduire le cas échéant, les charges sociales et salariales ;

Condamne Mme [L] [Z] à payer à la SAS Petit bateau les sommes suivantes:

- 12 300 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 3 258,25 euros au titre du remboursement des jours RTT payés,

- 325,82 euros à titre de congés payés afférents ;

Déboute Mme [L] [Z] de ses demandes au titre des heures supplémentaires 2019 et 2020, d'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, d'indemnité de licenciement, de dommages-intérêts en réparation des préjudices nés du licenciement nul ;

Déboute Mme [L] [Z] et la SAS Petit bateau de leur demande de remboursement de leurs frais irrépétibles de première instance d'appel ;

Condamne Mme [L] [Z] et la SAS Petit bateau à supporter les dépens dont il sera fait masse, par moitié chacun.

La greffière Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Reims
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 22/02065
Date de la décision : 04/09/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/09/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-09-04;22.02065 ?
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