5ème Chambre
ARRÊT N°-216
N° RG 19/01031 - N° Portalis DBVL-V-B7D-PREL
MUTUELLE SAINT-CHRISTOPHE ASSURANCES
C/
Mme [B] [J]
M. [T] [J]
Organisme CPAM D'ILLE ET VILAINE
Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 06 JUILLET 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Pascale LE CHAMPION, Présidente,
Assesseur : Madame Virginie PARENT, Présidente,
Assesseur : Madame Virginie HAUET, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Catherine VILLENEUVE, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 27 Avril 2022
ARRÊT :
Réputé contradictoire, prononcé publiquement le 06 Juillet 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTE :
ASSURANCES MUTUELLE SAINT-CHRISTOPHE ASSURANCES, Société d'assurance mutuelle immatriculée sous le numéro 775 662 497 agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège.
[Adresse 5]
[Localité 9]
Représentée par Me François-Xavier GOSSELIN de la SCP CABINET GOSSELIN, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
INTIMÉS :
Madame [B] [J]
née le [Date naissance 6] 1970
[Adresse 3]
[Localité 8]
Représentée par Me Annaïc LAVOLE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
Monsieur [T] [J]
né le [Date naissance 1] 1939 à [Localité 10]
[Adresse 2]
[Localité 8]
Représenté par Me Annaïc LAVOLE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
Organisme CPAM D'ILLE ET VILAINE ayant fait l'objet des significations prévues par les articles 902 et 911 du code de procédure civile par remise de l'acte à personne habilitée à le recevoir, n'ayant pas constitué avocat
Cours des alliés
[Localité 7]
Le 8 novembre 2008, Mme [B] [J] a été victime d'un accident de la circulation à [Localité 11], son véhicule heurtant celui qui le précédait.
Au terme de l'examen au CHR de [Localité 11], il a été diagnostiqué un traumatisme cervical et dorsal. Après avoir repris une activité professionnelle à mi-temps thérapeutique, à la rentrée 2009, Mme [B] [J] s'est vue reconnaître la qualité de travailleur handicapé au mois de juillet 2010.
La Mutuelle Saint-Christophe, assureur de Mme [B] [J], a mandaté le docteur [O] aux fins de l'examiner et sur la base de son rapport en date du 28 mars 2011, a, par courrier en date du 20 janvier 2012, formulé une offre d'indemnisation que 1'intéressée a refusée.
Par actes des 27 février et 1er mars 2012, Mme [B] [J] a fait assigner la Mutuelle Saint Christophe en référé aux fins de voir ordonner une expertise et obtenir sa condamnation au paiement d'une provision de
6 148 euros.
Par ordonnance du 3 mai 2012, le juge des référés du tribunal de grande instance de Rennes a condamné la Mutuelle Saint Christophe à payer la provision de 6 148 euros et a désigné le professeur [G] ; l'expert a déposé son rapport le 8 octobre 2012.
Par actes des 19 et 28 octobre 2015, Mme [B] [J] et son père, M. [T] [J] ont fait assigner respectivement la CPAM d'Ille et Vilaine et la Mutuelle Saint Christophe devant le tribunal de grande instance de Rennes aux fins d'indemnisation.
Par jugement en date du 9 janvier 2019, le tribunal de grande instance de Rennes a :
- rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription biennale,
- déclaré recevable l'action de Mme [B] [J] et M. [T] [J] à l'encontre de la Mutuelle Saint Christophe,
- débouté M. [T] [J] de ses demandes,
- fixé l'évaluation des préjudices subis par Mme [B] [J] du fait de l'accident du 8 novembre 2008, comme suit :
*préjudices patrimoniaux temporaires :
*dépenses de santé actuelles : 2 581,94 euros.
*frais divers : 1 160 euros
*préjudices patrimoniaux permanents :
* dépenses de santé futures : 660 euros
* perte de gains professionnels futurs : 5 841,88 euros (arrérages échus) et 7 357,87 euros (arrérages à échoir)
* incidence professionnelle : 20 000 euros
* assistance tierce personne : 10 380 euros
*préjudices extra-patrimoniaux temporaires :
* déficit fonctionnel temporaire : 8 056,25 euros
* souffrances endurées : 6 500 euros
* préjudice esthétique temporaire : 1 000 euros
* déficit fonctionnel permanent : 24 000 euros
* préjudice d'agrément : 5 000 euros
total 92 537,94 euros
- condamné la Mutuelle Saint Christophe à payer à Mme [B] [J] en réparation de son préjudice ces sommes pour un total de 92 537,94 euros duquel seront déduites les provisions déjà versées à hauteur de 8 448 euros,
- débouté Mme [B] [J] de sa demande fondée sur l'assistance d'une
tierce personne avant consolidation,
- débouté Mme [B] [J] de sa demande fondée sur le préjudice esthétique permanent,
- déclaré le présent jugement commun à la Cpam d'Ille et Vilaine,
-condamné la Mutuelle Saint Christophe à payer à Mme [B] [J] la
somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamné la Mutuelle Saint Christophe aux entiers dépens, qui seront
recouvrés par Me Annaïc Lavole conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision.
Le 14 février 2019, la société d'assurances Mutuelle Saint Christophe a interjeté appel de cette décision et aux termes de ses dernières écritures notifiées le 6 avril 2022, elle demande à la cour de :
- juger que les prétentions de l'appelant incident sont limitées par ses conclusions du 12 juillet 2019,
- déclarer l'appel incident complémentaire résultant des prétentions plus amples des conclusions du 28 septembre 2020 irrecevable,
- déclarer, en conséquence, les prétentions et demandes exprimées dans le
dispositif des conclusions du 28 septembre 2020 irrecevables en tant qu'elles se distinguent des conclusions d'appelant intimé du 12 juillet 2019,
- réformer le jugement et déclarer les demandes de Mme [B] [J] et M. [T] [J] à l'encontre de la Mutuelle Saint Christophe, en sa qualité d'assureur de Mme [B] [J], irrecevables comme étant prescrites,
En conséquence,
- rejeter l'ensemble des demandes dirigées à l'encontre de la Mutuelle Saint Christophe,
Subsidiairement,
- réformer le jugement et juger que le tribunal a dénaturé les termes de la convention alors qu'il n'y avait pas lieu de l'interpréter et juger que le tribunal a méconnu les termes de la convention en méconnaissance notamment de l'article 112'3 du code des assurances et de l'article 1103 du
Code civil,
- réformer le jugement et rejeter l'ensemble des demandes dirigées à l'encontre de la Mutuelle Saint Christophe,
- réformer le jugement et juger que l'indemnisation est limitée aux dispositions contractuelles, qu'elle ne peut viser que les garanties mentionnées dans la police et qu'elle ne peut excéder la somme de 150 000 euros en application de l'article 1134 du Code civil dans sa rédaction antérieure au 1er octobre 2016, désormais codifié à l'article 1103 du Code
civil.
- réformer le jugement et rejeter les demandes ci-après comme n'étant pas
incluses dans la garantie-conducteur, soit :
*dépenses de santé actuelles
*fauteuil relaxant
*perte de gains professionnels actuels
*perte de gains professionnels futurs
*incidence professionnelle
*préjudice esthétique temporaire
*dépenses de santé futures et en particulier la demande présentée au titre des frais d'hypnose, capitalisés,
- confirmer le jugement et rejeter les demandes de Mme [B] [J] au
titre de l'assistance tierce personne temporaire et du préjudice esthétique
permanent,
- réformer le jugement, juger n'y avoir lieu à appliquer le barème publié à la gazette du palais tel que sollicité par la requérante, et évaluer les postes de préjudices selon les limites contractuelles, soit :
- réduire l'évaluation du préjudice de déficit fonctionnel temporaire,
- rejeter toute demande au titre du déficit fonctionnel permanent,
- réduire l'évaluation du préjudice de souffrances endurées,
- réduire l'évaluation du préjudice de préjudice esthétique définitif,
En toute hypothèse,
- déduire les provisions versées à Mme [B] [J] en application de la
garantie pour un montant de 8 448 euros,
- débouter Mme [B] [J] de son appel incident portant sur l'assistance par tierce personne temporaire, assistance par tierce personne permanente, les pertes de gains professionnels futurs, le déficit fonctionnel temporaire, le préjudice esthétique permanent et des dépenses de santé futures et de toutes ses autres demandes plus amples ou contraires aux évaluations ci-dessus exposées au titre de ses demandes de confirmation,
- juger n'y avoir lieu à application du barème publié à la gazette du palais 2018,
- déclarer les demandes de M. [T] [J], fondées sur la loi du 5 juillet 1985, irrecevables comme nouvelles en application de l'article 564 du code de procédure civile,
Subsidiairement,
- confirmer le jugement et débouter M. [T] [J] de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions dirigées à l'encontre de la Mutuelle Saint-Christophe comme étant infondées,
En conséquence de la réformation,
- ordonner la restitution des sommes réglées au titre de l'exécution provisoire avec intérêts au taux légal capitalisés à compter de la date du règlement jusqu'à parfait paiement,
- rejeter toute demande de Mme [B] [J] et M. [T] [J] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Mme [B] [J] et M. [T] [J] aux entiers dépens d'instance et d'appel.
Par dernières conclusions notifiées le 30 mars 2022, Mme [B] [J] et M. [T] [J] demandent à la cour de :
- juger qu'il n'existe aucun appel incident complémentaire,
- juger recevables les conclusions n°4 notifiées par Mme [B] [J] et M. [T] [J] le 28 septembre 2020 ainsi que toutes les conclusions et prétentions postérieures,
- débouter la Mutuelle Saint Christophe Assurances de sa demande d'irrecevabilité,
- confirmer le jugement rendu en ce qu'il a :
*rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription biennale,
*déclaré recevable l'action de Mme [B] [J] et M. [T] [J] à l'encontre de la Mutuelle Saint Christophe,
*fixé l'évaluation des préjudices subis par Mme [B] [J] comme suit :
* 2 587,94 euros au titre des dépenses de santé actuelles (erreur matérielle vraisemblable dans ses écritures, la condamnation portant sur une somme de 2 581,94 euros)
* 1 160 euros au titre des frais divers
* 20 000 euros au titre de l'incidence professionnelle
* 6 500 euros au titre des souffrances endurées
* 1 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire
* 24 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent
* 5 000 euros au titre du préjudice d'agrément
*condamné la Mutuelle Saint Christophe à payer à Mme [B] [J] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
*déclaré le jugement commun à la Cpam d'Ille et Vilaine,
*condamné la Mutuelle Saint Christophe aux entiers dépens, qui seront recouvrés par Me Annaïc Lavole conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
*ordonné l'exécution provisoire
- réformer le jugement pour le surplus,
Statuant à nouveau,
A titre principal :
- condamner la Mutuelle Saint Christophe à verser à Mme [B] [J], en deniers ou quittances, sous déduction des provisions réglées :
*4 672 euros au titre de l'assistance par tierce personne temporaire
*11 072 euros au titre de l'assistance par tierce personne permanent
*35 028,34 euros au titre des pertes de gains professionnels futurs
*8 937,50 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire
*1 500 euros au titre du préjudice esthétique permanent
*51 408,68 euros au titre des dépenses de santé futures,
A titre subsidiaire :
- condamner la Mutuelle Saint Christophe à verser à Mme [B] [J], en deniers ou quittances, sous déduction des provisions réglées :
*4 672 euros au titre de l'assistance par tierce personne temporaire
*11 072 euros au titre de l'assistance par tierce personne permanent
*32 033,82 euros au titre des pertes de gains professionnels futurs
*8 937,50 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire
*1 500 euros au titre du préjudice esthétique permanent
*46 753,04 euros au titre des dépenses de santé futures
- juger M. [T] [J] recevable en ses demandes,
- condamner la Mutuelle Saint Christophe à verser en deniers ou quittances, à ce dernier la somme de 152,76 euros au titre des frais de transport,
- débouter la Mutuelle Saint Christophe de toutes ses demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires,
-condamner la Mutuelle Saint Christophe à verser à Mme [B] [J] la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la Mutuelle Saint Christophe aux entiers dépens de l'appel qui seront recouvrés par Maître Annaïc Lavole, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
La Cpam d'Ille et Vilaine n'a pas constitué avocat dans le délai prescrit. La déclaration d'appel ainsi que les conclusions d'appelant ont été signifiées à une personne habilitée le 10 mai 2019.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 7 avril 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur l'irrecevabilité des demandes
La Mutuelle Saint Christophe conclut à l'irrecevabilité des demandes présentées par les consorts [J] dans leurs conclusions du 28 septembre 2020, non présentées dans leurs premières conclusions, en application du principe de la concentration de prétentions.
M. et Mme [J] s'opposent à cette demande, observant n'avoir formulé aucune nouvelle prétention, présentant les mêmes demandes variant uniquement dans leur quantum pour tenir compte notamment du dernier référentiel de capitalisation.
L'article 910-4 du code de procédure civile dispose :
A peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. L'irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures.
Néanmoins, et sans préjudice de l'alinéa 2 de l'article 802, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
Les époux [J], intimés ont conclu pour la première fois par des écritures notifiées le 12 juillet 2019 dans le délai de trois mois fixé par l'article 909 du code de procédure civile. Ils ont, ce faisant, formé appel incident et solliciter l'infirmation du jugement relativement à leur demande d'indemnisation au titre de certains poste de préjudice et formuler diverses demandes à ces titres.
La modification du montant d'une réclamation indemnitaire, qui avait été formulée dès les premières écritures en son principe, ne se heurte pas à l'irrecevabilité de l'article 910-4 du code de procédure civile.
Tel est le cas en l'espèce, les époux [J] ne modifiant leurs conclusions le 28 septembre 2020 qu'en ce qui concerne le quantum de leur demandes d'indemnisation au titre des pertes de gains professionnels futurs de
32 033,82 euros à 35 028,34 euros et au titre des dépenses de santé futures de 48 907,04 euros à 51 408,68 euros.
La cour rejettera cette demande d'irrecevabilité.
Sur la prescription
La Mutuelle Saint Christophe soulève de nouveau devant la cour la fin de non recevoir tirée de la prescription biennale.
Invoquant l'application des conditions générales 'PRI 700" prévoyant les causes d'interruption de prescription (page 36), l'appelante indique que Mme [J] disposait d'un délai de deux ans à compter du rapport d'expertise pour agir contre son assureur et mobiliser la garantie-conducteur, soit au plus tard le 20 octobre 2014, le rapport ayant été déposé le 20 octobre 2012 ; elle observe que l'assignation de l'assureur est intervenue le 28 octobre 2015.
Selon elle, l'assurée était parfaitement informée des règles relatives à la prescription, dans la mesure où elle a reconnu dans les conditions particulières du contrat avoir reçu copie des conditions générales.
Enfin elle conteste qu'un versement effectué puisse entraîner un renoncement de sa part à se prévaloir de la prescription biennale, alors que le règlement dont s'agit est intervenu au titre de l'exécution provisoire attachée à l'ordonnance du 3 mai 2016.
M. et Mme [J] considèrent que la Mutuelle Saint Christophe ne peut se prévaloir des dispositions de l'article L114-1 du code des assurances, dès lors qu'elle n'a pas satisfait aux exigences légales et jurisprudentielles, celle-ci ne justifiant pas avoir, lors de la souscription du contrat d'assurance, délivré à Mme [J] une information exhaustive sur la prescription biennale.
Ils exposent qu'au 8 novembre 2016, jour de l'accident, les conditions particulières étaient celles émises le 1er août 2016, que ces conditions mentionnent des conditions générales AUTI 'modèle PRI700" jamais remises, le seul exemplaire dont Mme [J] dispose correspondant à des conditions générales ' modèle PRI 262" du contrat initial de 1999.
Ils ajoutent que les conditions générales produites par l'appelante ne sont pas signées par Mme [J] et estiment donc que celles-ci leur sont inopposables.
Ils objectent aussi qu'en réglant une somme de 6 148 euros le 21 avril 2014 à titre provisionnel, l'appelante a renoncé à se prévaloir de la prescription biennale.
Aux termes de l'article R112-1 du code des assurances, les polices d'assurance relevant des branches 1 à 17 de l'article R321-1 doivent rappeler les dispositions des titres I et II du livre Ier de la partie législative du code des assurances concernant la prescription des actions dérivant du contrat d'assurance.
Il en résulte que l'assureur est tenu de rappeler dans le contrat d'assurance, le délai de prescription édicté par l'article L 114-1 du code des assurances mais également les causes d'interruption de la prescription biennale prévues à l'article L. 114-2 du même code.
L'inobservation des dispositions de l'article R 112-1 prescrivant le rappel des dispositions légales concernant la prescription des actions dérivant du contrat d'assurance est sanctionnée par l'inopposabilité à l'assuré du délai de prescription édicté par l'article L114-1.
En l'espèce, les causes d'interruption de la prescription sont mentionnées dans des conditions générales 'PRI 700".
Si Mme [J] a versé aux débats des conditions particulières signées par elle le 1er août 2016 en page 4 mentionnant en page 3 qu'à ces conditions particulières étaient jointes les conditions générales 'PRI700", force est de constater que cette page 3, figurant curieusement après la page 4 ne comporte ni paraphe si signature, de sorte que la preuve de l'information donnée par l'assureur à son assurée sur ce point, au moment de la conclusion du contrat n'est pas caractérisée avec certitude en l'espèce.
La cour confirme le jugement qui rejette cette fin de non-recevoir compte tenu de l'inopposabilité du délai de prescription biennal en l'espèce.
Sur l'étendue du droit à indemnisation
Si elle ne conteste pas le droit à indemnisation de Mme [J], la Mutuelle Saint Christophe précise toutefois que l'obligation d'assurance ne s'applique pas aux dommages subis par le conducteur du véhicule, en application de l'article R211-8 du code des assurances et que les dommages corporels du conducteur ne relèvent pas de la garantie légale d'assurance ; elle rappelle que dans le cadre de la garantie contractuelle, le principe de la réparation intégrale ne s'oppose pas à ce que l'assureur limite sa garantie aux postes de préjudices énumérés par la police d'assurance.
En l'espèce, elle souligne être mise en cause en qualité d'assureur de Mme [J], conducteur d'un véhicule impliqué et non en qualité d'assureur obligatoire des dommages causés aux tiers, de sorte que la seule la garantie-conducteur peut être mobilisée. Elle demande donc de confirmer le jugement en ce qu'il exclut l'application de la loi du 5 juillet 1985.
Elle oppose ainsi la limitation des garanties aux postes de préjudices énumérés dans la police, précisant que l'assurée en avait parfaitement connaissance.
Elle soutient également que l'assurée n'est pas fondée en une demande d'indemnisation sans mettre en cause les organismes payeurs, le contrat prévoyant la déduction des prestations visées à l'article 29 de la loi du 5 juillet 1985, qu'elle doit démontrer que les conditions du contrat sont réunies, alors même qu'elle ne dément pas être bénéficiaire d'un contrat de régime complémentaire de sécurité sociale ou de prévoyance.
Mme [J] estime pour sa part que l'appelante ne démontre pas les limites de ses obligations contractuelles. Elle demande réparation intégrale de ses préjudices, dans la mesure où est seulement établie la souscription d'une assurance automobile en 2006 avec une garantie 'sécurité du conducteur'. Elle considère que l'inopposabilité des conditions générales rend sans effet les éventuelles restrictions contractuelles.
Rappelant en outre qu'un contrat s'interprète en faveur de l'assuré, elle observe que l'usage de l'adverbe 'notamment' dans la liste des postes indemnisables de la garantie ' sécurité conducteur' signifie que cette liste n'est pas limitative' et qu'ainsi l'indemnisation peut concerner des postes non expressément visés au contrat.
Le droit à indemnisation sur le fondement des dispositions contractuelles et non de la loi du 5 juillet 1985 n'est pas discuté.
La limitation des garanties opposée par la Mutuelle Saint Christophe n'est pas
fondée en l'espèce sur une clause d'exclusion, mais sur le fait que les conditions générales listeraient les seuls préjudices indemnisables.
Les termes de la garantie ' sécurité du conducteur' opposés à Mme [J] sont les suivants :
Le préjudice indemnisé comprend notamment :
en cas de blessures :
- les frais de traitement médical, chirurgical et pharmaceutique
- l'ITT à compter du premier jour de l'interruption
- les frais d'appareillage et de prothèses
- l'incapacité permanente totale ou partielle
- le coût de l'assistance d'une tierce personne après stabilisation
- les souffrances physiques
- le préjudice esthétique
- le préjudice d'agrément.
La cour fait sienne la juste interprétation de cette garantie par les premiers juges en ce que l'emploi de l'adverbe ' notamment ' ne peut avoir un effet limitatif quant aux postes de préjudices indemnisables.
S'agissant de la mise en cause des tiers payeurs, la cour observe que la Cpam d'Ille et Vilaine est dans la cause, que Mme [J] produit des décomptes émanant de cet organisme relatifs aux frais remboursés, que la Mutuelle Saint Christophe ne conteste pas être l'organisme social complémentaire de Mme [J], que l'intimée certifie ne pas avoir d'autre mutuelle complémentaire que l'appelante et qu'enfin, elle produit aux débats un courrier du service prestations prévoyance de la société AG2R La Mondiale confirmant compenser les demi-traitements à hauteur de 92% en cas de congé maladie ordinaire et 94 % en cas de congé longue maladie ou congé longue durée.
La cour écartera comme les premiers juges ces moyens soulevés pour s'opposer à sa demande.
Sur le préjudice corporel de Mme [J]
Mme [B] [J] née le [Date naissance 4] 1970 exerçait la profession de professeur des écoles au moment de l'accident survenu le 8 novembre 2008.
Elle effectuait, en sus, depuis quelques mois des heures en qualité d'aide-ménagère.
Les conclusions du professeur [G] en date du 8 octobre 2012 ne sont pas contestées.
L'expert rappelle que Mme [J] a présenté un traumatisme du rachis cervical à l'origine d'une entorse C3-C4 et un traumatisme thoracique, sans fracture. L'accident est également à l'origine d'une petite dissection carotidienne localisée.
La date de consolidation a été fixée par l'expert au 31 août 2011.
L'expert a conclut aux séquelles suivantes :
Atteinte permanente à l'intégrité physique et psychique dont les éléments constitutifs sont une raideur douloureuse du rachis cervical et des vertiges paroxistiques bénins. Ce tableau séquellaire est en grande partie imputable à la décompensation d'un état antérieur neuro-psychologique quiescent à l'occasion du traumatisme. Le taux d'AIP peut être évalué à 15%.
Seront d'emblée écartées les contestations formulées par l'appelante tenant au fait que certains postes de préjudice ne sont pas contractuellement garantis, ou tenant à une absence de mise en cause des tiers payeurs, la cour renvoyant à ses développements précédents écartant l'argumentation sur ces points de la Mutuelle Saint Christophe.
1.Sur les préjudices patrimoniaux
1.1 sur les préjudices patrimoniaux temporaires
les dépenses de santé actuelles
L'appelante conclut à l'infirmation sur ce point, ajoutant à ces critiques le fait que les séances d'ostéopathie ne sont pas évoquées dans le rapport d'expertise.
Au titre de frais restés à charge, Mme [J] a sollicité et obtenu du tribunal la fixation d'une somme de 2 581,94 euros représentant le coût de séances de kinésithérapie, d'acupuncture et de mésothérapie. Elle entend voir confirmer le jugement.
La cour constate que l'expert mentionne page 13 de son rapport que jusqu'à la consolidation le 31 août 2011, Mme [J] a été traitée par des séances de kinésithérapie, d'acupuncture et mésothérapie et que ces soins sont imputables aux lésions initiales jusqu'à consolidation. Mme [J] est donc fondée à invoquer les frais restés à sa charge à ce titre.
Elle verse aux débats un décompte précis de l'ensemble des frais engagés par elle, au titre des soins dispensés ; la cour estime que l'ensemble de ces soins doit être inclus dans ceux retenus par l'expert, étant observé qu'il a relevé page 10 de son rapport qu'elle subissait des séances d'acupuncture, de mésothérapie, d'ostéopathie et parfois de kinésithérapie ; ce décompte auquel sont joints les justificatifs mentionne les remboursements de la sécurité sociale, ceux de la mutuelle ; il est donc très précis quant aux frais restés à charge.
Seuls les frais antérieurs à la consolidation ne peuvent toutefois être réclamés au titre de ce poste de préjudice. Au vu du décompte, qui comporte des frais postérieurs au 31 août 2011, la cour ramènera la somme due de ce chef à celle de 1 902,04 euros.
les frais divers
La Mutuelle Saint Christophe conclut au rejet de la demande formulée relativement au coût d'un fauteuil relaxant, non retenu par l'expert au titre des préjudices en lien avec l'accident, tandis que Mme [J] demande à la cour de confirmer ce poste de préjudice, le docteur [Z] ayant estimé par un certificat du 11 mai 2011 la nécessité de ce matériel.
Si le docteur [G] conclut page 14 : Il n'y pas d'aménagement du logement ou du véhicule, l'expert cite aussi dans le corps de son rapport (page 9) les préconisations du docteur [Z] selon lesquelles l'état de santé de Mme [J] nécessite une adaptation de son domicile : fauteuil de relaxation avec appui-tête adapté permettant de limiter les contractions posturales ainsi que la fatigue induite par les stations prolongées inadaptées.
La dépense dont s'agit n'étant pas à proprement parler un aménagement du domicile, il y a lieu de retenir, comme les premiers juges, ces frais au vu de ces éléments.
La cour confirme le jugement sur ce point.
l'assistance tierce personne temporaire
Mme [J] forme appel incident sur ce point, estimant que les exclusions figurant au contrat n'ont pas vocation à s'appliquer et qu'ainsi le tribunal ne pouvait rejeter sa demande de ce chef au motif que la garantie sur ce point ne prévoit que le coût de l'assistance tierce personne après stabilisation.
L'appelante pour sa part demande à la cour la confirmation du jugement, en l'état d'une clause claire et non ambiguë, dont l'assurée avait parfaitement connaissance. En tout état de cause, elle relève que l'expert n'a pas retenu un besoin d'aide humaine de deux heures par semaine tel que sollicité.
Si l'expert mentionne que Mme [J] a eu besoin de l'aide de ses parents jusqu'à la consolidation, ce qui établit l'existence d'un tel préjudice, la cour considère que la demande de ce chef n'est contractuellement pas fondée, Mme [J] ayant parfaitement connaissance que s'agissant de ce poste de préjudice particulier, la garantie n'est offerte qu'après consolidation.
La cour approuve le tribunal en ce qu'il a rejeté cette prétention.
1.2 sur les préjudices patrimoniaux permanents après consolidation
les dépenses de santé futures
Outre les arguments déjà écartés par la cour tenant à l'absence de garantie contractuelle ou de l'absence de justificatifs des prestations versées par les tiers payeurs, la Mutuelle Saint Christophe objecte que les dépenses de santé futures n'ont pas été retenues par l'expert et en particulier la phytothérapie, l'hypnose ou l'acupuncture, soins dont la nécessité n'a pas été contradictoirement établie.
Subsidiairement, si une telle demande était admise, elle entend voir rejetée la demande fantaisiste d'une capitalisation, la durée des soins étant inconnue.
Mme [J] par voie d'appel incident sollicite l'infirmation du jugement qui fixe ce préjudice à la seule somme de 660 euros au titre de séances d'hypnose limitée pendant une période de six mois. Elle argue de soins de phytothérapie, de mésothérapie et d'hypnose qu'elle demande d'évaluer sur la base d'arrérages échus et d'arrérages à échoir jusqu'à la date de l'arrêt calculés à partir de l'euro de rente.
La cour relève que l'expert a conclu n'y avoir lieu à prévoir de soins futurs ou d'aide technique compensatoire. Dès lors quand bien même l'intimée justifie par des certificats médicaux ultérieurs faire l'objet de divers soins de phytothérapie, acupuncture, mésothérapie ou hypnose, la nécessité de ces soins n'a pas été contradictoirement établie. La cour estime injustifée cette prétention, déboutera Mme [J] de ce chef et infirme le jugement.
l'assistance tierce personne permanente
Il s'agit d'indemniser la victime des dépenses liées à la réduction d'autonomie.
La Mutuelle Saint Christophe conclut au rejet de cette prétention et à l'infirmation du jugement, arguant du fait que l'expert n'a pas retenu ce préjudice
Après avoir sollicité devant le tribunal une indemnisation de ce chef sur une base horaire de 15 euros, Mme [J] demande à la cour de porter cette indemnisation à 11 072 euros, sur une base de 16 euros.
Il est observé que le tribunal a admis son entière réclamation de ce chef en lui allouant une somme de 10 380 euros alors réclamée.
La cour constate que si le docteur [Z] dans un certificat du 2 octobre 2013 atteste que Mme [J] doit recourir à l'aide d'un tiers pour ses activités quotidiennes (ménage, course) pour une durée de 12 mois à compter de ce jour, que le docteur [L] [C] médecin ostéopathe conclut aussi le 13 novembre 2013 à un besoin en tierce personne, l'expert n'a pas retenu ce préjudice, le précisant clairement en page 14 : il n'y a pas après consolidation nécessité de l'assistance tierce personne.
Les avis des médecins sollicités par la victime ne sauraient dons suffire à combattre efficacement l'analyse de l'expert.
La demande de ce chef n'est donc pas justifiée et la cour infirmera le jugement de ce chef.
les pertes de gains professionnels futurs
Elle résulte de la perte de l'emploi ou du changement de l'emploi. Ce préjudice est évalué à partir des revenus antérieurs afin de déterminer la perte annuelle, le revenu de référence étant le revenu net annuel imposable avant l'accident.
La Mutuelle Saint Christophe s'oppose à toute indemnisation de ce chef, estimant une telle perte non démontrée, rappelant par ailleurs qu'il n'existe aucune perte de gains professionnels actuels. Elle fait valoir notamment qu'il ne peut être procédé à une capitalisation du préjudice sur l'euro de rente viager, Mme [J] n'établissant pas l'étendue de la perte de droits à la retraite.
L'intimée formant appel incident sur ce point considère que sa perte de gains est de 35 028,34 euros, demande à la cour de faire application de l'indice de l'euro de rente viagère prévu par le barème la gazette du palais 2020, pour tenir compte de l'impact sur la minoration de ses droits à retraite et de retenir une base de perte annuelle de revenus de 778,20 euros.
Son calcul comprend les arrérages échus du 31 août 2011 au 31 août 2019 puis les arrérages à échoir au delà de cette date.
La cour note que l'expert a précisé que Mme [J] disait ne pouvoir remplir ses taches professionnelles au delà d'un mi-temps, mais que les séquelles fonctionnelles actuelles n'expliquant pas cette impossibilité sur le plan somatique, qu'elle déclare toutefois une amélioration progressive de son état et espère reprendre ses activités antérieures. Il ajoute qu'après trois ans d'évolution, l'état ne s'est pas modifié et que rien ne permet de se prononcer sur le caractère certain et l'aspect définitif des modifications professionnelles.
Quant aux conséquences de l'accident dans la sphère professionnelle, il explique toutefois page 13 de son rapport, qu'il a existé et persiste une somatisation que les lésions initiales ne justifient pas et que l'état actuel est majoré par une somatisation lié à un mauvais vécu accidentel.
Dans de telles circonstances l'existence d'un préjudice professionnel sera retenue.
La perte de revenus alléguée par Mme [J] tient non à une perte de revenus en tant que professeur des écoles, mais au fait que bénéficiant d'une autorisation de cumul d'emploi, elle exerçait en tant qu'aide ménagère auprès du docteur [D], et percevait un salaire brut moyen de 64,85 euros, et que ce médecin a dû après l'accident recourir aux services d'une autre employée. Mme [J] justifie ses allégations sur ce point ; il est donc établi qu'elle a subi une perte de revenus en lien avec l'accident.
Les relevés CESU versés aux débats pour les mois d'avril 2008 à novembre 2008, établissent un revenu net mensuel moyen de 48,28 euros à ce titre. La cour approuve les premiers juges en ce qu'ils retiennent une indemnisation de ce préjudice sur cette base, soit 579,36 euros par an.
Mme [J] ne démontre pas la minoration de droits à la retraite de sorte que l'évaluation de ce préjudice jusqu'à 62 ans, tel qu'opéré par le tribunal est justifiée. En retenant l'euro de rente temporaire fixé par le barème de la gazette du palais 2020, ce qui se justifie, la cour devant apprécier le préjudice au jour où elle statue, les sommes dues à Mme [J] sont de :
- pour les arrérages échus du 31 août 2011 au 31 août 2021 : soit 10 ans :
10 x 579,36 euros = 5 793, 60 euros
- pour les arrérages à échoir à compter de cette date (Mme [J] a 51 ans) jusqu'au 22 août 2032, date à laquelle elle aura 62 ans :
579,36 x 10,807 = 6 261,14 euros
soit un total de 12 054,74 euros.
La cour infirme le jugement sur ce point.
l'incidence professionnelle
Ce chef de dommage a pour objet d'indemniser non la perte de revenus liée à l'invalidité permanente de la victime mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle en raison, notamment, de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d'une chance professionnelle ou de l'augmentation de la pénibilité de l'emploi qu'elle occupe imputable au dommage, ou encore l'obligation de devoir abandonner la profession exercée au profit d'une autre en raison de la survenance de son handicap.
La Mutuelle Saint Christophe objecte que Mme [J] ne peut se prévaloir d'une perte des droits à la retraite au titre des pertes de gains professionnels futurs et de l'incidence professionnelle, ne pouvant être indemnisée à deux reprises pour un même poste de préjudice.
Au soutien de sa demande de confirmation du jugement qui lui alloue de ce chef une somme de 20 000 euros d'indemnisation, Mme [J] argue d'une pénibilité accrue dans l'exercice de sa profession. Elle ajoute que le statut de travailleur handicapé lui a été accordé en 2015, qu'elle a été contrainte de changer d'établissement scolaire en raison d'une impossibilité de conduire, afin de pouvoir utiliser les transports en commun. Elle fait valoir encore qu'elle n'exerce désormais qu'à mi-temps et est limitée dans les activités dispensées aux élèves : exclusion de toute activité sportive, sorties scolaires, piscine, art plastique et visuel...
Elle soutient également qu'il y a lieu de tenir compte de la perte de ses droits à la retraite, dans la mesure où elle aurait dû cotiser durant 171 trimestres, ce qu'elle ne pourra faire.
Les premiers juges ont retenu à raison l'existence d'une incidence professionnelle liée à pénibilité et une fatigabilité accrues dans l'exercice de sa profession. L'expert a noté que si Mme [J] avait repris son activité professionnelle de professeur des écoles à mi-temps à compter de 2010, elle avait limité celle-ci, ne pouvant faire des affichages sur les murs de la classe, rester debout devant les élèves plus de dix minutes, surveiller les récréations et qu'à la date de l'expertise, elle ne peut pas écrire au tableau, ne peut toujours pas surveiller les récréations, assurer certains activités telles que sport ou les activités culturelles auprès des enfants. Il a également mentionné qu'en raison de son impossibilité de conduire elle a dû changer d'établissement.
Le tribunal a relevé également justement la perte d'autonomie de l'intéressée contrainte de se faire aider par des collègues, pour certaines tâches, la reconnaissance d'un statut de travailleur handicapé, facteurs d'un sentiment de dévalorisation.
Ces éléments justifient à eux seuls, alors que Mme [J] avait 41 ans à la date de consolidation, une indemnisation à hauteur de 20 000 euros de l'incidence professionnelle. La cour confirme le jugement de ce chef.
2.Sur les préjudices extra-patrimoniaux
2. 1 Sur les préjudices extra-patrimoniaux temporaires
le déficit fonctionnel temporaire
Il s'agit d'indemniser l'aspect non économique de l'incapacité temporaire, c'est-à-dire pendant la maladie traumatique de la victime.
Ce poste de préjudice correspond aux périodes d'hospitalisation de la victime, à la perte de la qualité de vie et à celle des joies usuelles de la vie courante rencontrée par la victime (séparation de la victime de son environnement familial et amical, privation temporaire des activités privées ou des agréments auxquels se livre habituellement la victime).
La Mutuelle Saint Christophe critique le jugement sur ce point en ce qu'il retient une base d'indemnisation de 25 euros, qu'elle entend voir porter à 20 euros. Elle demande en outre de fixer le déficit fonctionnel temporaire partiel pour la période du 8 janvier 2009 au 31 août 2009 à 50 % et non
65 % tel que retenu par le tribunal.
Mme [J] pour sa part approuve la base journalière appliquée par le tribunal, mais demande de retenir un déficit fonctionnel de 80 % pour la période précitée.
L'expert retient :
- un déficit fonctionnel temporaire total de deux mois,
- puis un déficit fonctionnel temporaire partiel à 80% puis progressivement 50% jusqu'au 31 août 2009,
- puis un déficit fonctionnel temporaire partiel jusqu'à consolidation de 15%.
C'est par une juste analyse que les premiers juges ont évalué au regard de ces conclusions, peu précises pour expliciter l'évolution dans le temps pendant la période du 8 janvier 2009 au 31 août 2009 du taux retenu, le déficit fonctionnel dont s'agit du à 65 %, taux médian entre 80% et 50%.
La cour retiendra une base d'indemnisation de ce préjudice de 25 euros par jour et confirme le jugement de ce chef.
les souffrances endurées
Il s'agit d'indemniser ici toutes les souffrances tant physiques que morales subies par la victime pendant la maladie traumatique et jusqu'à la consolidation.
L'expert a fixé ce préjudice à 3,5/7 relevant les douleurs initiales liées aux traumatismes cervicaux, osseux et tendineux, en raison du traumatisme thoracique et la dissection carotidienne et du mauvais vécu psychologique.
La cour considère justifiée au regard des souffrances physiques et morales justifiées par M. [J], la somme de 6 500 euros allouée à ce titre par le tribunal.
le préjudice esthétique temporaire
Ce poste vise à réparer le préjudice né de l'obligation de la victime de se présenter temporairement avant consolidation au regard des tiers dans une apparence physique altérée en raison de ses blessures.
L'expert retient l'existence d'un préjudice esthétique temporaire, qu'il évalue à 1/7. Il relève à cet effet que la victime a dû porter un collier cervical pendant de nombreux mois.
La somme de 1 000 euros, allouée par le tribunal répare ce préjudice. Il y a donc lieu à confirmation.
2. 2 Sur les préjudices extra-patrimoniaux permanents après consolidation
le déficit fonctionnel permanent
Ce poste tend à la réduction définitive du potentiel physique, psycho-sensoriel ou intellectuel résultant de l'atteinte à l'intégrité anatomo-physiologique, à laquelle s'ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques, normalement liées à l'atteinte séquellaire décrite ainsi que les conséquences habituellement et objectivement liées à cette atteinte à la vie de tous les jours.
La Mutuelle Saint Christophe estime excessive l'indemnisation fixée par le tribunal (24 000 euros) à ce titre.
Au vu des séquelles précédemment décrites, de l'âge de Mme [J] à la date de consolidation en l'espèce 41 ans, la cour fait sienne l'appréciation de ce préjudice par le tribunal et confirme dès lors l'indemnisation accordée à hauteur de 24 000 euros.
le préjudice esthétique permanent
Mme [J] forme appel incident sur ce point et sollicite l'octroi d'une somme de 1 500 euros de ce chef. Elle fait valoir que depuis l'accident, elle ne s'apprécie plus en photo dans la mesure où elle présente une raideur permanente au niveau du rachis cervical qui implique que sa tête soit constamment penchée, qu'elle porte parfois une minerve pour limiter les douleurs, qu'elle a des difficultés à supporter le regard des tiers qui se dirige systématiquement vers son cou.
La Mutuelle Saint Christophe conclut à la confirmation du jugement du rejette cette prétention.
L'expert judiciaire a exclu ce préjudice.
Les allégations formulées par Mme [J] quant à l'existence d'un préjudice esthétique persistant ne reposent sur aucune constatation médicale; les photographies de l'intéressée en classe portant une minerve et l'attestation de sa mère rapportant le ressenti de la victime quant au regard des tiers lorsqu'elle porte une minerve ne peuvent suffire à caractériser un tel préjudice. La cour confirme le jugement sur ce point.
le préjudice d'agrément
Le préjudice d'agrément est celui qui résulte d'un trouble spécifique lié à l'impossibilité pour la victime de continuer à pratiquer régulièrement une activité sportive ou de loisirs.
L'appelante conclut au rejet de cette demande et donc à l'infirmation du jugement, au motif qu'il n'est pas caractérisé.
L'expert note que Mme [J] a stoppé ses activités sportives et son activité musicale.
La cour approuve les premiers juges admettant ce préjudice au regard des conclusions de l'expert quant à la somatisation persistante liée aux lésions initiales, et au mauvais vécu accidentel par Mme [J].
L'intimée justifie par de nombreuses pièces (licence dans un club, photographies, attestations), la pratique par elle de plusieurs activités de loisirs. La cour confirme le jugement qui évalue ce préjudice à la somme de 5 000 euros.
Récapitulatif des sommes revenant à Mme [J] :
dépenses de santé actuelles :1 902,04 euros
frais divers ( fauteuil relaxant) :1 160 euros
assistance tierce personne temporaire :rejet
dépenses de santé futures :rejet
assistance tierce personne permanente :rejet
pertes de gains professionnels futurs :12 054,74 euros
incidence professionnelle :20 000 euros
déficit fonctionnel temporaire : 8 056,25 euros
souffrances endurées : 6 500 euros
préjudice esthétique temporaire : 1 000 euros
déficit fonctionnel permanent : 24 000 euros
préjudice esthétique permanent :rejet
préjudice d'agrément : 5 000 euros
total : 79 673,03 euros. Il y a donc lieu à infirmation du jugement qui condamne la Mutuelle Saint Christophe au paiement d'une somme totale de 92 537,94 euros.
Sur la demande formée par M. [J]
Ce dernier demande à être remboursé de frais de déplacement engagés pour véhiculer sa fille à des rendez-vous médicaux, expertises et autres trajets de la vie courante. Il réclame de ce chef une somme de 152,76 euros.
La Mutuelle Saint Christophe conclut à la confirmation du rejet de cette prétention, rappelant que la garantie conducteur souscrite n'a vocation à s'appliquer qu'au conducteur victime de dommages corporels à l'occasion d'un accident de la circulation du véhicule assuré.
Les consorts [J] ne justifient en effet pas que la garantie contractuelle, seule susceptible de fonder la demande en réparation, couvre de tels dommages. La cour confirme le jugement écartant ces prétentions.
Sur les autres demandes
La Mutuelle Saint Christophe demande que soit ordonnée la restitution des sommes qu'elle a versées en vertu du jugement assorti de l'exécution provisoire, avec les intérêts au taux légal.
Cependant, le présent arrêt, infirmatif sur divers postes de préjudice constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement, les sommes devant être restituées portant intérêt au taux légal à compter de la notification (la signification), valant mise en demeure, de la décision ouvrant droit à restitution.
Il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de la Mutuelle Saint Christophe.
La cour confirme le jugement s'agissant des frais irrépétibles et des dépens. L'appelante obtenant gain de cause en partie, il sera considéré que l'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
Les dépens seront mis à la charge de la Mutuelle Saint Christophe.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêté réputé contradictoire et par mise à disposition au greffe,
Rejette la demande de la Mutuelle Saint Christophe tendant à déclarer irrecevables les conclusions de M. et Mme [J] à compter du 28 septembre 2020 ;
Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il :
- fixe l'évaluation des préjudices suivants subis par Mme [B] [J] du fait de l'accident du 8 novembre 2008 :
*dépenses de santé actuelles : 2 581,94 euros.
* dépenses de santé futures : 660 euros
* perte de gains professionnels futurs : 5 841,88 euros (arrérages échus) et 7 357,87 euros (arrérages à échoir)
* assistance tierce personne : 10 380 euros ;
- condamne la Mutuelle Saint Christophe à payer à Mme [B] [J] en réparation de son préjudice à régler ces sommes pour un total de 92 537,94 euros duquel seront déduites les provisions déjà versées à hauteur de 8 448 euros ;
Statuant à nouveau sur les chefs de jugement infirmés,
Fixe l'évaluation des préjudices suivants subis par Mme [B] [J] du fait de l'accident du 8 novembre 2008 :
*dépenses de santé actuelles : 1 902,04 euros.
* perte de gains professionnels futurs : 12 054,74 euros ;
Rejette les demandes d'indemnisation formée par Mme [B] [J] au titre des dépenses de santé futures et de l'assistance tierce personne après consolidation ;
Condamne la Mutuelle Saint Christophe à payer à Mme [B] [J] en réparation de son préjudice à régler ces sommes pour un total de 79 673,03 euros duquel seront déduites les provisions déjà versées à hauteur de 8 448 euros ;
Y ajoutant,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de quiconque en cause d'appel ;
Déclare le présent arrêt commun à la Cpam d'Ille et Vilaine ;
Condamne la Mutuelle Saint Christophe aux dépens d'appel, recouvrés par Me Annaïc Lavole, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier La Présidente