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16/10/2018 | FRANCE | N°18/02728

France | France, Cour d'appel de Rennes, 3ème chambre commerciale, 16 octobre 2018, 18/02728


3ème Chambre Commerciale





ARRÊT N° 375



N° RG 18/02728 et 18/02730













Etablissement Public SNCF RESEAU



C/



SAS COMBIWEST

SELARL FIDES



















Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée















Copie exécutoire délivrée



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à : Me X...

Me Y...

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 16 OCTOBRE 2018





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ:

Président : Monsieur Pierre CALLOCH, Président de chambre, rapporteur

Assesseur : Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseillère,

Assesseur ...

3ème Chambre Commerciale

ARRÊT N° 375

N° RG 18/02728 et 18/02730

Etablissement Public SNCF RESEAU

C/

SAS COMBIWEST

SELARL FIDES

Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Copie exécutoire délivrée

le :

à : Me X...

Me Y...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 16 OCTOBRE 2018

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ:

Président : Monsieur Pierre CALLOCH, Président de chambre, rapporteur

Assesseur : Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseillère,

Assesseur : Monsieur Dominique GARET, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Isabelle GESLIN OMNES, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 04 Septembre 2018

ARRÊT :

contradictoire, prononcé publiquement le 16 Octobre 2018 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE :

SNCF RESEAU, immatriculé au RCS de Bobigny sous le n° 412 280 737, établissement public à caractère industriel et commercial, représenté par le président de son conseil d'administration domicilié [...]

Représentée par Me Benoît X... de la SELARL LEXAVOUE RENNES ANGERS, postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Anne Z... de la SCP GRANRUT SOCIETE D'AVOCATS, plaidant, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉES :

SAS COMBIWEST, placée en liquidation judiciaire par jugement tribunal de commerce de Brest du 22 04 2016, prise en la personne de son représentant légal domicilié [...]

Représentée par Me Philippe Y... de la A..., plaidant/postulant, avocat au barreau de BREST

SELARL FIDES représentée par Maître Bernard B..., ès qualités de mandataire liquidateur de la liquidation judiciaire de la SAS COMBIWEST, désignée à cette fonction par jugement du Tribunal de commerce de BREST du 22 avril 2016

[...]

Représentée par Me Philippe Y... de la A..., plaidant/postulant, avocat au barreau de BREST

FAITS ET PROCÉDURE

Suivant demande signée le 6 avril 2011, la société COMBIWEST, spécialisée dans le transport combiné rail-route, s'est vue attribuée des sillons par SNCF RÉSEAU, établissement public national à caractère industriel et commercial chargé de la gestion de l'infrastructure ferroviaire du réseau ferré national. Le 16 novembre 2012, les deux parties ont signé une convention d'occupation du domaine public permettant à la société COMBIWEST d'utiliser le site de RENNES PLATEAU DE BAUD pour exercer son activité.

Par requête en date du 21 avril 2015, SNCF RÉSEAU a saisi le tribunal administratif de PARIS d'une demande en paiement par la société COMBIWEST d'une somme en principal de 3 305 920 € 54 au titre des redevances d'infrastructure et des redevances d'occupation domaniale non payées. Par arrêt en date du 27 juin 2017, la cour administrative d'appel de PARIS s'est déclarée incompétente pour connaître des demandes formées au titre des redevances d'infrastructure et a débouté SNCF RÉSEAU de ses demandes au titre des redevances d'occupation domaniale.

Suivant jugement en date du 26 janvier 2016, le tribunal de commerce de BREST a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société COMBIWEST et a nommé la SELARL EMJ en qualité de mandataire judiciaire.

Le 15 mars 2016, SNCF RÉSEAU a déclaré sa créance à hauteur d'une somme totale de 5 768 469 € 78, dont 4 767 399 € 08 au titre des redevances d'infrastructure et 82912€ 62 au titre des redevances d'occupation domaniale.

Suivant jugement en date du 22 avril 2016, le tribunal de commerce a converti le redressement judiciaire de la société COMBIWEST en liquidation judiciaire et a nommé la SELARL FIDES en qualité de liquidateur.

Le 29 juin 2016, la société COMBIWEST a contesté la déclaration de créance formée par SNCF RÉSEAU. Suivant ordonnance en date du 17 juillet 2017, le juge commissaire a constaté l'existence de l'instance alors pendante devant les juridictions administratives de PARIS et a ordonné le sursis à statuer.

La Cour administrative d'appel ayant prononcé son arrêt le 27 juin 2017, SNCF RÉSEAU a saisi le juge commissaire aux fins de la fixation de sa créance.

Par acte en date du 17 janvier 2018, la société COMBIWEST et la SELARL FIDES ont fait assigner SNCF RÉSEAU devant le tribunal de commerce de PARIS afin d'obtenir sa condamnation au paiement de la somme de 9 323 452 € au titre de dommages-intérêts, outre 150 000 € en réparation de son préjudice moral.

Suivant ordonnance en date du 9 avril 2018, le juge commissaire s'est déclaré incompétent pour connaître du litige et a constaté l'existence d'une contestation sérieuse. Il a constaté l'existence d'une instance en cours devant le tribunal de commerce de PARIS et a prononcé le sursis à statuer.

SNCF RÉSEAU a interjeté appel de cette décision par deux déclarations distinctes enregistrées au greffe le 23 avril 2014.

SNCF RÉSEAU a assigné à jour fixe la société COMBIWEST et la SELARL FIDES par acte en date du 6 juin 2018 afin que soit examiné son appel portant sur la déclaration d'incompétence.

L'examen des deux appels a été fixé à l'audience du 4 septembre 2018.

A l'appui de ses recours, SNCF RÉSEAU, par conclusions déposées le 30 août 2018, soutient que le juge commissaire était compétent pour connaître de sa demande dès lors que seule une instance en cours au jour du jugement d'ouverture prive le juge commissaire de son pouvoir d'admission des créances, rappel étant fait qu'en l'espèce l'action en dommages-intérêts a été introduite par la société COMBIWEST le 17 janvier 2018 et qu'il n'existerait aucun lien entre cette instance et celle introduite devant la juridiction de l'ordre administratif. Elle conteste l'existence de contestations sérieuses empêchant le juge commissaire d'admettre sa créance dès lors qu'aucune juridiction n'est saisie d'une contestation sur le bien fondé de ses deux créances contractuelles. Elle invoque en toute hypothèse le principe de non compensation entre créances publiques et créances privées et soutient qu'en application de ce principe, l'éventuelle créance fixée par le tribunal de commerce de PARIS ne pourrait venir diminuer ou absorber sa propre créance. SNCF RÉSEAU conclut en conséquence à la réformation de l'ordonnance en ce que le juge commissaire a refusé de statuer sur l'admission de sa créance. Sur le fond, elle demande à la cour d'user de son pouvoir d'évocation et d'admettre sa créance pour un montant de 5 768 469 € 78 se décomposant de la manière suivante :

- 4 767 399 € 08 au titre des redevances d'infrastructure antérieures au 26 janvier 2016.

- 903 998 € 08 au titre des intérêts de retard

- 4 160 € au titre du forfait contractuel de recouvrement

- 82 912 € 62 au titre des redevances d'occupation domaniale

- 10 000 € en application de l'article L 761-1 du Code de justice administrative.

Elle conclut à la validité de la déclaration de créance du 15 mars 2016, celle ci ayant été effectuée par une personne régulièrement habilitée. Sur le fond, elle indique en substance que les sommes dues au titre des redevances d'infrastructure sont contractuellement dues, le débiteur n'ayant pas formé de contestation dans les délais à réception des factures. Sur les redevances d'occupation domaniale, elle se réfère aux conditions contractuelles pour affirmer que la société COMBIWEST en est redevable dès lors qu'elle n'a pas déclaré le nom de l'entreprise ferroviaire utilisatrice. Elle conteste tout manquement à ses propres obligations et avoir commis le moindre acte discriminatoire et demande à la cour de rejeter les demandes indemnitaires formées à ce titre. Elle indique enfin ne pas s'opposer à la jonction des deux procédures d'appel et sollicite l'octroi d'une somme de 12 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La société COMBIWEST et la SELARL FIDES, par conclusions déposées le 20 août 2018, se réfèrent aux motivations du tribunal administratif puis de la cour administrative d'appel pour soutenir que le litige opposant les parties est de nature commerciale et relève en conséquence des règles relatives aux procédures collectives. Sur le fond, elles affirment que la société COMBIWEST est créancière et non débitrice à l'égard de SNCF RÉSEAU et rappellent que le litige est déjà soumis à l'appréciation du tribunal de commerce de PARIS. Selon elles, le juge commissaire est compétent en application de l'article L 624-2 pour constater l'existence d'une instance en cours au jour où il statue sur l'admission des créances, la notion d'instance en cours devant s'apprécier au jour où ce juge statue. Elles soulignent la complexité des contestations opposant les parties et affirment que les créances respectives ont une nature commerciale, et seraient en conséquence compensables. Elles concluent en conséquence à la jonction des deux procédures d'appel, au débouté de SNCF RÉSEAU et à sa condamnation au paiement d'une somme de 6 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la jonction entre les procédures

Les deux appels interjetés par SNCF RÉSEAU visant la même décision et étant fondés sur les mêmes moyens, il apparaît d'une bonne administration de la justice de prononcer la jonction entre les deux procédures, enregistrées au rôle respectivement sous les numéros 18/02728 et 18/02730.

Sur le fond

En application de l'article L 624-2 du Code de Commerce, le juge-commissaire décide de l'admission ou du rejet des créances, ou constate soit qu'une instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence ; le même texte donne compétence au juge commissaire, en l'absence de contestation sérieuse, dans les limites de la compétence matérielle de la juridiction qui l'a désigné, pour statuer sur tout moyen opposé à la demande d'admission.

Suivant arrêt en date du 27 juin 2017 devenu définitif, la Cour administrative d'appel de PARIS a confirmé le jugement du tribunal administratif s'étant déclaré incompétent pour connaître de la demande en paiement des redevances dues au titre de l'utilisation des sillons au motif que ces redevances avaient une origine contractuelle et ne relevaient pas du pouvoir réglementaire concédé à SNCF RÉSEAU ; la même juridiction a débouté SNCF RÉSEAU de sa demande en paiement des redevances d'occupation domaniale faute de communication des factures à la société COMBIWEST ; il résulte de cette décision que la demande en admission de créance au titre des redevances d'occupation domaniale se heurte à l'autorité de la chose jugée issue de l'arrêt du 27 juin 2017 ayant rejeté au fond l'action en paiement formée à ce titre ; en revanche, la demande en admission de créance au titre des redevances dues pour l'utilisation des sillons n'a fait l'objet d'aucune décision au fond, la juridiction administrative renvoyant le créancier à saisir les juridictions de l'ordre judiciaire, et elle relève bien de la compétence du juge commissaire, aucune décision de justice n'ayant statué sur son existence et son montant.

La lecture de l'arrêt de la cour administrative d'appel de PARIS permet de constater que devant cette juridiction, et dès l'introduction de l'instance devant le tribunal administratif, la société COMBIWEST a opposé à la société SNCF RÉSEAU l'inexécution d'une partie de ses obligations contractuelles et a demandé qu'une compensation soit opérée entre les sommes par elles dues au titre des redevances pour l'utilisation des sillons et la réparation du préjudice résultant des manquements invoqués; la société COMBIWEST, conformément à l'arrêt de la Cour administrative d'appel, a porté sa demande en réparation devant le tribunal de commerce de PARIS par acte en date du 17 janvier 2018 ; il résulte de cette assignation que la demande en paiement de dommages-intérêts est fondée sur l'ancien article 1147 du Code de Commerce, et qu'elle correspond en conséquence bien à une demande formée sur le fondement de l'inexécution par la société SNCF RÉSEAU de ses propres obligations contractuelles ; cette demande constitue ainsi une contestation sérieuse de nature à réduire où à mettre à néant la propre créance invoquée par la société SNCF RÉSEAU; le principe de la non compensation des créances publiques invoqué par la société SNCF RÉSEAU, établissement public à caractère industriel et commercial, ne fait pas perdre à cette contestation son caractère sérieux, notamment du fait que le débiteur invoque non seulement une créance indemnitaire du fait de certains agissements de son cocontractant, mais aussi la mauvaise exécution ou l'inexécution partielle du contrat à l'origine de sa propre obligation de payer.

Il apparaît ainsi qu'au jour où le juge commissaire a statué sur la contestation de la déclaration de créance, le bien fondé de la demande en paiement des redevances formée par la société SNCF RÉSEAU se heurtait à une contestation sérieuse, contestation déjà portée devant les juridictions administratives, puis le 17 janvier 2018, devant le tribunal de commerce de PARIS ; si le juge commissaire, reprenant les termes de l'article L 624-2 du Code de Commerce, s'est alors improprement déclaré incompétent, il a par contre à bon droit constaté l'existence de cette contestation sérieuse ainsi que la saisine d'une juridiction compétente pour statuer sur le bien fondé de celle ci et en a déduit l'obligation pour lui d'ordonner le sursis à statuer ; il y a lieu dès lors d'infirmer l'ordonnance en ce que le juge commissaire s'est déclaré incompétent, mais de la confirmer en ce qu'elle a ordonné le sursis à statuer.

En l'état de la procédure, il ne serait pas équitable de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une quelconque des parties.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

- ORDONNE la jonction entre les procédures enrôlées sous les numéros 18/02728 et 18/02730.

- INFIRME l'ordonnance en date du 9 avril 2018 en ce que le juge commissaire s'est déclaré incompétent,

Statuant sur ce point,

- DIT que la juge commissaire est compétent pour connaître de la demande d'admission de créance formée par SNCF RÉSEAU.

- CONFIRME l'ordonnance ayant ordonné le sursis à statuer dans l'attente de la décision définitive de la procédure engagée devant le tribunal de commerce de PARIS par la société COMBIWEST et la SELARL FIDES.

- DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes.

- MET les dépens à la charge de SNCF RÉSEAU.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 3ème chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 18/02728
Date de la décision : 16/10/2018

Références :

Cour d'appel de Rennes 02, arrêt n°18/02728 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-10-16;18.02728 ?
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