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06/07/2022 | FRANCE | N°18/02193

France | France, Cour d'appel de Rennes, 5ème chambre, 06 juillet 2022, 18/02193


5ème Chambre





ARRÊT N°-215



N° RG 18/02193 - N° Portalis DBVL-V-B7C-OXSC













SAS SOCIETE NANTAISE DE L'HOTEL DE FRANCE



C/



SCI SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE JEAN GRASLIN



















Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée















Copie exécutoire délivrée



le :



à :
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 06 JUILLET 2022





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Pascale LE CHAMPION, Présidente,

Assesseur : Madame Virginie PARENT, Présidente,

Assesseur : Madame...

5ème Chambre

ARRÊT N°-215

N° RG 18/02193 - N° Portalis DBVL-V-B7C-OXSC

SAS SOCIETE NANTAISE DE L'HOTEL DE FRANCE

C/

SCI SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE JEAN GRASLIN

Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 06 JUILLET 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Pascale LE CHAMPION, Présidente,

Assesseur : Madame Virginie PARENT, Présidente,

Assesseur : Madame Virginie HAUET, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Catherine VILLENEUVE, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 27 Avril 2022

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 06 Juillet 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE :

SAS SOCIETE NANTAISE DE L'HOTEL DE FRANCE prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège

[Adresse 2]

[Localité 7]

Représentée par Me Valérie DOUARD de la SELARL RAVET & ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Estelle GOUBARD, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE :

SCI SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE JEAN GRASLIN immatriculée au RCS de NANTES sous le numéro 424 523 942, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,

[Adresse 2]

[Localité 7]

Représentée par Me Benoît BOMMELAER de la SELARL CVS, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Laurence CADENAT de la SELARL CVS, Plaidant, avocat au barreau de NANTES

La SAS Société Nantaise de l'Hôtel de France exploite un hôtel 4 étoiles à [Localité 8] sous l'enseigne Oceania Hôtel de France dans un ensemble immobilier en exécution de deux baux commerciaux :

- le premier du 5 décembre 1994 renouvelé pour une durée de 12 ans à compter du 31 décembre 2006 consenti par la SCI Jean Graslin pour le sous-sol, la cour et le porche, les premier, deuxième troisième, quatrième et cinquième étages de l'immeuble situé [Adresse 4] et [Adresse 6],

- le deuxième consenti le 21 février 2013 à effet du 1er janvier 2013 par la SCI Azur au sujet de la cave, les premier, deuxième et troisième étages ainsi que les combles de l'immeuble situé [Adresse 5] et [Adresse 1].

La SAS Société Nantaise de l'Hôtel de France a envisagé des travaux de rénovation pour lesquels elle a obtenu un permis de construire le 15 juin 2012.

Elle a sollicité en référé la désignation d'un expert aux fins d'établir l'état des lieux de l'hôtel et des immeubles voisins. Par ordonnance du 11 octobre 2012, M. [T] [R] a été nommé en qualité d'expert

La mission de l'expert a été étendue le 31 octobre 2013 notamment pour déterminer les travaux qui ne sont que la conséquence des travaux autorisés ou qui auraient été inutiles si les travaux voulus par le preneur n'avaient pas été réalisés, ceux susceptibles de relever du clos et du couvert, d'une mise en sécurité, d'une mise aux normes et du désamiantage ainsi que les travaux.

L'expert a déposé son rapport le 4 décembre 2014.

Sur la base des conclusions de l'expert et soutenant qu'une partie des travaux réalisés correspondait à des manquements du bailleur à ses obligations, la SAS Société Nantaise de l'Hôtel de France a fait assigner la SCI Jean Graslin devant le tribunal de grande instance de Nantes par acte d'huissier du 9 octobre 2015.

Par jugement en date du 1er février 2018, le tribunal a :

- condamné la SCI Jean Graslin à payer à la SAS Société Nantaise de l'Hôtel de France la somme de 343 126,31 euros au titre des travaux lui incombant,

- rejeté toutes autres prétentions plus amples ou contraires,

- ordonné l'exécution provisoire,

- condamné la SAS Société Nantaise de l'Hôtel de France aux dépens.

Le 3 avril 2018, la SAS Société Nantaise de l'Hôtel de France a interjeté appel de cette décision et aux termes de ses dernières écritures notifiées le 31 mars 2022, elle demande à la cour de :

- la dire et juger recevable et bien fondée en son appel et en l'ensemble de ses demandes,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SCI Jean Graslin au paiement de la somme de 343 126,31 euros,

- réformer le jugement entrepris en ce que le tribunal de grande instance de Nantes l'a déboutée de ses plus amples demandes,

Et dès lors statuant à nouveau :

- dire et juger que la SCI Jean Graslin est tenue de prendre en charge les réparations nécessaires au maintien du clos et du couvert,

- dire et juger que la SCI Jean Graslin est tenue de prendre en charge toutes les réparations rendues indispensables par la vétusté ou résultant des vices découverts en cours de procédure d'expertise,

- dire et juger que la SCI Jean Graslin est tenue de prendre en charge tous les travaux de mise en conformité de l'hôtel exclus par le jugement entrepris,

- dire et juger que la SCI Jean Graslin est tenue de prendre en charge tous les travaux de désamiantage exclus par le jugement entrepris,

- dire et juger que la SCI Jean Graslin est tenue de prendre en charge tous les travaux au titre des fenêtres en leur ensemble outre des salles de bains exclus par le jugement entrepris,

- dire et juger que la SCI Jean Graslin a manqué à ses obligations légales et

contractuelles et a résisté abusivement dans la mise en 'uvre des réparations et travaux lui incombant,

En conséquence,

- entériner pour partie le rapport d'expertise, déposé le 4 décembre 2014, par M. [R], expert désigné par le tribunal,

Sur l'action en remboursement des travaux :

- dire et juger qu'elle bénéficiait des autorisations nécessaires pour réaliser les travaux, lesquels étaient de surcroît urgents,

- dire et juger, subsidiairement, que les conditions de l'article 1144 du code civil sont réunies et, dans tous les cas, que le bailleur ne peut invoquer ces dispositions de mauvaise foi et en toute incohérence pour échapper à ses obligations,

- condamner la SCI Jean Graslin à lui rembourser la somme totale de

1 329 301,93 euros HT, en deniers ou quittance, au titre des réparations et travaux avancés par le preneur en lieu et place du bailleur,

Sur les travaux restant à exécuter :

- condamner la SCI Jean Graslin à faire réparer :

* le mur rideau constituant la verrière de l'escalier principal,

* le porche d'entrée sculpté,

- condamner la SCI Jean Graslin à faire exécuter les travaux sous astreinte de 500 euros par jour de retard 15 jours après la signification du jugement à intervenir,

Sur la réparation des préjudices subis :

- dire et juger que la SCI Jean Graslin a manqué à ses obligations légales et contractuelles et a eu comportement déloyal envers elle,

- condamner, en conséquence, la SCI Jean Graslin à réparer son entier préjudice et dès lors la condamner à lui verser des dommages et intérêts, se décomposant comme suit :

* 180 000 euros au titre de son préjudice de jouissance,

* 237 783,33 euros au titre de son préjudice d'exploitation,

* 148 881,81 euros au titre de ses préjudices financiers,

* 21 083,78 euros au titre de son préjudice d'image,

* si par extraordinaire, la cour devait la débouter de ses demandes de remboursement, elle devra en revanche condamner la SCI Jean Graslin à lui régler une somme de 986 175,62 euros, à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice matériel,

En tout état de cause,

- débouter la SCI Jean Graslin de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- condamner la SCI Jean Graslin à lui payer la somme 50 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens de première instance en ce compris les frais d'expertise, les dépens des référés, dont distraction au bénéfice de maître Jarry, avocat constitué,

- dire et juger que les condamnations prononcées seront assorties des intérêts légaux à valoir à compter du 4 décembre 2014, date du rapport définitif de M. [R], et condamner à leur capitalisation.

Par dernières conclusions notifiées le 9 juin 2021, la SCI Jean Graslin demande à la cour de :

Sur l'action en remboursement des travaux :

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il l'a condamnée à payer la somme de 343 126,31 euros à Société Nantaise de l'Hôtel de France,

Et statuant à nouveau :

A titre principal :

- constater que la Société Nantaise de l'Hôtel de France, n'a pas obtenu d'autorisation judiciaire pour réaliser les travaux dont elle entend réclamer le paiement,

- constater l'absence d'urgence pour tous les travaux réalisés par la Société Nantaise de l'Hôtel de France, à la seule exception des travaux nécessaires au traitement des bois et à la réfection des planchers, solivages et gros 'uvre,

- lui décerner acte de ce qu'elle admet être débitrice, au titre des travaux nécessaires au traitement des bois et à la réfection des planchers, solivages et gros 'uvre, d'une somme de 222 891,88 euros HT,

- débouter la Société Nantaise de l'Hôtel de France pour le surplus,

A titre subsidiaire, si la cour devait estimer que le preneur peut prétendre au remboursement de ses travaux malgré l'absence d'autorisation judiciaire :

- dire et juger que les travaux de mise en conformité et de désamiantage de l'immeuble incombent contractuellement au preneur et qu'ils n'ont été rendus nécessaires qu'à raison des travaux d'aménagement de l'hôtel,

- constater l'accord intervenu entre les parties selon lequel tous les travaux liés au réaménagement de l'établissement incomberaient exclusivement au preneur,

- dire et juger que seuls les travaux liés à la vétusté de l'immeuble et à l'obligation du bailleur au clos et au couvert peuvent être mis à la charge du bailleur,

- constater qu'elle a déjà effectué à ses frais les travaux de reprise d'étanchéité de toiture et des façades,

- en conséquence, limiter son obligation au remplacement des fenêtres vétustes, soit un montant total de 44 338,98 euros HT,

En tout état de cause :

- déterminer les montants mis à sa charge en fonction des montants hors taxes et non toutes taxes comprises,

- condamner la Société Nantaise de l'Hôtel de France à lui rembourser le trop perçu par rapport au montant de 343 126,31 euros déjà versé en exécution du jugement de première instance,

Sur les travaux réclamés par la Société Nantaise de l'Hôtel de France :

- constater l'absence de démonstration d'un quelconque caractère impératif de ces travaux concernant le mur rideau et le porche d'entrée,

- débouter la Société Nantaise de l'Hôtel de France de ses demandes,

En conséquence,

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la Société Nantaise de l'Hôtel de France de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions à ce titre,

Sur la réparation des préjudices

- constater que la Société Nantaise de l'Hôtel de France ne rapporte pas la preuve d'une faute de sa part,

- constater que la Société Nantaise de l'Hôtel de France ne rapporte pas la justification de ses préjudices,

En conséquence,

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la Société Nantaise de l'Hôtel de France de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions à ce titre,

Sur les frais et les dépens :

-condamner la Société Nantaise de l'Hôtel de France à lui payer la somme de 50 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamner la Société Nantaise de l'Hôtel de France aux entiers dépens d'appel, dont distraction au profit de la SELARL CVS, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile

L'ordonnance de clôture est intervenue le 7 avril 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Au soutien de son appel, la Société Nantaise de l'Hôtel de France explique qu'elle a été contrainte, en 2012, d'entreprendre d'importants travaux de rénovation devenus nécessaires du fait de la vétusté et du manque de confort de l'établissement et pour obtenir le classement '4 étoiles'.

Elle soutient qu'elle a obtenu l'autorisation de ses bailleurs pour ce faire.

Elle indique que l'hôtel était ancien et vieillissant dans sa conception. Elle signale l'absence de climatisation, de ventilation mécanique dans les chambres, d'insonorisation. Elle fait état de la déficience du chauffage central, d'une mauvaise circulation de l'eau chaude et froide, de la faiblesse du réseau électrique et de pannes fréquentes de l'ascenseur.

Elle explique que la loi du 22 juillet 2009 sur le développement et la modernisation des services touristiques a augmenté le nombre de critères d'évaluation des hôtels et a obligé à la réalisation de travaux pour sauvegarder son classement.

La société appelante précise qu'elle a obtenu un permis de construire le 15 juin 2012. Elle explique qu'elle a pris connaissance de l'état des cloisons, solives, lambris, et planchers en retirant les moquettes et contreplaqués.

La Société Nantaise de l'Hôtel de France prétend que le bailleur était informé de la majorité des désordres affectant l'immeuble, et notamment de l'existence d'infiltrations depuis 2006, et de désordres affectant la zinguerie et la toiture.

Elle signale que les opérations de démolition ont révélé que l'immeuble était affecté d'un grand nombre de désordres et notamment une infestation des bois par des champignons et insectes lignivores.

Elle se prévaut d'un rapport de la Socotec en date du 31 août 2012, soulignant l'importance de la présence d'amiante et la dégradation des éléments de structure.

La Société Nantaise de l'Hôtel de France affirme que le bailleur a contesté l'étendue de la mission confiée à l'expert judiciaire retardant les opérations expertales, qui ont duré deux années, et donc retardant la mise en oeuvre de travaux.

Elle considère que devant le refus de la SCI Jean Graslin d'assumer ses obligations, elle a dû procéder aux travaux urgents relevant des obligations du bailleur à ses frais avancés.

Elle critique l'expert qui a, selon elle, interprété les règles de droit pour la remise aux normes de sécurité, les reprises des non-conformités constatées et les obligations légales en matière de désamiantage, et qui a interprété les clauses du bail pour mettre à sa charge divers travaux. Elle estime que l'expert n'a pas donné son avis sur l'ensemble des préjudices subis.

Elle entend invoquer les obligations légales et conventionnelles du bailleur et soutient qu'elle est fondée à obtenir le remboursement de l'ensemble des travaux qu'elle a dû entreprendre en lieu et place du bailleur.

Elle réfute l'application des dispositions de l'article 1144 du code civil et indique qu'elle n'avait pas à obtenir une autorisation judiciaire pour réaliser les travaux et en obtenir le remboursement. Elle expose que l'ordonnance de référé du 11 octobre 2012 ainsi que l'expert l'ont autorisée à entreprendre les travaux pour le compte de qui il appartiendra.

Elle récapitule les travaux que le bailleur doit prendre en charge soit les travaux concernant la toiture et la couverture, le ravalement des façades, les canalisations EP/EU, le traitement des bois infestés, le mur rideau de la cage d'escalier principal, les fenêtres, les portes-fenêtres, le désamiantage, la mise aux normes, le porche d'entrée.

Elle entend invoquer le comportement déloyal du bailleur dans la réalisation des travaux.

Elle précise que, trois mois après sa réouverture, la SCI Jean Graslin a mis en place un échafaudage sur l'ensemble de ses devantures pendant près de six mois.

Elle affirme que l'établissement est resté fermé 10 mois de plus que nécessaires du fait de l'attitude dilatoire du bailleur. Elle réclame l'indemnisation de son préjudice au titre de son préjudice d'exploitation, de son préjudice d'image, de son préjudice financier et de son préjudice de jouissance.

En réponse, la SCI Jean de Graslin explique qu'elle a donné une autorisation pour des travaux de réorganisation des chambres, de modernisation et d'amélioration et non pas pour un 'désossage' de l'immeuble et un réaménagement complet. Elle soutient qu'elle était dans l'ignorance de l'ampleur réelle du projet.

Elle considère que l'hôtel était exploitable et exploité avant les travaux, que les travaux ne présentaient aucun caractère obligatoire et que ces travaux relèvent d'un choix du preneur.

Elle expose qu'elle ne s'est pas opposée au référé préventif initié par la Société Nantaise de l'Hôtel de France car il s'agissait de dresser un état descriptif des lieux et des avoisinants avant travaux.

Elle signale que le preneur lui a fait part de sa demande de prise en charge de travaux à la fin de l'année 2012 et que le preneur a utilisé le référé préventif pour étendre la mission de l'expert pour régler un différend d'ordre locatif sur la répartition des travaux entre bailleur et preneur. Elle rappelle qu'elle a proposé une mission à l'expert dans le cadre de la 2ème procédure devant le juge des référés pour ventiler les travaux qui lui incombaient et ceux liés à la rénovation de l'hôtel décidée par le preneur.

Elle souligne qu'elle est allée au-delà de l'estimation de l'expert et a emprunté une somme de 600 000 euros (au lieu de 460 418 euros) pour la réalisation des travaux de maçonnerie, de ravalement, d'électricité, de couverture et de zinguerie.

La bailleresse invoque les dispositions de l'article 1144 du code civil et précise qu'un preneur ne peut pas réaliser, de son propre chef, les travaux qu'il estime incomber au bailleur et lui en réclamer le coût ultérieurement. Selon elle, le contrôle du juge est indispensable. Elle écrit que sauf urgence, qui n'existe pas ici, le bailleur ne peut être tenu de rembourser les travaux qui lui incombent que s'il a été préalablement mis en demeure par le locataire de les réaliser et, si le preneur a obtenu une autorisation judiciaire.

Elle affirme que si mise en demeure il y a eu, c'est en juillet et août 2013 soit bien après le démarrage des travaux. Elle constate que la Société Nantaise de l'Hôtel de France n'a pas obtenu du juge l'autorisation de se substituer au bailleur. La bailleresse signale que l'ordonnance de référé du 11 octobre 2012 autorise le preneur à effectuer, sur autorisation de l'expert, les travaux nécessités par un état de danger ou d'urgence. Elle estime que le preneur a choisi de réaliser des travaux décidés unilatéralement.

La SCI Jean Graslin argue de ce qu'elle n'a jamais contesté la prise en charge des 2/3 des travaux de traitement des solivages. Elle conteste les travaux de mise aux normes ou de reprise de 'vétusté' faute de toute urgence. Elle précise que ces travaux ne se sont pas révélés au cours des travaux mais qu'ils étaient prévisibles dès l'origine et portaient sur les éléments visibles à l'oeil nu.

Elle accepte la prise en charge du coût des travaux liés au traitement des bois et au remplacement du gros oeuvre pour un montant de 222 891,88 euros hors taxes (le locataire ayant la forme d'une société commerciale déduisant la TVA).

Subsidiairement, elle évoque les clauses du bail pour dire que les travaux de mise en conformité liés à l'activité d'hôtellerie ont été contractuellement transférés à la charge du preneur ainsi que l'autorisation de travaux.

Elle fait remarquer que l'appelant ne justifie pas des évaluations correspondant à chacun des manquements qu'il lui reproche.

Elle déclare qu'elle a fait procéder aux travaux de reprise de charpente et d'étanchéité des façades et qu'ainsi aucune demande ne peut être formulée à ce titre par la Société Nantaise de l'Hôtel de France.

Concernant le désamiantage, la bailleresse précise que l'amiante présent dans l'établissement n'est pas dégradé et qu'aucun désamiantage ne s'imposait.

Elle déclare que l'expert n'a retenu que deux types de travaux relevant de la vétusté : les descentes EU et les menuiseries extérieures. Elle conteste les demandes à ces deux titres ou, subsidiairement, accepte la somme de 18 707,74 euros hors taxe ou toute autre somme hors taxe.

Pour les menuiseries extérieures, elle estime que le remplacement des fenêtres ne présentait pas un caractère d'urgence et qu'ainsi aucune somme ne peut être mise à sa charge. À titre subsidiaire, elle demande à la cour de limiter sa responsabilité aux 40 fenêtres citées par les premiers juges.

Pour le mur rideau, la SCI Jean Graslin conteste les conclusions de l'expert ainsi que la prise en charge de ce poste à hauteur de 30 000 euros.

Pour le porche d'entrée, la bailleresse précise que les désordres qui l'affectent sont mineurs.

Elle s'oppose à la demande de dommages et intérêts du locataire en contestant tout comportement fautif. Elle soutient qu'elle n'a pas multiplié les moyens de procédure pour retarder le dépôt du rapport d'expertise et n'a pas souhaité retarder les travaux. Elle considère qu'elle a fait valoir ses droits et intérêts dans les cadres procéduraux choisis par le preneur. Pour les travaux de façade, elle signale que ces travaux ont été votés dès le mois de septembre 2014, soit avant le dépôt de l'expertise, que l'autorisation desdits travaux a été refusée par la ville parce que le preneur avait posé des fenêtres en PVC sur le bâtiment et qu'une deuxième autorisation a été nécessaire. Elle fait part de la nécessité d'un emprunt et des délais d'intervention des entreprises.

Elle prétend que la société preneuse n'a pas versé aux débats les éléments permettant de justifier de ses demandes au titre des préjudices d'exploitation, financiers et économiques. Elle conteste les préjudices allégués.

En préliminaire, la cour rappelle qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes 'dire et juger' qui ne constituent pas des prétentions susceptibles d'entraîner des conséquences juridiques au sens de l'article 4 du code de procédure civile, mais uniquement la reprise de moyens développés dans le corps des conclusions qui ne doivent pas, à ce titre, figurer dans le dispositif des écritures des parties.

I. Sur l'autorisation.

En application de l'article 1144 du code civil, dans sa rédaction applicable au cas présent, le créancier peut aussi, en cas d'inexécution, être autorisé à faire exécuter lui-même l'obligation aux dépens du débiteur. Celui-ci peut être condamné à faire l'avance des sommes nécessaires à cette exécution.

Selon ce texte, sauf urgence, le bailleur ne doit rembourser au preneur les travaux dont il est tenu que s'il a été préalablement mis en demeure de les réaliser et, à défaut d'accord, que si le preneur à obtenu une autorisation judiciaire de se substituer à lui (Cour de cassation, 3ème chambre civile, 9 février 2017).

Dans un document du 25 juin 2012, M. [D] écrit : en ma qualité de gérant de la SCI Jean Graslin, propriétaire d'un immeuble sis [Adresse 3], et après consultation de ses associés, nous autorisons la Société Nantaise de l'Hôtel de France, locataire d'un local commercial exploité sous l'enseigne Hôtel de France, dans l'immeuble cité ci-dessus, titulaire d'un bail commercial renouvelé au 1er janvier 2007, à faire réaliser les travaux tels que décrits aux projets et plan annexés.

Les travaux ne doivent en aucun cas toucher au mur porteur ni à la structure de l'immeuble.

Ces travaux ne doivent avoir aucune incidence négative sur la valeur locative et ne peut entraîner de baisse de loyers.

De plus, ces travaux seront exécutés exclusivement aux frais de la société preneuse et sans recours possible contre le bailleur.

Tout d'abord, si ce document est relatif à une autorisation de travaux, ces travaux et leur ampleur et évaluation ne sont pas détaillés. Les pièces annexées à l'autorisation concernent une réorganisation des chambres ou de l'espace de certains services. Aucune note technique n'est communiquée ainsi qu'aucun devis précis. Ce document ne peut valoir autorisation puisqu'elle n'a pas été donnée en toute connaissance de cause.

Ensuite ce document spécifie que les travaux restent à la charge du preneur, ce dernier n'ayant pas contesté cette condition.

Ainsi, la Société Nantaise de l'Hôtel de France n'a pas obtenu l'autorisation du bailleur pour les travaux réalisés.

Avant le démarrage des travaux par la Société Nantaise de l'Hôtel de France, aucune mise en demeure n'a été notifiée au bailleur sur la prise en charge de certains de ces travaux.

Cette mise en demeure a été adressée le 1er août 2013 par l'avocat du preneur à la SCI Jean Graslin pour des travaux d'un montant de 1 436 834,48 euros hors taxes. La bailleresse a refusé la prise en charge des travaux.

La Société Nantaise de l'Hôtel de France devait donc obtenir une autorisation judiciaire.

Force est de constater que le preneur n'a procédé à aucune démarche pour ce faire.

Si l'ordonnance de référé du 11 octobre 2012 autorise le preneur à effectuer, après autorisation de l'expert, à effectuer les travaux 'en cas de danger ou d'urgence' et ce 'pour le compte de qui il appartiendra'. Elle ne peut être analysée en une autorisation de réaliser les travaux tels que réalisés par le preneur. L'ordonnance du 31 octobre 2013 est une extension de la mission d'expertise et ne porte aucune autorisation de réaliser des travaux.

La société preneuse fait état d'une autorisation tacite du bailleur car ce dernier a participé aux opérations d'expertise assisté de technicien, et a pu discuter du coût des travaux sans opposition à l'exécution des travaux.

La Société Nantaise de l'Hôtel de France ne peut reprocher à la SCI Jean Graslin de ne pas avoir saisi le juge des référés pour faire cesser les travaux. La Société Nantaise de l'Hôtel de France inverse le rôle de chacun ; il lui appartenait à elle d'obtenir une autorisation judiciaire et ce d'autant plus que la participation aux opérations d'expertise des uns et des autres s'inscrit dans un contexte de sauvegarde de ses droits et intérêts.

Pour tenter de justifier l'absence d'autorisation judiciaire, la Société Nantaise de l'Hôtel de France argue de l'urgence.

La charge de la preuve de cette urgence pèse sur la société appelante.

La Société Nantaise de l'Hôtel de France indique que l'hôtel ne répondait plus aux attentes de ses clients. Si ce point est confirmé par les commentaires d'un certain nombre de ses clients, la modernisation de l'établissement résulte de la seule volonté du preneur. L'hôtel était exploitable et exploité avant la réalisation des travaux et aucune injonction n'a été notifiée à la Société Nantaise de l'Hôtel de France pour effectuer des travaux.

Elle précise également que la loi du 22 juillet 2009 contient une réforme du classement des hébergements touristiques augmentant le nombre de critères d'évaluation et qu'un nouveau classement étoilé est entré en vigueur le 28 décembre 2009. Elle signale que le 23 juillet 2012 marquait la date limite de validité des étoiles attribuées avant la loi.

Sur ce point, il convient de signaler que le bail commercial ne fait mention d'aucun classement particulier pour l'établissement.

De plus, l'arrêté qui a modifié les normes de classement date du 22 décembre 2008 pour une entrée en vigueur le 1er octobre 2009. L'arrêté fixe un nouveau référentiel dont les critères ont été adaptés aux exigences actuelles telles que l'accès à Internet ou le développement durable. Depuis 2009, la Société Nantaise de l'Hôtel de France avait ainsi le temps de réfléchir aux travaux nécessaires en fonction de ce référentiel sans attendre la date butoir. Aucune urgence ne peut être retenue sur ce point, la volonté de maintenir un classement relevant du seul preneur.

Le caractère vieillissant de l'établissement n'est contesté par aucune des parties, mais il ne dispensait pas le preneur de l'obtention d'une autorisation pour procéder aux travaux de manière générale (sauf urgence).

Il convient de reprendre les demandes de la Société Nantaise de l'Hôtel de France de manière détaillée.

II. Sur les travaux.

* Le porche d'entrée.

Le porche d'entrée n'est pas intégré dans le périmètre du bail mais assure l'accès de l'hôtel.

L'expert a constaté des fissures de désolidarisation entre les caissons en stuc et macarons préfabriqués, ainsi qu'un réseau de fissuration en tous sens au-dessus du cintre du portail, des joints de maçonnerie fissurés, deux fissures en coup de sabre en linteau des deux portes de gauche.

L'expert a noté une remontée capillaire d'humidité provenant du sol d'assise de l'immeuble provoquant une dégradation du bas de la maçonnerie.

L'état du porche n'est pas nouveau et est antérieur à la réalisation des travaux par le preneur qui n'a justifié d'aucune urgence.

C'est par une juste appréciation que les premiers juges ont rejeté cette demande.

* Sur les travaux liés au clos et au couvert.

- L'expert a observé une grave infestation des bois par des champignons et insectes lignivores sur la charpente, dans les combles des 4ème et 5ème étages, due aux défauts d'étanchéité de la couverture et plus particulièrement des ouvrages de zinguerie de lucarnes, de solins contre les souches de cheminées, et d'une ventilation primaire de chute.

Il a noté la même infestation au niveau des solivages, platelages des planchers situés contre ou à proximité des façades de l'immeuble, ou contre des refends contenant soit des descentes EP ou EU, soit des conduits de fumée.

Ces désordres sont dus à des infiltrations au travers des façades, en raison de défauts d'étanchéité de terrassons et balcons en zinc, aux droits des joints d'étanchéité des pénétrations de poteaux de garde corps dans la zinguerie, de solins en zinc contre les façades, les parements de pierres, de leurs joints, des appuis et des jonctions avec les linteaux.

La SCI Jean Graslin a admis son obligation à la dette pour les désordres résultant du traitement des bois, du remplacement du gros oeuvre, du solivage et du plancher bois.

Cette obligation est prévue dans le bail commercial.

L'expert a évalué les travaux réparatoires aux sommes suivantes :

- 57 380,53 euros pour le traitement des bois et des maçonneries,

- 72 476,96 euros pour le remplacement des solivages,

- 32 276,49 euros pour le remplacement des platelages et lambourdes,

- 135 055,17 euros pour la dépose et l'évacuation de planchers, murs, plafonds, lambourdes.

La présence de mérule était due également à des fuites constatées dans 13 pièces (sur les 39 dont les planchers et solivages sont infestés) avec des salles de bains. Ces dernières fuites ne peuvent être imputées au bailleur.

Le bailleur assumera donc 90 % du montant de ses désordres.

Le preneur ayant la forme d'une société commerciale, les montants doivent s'entendre hors taxe.

La SCI Jean Graslin doit ainsi prendre en charge la somme de 222 891,88 euros hors taxes.

- Les fenêtres.

La Société Nantaise de l'Hôtel de France demande le remplacement des 40 fenêtres, ainsi que celles des 33 fenêtres dont le mastic est en mauvais état, et la réfection des fenêtres des chambres 205, 208, 216, 307, 316, 318 à 321, 325, 326, 408, 416 et 419.

L'expert a vérifié 135 fenêtres et portes-fenêtres. Si 72 fenêtres sont en bon état, il a constaté que de nombreuses fenêtres et portes-fenêtres présentaient une peinture et des joints en solin de mastic en mauvais état, et des traverses basses et appuis détériorés.

40 fenêtres ont des pièces d'appui pourries.

Le clos n'étant pas assuré, l'urgence est caractérisée concernant ces 40 fenêtres dont le remplacement relève de la responsabilité du bailleur.

Une somme de 44 338,98 euros hors taxes est mise à la charge du bailleur.

Les autres fenêtres assurent le clos du bâtiment ; à défaut d'urgence, et d'autorisation, le preneur est débouté de sa demande au titre de ces fenêtres.

Le jugement est infirmé sur le quantum.

- Les canalisations EU/EP.

La société preneuse réclame une somme de 56 285,74 euros à ce titre.

L'expert a noté que les descentes EU et EP encastrées dans les murs de refend de l'immeuble, en fonte, sont rouillées, délitées gravement à l'intérieur, avec une perte de matière très importante. Il précise que ces désordres ont provoqué des fuites dans les étages et que le risque d'obstruction, de défaut d'étanchéité et de fuite est existant.

Les photographies jointes au rapport d'expertise montrent des infiltrations dans certaines pièces dues à ces descentes EU.

La réparation de ses désordres a un caractère d'urgence certain et est à la charge du bailleur.

Conformément à l'évaluation de l'expert, une somme de 17 707,74 euros hors taxes est retenue.

Le jugement est infirmé sur le quantum.

* Le mur rideau

Le mur rideau présente des traces de coulure au droit des joints au mastic des verres posés dans une ossature de cornière.

L'expert a précisé que les infiltrations par le mur rideau de la cage d'escalier principal sont de nature à rendre l'ouvrage impropre à sa destination de clos et de couvert. Il a indiqué qu'il s'agit d'un ouvrage à la mise en oeuvre obsolète dont l'entretien ne peut plus être assumé avec une réelle garantie d'étanchéité par le preneur.

Ainsi il y a urgence à procéder aux réparations nécessaires.

S'agissant d'un ouvrage à destination de clos et de couvert, il convient de condamner le bailleur à faire réparer le mur rideau (sans qu'il ne soit nécessaire de prévoir une astreinte).

Le jugement est infirmé à ce titre.

* Le désamiantage.

Le rapport de la Socotec a mis en évidence la présence d'amiante dans différents matériaux tels que le conduit de chaufferie, les descentes EP externes, le conduit sur cour, le bardage du pignon sud, le conduit dans la salle de bains de la chambre 415 bis, les conduits dans les greniers du niveau 5, la colle faïence et carrelage de la salle de bain et cuisine au niveau 5, et dans l'étanchéité de la corniche du balcon niveau 5.

La présence de l'amiante était connue du preneur bien avant les travaux de rénovation.

L'expert a noté que le taux d'empoussièrement de 5 fibres par litre n'était pas dépassé. L'amiante n'était pas ainsi dégradé.

Le désamantiage a été provoqué par le choix du locataire de procéder à des travaux de rénovation sans autorisation et sans urgence.

Le locataire est débouté de sa demande à ce titre. Le jugement est confirmé.

* Les travaux de mise en conformité aux normes.

Ils sont évalués à 241 909,55 euros hors taxes par le preneur.

Ces travaux concernent l'éclairage-balisage de l'escalier Molière, le désenfumage, la ventilation, les garde corps, la stabilité des feux aux planchers, la distribution de l'eau chaude et de l'eau froide, de l'électricité, de l'isolement par rapport aux tiers, l'isolement par rapport aux bruits, des moyens de secours et de recoupement de circulation.

Il appartient au preneur de démontrer que ces travaux relèvent de la responsabilité du bailleur.

Le bail précise que : la société preneuse devra se conformer régulièrement pour l'exploitation de son commerce aux lois, règlements, et prescriptions administratives. Notamment, elle devra assurer tous les travaux de mise en conformité qui seraient exigés dans les lieux par une autorité administrative ou réglementaire quelconque, à raison de son activité, de façon à ce que le bailleur ne puisse être recherché à ce sujet.

Ce transfert de travaux perdure pendant le bail.

Les travaux sollicités ne sont pas à la charge du bailleur.

En outre :

- les travaux de remise en conformité de l'éclairage-balisage de l'escalier ne s'imposent pas en cas d'établissement existant comme le précise l'expert,

- l'expert a indiqué que le respect de la hauteur du garde corps ne s'applique pas rétroactivement à des ouvrages antérieurs. Il a précisé que ces ouvrages faisaient partie des organes de sécurité des utilisateurs. Il a constaté que, dans deux chambres, la hauteur de l'allège des fenêtres a été réduite en dessous du minima normatif du fait du réhaussement du sol à l'occasion de travaux réalisés par le preneur (la législation sur les garde corps datant du 27 avril 1967.

La Société Nantaise de l'Hôtel de France est déboutée de sa demande.

Le jugement est confirmé à ce titre.

- Sur les intérêts.

Les diverses sommes portent intérêts à compter du présent arrêt.

- Les honoraires de l'architecte, des bureaux d'études et autres intervenants.

La Société Nantaise de l'Hôtel de France estime que le bailleur doit prendre en charge une partie des honoraires à hauteur de 41 145,06 euros hors taxes.

C'est par une juste appréciation que les premiers juges ont débouté le preneur de sa demande qui, au demeurant, n'est justifiée par aucune pièce objective.

III. Sur les préjudices allégués par la Société Nantaise de l'Hôtel de France.

La société preneuse affirme que les travaux ont duré 20 mois soit 10 mois de plus que prévu.

Elle considère que la tardiveté des travaux incombant au bailleur a accéléré le vieillissement de l'immeuble et l'a contrainte à des travaux de rénovation importants. Elle fait état d'une inertie fautive du bailleur depuis 2006.

Il résulte des pièces du dossier que :

- les travaux ont été engagés par le bailleur en janvier 2015.

- trois mois après la réouverture de l'établissement, le bailleur a mis en place un échafaudage pendant près de 6 mois.

La cour constate qu'aucun document technique ne justifie que les travaux auraient dû durer 10 mois.

- Sur le préjudice matériel.

Présentée à titre subsidiaire, cette demande du preneur à hauteur de 986 175,62 euros dans le dispositif de ses écritures n'est pas justifiée par le preneur et fait double emploi avec la demande à titre principal.

- Sur le préjudice résultant de la perte d'exploitation.

Il ne peut être reproché au bailleur d'avoir introduit un incident devant le juge chargé du contrôle des expertises, le bailleur étant à même de préserver ses intérêts. Le fait que le juge ne lui ait pas donné raison ne transforme pas cet incident en un incident malintentionné.

Le preneur ne peut pas plus reprocher au bailleur d'avoir souhaité être assisté d'un architecte pendant les opérations d'expertise puisque les opérations expertales nécessitaient une compétence technique.

Le preneur ne peut affirmer que 'la SCI Jean Graslin a multiplié les moyens de procédure afin de retarder le dépôt d'un rapport dont elle savait qu'elle mettrait en évidence ses manquements et carences' puisque le bailleur était en droit de faire valoir ses moyens et arguments (dont certains ont été retenus par le tribunal ou la cour).

La découverte de la mérule a prolongé la durée des travaux mais la SCI Jean Graslin ne connaissait pas son existence.

À défaut de démonstration d'une faute imputable au bailleur, la Société Nantaise de l'Hôtel de France est déboutée de sa demande d'un montant de 237 783,33 euros.

- Sur le préjudice d'image.

La Société Nantaise de l'Hôtel de France a évalué ce préjudice à la somme de 200 000 euros dans un premier temps, pour le ramener à la somme de 21 083,78 euros (soit 20 % du loyer entre le mois de janvier et juillet 2015).

L'ouverture d'hôtels concurrents pendant les travaux de la Société Nantaise de l'Hôtel de France constitue une circonstance indépendante du présent litige.

L'augmentation du temps des travaux ne peut être imputée au bailleur, s'agissant de travaux d'envergure.

Le fait que les clients se soient plaints du manque de confort avant les travaux relève de la seule responsabilité du preneur qui se devait de réagir plus rapidement.

Concernant l'échafaudage, les travaux en façade ont été votés en septembre 2014 (soit avant le dépôt du rapport d'expertise). La première demande d'autorisation a été refusée, le 3 décembre 2014 par les services de la ville de [Localité 8] parce qu'il manquait un plan des façades/toitures avant et après travaux et parce que le dossier devait être complété/modifié pour intégrer le remplacement des menuiseries en PVC installées et non conformes au règlement du secteur sauvegardé.

Le caractère non conforme des menuiseries est imputable au preneur.

Aucune volonté malintentionnée ne peut être imputée au bailleur sur la mise en place de l'échafaudage.

En outre, l'article 1er du bail prévoit : le preneur souffrira que la société bailleresse fasse faire à l'immeuble dans les locaux loués pendant le cours du bail toutes réparations, reconstructions ou autres qu'elle jugerait nécessaires sans pouvoir prétendre ni à une indemnité, ni à une diminution de loyer quelle que soit la durée des travaux et alors qu'ils dureraient plus de 40 jours, à condition toutefois qu'ils soient exécutés sans interruption, sauf en cas de force majeure.

La Société Nantaise de l'Hôtel de France est déboutée de sa demande en paiement d'une somme de 21 083,78 euros.

- Sur le préjudice financier.

La société preneuse réclame une somme de 148 881,81 euros.

Cette demande ne repose sur aucun document objectif.

La Société Nantaise de l'Hôtel de France est déboutée de sa demande.

- Sur le préjudice de jouissance.

Évalué à 180 000 euros par le preneur, ce dernier demande le paiement d'une somme de 150 000 euros en remboursement de 10 mois de loyers et d'une somme de 30 000 euros en remboursement de perte de nuitées.

Il a été dit que la durée des travaux n'était pas imputable à la bailleresse.

La clause dite de souffrance conduit à débouter le preneur de cette demande.

IV. Sur les autres demandes.

Le bailleur demande que soit ordonnée la restitution des sommes qu'il a versées en vertu du jugement déféré.

Cependant un arrêt infirmatif constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution d'un jugement infirmé et les sommes devant être restituées portent intérêt au taux légal à compter de la notification, la signification, valant mise en demeure, de la décision ouvrant droit à restitution. Il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu de statuer sur une telle demande.

Chacune des parties ayant partiellement succombé est déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles.

La présente instance est due principalement à la réalisation de travaux par la Société Nantaise de l'Hôtel de France sans y avoir été autorisée. Le preneur en assumera les entiers dépens qui pourront être recouvrés en application de l'article 696 du code de procédure civile, étant par ailleurs précisé que les dispositions du jugement sur les frais irrépétibles et les dépens sont confirmées.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe :

Confirme le jugement entrepris en ses dispositions relatives au porche d'entrée, au désamiantage, aux travaux de mise en conformité aux normes, aux honoraires d'architecte, les frais irrépétibles et les dépens ;

Infirme le jugement pour le surplus ;

Statuant à nouveau,

Juge que la SCI Jean Graslin est débitrice envers la Société Nantaise de l'Hôtel de France des sommes suivantes :

- 222 891,88 euros hors taxes pour le traitement des bois et des maçonneries, pour le remplacement des solivages, pour le remplacement des platelages et lambourdes et pour la dépose et l'évacuation de planchers, murs, plafonds, lambourdes,

- 44 338,98 euros hors taxes au titre des fenêtres,

- 17 707,74 euros au titre des canalisations EP/EU,

Condamne le bailleur à faire réparer le mur rideau et déboute la Société Nantaise de l'Hôtel de France de sa demande en instauration d'astreinte ;

Dit que les sommes précitées portent intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

Y ajoutant,

Constate que la SCI Jean Graslin a effectué à ses frais les travaux de reprise d'étanchéité de toiture et de façades ;

Déboute la Société Nantaise de l'Hôtel de France de sa demande subsidiaire de préjudice matériel, de sa demande de pertes d'exploitation, de sa demande de préjudice d'image, de préjudice financier et de préjudice de jouissance ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la Société Nantaise de l'Hôtel de France aux dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.

La greffièreLa présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18/02193
Date de la décision : 06/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-06;18.02193 ?
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