5ème Chambre
ARRÊT N°-217
N° RG 19/01034 - N° Portalis DBVL-V-B7D-PRER
XL INSURANCE COMPANY SE
SA AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE
C/
SAS AR.VAL
Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 06 JUILLET 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Pascale LE CHAMPION, Présidente,
Assesseur : Madame Virginie PARENT, Présidente,
Assesseur : Madame Virginie HAUET, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Catherine VILLENEUVE, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 27 Avril 2022
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 06 Juillet 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTE :
Société XL INSURANCE COMPANY SE, société anonyme de droit irlandais, dont le siège social est situé à Dublin (IRLANDE), [Adresse 2], agissant par l'intermédiaire de sa Succursale Française, domiciliée [Adresse 4] - [Localité 5], immatriculée au RSC de Paris sous le numéro 419 408 927, venant aux droits d'AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE par suite d'une fusion absorption emportant transfert de portefeuille, agissant par ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,
Intervenante volontaire en lieux et place de l'appelante.
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représentée par Me Marie VERRANDO de la SELARL LEXAVOUE RENNES ANGERS, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Thierry MAZOYER, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE :
SAS AR.VAL immatriculée au RCS de VANNES sous le numéro 429 676 067, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Nicolas DE LA TASTE de la SELARL CVS, Plaidant, avocat au barreau de NANTES
Représentée par Me Benoît BOMMELAER de la SELARL CVS, Postulant, avocat au barreau de RENNES
*****************
Par contrat du 29 mai 2015, la société Ar.Val a loué un aéronef de type Cessna T210N, immatriculé N9533Y, auprès de la société Hor'Air.
Cet aéronef est assuré 'Corps' auprès de la société Axa Corporate Solutions Assurance selon un contrat d'assurance Multirisques Aviation XFR0005932AV14A pour une valeur de 120 000 euros.
Le 3 juin 2015, l'aéronef a été accidenté sur l'aérodrome de [Localité 7], alors qu'il était piloté par M. [P] [O], dirigeant de la société Ar.Val.
La société Axa Corporate Solutions Assurance a indemnisé la société Hor'Air et a sollicité le remboursement de 1'indemnité versée en raison de la faute de M. [P] [O], préposé de la société Ar.Val.
L'aéronef a été déclaré économiquement irréparable et déclaré en perte totale.
La société Axa Corporate Solutions Assurance a été amenée à verser à son assuré la somme de 120 000 euros augmentée des frais d'enlèvement de l'épave (860 euros) diminuée de la valeur de sauvetage de l'épave évaluée à dire d'expert à l2 000 euros et de la franchise contractuelle restée à la charge de 1'assuré (2 500 euros), soit 106 360 euros.
Par exploit d'huissier de justice du 28 février 2017, la société Axa Corporate Solutions Assurance a fait assigner la société Ar.Val.
Par jugement du 25 janvier 2019, le tribunal de commerce de Vannes a :
- débouté la société Axa Corporate Solutions Assurance de toutes ses demandes, fins et conclusions, pour les causes sus-énoncées,
- condamné la société Axa Corporate Solutions Assurance à payer à la société Ar.Val la somme de l 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Axa Corporate Solutions aux entiers dépens de l'instance,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes, fins et conclusions,
- arrêté et liquidé les dépens à recouvrer par le greffe à la somme de 66,70
euros TTC dont TVA 11,12 euros.
Le 14 février 2019, la société XL Insurance Company SE, venant aux droits de la société Axa Corporate Solutions Assurance par suite d'une fusion absorption, a interjeté appel de cette décision et aux termes de ses dernières écritures notifiées le 30 juin 2021, elle demande à la cour de :
- lui décerner acte de son intervention volontaire aux droits et aux lieu et place de la société Axa Corporate Solutions Assurance,
- l'y déclarer recevable et y faisant droit,
- dire l'appel recevable et fondé,
- infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de commerce de Vannes le 25 janvier 2019 et en particulier en ce qu'il a :
* débouté la société Axa Corporate Solutions Assurance de toutes ses demandes, fins et conclusions,
* condamné la société Axa Corporate Solutions Assurance à payer la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
* condamné la société Axa Corporate Solutions Assurance aux entiers dépens de l'instance,
Et, statuant à nouveau :
- condamner la société Ar.Val à lui payer les sommes de :
* 106 360 euros avec intérêts au taux légal à compter du 3 août 2016,
* 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- rejeter toutes prétentions contraires aux présentes comme non recevables, en tout cas non fondées,
- condamner la société Ar.Val aux dépens de première instance et d'appel, recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 25 juillet 2019, la société Ar.Val demande à la cour de :
- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Vannes du 25 janvier
2019,
En conséquence,
- débouter la société Axa Corporate Solutions Assurance de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
- condamner la société Axa Corporate Solutions Assurance à lui verser la somme de 1 000 au titre des frais irrépétibles de première instance,
Y ajoutant,
- condamner la société Axa Corporate Solutions Assurance à lui verser la somme de 6 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel,
- condamner la même aux entiers dépens de première instance et d'appel.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 7 avril 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
En préliminaire, il convient de prendre acte de l'intervention volontaire de la société XL Insurance Company SE, venant aux droits de la société Axa Corporate Solutions Assurance.
Au soutien de son appel, la société XL Insurance Company SE explique que l'accident est dû à un manque d'alimentation en carburant de l'aéronef et à une absence de sortie du train d'atterrissage et que ces manquements sont imputables à M. [O]. Elle considère que les fautes commises par M. [O] constituent des fautes lourdes.
Elle rappelle les conditions contractuelles du contrat de location et indique que la société Ar.Val, locataire doit répondre des dommages causés à l'avion pendant que celui-ci est sous sa garde. Elle prétend que la société Ar.Val est responsable vis à vis de la société Hor'Air dans les droits de laquelle elle est subrogée.
La société XL Insurance Company SE soutient que la clause contractuelle de renonciation à tout recours prévue dans le contrat de location ne peut recevoir application en cas de faute lourde du locataire comme dans le cas présent.
En réponse, la société Ar.Val expose les circonstances des différents vols de son gérant ainsi que les manoeuvres réalisées par ce dernier lorsque le moteur s'est arrêté pour pouvoir atterrir.
Elle signale qu'aucune infraction pénale n'a été retenue à l'encontre de M. [O].
Ce dernier considère que le manque de carburant s'explique par le vol d'essence sur le terrain de [Localité 8] Barberey.
La société Ar.Val fait valoir que, dans le contrat de location, seul l'assureur a renoncé à son recours contre le responsable et que cette renonciation n'est pas limitée par l'existence d'une faute lourde. Elle souligne que la faute lourde, dont se prévaut l'assureur, ne figure pas dans le contrat de location mais dans le contrat d'assurance souscrit par la société Hor'Air. Selon elle, les conditions du contrat d'assurance ne lui sont pas opposables.
Elle conteste toute faute lourde de son dirigeant.
Concernant les circonstances de l'accident, lors de son audition M. [O] a déclaré avoir pris l'avion le 3 juin 2015 à 6 h du matin à l'aérodrome de [Localité 8] pour un vol à destination de [Localité 9] avec un passager à bord.
Après une escale à [Localité 9], M. [O] est reparti seul pour l'aérodrome d'[Localité 6] où il s'est posé à 10 h 10. Il quitte cet aérodrome à 16 h 30 pour rejoindre [Localité 8].
À 20 minutes de son horaire d'arrivée, l'aéronef s'est trouvé à court de carburant. M. [O] s'est trouvé dans l'obligation d'effectuer un atterrissage en urgence.
L'enquête réalisée par le bureau d'enquête et d'analyses pour la sécurité de l'aviation civile (BEA) a confirmé que l'accident provient d'un manque d'alimentation en carburant, les réservoirs étant vides. Il a exclu une défaillance technique (qui, au demeurant, n'est pas alléguée par le gérant de la SAS Ar.Val). Le BEA fait état du nombre élevé de vols en trois jours, ainsi que d'une absence de vérification visuelle du niveau de carburant dans les réservoirs avant chaque vol et d'une surveillance insuffisante en vol des indicateurs de niveau de carburant.
Le contrat de location conclu entre les sociétés Hor'Air et Ar.Val rappelle 'l'obligation de la visite prévol comportant toutes les vérifications de niveau d'huile et de carburant' au même titre que le paragraphe 5.6.3 du chapitre 5 de l'arrêté du 24 juillet 1991.
M. [O] a indiqué ne pas avoir contrôlé visuellement 'la quantité des réservoirs avant de partir', mais précise que les jauges marquaient le plein sur chaque réservoir et qu'il avait fait un complément de carburant la veille.
Or la manuel de vol de l'avion préconise de vérifier visuellement la quantité de carburant dans chaque réservoir avant chaque vol.
Le pilote n'a ainsi pas respecté les conditions du contrat de location par lequel il s'est engagé à 'utiliser l'avion conformément aux indications du manuel de vol et à toutes prescriptions légales et réglementaires'.
Le BEA confirme l'absence totale de sortie du train d'atterrissage lors du premier rebond de l'aéronef sur la piste. Il a noté des traces d'hélice sur le sol sur 75 mètres. Il a observé que la commande du train d'atterrissage avait été actionnée ensuite mais que le train principal n'avait pas eu le temps de se déployer complètement et de se verrouiller pour maintenir l'avion sur ses roues.
Le BEA explique l'absence de sortie du train d'atterrissage par une expérience récente du pilote sur avion à train escamotable, et une application incomplète des actions avant atterrissage.
Lors du relevage de l'avion, aucun dysfonctionnement sur le train d'atterrissage n'a été relevé par l'atelier de maintenance ;
Sur le problème du train d'atterrissage, le pilote a changé de version. Ainsi devant la cour d'appel de Versailles, la société Ar.Val a déclaré qu'elle n'avait pas eu d'autre choix que de tenter un atterrissage, train rentré, car le terrain était irrégulier. Aujourd'hui, la société Ar.Val écrit que M. [O] a sorti le train d'atterrissage à raison de deux crans de ses volets et le 3ème cran peu avant l'arrondi et qu'il a constaté que le train n'était pas sorti.
Les éléments du dossier permettent d'établir que M. [O] a pris la décision de sortir le train d'atterrissage mais tardivement.
Les fautes du pilote sont ainsi avérées dans la survenance de l'accident, quand bien même il n'a fait l'objet d'aucune condamnation pénale.
Le contrat de location de l'avion du 29 mai 2015 prévoit :
- en son article 1 : à compter de la signature du présent contrat, mais pendant la durée de chaque utilisation uniquement, la responsabilité de l'appareil est transférée au locataire qui, en sa qualité de gardien détenteur de l'avion loué, sera responsable de tout dommage causé à l'avion ou à l'occasion de son emploi à des personnes transportées ou non, y compris le pilote, ou à des biens.
- en son article 5 : le locataire bénéficie d'une police d'assurance couvrant : l'assurance Corps de l'avion (casse ou incendie au sol ou en vol) avec abandon de recours à l'encontre du locataire. Pour chaque sinistre, le locataire conservera à sa charge, s'il est retenu responsable (y compris en cas de perte totale) une franchise égale à 2 500 euros.
Ainsi la société Ar.Val bénéficie de la police d'assurance souscrite par le loueur avec abandon de recours à l'encontre du locataire.
La société Hor'Air a souscrit un contrat d'assurance multirisque aviation n° XFR0005932AV14A auprès de la société Axa Corporate Solutions Assurances, dans lequel est mentionnée, pour l'avion N9533Y, la clause suivante : Vols de tourisme et d'affaire. Location pour vols de tourisme et affaire (renonciation à recours à l'encontre du locataire sauf en cas de faute lourde et intentionnelle de ce dernier).
Cette clause sur la faute lourde et intentionnelle n'a pas été portée à la connaissance de la société Ar.Val. Si l'assurance est subrogée dans les droits de l'assuré, le contrat de location ne prévoit aucune renonciation à recours sauf faute lourde. La clause ne saurait être appliquée dans le cas présent.
Il n'est donc pas utile de déterminer si les fautes du locataire constituent ou non des fautes lourdes et intentionnelles.
La société Ar.Val bénéficie de la clause de non recours.
En conséquence, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté l'assureur de toutes ses demandes.
Succombant en son appel, la société XL Insurance Company SE est déboutée de sa demande en frais irrépétibles et est condamnée à payer à la SAS Ar.Val la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens, étant par ailleurs précisé que les dispositions du jugement sur les frais irrépétibles et les dépens sont confirmées.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe :
Prend acte de l'intervention volontaire de la SARL XL Insurance Company SE, venant aux droits de la société Axa Corporate Solutions Assurance ;
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Déboute la SARL XL Insurance Company SE de sa demande en frais irrépétibles ;
Condamne la SARL XL Insurance Company SE à payer à la SAS Ar.Val la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SARL XL Insurance Company SE aux dépens.
La greffièreLa présidente