6ème Chambre A
ARRÊT N° 87
N° RG 19/01562 - N° Portalis DBVL-V-B7D-PS5D
M. Q... E...
C/
Mme H... R...
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me MARCAULT - DEROUARD
Me Bruno LE TOULLEC
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 03 FEVRIER 2020
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Cécile MORILLON-DEMAY, Présidente de chambre,
Assesseur : Monsieur Yves LE NOAN, Conseiller,
Assesseur : Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Patricia IBARA, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 16 Décembre 2019 devant Madame Cécile MORILLON-DEMAY, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 03 Février 2020 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats.
****
ENTRE
DEMANDEUR A LA REQUÊTE :
Monsieur Q... E...
né le [...] à CLISSON (44190)
demeurant [...]
Représenté par Me Franck MARCAULT-DEROUARD de la SCP CALVAR & ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES
ET :
Madame H... R...
née le [...] à POITIERS (86000)
demeurant [...]
Représentée par Me Bruno LE TOULLEC, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES
Monsieur Q... E... et Madame H... R... se sont mariés le [...] à CLISSON (Loire-Atlantique) sous le régime de la communauté de biens réduite aux acquêts, suivant contrat reçu le 13 juin 1991 par Maître M... J..., notaire à CLISSON.
Ils ont changé de régime matrimonial pour adopter celui de la séparation des biens le 6 juin 1996, selon acte notarié homologué par jugement du Tribunal de grande instance de NANTES le 24 février 1998.
Les époux ont procédé au partage de la communauté par acte notarié du 20 juin 1998 en fixant au 24 février 1998 la date de la dissolution de la communauté.
Le divorce des époux E.../R... a été prononcé par arrêt de la Cour d'Appel de RENNES du 27 octobre 2003, qui a notamment alloué à Madame R... une prestation compensatoire d'un montant de 75 000€.
Monsieur E... a, le 31 décembre 2003, saisi le tribunal de grande instance de NANTES pour voir condamner Madame R... au paiement de la somme de 143 429,77 € au titre d'un passif fiscal commun, et a appelé le notaire en garantie.
Par jugement du 21 avril 2011, le Tribunal de grande instance de NANTES a, après expertise :
- débouté chacune des parties de l'ensemble de ses demandes,
- laissé à chacune d'elle la charge de ses propres dépens,
- dit n'y avoir lieu à indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de Monsieur E... et de Madame R...,
- condamné Monsieur E... à verser au notaire la somme de 3 000€ à ce titre.
Par déclaration du 21 juillet 2011, Monsieur E... a interjeté appel de ce jugement.
Par arrêt du 11 septembre 2012, la Cour d'Appel de RENNES a notamment:
- confirmé le jugement en ce qu'il a :
- débouté Monsieur E... de ses demandes et l'a condamné à verser au notaire une somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- débouté Madame R... de sa demande de dommages-intérêts,
- infirmé le jugement en ses autres dispositions et statuant à nouveau :
- condamné Monsieur E... à payer à Madame R... une somme de 702 756,16 €, égale aux droits de celle-ci dans le partage complémentaire, outre intérêts au taux légal à compter de la demande, soit le 28 juin 2004, avec capitalisation par année entière,
- débouté les parties de toutes autres demandes au fond,
- condamné Monsieur E... aux dépens de première instance, comprenant les frais d'expertise, et d'appel et dit que ceux-ci pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile,
- condamné Monsieur E... à payer à Madame R... une somme de 30 000 € au titre de l'article 700 du code du code de procédure civile.
Le 6 mars 2019, Monsieur E... a saisi la Cour d'Appel de RENNES d'une requête en rectification d'erreur matérielle de cet arrêt et lui a demandé de dire en conséquence que le dispositif de ladite décision sera rectifié de la manière suivante: 'Condamne Monsieur Q... E... à payer à Madame H... R... une somme de 101 446,10 € égale aux droits de celle-ci dans le partage complémentaire, outre intérêts au taux légal à compter de la demande, soit le 28 juin 2004, avec capitalisation par année entière'.
Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 13 décembre 2019, Monsieur Q... E... maintient sa demande principale et à titre subsidiaire, demande à la cour de :
- dire que le dispositif de la décision sera rectifié de la manière suivante : 'condamne Monsieur Q... E... à payer à Madame H... R... une somme de 198 974,78 € égale aux droits de celle-ci dans le partage complémentaire, outre intérêts au taux légal à compter de la demande, soit le 28 juin 2004, avec capitalisation par année entière,'
- ordonner qu'il sera fait mention de cette rectification en marge de la minute de la décision en cause et des expéditions qui en seront délivrées,
- dire que la décision rectificative à intervenir devra être notifiée au même titre que la précédente décision,
- dire que les frais et dépens seront à la charge du Trésor Public,
- à titre infiniment subsidiaire, avant-dire droit, nommer tel expert qu'il plaira avec notamment pour mission d'analyser l'erreur matérielle relative à la quantification des mouvements supérieurs à 50 000 FRF sur le compte CIO n° [...], cet expert pouvant, au besoin, accéder aux documents détenus par Maître V....
Aux termes de ses dernières écritures, notifiées le 5 décembre 2019, Madame H... R... demande à la cour de :
- débouter Monsieur E... de l'intégralité de ses demandes,
- à titre reconventionnel, le condamner à lui payer la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Ces écritures sont expressément visées pour complet exposé des prétentions respectives des parties et de leurs moyens.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Il résulte des dispositions de l'article 462 du code de procédure civile que les erreurs et omissions matérielles qui affectent un jugement, même passé en force de chose jugée, peuvent toujours être réparées par la juridiction qui l'a rendu.
Cependant, le juge ne peut, sous couvert de rectification, modifier les droits et obligations des parties tels qu'ils résultent du jugement et se livrer ainsi à une nouvelle appréciation des éléments de la cause. En particulier, il est constant que l'erreur d'appréciation d'un fait par la décision critiquée ne rentre pas dans le champ d'application de l'article 462 du code de procédure civile.
A l'appui de sa demande en rectification, Monsieur Q... E... fait valoir que, sur une somme totale de 32 068 355,05 francs dont Madame H... R... demandait la réintégration dans l'actif commun, la cour a estimé que certains des débits supérieurs à 50 000 francs figurant sur les relevés de compte litigieux, étaient compensés par une somme équivalent en crédit, ne retenant au final que des débits sans correspondance au crédit pour une somme de 7 923 184,42 francs, devant être réintégrée dans l'actif communautaire.
Il expose qu'il a donc fait réaliser une expertise privée confiée à Monsieur C... et il s'appuie sur les résultats de cette dernière pour soutenir que la cour, dans sa décision du 11 septembre 2012, a commis une erreur matérielle de calcul.
Pour sa part, Madame H... R... fait valoir qu'en réalité Monsieur Q... E... tente d'obtenir une révision de l'arrêt litigieux sur la base d'éléments qui étaient déjà à disposition de la cour lorsqu'elle a statué. Elle ajoute que la cour avait déjà été saisie de ces prétendues erreurs arithmétiques et les a écarté dans son arrêt de 2012, Monsieur Q... E... tentant aujourd'hui de remettre en cause l'autorité de chose jugée attachée à cette décision.
L'erreur matérielle invoquée par Monsieur Q... E... à l'appui de sa requête ne concerne que le compte CIO n° 015025776 P, ouvert à son nom et les mouvements qui y figurent entre le 3 janvier 1994 et le 24 février 1998, d'un montant supérieur à 50 000 francs.
C'est dans le cadre de son pouvoir souverain d'appréciation que la cour a considéré que, sur le nombre de débits supérieurs à cette somme enregistrés au cours de la période considérée, sans qu'une contrepartie équivalente ne soit enregistrée en crédit, seule une partie qu'elle a retenu à hauteur de la somme de 7 923 184,42 francs, devait être réintégrée dans l'actif de communauté dès lors que Monsieur Q... E... ne justifiait pas de l'emploi de ces sommes dans l'intérêt commun des époux.
L'ensemble des relevés bancaires litigieux ont été soumis à l'expert judiciaire désigné le 19 mai 2005 puis à la cour d'appel, et ce n'est qu'à la suite d'un examen minutieux de ces relevés, que la cour a considéré que seule une somme de 7 923 184,42 francs devait être retenue alors que la réclamation de Madame H... R... portait sur un montant total de 32 068 355,03 francs.
Dans le cadre de son mémoire ampliatif déposé devant la cour de cassation le 29 avril 2013, Monsieur Q... E... développait un moyen de violation de l'article 455 du code de procédure civile en ce que la cour d'appel n'avait pas justifié le calcul auquel elle a procédé au regard des relevés de compte, en retenant un montant total de 7 923 184,42 francs alors que pour sa part, il évaluait l'ensemble des chèques émis pour une somme supérieure à 50000 francs à un total de 2 162 358 francs.
La cour de cassation s'est prononcée le 16 septembre 2014 sur ce point en relevant que 'sous couvert de griefs non fondés de méconnaissance de l'objet du litige et du principe de la contradiction, de manque de base légale, de violation de la loi et de défaut de motifs, le moyen ne tend qu'à remettre en discussion devant la cour de cassation les constatations et appréciations des juges d'appel sur la base desquels les droits de chacun des ex-époux ont été fixés en vue du partage complémentaire de la communauté ayant existé entre eux.'
Il convient de rappeler que pour prendre sa décision, la cour s'est fondée sur l'ensemble des relevés bancaires produits devant elle par Monsieur Q... E.... Elle a souverainement apprécié l'importance des mouvements de fonds qui ont été initiés par le requérant sans qu'il soit en mesure de justifier de leur utilisation dans l'intérêt commun des époux. A ce titre, le document intitulé ' rapport d'expertise amiable' en date du 27 juin 2018 n'est pas de nature à rapporter la preuve d'une erreur matérielle dès lors qu'il se fonde sur des éléments fournis exclusivement par Monsieur Q... E... et sur la base d'annotations manuscrites figurant sur les relevés bancaires émanant de ce dernier pour lesquels Monsieur C... prend le soin de préciser qu'elles n'étaient pas disponibles lors de l'arrêt d'appel. Ce rapport, établi de toute évidence pour satisfaire Monsieur Q... E..., ne donne aucune précision sur les opérations bancaires qui auraient été omises ou rajoutées par erreur par la juridiction d'appel. Il est donc inefficace à rapporter la preuve qui incombe à Monsieur Q... E... d'une erreur matérielle commise dans le cadre de la décision du 11 septembre 2012.
Par conséquent, au regard notamment de l'autorité de chose jugée attachée à l'arrêt de la cour de cassation et du constat que Monsieur Q... E... entend, par le biais d'une requête en rectification d'une erreur matérielle, obtenir un nouvel examen des faits et remettre en cause l'appréciation que la cour d'appel a déjà fait des éléments de preuve qui lui ont été soumis, la présente requête sera rejetée.
Monsieur Q... E... qui succombe doit supporter les dépens de l'instance.
Il serait inéquitable de laisser à la charge de Madame H... R... les frais non compris dans les dépens exposés dans le cadre de la présente instance. Aussi, il convient de lui allouer la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Rejette la requête en rectification d'erreur matérielle présentée par Monsieur Q... E... le 6 mars 2019,
Condamne Monsieur Q... E... à payer à Madame H... R... une somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Monsieur Q... E... aux entiers dépens de la présente instance.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,