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04/09/2024 | FRANCE | N°23/00920

France | France, Cour d'appel de Reims, Chambre sociale, 04 septembre 2024, 23/00920


Arrêt n°

du 4/09/2024





N° RG 23/00920





IF/FJ









Formule exécutoire le :







à :



COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE SOCIALE

Arrêt du 4 septembre 2024





APPELANT :

d'un jugement rendu le 26 mai 2023 par le Conseil de Prud'hommes de TROYES, section Encadrement (n° F 22/00077)



Monsieur [T] [G]

[Adresse 8]

[Localité 5] (ESPAGNE)



Représenté par Me Dominique ROUSSEL, avocat au barre

au de REIMS et par Me Marie-anne BADE, avocat au barreau de LILLE





INTIMÉE :



SAS ETABLISSEMENTS J.SOUFFLET

[Adresse 9]

[Localité 1]



Représentée par la SCP DELVINCOURT - CAULIER-RICHARD - CASTELLO AVOCATS ASSOCIES, avocats au ...

Arrêt n°

du 4/09/2024

N° RG 23/00920

IF/FJ

Formule exécutoire le :

à :

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE SOCIALE

Arrêt du 4 septembre 2024

APPELANT :

d'un jugement rendu le 26 mai 2023 par le Conseil de Prud'hommes de TROYES, section Encadrement (n° F 22/00077)

Monsieur [T] [G]

[Adresse 8]

[Localité 5] (ESPAGNE)

Représenté par Me Dominique ROUSSEL, avocat au barreau de REIMS et par Me Marie-anne BADE, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉE :

SAS ETABLISSEMENTS J.SOUFFLET

[Adresse 9]

[Localité 1]

Représentée par la SCP DELVINCOURT - CAULIER-RICHARD - CASTELLO AVOCATS ASSOCIES, avocats au barreau de REIMS et par Me Claire JOLIBOIS de l'AARPI ADER, JOLIBOIS, avocat au barreau de PARIS

DÉBATS :

En audience publique, en application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 29 mai 2024, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Laure BERTHELOT, conseiller, et Madame Isabelle FALEUR, conseiller, chargés du rapport, qui en ont rendu compte à la cour dans son délibéré ; elle a été mise en délibéré au 4 septembre 2024.

COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :

Monsieur François MÉLIN, président

Madame Marie-Laure BERTHELOT, conseiller

Madame Isabelle FALEUR, conseiller

GREFFIER lors des débats :

Monsieur Francis JOLLY, greffier

ARRÊT :

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Monsieur François MÉLIN, président, et Monsieur Francis JOLLY, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

Faits et procédure

Monsieur [T] [G] a créé la société FJM PERFORMANCE, dont il a établi les statuts le 27 novembre 2019 et qu'il a immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 2 décembre 2019.

Cette société par actions simplifiées unipersonnelle a pour objet l'import-export de produits agro-alimentaires et de biens de consommation de toute nature, le conseil, l'accompagnement et l'assistance dans ces domaines et plus généralement toutes opérations industrielles, commerciales, financières, mobilières ou immobilières pouvant se rattacher directement ou indirectement à l'objet social.

A compter du 1er juillet 2020, la société AGRO INGREDIENTS TECHNOLOGY - AIT, société du groupe SOUFFLET a fait appel à la société FJM PERFORMANCE, représentée par Monsieur [T] [G], son gérant, pour effectuer une mission de prestation de services jusqu'au 30 juin 2021 consistant à structurer et développer le service achat.

Le 10 février 2021, la société FJM représentée par Monsieur [T] [G] a signé avec la société ETABLISSEMENTS J. SOUFFLET, société holding du groupe SOUFFLET, une convention de prestation de services prenant effet à compter du 10 février 2021 jusqu'au 16 avril 2021 avec pour mission un diagnostic de la fonction achats.

La société FJM représentée par Monsieur [T] [G] et la société ETABLISSEMENTS J. SOUFFLET ont signé une seconde convention de prestation de services pour la période du 19 avril 2021 au 7 mai 2021 avec pour mission le déploiement de l'organisation du service achat à la suite de la proposition présentée le 15 avril 2021, selon un planning défini par les parties.

Le 1er juin 2021 Monsieur [T] [G] a été embauché par la société ETABLISSEMENTS J. SOUFFLET en contrat à durée indéterminée, en tant que directeur des achats Groupe avec un statut cadre et une rémunération annuelle brute de 115'000 euros outre un bonus. La période d'essai était fixée à quatre mois.

Le 15 septembre 2021, il s'est vu remettre, en main propre contre décharge, une lettre mettant fin à son contrat de travail à la date du 24 septembre 2021.

Le 22 mars 2022, Monsieur [T] [G] a saisi le conseil de prud'hommes de Troyes aux fins de voir reconnaître l'existence d'un contrat de travail verbal antérieur au 1er juin 2021, un défaut de validité de la période d'essai, le caractère abusif de la rupture de son contrat de travail, et aux fins d'obtenir la condamnation de l'employeur à lui payer diverses sommes à titre de rappels de salaires, d'indemnités et de dommages et intérêts.

Par jugement du 26 mai 2023, le conseil de prud'hommes de Troyes a débouté Monsieur [T] [G] de l'intégralité de ses demandes, a débouté la société Etablissements Soufflet du surplus de ses demandes et condamné Monsieur [T] [G] aux dépens en ce compris les frais d'exécution.

Le 7 juin 2023, Monsieur [T] [G] a formé appel du jugement de première instance en ce qu'il l'a débouté de l'intégralité de ses demandes et a mis les dépens y compris d'exécution à sa charge.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 mai 2024 et l'affaire a été appelée à l'audience du 29 mai 2024 pour être mise en délibéré au 4 septembre 2024.

Prétentions et moyens des parties

Aux termes de ses conclusions notifiées par RPVA le 22 avril 2024, auxquelles en application de l'article 455 du code de procédure civile il est renvoyé pour un plus ample exposé de ses moyens, Monsieur [T] [G] demande à la cour :

DE LE JUGER recevable et fondé en son appel et en toutes ses demandes ;

en conséquence,

D'INFIRMER le jugement rendu le 26 mai 2023 par le Conseil de prud'hommes de TROYES, en ce qu'il l'a débouté de l'ensemble de ses demandes ;

DE LE CONFIRMER en ce qu'il a débouté la société ETABLISSEMENTS J. SOUFFLET de sa demande reconventionnelle ;

statuant à nouveau,

DE CONDAMNER la société ETABLISSEMENTS J. SOUFFLET au paiement des sommes suivantes :

à titre principal sur la base d'une ancienneté de 7 mois et 24 jours :

. 19 166,66 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail,

. 57 499,98 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

. 13 081,25 euros à titre de rappel de bonus groupe,

. 1 308,12 euros à titre de congés payés afférents,

à titre subsidiaire sur la base d'une ancienneté de 3 mois et 24 jours :

. 19 166,66 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive de la période d'essai,

. 6 238,75 euros à titre de rappel de bonus groupe,

. 623,87 euros à titre de congés payés afférents

en tout état de cause :

. 19 166,66 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral du fait de la rupture brutale et vexatoire du contrat de travail,

. 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice financier du fait de l'absence de fixation des objectifs,

. 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

DE DÉBOUTER la société ETABLISSEMENTS J. SOUFFLET de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

DE CONDAMNER la société ETABLISSEMENTS J. SOUFFLET aux entiers frais et dépens tant de première instance que d'appel ;

Aux termes de ses conclusions notifiées par RPVA le 7 mai 2024, auxquelles en application de l'article 455 du code de procédure civile il est renvoyé pour un plus ample exposé de ses moyens, la société ETABLISSEMENTS J. SOUFFLET demande à la cour :

DE CONFIRMER le jugement rendu le 26 mai 2023 par le conseil de prud'hommes de Troyes en toutes ses dispositions ;

Par conséquent,

DE DÉBOUTER Monsieur [T] [G] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

DE CONDAMNER Monsieur [T] [G] aux entiers dépens.

Motifs :

Sur la demande tendant à voir reconnaître l'existence d'un contrat de travail verbal antérieur au contrat de travail signé le 1er juin 2021

Monsieur [T] [G] demande à la cour, sur le fondement de l'article L 8221-6 du code du travail, de reconnaître l'existence d'un contrat de travail verbal antérieur au contrat signé le 1er juin 2021 avec la société ETABLISSEMENTS J. SOUFFLET, en faisant valoir qu'entre le 10 février 2021 et le 31 mai 2021, il se trouvait dans un lien de subordination à l'égard de cette société caractérisé par :

- le contenu particulièrement drastique des conventions de prestations de services lui laissant peu de marge de man'uvre et lui imposant de suivre les ordres et des directives relatives à l'exercice du travail

- la fourniture, par la société ETABLISSEMENTS J. SOUFFLET, de matériels et d'outils de travail, véhicule, ordinateur, téléphone

- l'obligation de remettre régulièrement des rapports d'activité à [Y] [C], directeur industriel du groupe Soufflet et à [V] [L], qui adoptaient l'attitude de supérieurs hiérarchiques et non de simples clients, aucune réunion, aucune diffusion de documents ne se faisant sans leur validation ce qui limitait son autonomie de travail aux instructions et aux demandes formulées,

- le lieu de ses prestations, majoritairement sur les sites de [Localité 4] et de [Localité 1], au sein de services organisés et sous la direction immédiate de [Y] [C], sous l'autorité duquel il a ensuite été placé dans le cadre du contrat de travail signé le 1er juin 2021,

- les rituels managériaux imposés dans le cadre des deux conventions de prestations de services qui impliquaient l'existence d'instructions et de contrôles fréquents du directeur industriel, [Y] [C], mais également sa propre intégration à l'équipe du service achats pour laquelle il organisait une réunion mensuelle,

- le fait que, du 11 février au 31 mai 2021, il a travaillé à titre exclusif, parfois 23 jours consécutifs par mois, pour deux entités du groupe Soufflet qui le rémunéraient en moyenne 20'000 euros par mois, la société AIT lui accordant en outre des succes fees pour l'atteinte de ses objectifs.

La société ETABLISSEMENTS J. SOUFFLET répond que Monsieur [T] [G] ne rapporte pas la preuve d'un lien de subordination à son égard, caractéristique essentielle du contrat de travail, pour la période du 10  février 2021 au 31 mai 2021. Elle fait valoir :

- que les missions de Monsieur [T] [G] ont été différentes au sein des deux sociétés et ont donné lieu à des rapports d'activité différents : au sein de la société Agro Ingrédients Technology - AIT INGREDIENTS, Monsieur [G] a eu pour missions de mettre en place une politique achats et une stratégie achats en conseillant l'acheteuse afin d'améliorer la performance du service achats, de mener une réflexion autour de l'emballage et de faire une cartographie du service achats tandis que au sein de la société ETABLISSEMENTS J. SOUFFLET, il a eu pour missions de redynamiser la structure achats Groupe, de mettre en place plus de synergies et de faire une cartographie de ce service,

- que Monsieur [T] [G] n'a eu aucune obligation de lui consacrer la totalité de son activité professionnelle, qu'il ne lui a facturé que 8 jours d'activité en février 2021, 13 jours en mars 2021, 13 jours en avril 2021, et 9 jours en mai 2021 ;

- que Monsieur [T] [G] a eu la totale maîtrise de l'organisation de son activité et de ses conditions de travail, qu'il n'a été assujetti à aucune obligation de présence dans ses locaux ni soumis à un horaire, qu'il a organisé son activité, ses déplacements professionnels et ses choix de contacts en totale autonomie, sans aucune directive ou instruction précise, individualisée et contraignante,

- que contrairement aux allégations de Monsieur [T] [G], elle ne lui a fourni ni téléphone, ni ordinateur, ni véhicule dans le cadre de son contrat de prestations de services, qu'il avait son ordinateur personnel et une adresse mail '[Courriel 3]', « ext » signifiant 'extérieur' à la différence des autres collaborateurs dont l'adresse mail comporte la première lettre du prénom suivie du nom puis @soufflet.com,

- que les rapports d'activité produits aux débats entrent dans le cadre normal de l'information due par un mandataire à son mandant, procédé classique pour un consultant indépendant et que l'examen de ces rapports démontre qu'il s'agit d'une cartographie exacte de l'organisation du service achats avec des propositions d'axes d'amélioration, ce qui correspondait pleinement à sa mission de prestataire de services,

- que contrairement aux affirmations de Monsieur [T] [G] qui prétend qu'il était encadré par Monsieur [C], directeur industriel du groupe, ce dernier n'a formulé ni consignes ni autres directives précises et individualisées,

- qu'au cours de cette période, Monsieur [T] [G] n'avait donc aucun supérieur hiérarchique et n'a d'ailleurs fait l'objet d'aucun entretien d'évaluation, à la différence de la période à compter du 1er juin 2021 où il est devenu directeur des achats Groupe,

- que Monsieur [T] [G] n'a pas été intégré à l'organisation du service achats de la société Etablissements J.Soufflet, et que pendant sa période de consultant achat, il avait pour fonction d'auditer et donc d'examiner le mode de fonctionnement et les activités des acheteurs sans leur donner d'instructions particulières ou leur donner des objectifs à atteindre, son rôle étant d'établir une cartographie de la situation existante et de proposer des axes d'amélioration,

- que Monsieur [T] [G] exploite le terme"rituels managériaux" cité dans ses contrats de prestations de services dans la mesure où ce terme englobe uniquement un débriefing hebdomadaire concernant l'état d'avancement de la mission, que cette mention est classique dans un contrat de prestation de services et qu'il est nécessaire que des réunions et des débriefings soient organisés pour faire le point sur l'état d'avancement d'une mission confiée à un consultant indépendant,

- que Monsieur [T] [G] ne produit aucun mail de Monsieur [C], directeur industriel du groupe avec des instructions précises, régulières, individualisées et contraignante, que les SMS échangés avec Monsieur [Y] [C] entre mars et juin 2021 ne révèlent aucune instruction précise, individualisée et régulière et qu'il s'agit de simples échanges très brefs, essentiellement sur des heures de réunions ou des retours sur réunions sans ordre particulier,

La société ETABLISSEMENTS J. SOUFFLET ajoute que le droit du travail ne reconnaissant pas au groupe la qualité d'employeur, c'est uniquement une des sociétés du groupe qui peut être qualifiée d'employeur, et elle ajoute que l'existence simultanée de deux contrats de prestation de services distincts, l'un avec la société Agro Ingrédients Technology -AIT et l'autre avec elle-même, pour des prestations différentes, exclut la requalification en contrat de travail de la relation contractuelle qu'elle a entretenue avec Monsieur [T] [G].

L'article L 8221-6 du code du travail dans sa rédaction applicable en l'espèce dispose :

I.-Sont présumés ne pas être liés avec le donneur d'ordre par un contrat de travail dans l'exécution de l'activité donnant lieu à immatriculation ou inscription :

1° Les personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés, au répertoire des métiers, au registre des agents commerciaux ou auprès des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales pour le recouvrement des cotisations d'allocations familiales ;

2° Les personnes physiques inscrites au registre des entreprises de transport routier de personnes, qui exercent une activité de transport scolaire prévu par l'article L. 214-18 du code de l'éducation ou de transport à la demande conformément à l'article 29 de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs ;

3° Les dirigeants des personnes morales immatriculées au registre du commerce et des sociétés et leurs salariés ;

II.-L'existence d'un contrat de travail peut toutefois être établie lorsque les personnes mentionnées au I fournissent directement ou par une personne interposée des prestations à un donneur d'ordre dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard de celui-ci.

Dans ce cas, la dissimulation d'emploi salarié est établie si le donneur d'ordre s'est soustrait intentionnellement par ce moyen à l'accomplissement des obligations incombant à l'employeur mentionnées à l'article L. 8221-5.

Le donneur d'ordre qui a fait l'objet d'une condamnation pénale pour travail dissimulé en application du présent II est tenu au paiement des cotisations et contributions sociales à la charge des employeurs, calculées sur les sommes versées aux personnes mentionnées au I au titre de la période pour laquelle la dissimulation d'emploi salarié a été établie.

Aux termes de l'article L 8221-6-1 du code du travail, est présumé travailleur indépendant celui dont les conditions de travail sont définies exclusivement par lui-même ou par le contrat les définissant avec son donneur d'ordre.

Les personnes désignées par les articles L 8221-6 et L 8221-6-1 du code du travail, dans l'exécution de l'activité donnant lieu à immatriculation aux registres ou répertoires, sont présumées ne pas être liées avec le donneur d'ordre par un contrat de travail. L'existence d'un contrat de travail peut toutefois être établie lorsque ces personnes fournissent des prestations dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard du donneur d'ordre. Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné, le travail au sein d'un service organisé pouvant constituer un indice du lien de subordination lorsque l'employeur détermine unilatéralement les conditions d'exécution du travail.

Monsieur [G] est dirigeant d'une entreprise immatriculée au registre du commerce et des sociétés et, à ce titre, il est présumé non salarié en application des articles L 8221-6 et L 8221-6-1 du code du travail, dans ses rapports contractuels avec la société ETABLISSEMENTS J. SOUFFLET.

La charge de la preuve de l'existence du contrat de travail dont il se prévaut lui incombe.

Monsieur [T] [G] ne sollicite pas la requalification de la relation contractuelle en contrat de travail à l'égard du groupe Soufflet mais seulement à l'égard de la société ETABLISSEMENTS J. SOUFFLET.

Le fait qu'il ait, simultanément, effectué un contrat de prestations de services pour une autre société du groupe, la société Agro Ingrédients Technology - AIT INGREDIENTS ne fait pas obstacle à la requalification à l'égard de la société ETABLISSEMENTS J. SOUFFLET ainsi que l'a jugé la cour de cassation dans une espèce similaire (cass soc 30 novembre 2010 n° 10-30.086), sous réserve qu'il apporte la preuve d'un lien de subordination.

Pour renverser la présomption de non salariat, Monsieur [T] [G] produit aux débats :

- des factures adressées soit à la société Agro Ingrédients Technology - AIT INGREDIENTS, soit à la société ETABLISSEMENTS J. SOUFFLET

- des rapports d'activité mensuels ou bi-mensuels et divers documents de travail, établis soit pour la société Agro Ingrédients Technology - AIT INGREDIENTS soit pour la société ETABLISSEMENTS J. SOUFFLET

- un email adressé le 27 février 2021 à [Y] [C], directeur industriel Groupe pour lui adresser la facture du mois de février, le rapport d'activité et les documents émis durant le mois (note mission achats, rapports étonnement et premières recommandation, feuille de route mission)

- un email adressé le 16 avril 2021 à [Y] [C] pour lui adresser la facture de la première quinzaine d'avril, le rapport d'activité et les documents émis durant la période (projet diagnostic achats transport, propositions politiques achats Groupe, extraits politiques achats Groupe, organisation cible version PA V5)

- un email adressé le 30 avril 2021 à [Y] [C] pour lui adresser la facture de la deuxième quinzaine d'avril, le rapport d'activité et les documents émis durant cette période (appel d'information achats transport, arborescence serveur achats Groupe, proposition segmentation achats Groupe)

- des échanges de SMS entre le 2 avril 2021 et le 1er juin 2021 avec [Y] [C]

- des échanges de SMS entre le 3 mars 2021 et le 1er juin 2021 avec [V] [L]

- une attestation de déplacement en période covid établie par Monsieur [J] [F] DRH Holding

La société ETABLISSEMENTS J. SOUFFLET produit aux débats :

' la convention de prestation de services pour la période du 10 février 2021 au 16 avril 2021, signée entre la société ETABLISSEMENTS J. SOUFFLET et la société FJM PERFORMANCE dont Monsieur [T] [G] est l'unique associé et le gérant, qui stipule en son article 4 'périmètre, méthodologie, démarche et rémunération' :

« en contrepartie des services rendus par le prestataire au client au titre de la mission, le client versera au prestataire une rémunération telle que définie en annexe 2 des présentes.

Cette rémunération prendra la forme d'honoraires facturables pour chaque jour où des prestations ont été effectivement réalisées par le prestataire.

Le consultant de FJM PERFORMANCE interviendra sur le périmètre groupe SOUFFLET en France ainsi que chez les filiales internationales.

Chaque dernier jour de mission du mois : bilan et programme du mois suivant

base : essentiellement sur [Localité 1] et [Localité 7] ([Adresse 2]) mais aussi sites français et étrangers.

Télétravail (bureaux [Localité 6] FJM Performance) : deux ou trois jours par mois (si pas de réunion présence sociale et accord au préalable du client)

budget : 10 février au 16 avril 2021 : 26'600 euros HT (28 jours x TJM de 950 euros HT) hors déplacements professionnels

frais de transport vers [Localité 1], [Localité 4] et [Localité 7] inclus dans le forfait

Frais de déplacement sites et autres : remboursement réel sur base facture ou réservation SOUFFLET (via statut invité)

Le prestataire sera en outre remboursé, sur présentation de justificatifs, des frais engagés dans le cadre de l'exécution de la convention, notamment les frais de déplacement sous réserve de leur conformité avec la politique voyage Groupe telle qu'en vigueur au moment du voyage et dont communication lui sera faite sur sa demande.

Le prestataire ne pourra réaliser sa mission les samedis ou dimanches ou jours fériés qu'à titre exceptionnel et uniquement après accord préalable et écrit du client.

La facturation de la rémunération forfaitaire sera effectuée sur une base mensuelle en prenant en considération le nombre de jours de prestations effectuées au cours du mois écoulé.

Les factures seront payables par le client dans un délai de 30 jours. Toute facture devra, sous peine de rejet, être conforme au code de commerce et aux stipulations précitées »

' l'annexe 1 à cette convention de prestation qui définit les missions du prestataire comme suit :

- mission : diagnostic de la fonction achats (service achats groupe Soufflet) et proposition d'une organisation cible selon la feuille de route communiquée le 5 février 2021

- contexte et enjeux : à la suite du départ à la retraite de [B] [N] (ancien secrétaire général du groupe Soufflet) le service des achats dépend depuis le 1er février 2021 de la direction industrielle dirigée par [Y] [C], rattachée à [V] [L] directeur des opérations.

Dans le but d'identifier des gains potentiels par l'optimisation de l'organisation achats actuelle, [V] [L] et [Y] [C] confient cette mission à [T] [G].

Au titre de cette mission, le prestataire réalisera toutes les activités accessoires habituelles aux prestations et missions définies ci-dessus et relevant du domaine. Les parties acceptent par conséquent que la réalisation de tels accessoires n'emportera pas modification du contrat ni de ses conditions financières.

- Prestations, méthodologie et feuille de route (planning)

collecte et analyse de l'information disponible

organigramme actuel, fiches de poste, entretiens annuels, objectifs individuels

audit de l'organisation actuelle

politiques et stratégies achats (global et ou par catégorie d'achat)

communication vis-à-vis des parties prenantes (les attentes des filières, divisions, services groupe etc).

rituels managérials et de communication (formalisation des attentes des parties prenantes)

suivi du marché fournisseurs, risque fournisseurs, évaluation fournisseurs

achats responsables et politiques RSE

SI achats. Base des données. Mesure de la performance achats : KPI actuels, tableaux de bord

- élaboration de la cartographie des achats gérés par le service achats Groupe

organisation d'un appel d'informatique par catégorie (request for information) sur la base de l'exercice 2019-2020 (famille, sous famille, article ou service, fournisseur, quantités, prix etc)

consolidation des différentes catégories

analyse ABC

- Rituels managérials

débriefing hebdomadaire concernant l'état d'avancement de la mission ([Y] [C] - [T] [G])

proposition, organisation et pilotage d'une réunion mensuelle de l'équipe achats Groupe (suivi des actions en cours et plan d'action)

organisation et débriefing des entretiens avec les parties prenantes (liste fournie par [Y] [C])

' L'annexe 2 à cette convention, relative aux conditions financières qui prévoit :

. que le client paiera le prestataire conformément aux conditions financières suivantes : 26 600 euros HT, 28 jours, 950 euros par jour

. que le tarif est réputé intégrer l'ensemble des frais et débours du prestataire, à l'exception de ceux visés à la convention ainsi que la cession du droit de propriété matérielle et intellectuelle de tous livrables ou créations réalisés par le prestataire et son consultant, tarif qui s'applique également que les prestations soient réalisées un jour ouvré ou non, mais dans ce dernier cas, sous réserve de l'accord exprès et préalable du client.

. que les journées de travail (quantité) seront organisées en concertation préalable avec le correspondant du client, le prestataire devant s'adapter afin de répondre aux exigences du client sur la période d'exécution de la mission telle que définie en annexe 1.

' la seconde convention de prestation de services signée entre la société ETABLISSEMENTS J. SOUFFLET et la société FJM PERFORMANCE pour la période du 19 avril 2021 au 7 mai 2021 qui prévoit en son article 4 'périmètre, méthodologie, démarche et rémunération' les mêmes dispositions à l'exception du budget qui est fixé à 8550 euros hors-taxes minimum (si trois jours de travail par semaine) et 14'250 euros hors-taxes maximum (si 5 jours de travail par semaine).

' L'annexe 1 à cette convention de prestation qui définit les missions du prestataire comme suit, avec les mêmes rituels managerials que précédemment :

- Mission : déploiement de l'organisation achats optimale suite à la proposition présentée le 15 avril 2021 selon le planning ci-dessous (du 19 avril au 7 mai)

- Prestations, méthodologie et feuille de route (planning) :

proposition et présentation pour validation de la politique achat

définition du périmètre de responsabilité

organisation des achats, processus achats optimisés

les règles du jeu, qui fait quoi

politiques RSE et achats responsables

les conditions du paiement

déploiement des premières étapes de la nouvelle organisation achats optimale selon la présentation du 15 avril 2015 (après validation du client)

soutien opérationnel achats à la demande du client, notamment dans le domaine achats IT

' l'annexe 2, qui contient les mêmes conditions financières sauf en ce qui concernent le nombre de jours de travail, minimum 9 jours maximum 15 jours, les journées de travail (quantité) étant organisé en concertation préalable avec le correspondant du client.

Elle produit également :

' la convention de prestation de services pour la période du 1er juillet 2020 au 30 juin 2021 signée entre la société FJM PERFORMANCE et la société AGRO INGERDIENTS TECHNOLOGIY - AIT qui prévoit en son article 4 'périmètre, méthodologie, démarche et rémunération' les mêmes dispositions à l'exception du budget qui est fixé à 105 000 euros hors déplacements professionnels.

' L'annexe 1 à cette convention qui définit la mission du prestataire comme suit :

- Prestations et liste des missions :

aider AIT et Soufflet biotechnologies à atteindre rapidement les objectifs stratégiques et tactiques du service achats division

structurer le fonctionnement et le pilotage du service : processus et indicateurs

continuer à développer les compétences de l'équipe

développer et stabiliser le fonctionnement transverse avec les autres services et les filiales (comité achats et points de coordination appro/qualité/achats qui débutent)

développer les sourcings enzymes exotiques en collaboration avec les services R&D et Qualité

conseiller [I] [X] (responsable qualité fournisseurs) dans le but de contribuer à structurer la nouvelle fonction Qualité Fournisseurs Division à partir des ressources humaines et techniques disponibles ainsi que d'optimiser l'organisation des activités partagées entre les fonctions achats et qualité fournisseurs

Au titre de cette mission, le prestataire réalisera toutes les activités accessoires habituelles aux prestations et missions définies ci-dessous et relevant du domaine. Les parties acceptent par conséquent que la réalisation de tels accessoires n'emportera pas modification du contrat ni de ses conditions financières.

- Durée : sous réserve de sa résiliation conformément aux stipulations de la convention, la mission s'exécutera entre la période suivante 1er juillet 2020 au 30 juin 2021

la période initiale pourra être prolongée par une période supplémentaire sous réserve d'un accord exprès et préalable des parties, aucune reconduction tacite n'étant acceptée entre les parties.

Les interventions du prestataire seront réalisées entre le lundi le vendredi mais le prestataire pourra également être amené, uniquement sur demande expresse et préalable du client à en réaliser hors jours ouvrés.

- Compétences : le prestataire reconnaît que la mission devra être réalisée par un directeur achats groupe expert et que Monsieur [T] [G] répond à ces exigences et que le curriculum vitae a été qui a été remis est en tout point exact et correspond à des expériences justifiables, le cas échéant sur première demande du client.

- Localisation : la mission sera réalisée au lieu figurant en comparution de la société AIT

L'annexe 2 à la convention, relative aux conditions financières qui prévoit :

- que le client paiera le prestataire conformément aux conditions financières suivantes : 105'000 euros HT, 111 jours, 950 euros par jour outre des Success Fee de 10'000 euros sur la base de l'atteinte des objectifs tangibles et mesurables (50 % le 1er février 2021 et 50 % le 1er juillet 2021)

- que le tarif est réputé intégrer l'ensemble des frais et débours du prestataire, à l'exception de ceux visés à la convention ainsi que la cession du droit de propriété matérielle et intellectuelle de tous livrables ou créations réalisés par le prestataire et son consultant ; ce tarif s'applique également que les prestations soient réalisées un jour ouvré ou non, mais dans ce dernier cas, sous réserve de l'accord exprès et préalable du client.

- que les journées de travail (quantité) seront organisées en concertation préalable avec le correspondant du client, le prestataire devant s'adapter afin de répondre aux exigences du client sur la période d'exécution de la mission telle que définie en annexe 1.

Si les échanges de sms produits aux débats permettent de constater que Monsieur [T] [G] a régulièrement participé à des réunions conformément aux dispositions contractuelles prévues dans les conventions de prestations de services, aucun de ces messages et aucune des autres pièces produites aux débats ne permettent de constater que la société ETABLISSEMENTS J. SOUFFLET a imposé sa présence à des réunions dont elle fixait elle-même les dates et la fréquence.

En tout état de cause, sa présence à certaines réunions apparaît indispensable dans le cadre d'une mission de consultant.

Monsieur [T] [G] n'établit pas qu'un ordinateur et un véhicule lui ont été remis. La société ETABLISSEMENTS J. SOUFFLET lui a créé une adresse mail mais différente de celle de ses salariés, contenant un suffixe 'ext' pour une personne extérieure à la société.

Les pièces produites aux débats n'établissent pas que Monsieur [T] [G] a reçu des consignes ou des directives quant à l'organisation, les conditions ou les horaires de travail, notamment de la part de Monsieur [Y] [C]. Il n'est pas justifié que les 'débriefings' prévus dans les conventions de prestations de services étaient l'occasion pour les salariés de la société ETABLISSEMENTS J. SOUFFLET et notamment Monsieur [Y] [C] et Monsieur [V] [L], de donner des instructions à Monsieur [T] [G] quant à l'organisation ou au contenu de son travail.

Enfin Monsieur [T] [G] prétend qu'il était intégré dans un service, le service achat et qu'il animait des réunions mais les attestations produites aux débats par la société ETABLISSEMENTS J. SOUFFLET démontrent que c'est en tant que consultant qu'il collaborait avec ses salariés.

Monsieur [U] [O], directeur Logistique du groupe Soufflet témoigne en ces termes : « En ma qualité de directeur transport et logistique du groupe Soufflet, j'ai commencé à travailler avec [T] [G] en février 2021 alors qu'il était consultant pour le groupe sur les problématiques d'achats. C'est en sa qualité de consultant qu'il s'est alors présenté à moi en me précisant que cette mission de consultant se terminait fin mai 2021. A l'époque, notre collaboration consistait principalement à lui fournir des données chiffrées sur le transport dans le groupe, à lui expliciter notre organisation et à discuter ensemble des pistes d'amélioration du process Achat et à le mettre en relation avec les interlocuteurs transport dans les différentes activités du groupe. »

Madame [Z], acheteuse atteste en ces termes : « Monsieur [G] s'est présenté début février 2021 dans mon service en tant que consultant achat. Ce dernier m'a expliqué que sa fonction était d'auditer l'ensemble des acheteurs, d'établir ensuite un rapport qu'il transmettra à la direction. Au cours des semaines qui ont suivi, j'ai eu plusieurs entretiens avec Monsieur [G] au cours desquels nous avons abordé mon mode de fonctionnement, rentré dans le détail de mes familles d'achat, étudié mes dossiers à forte valeur ajoutée. Monsieur [G] était très à l'écoute, fort de propositions et d'idées nouvelles. Monsieur [G] a proposé une première version d'une politique achat qu'il devait retravailler. »

Au vu de l'ensemble de ces éléments, Monsieur [T] [G] ne justifie pas qu'il exécutait ses tâches sous l'autorité de la société ETABLISSEMENTS J. SOUFFLET qui lui aurait donné non seulement des directives mais également des ordres, aurait fixé ses horaires et conditions de travail, aurait contrôlé l'exécution des tâches confiées et sanctionné le cas échéant ses manquements. Il est dès lors défaillant à justifier d'un lien de subordination pour la période antérieure 1er juin 2021 et donc d'un contrat de travail.

En conséquence, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande de Monsieur [T] [G] tendant à voir reconnaître sa qualité de salarié avant le 1er juin 2021 et la demande d'indemnité de travail dissimulé.

Sur la période d'essai figurant dans le contrat de travail signé le 1er juin 2021

* sur validité de la période d'essai

Le 24 mai 2021 Monsieur [T] [G] a signé un contrat à durée indéterminée à temps plein avec la société ETABLISSEMENTS J. SOUFFLET prenant effet au 1er juin 2021, en qualité de directeur des achats Groupe, statut cadre au coefficient hiérarchique 540 de la convention collective nationale des entreprises du négoce et de l'industrie des produits du sol, engrais, et produits connexes.

Ce contrat de travail prévoyait une période d'essai renouvelable une fois. Il était rappelé qu'au cours de la période d'essai, chacune des parties pouvait mettre fin au contrat à tout moment sous réserve de respecter des délais de prévenance légaux conformément aux articles L 1221-25 et 1221-26 du code du travail.

Monsieur [T] [G] soutient que la société ETABLISSEMENTS J. SOUFFLET ne pouvait stipuler une telle clause de période d'essai dans son contrat de travail dès lors qu'elle avait une parfaite connaissance de ses aptitudes professionnelles, qu'elle avait pu apprécier dans le cadre des précédentes relations contractuelles, à des fonctions identiques. Il affirme que la période d'essai a été détournée de son objet.

Il ajoute que c'est en raison de ses compétences reconnues et de l'expertise acquise au cours des relations contractuelles dans le cadre des prestations de services que Monsieur [Y] [C] a indiqué, le 1er septembre 2021, à la rubrique 4 du compte rendu d'entretien de suivi d'intégration, qu'il avait occupé ce poste auparavant.

Il souligne enfin qu'il n'a signé aucune fiche de poste de directeur des achats groupe.

La société ETABLISSEMENTS J. SOUFFLET soutient que dans le cadre de son contrat de prestation de services, Monsieur [T] [G] n'a pas été amené à encadrer et animer les collaborateurs du service achats et que, en tant que consultant, il a uniquement établi un diagnostic et des préconisations concernant la réorganisation du service achats ce qui justifiait qu'une période d'essai soit insérée à son contrat de travail pour apprécier ses qualités managériales.

La société ETABLISSEMENTS J. SOUFFLET ajoute qu'a à l'occasion de l'entretien de suivi d'intégration qui a eu lieu le 1er septembre 2021, Monsieur [Y] [C] a mis en avant des points à conforter notamment sur les compétences managériales et la sécurité. Elle affirme que la mention « [T] a occupé ce poste auparavant » ne fait pas référence à ses précédentes activités de consultant mais à sa précédente fonction de directeur des achats au sein du groupe Holder.

L'article L 1221-20 du contrat de travail dispose : 'La période d'essai permet à l'employeur d'évaluer les compétences du salarié dans son travail, notamment au regard de son expérience, et au salarié d'apprécier si les fonctions occupées lui conviennent'

L'article L 1221-21 du code du travail dispose : 'La période d'essai peut être renouvelée une fois si un accord de branche étendu le prévoit. Cet accord fixe les conditions et les durées de renouvellement.

La durée de la période d'essai, renouvellement compris, ne peut pas dépasser :

1° Quatre mois pour les ouvriers et employés ;

2° Six mois pour les agents de maîtrise et techniciens ;

3° Huit mois pour les cadres'

Aux termes de l'article L 1221-25 du code du travail, lorsqu'il est mis fin, par l'employeur, au contrat en cours ou au terme de la période d'essai définie aux articles L 1221-19 à L 1221-24 ou à l'article L 1242-10 pour les contrats stipulant une période d'essai d'au moins une semaine, le salarié est prévenu dans un délai qui ne peut être inférieur à :

1° Vingt-quatre heures en deçà de huit jours de présence ;

2° Quarante-huit heures entre huit jours et un mois de présence ;

3° Deux semaines après un mois de présence ;

4° Un mois après trois mois de présence.

La période d'essai, renouvellement inclus, ne peut être prolongée du fait de la durée du délai de prévenance.

Lorsque le délai de prévenance n'a pas été respecté, son inexécution ouvre droit pour le salarié, sauf s'il a commis une faute grave, à une indemnité compensatrice. Cette indemnité est égale au montant des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s'il avait accompli son travail jusqu'à l'expiration du délai de prévenance, indemnité compensatrice de congés payés comprise.

Il est établi qu'en qualité de directeur des achats groupe, Monsieur [T] [G] devait exercer des fonctions managériales qu'il n'exerçait pas en qualité de consultant.

En effet, l'entretien de suivi d'intégration du 1er septembre 2021 démontre que la société ETABLISSEMENTS J. SOUFFLET s'est attachée à évaluer certains aspects du poste de directeur des achats Groupe, en termes de compétences managériales, de sécurité et de capacité à prendre contact avec les services, à expliquer la stratégie et la feuille de route, aspects qui n'existaient pas dans le cadre des missions de consultant.

La mention '[T] a occupé ce poste auparavant' fait références aux précédentes expériences du salarié en qualité de directeur des achats, expériences au sein des sociétés Holder et Lesaffre qui sont rappelées en première page du compte rendu d'entretien.

C'est sans détourner la période d'essai de sa finalité que la société ETABLISSEMENTS J. SOUFFLET a inséré une telle clause au contrat de travail de Monsieur [T] [G] et elle était fondée à évaluer ses capacités managériales, ce qu'elle n'avait pas pu faire dans le cadre des contrats de prestations de services dont les objets étaient différents.

* sur la rupture de la période d'essai

L'employeur peut sans motif et sans formalité mettre fin à la période d'essai.

C'est au salarié qui prétend que la rupture est abusive qu'il incombe d'en rapporter la preuve.

Sous réserve de stipulations conventionnelles ou contractuelles contraires, aucun formalisme particulier n'est imposé à l'employeur ou au salarié pour mettre un terme à la période d'essai.

Au cas d'espèce, pendant la période d'essai qui courait du 1er juin 2021 au 30 septembre 2021, chacune des parties disposait d'un droit de résiliation discrétionnaire.

Par lettre du 15 septembre 2021 remise en main propre, la société ETABLISSEMENTS J. SOUFFLET a rompu la période d'essai à effet au 24 septembre au soir, précisant que dans la mesure où il avait effectué une période de travail supérieure à trois mois et où il bénéficiait d'un délai de prévenance d'un mois à compter de la signification de la rupture de sa période d'essai, Monsieur [T] [G] percevrait une indemnité compensatrice équivalente au salaire et à l'indemnité de congés payés qu'il aurait perçus jusqu'au 15 octobre 2021.

Il n'est pas justifié que cette rupture de la période d'essai soit abusive ou fautive c'est-à-dire avec une intention de nuire ou une légèreté blâmable.

Le contrat de travail signé entre les parties a donc été rompu au 24 septembre 2021 par l'effet de la rupture de la période d'essai.

La société ETABLISSEMENTS J. SOUFFLET a respecté le délai de prévenance en payant à Monsieur [T] [G] une indemnité compensatrice équivalente au salaire et à l'indemnité de congés payés qu'il aurait perçus jusqu'au 15 octobre 2021.

La rupture du contrat de travail n'est pas abusive et le jugement du conseil de prud'hommes sera confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur [T] [G] de sa demande de dommages et intérêts pour rupture abusive du code du travail.

Sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral du fait de la rupture brutale et vexatoire du contrat de travail

Monsieur [T] [G] sollicite la somme de 19'166,66 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral du fait de la rupture brutale et vexatoire de son contrat de travail et fait valoir, au soutien de cette demande, qu'il a accepté de quitter un statut de consultant pour intégrer un contrat à durée indéterminée et qu'à la suite de l'arrêt brutal de son contrat de travail il n'a pas eu le temps de préparer sa recherche de nouveaux clients, ce qui l'a privé de revenus à compter de septembre 2021 jusqu'au mois de janvier 2022.

Il ajoute que la société ETABLISSEMENTS J. SOUFFLET a profité de son travail et de son expertise pour faciliter son acquisition par la société INVIVO.

La société ETABLISSEMENTS J. SOUFFLET répond qu'elle n'a commis aucun abus de droit en rompant la période d'essai et que Monsieur [T] [G] ne démontre pas l'existence de son préjudice.

La rupture du contrat de travail peut causer au salarié un préjudice distinct de celui lié à la perte de son emploi, en raison des circonstances brutales ou vexatoires qui l'ont accompagnée, permettant au salarié de demander réparation de son préjudice moral, sur le fondement de la responsabilité civile prévue par l'article 1240 du code civil.

En l'espèce la société ETABLISSEMENTS J. SOUFFLET justifie par plusieurs attestations que les compétences de Monsieur [T] [G], en termes de management et de concrétisation des projets de réorganisation, n'étaient pas conformes aux attentes.

En tout état de cause Monsieur [T] [G] ne justifie ni des circonstances brutales et vexatoires qu'il allègue ni d'un préjudice concret étant souligné qu'il a été indemnisé par Pôle emploi à compter du 5 octobre 2021.

Il doit donc être débouté de sa demande de dommages et intérêts par confirmation du jugement de première instance.

Sur la demande de rappel de salaire au titre du bonus

Monsieur [T] [G] fait valoir qu'en vertu de l'article 7 de son contrat de travail, il avait droit au paiement d'un bonus.

La société ETABLISSEMENTS J. SOUFFLET répond le salarié ne remplissait pas les conditions contractuelles pour bénéficier du paiement du bonus groupe, en ce qu'il est expressément stipulé au contrat de travail que le bonus n'est dû que si le salarié est présent au dernier jour du calendrier budgétaire, soit en l'occurrence le 30 juin 2022 et que Monsieur [T] [G] était sorti de ses effectifs à cette date.

L'article sept du contrat de travail de Monsieur [T] [G] est rédigé comme suit : « la rémunération annuelle brute forfaitaire est fixée à 115'000 euros. Cette rémunération est forfaitaire et indépendante du temps passé par le salarié à remplir ses fonctions. Ce montant inclut une prime annuelle égale à 1/13 de mensualité versée en décembre (au prorata du temps de présence en cas d'année incomplète).

À compter du 1er juillet 2021, à cette rémunération de base s'ajoute un bonus groupe d'un montant maximum correspondant à 17,5 % de sa rémunération annuelle brute.

L'attribution de ce bonus est subordonnée à une double condition d'ancienneté d'au moins trois mois dans l'entreprise et dans la fonction.

En cas d'arrivée dans l'entreprise, le bonus sera versé au salarié au prorata de son temps de présence.

Les règles et modalités de calcul de ce bonus seront déterminées chaque année unilatéralement par la direction et communiquées par le supérieur hiérarchique du salarié en début d'exercice.

Le bonus n'est dû que si le salarié est présent au dernier jour du calendrier budgétaire (sauf départ à la retraite ; dans ce cas le bonus sera calculé au prorata du temps de présence sur l'exercice) »

En l'espèce le dernier jour du calendrier budgétaire est le 30 juin 2022.

Aux termes des articles 1103 et 1104 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. Ils doivent être exécutés de bonne foi.

Si l'ouverture du droit à un élément de rémunération afférent à une période travaillée peut être soumise à une condition de présence à la date de son échéance, le droit à rémunération, qui est acquis lorsque cette période a été intégralement travaillée, ne peut être soumis à une condition de présence à la date, postérieure, de son versement ainsi que l'a jugé la chambre sociale de la cour de cassation dans un arrêt du 29 septembre 2021, pourvoi n° 13-25.549.

Monsieur [T] [G], embauché le 1er juin 2021, avait 3 mois et 24 jours d'ancienneté dans l'entreprise et dans la fonction lorsque le contrat de travail a été rompu. Toutefois, il ne remplit pas la condition de présence, au 30 juin 2022, de sorte que le bonus ne lui est pas dû.

Le jugement de première instance sera confirmé sur ce point.

Sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice financier lié à l'absence de fixation d'objectifs par l'employeur

Monsieur [T] [G] fait valoir que les modalités de calcul du bonus annuel devaient être déterminées chaque année unilatéralement par la direction et communiquées par le supérieur hiérarchique du salarié en début d'exercice et qu'il n'a pas été informé des modalités de calcul précitées alors que l'exercice fiscal avait débuté le 1er juillet 2021.

Il soutient qu'en ne lui communiquant pas les objectifs et les modalités de calcul du bonus, la société ETABLISSEMENTS J. SOUFFLET ne l'a pas mis en mesure d'accéder à la rémunération variable, ce qui est à l'origine d'un préjudice financier qui devra être réparé par des dommages et intérêts d'un montant de 10'000 euros.

La société ETABLISSEMENTS J. SOUFFLET répond que les objectifs sont en principe fixés lors des entretiens d'évaluation et qu'en l'espèce l'entretien d'évaluation n'a pas eu lieu en raison de la rupture de la période d'essai. Elle souligne que Monsieur [T] [G] ne démontre aucun préjudice.

L'article 7 du contrat de travail de Monsieur [T] [G] prévoit que les règles et modalités de calcul du bonus sont déterminées chaque année unilatéralement par la direction et communiquées par le supérieur hiérarchique du salarié en début d'exercice.

Il est établi que les règles et modalités de calcul du bonus n'ont pas été communiquées à Monsieur [T] [G] alors que l'exercice avait commencé le 1er juillet 2021.

Toutefois, il n'existe en l'espèce aucun préjudice dès lors que Monsieur [T] [G], du fait de son absence des effectifs de l'entreprise au 30 juin 2022, n'avait pas droit au bonus ainsi que cela a été jugé ci-dessus.

C'est donc à raison que le premier juge a débouté Monsieur [T] [G] de sa demande à ce titre.

Sur les autres demandes

Monsieur [T] [G] succombant en ses demandes à hauteur d'appel, le jugement de première instance doit être confirmé en ce qu'il a mis les dépens à sa charge.

Monsieur [T] [G] est condamné à payer à la société ETABLISSEMENTS J. SOUFFLET la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles à hauteur d'appel.

Il est débouté de sa demande au titre des frais irrépétibles et condamné aux dépens de la procédure d'appel

Par ces motifs :

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

CONFIRME le jugement de première instance en toutes ses dispositions ;

y ajoutant,

CONDAMNE Monsieur [T] [G] à payer à la société ETABLISSEMENTS J. SOUFFLET la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles à hauteur d'appel ;

DÉBOUTE Monsieur [T] [G] de sa demande au titre des frais irrépétibles ;

CONDAMNE Monsieur [T] [G] aux dépens de la procédure d'appel ;

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Reims
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 23/00920
Date de la décision : 04/09/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/09/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-09-04;23.00920 ?
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