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06/07/2022 | FRANCE | N°19/01242

France | France, Cour d'appel de Rennes, 5ème chambre, 06 juillet 2022, 19/01242


5ème Chambre





ARRÊT N°-219



N° RG 19/01242 - N° Portalis DBVL-V-B7D-PR22













Organisme CPAM D'ILLE ET VILAINE



C/



M. [Z] [G]

Mme [E] [S]

MACSF



















Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours















Copie exécutoire délivrée



le :



à :













RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 06 JUILLET 2022





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Pascale LE CHAMPION, Présidente,

Assesseur : Madame Virginie PARENT, Présidente,

Assesseur : Madame Virgi...

5ème Chambre

ARRÊT N°-219

N° RG 19/01242 - N° Portalis DBVL-V-B7D-PR22

Organisme CPAM D'ILLE ET VILAINE

C/

M. [Z] [G]

Mme [E] [S]

MACSF

Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 06 JUILLET 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Pascale LE CHAMPION, Présidente,

Assesseur : Madame Virginie PARENT, Présidente,

Assesseur : Madame Virginie HAUET, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Catherine VILLENEUVE, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 27 Avril 2022

ARRÊT :

Réputé contradictoire, prononcé publiquement le 06 Juillet 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE :

Organisme CPAM D'ILLE ET VILAINE

[Adresse 8]

[Localité 4]

Représentée par Me Antoine DI PALMA, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉS :

Monsieur [Z] [G]

né le [Date naissance 2] 1972 à

HÔPITAL PRIVE [10] - [Adresse 3]

[Localité 6]

Représenté par Me Isabelle ANGUIS de la SELARL ARVOR AVOCATS ASSOCIÉS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

Madame [E] [S], ayant fait l'objet des significations prévues par les articles 902 et 911 du code de procédure civile par remise de l'acte à sa personne, n'ayant pas constitué avocat

[Adresse 9]

[Localité 5]

Société MACSF (Mutuelle d'Assurances du Corps de Santé Français)

[Adresse 1]

[Localité 7]

Représentée par Me Isabelle ANGUIS de la SELARL ARVOR AVOCATS ASSOCIÉS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

*****

Au mois de décembre 2010, Mme [E] [S] a présenté une sciatique droite, traitée par antalgiques prescrits par son médecin traitant.

Le 10 mars 2011, une IRM a mis en évidence une saillie discale L4L5 sur une sténose canalaire L4L5.

Le docteur [Z] [G], neurochirurgien à l'hôpita1 privé [10] auquel l'a adressée son médecin traitant, a reçu Mme [E] [S] en consultation les 2 et 9 mai puis le 15 juin 2011 et lui a proposé un re-calibrage bilatéral avec une discectomie éventuelle.

Le 20 juin 2011, Mme [E] [S] a subi une intervention réalisée par le docteur [G], consistant en une laminarthrectomie bilatérale L4L5 et d'excision du disque L4L5. Quelques jours après, elle est rentrée à son domicile.

Le 6 juillet 2011, au cours d'une consultation post-opératoire, le docteur [G] a constaté que Mme [E] [S] présentait un déficit sensitif péri-vaginal et péri-anal gauche dans les territoires S3S5.

Le 20 septembre 2011, lors d'une nouvelle consultation, le docteur [G] ayant noté que Mme [E] [S] ressentait des brûlures péri-anales et des crampes dans le mollet droit, a prescrit une IRM.

Le 29 septembre 2011 cet examen a révélé un conflit disco-radiculaire L5 gauche par hernie discale paramédiane gauche, à la suite de quoi le docteur [G] a adressé la patiente au docteur [H] afin de faire réaliser un bilan urodynamique qui a mis en évidence une incontinence et a confirmé la présence de troubles ano-rectaux de type sensitif.

Le 6 décembre 2011, Mme [E] [S] a consulté le docteur [D], gastro-enterologue qui a confirmé le syndrome dit de la queue de cheval.

Le 27 février 2012, au cours d'une consultation en service de proctologie, un diagnostic de neuropathie pélvipérinéale a été porté et un traitement prescrit.

Le 30 octobre 2012, Mme [E] [S] a présenté une requête auprès de la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux (CRCI) de Bretagne, laquelle le 5 mars 2013, a ordonné une expertise médicale et désigné le professeur [R] [F], neurochirurgien, lequel a déposé son rapport le 4 octobre 2013.

Dans sa décision du 21 novembre 2013, la CRCI a estimé qu'aucune faute n'était imputable ni au docteur [G] ni à l'hôpital privé [10] dans le cadre de l'intervention du 20 juin 2011, mais que la prise en charge de la complication anormale par le docteur [G], n'avait pas été conforme aux règles de 1'art et que sa responsabilité était engagée sur le fondement d'une faute ayant fait perdre à Mme [E] [S] une chance d'éviter 1es signes déficitaires, perte de chance évaluée à 75%.

Du fait de cet accident médical, la CPAM d'Ille et Vilaine a exposé des débours d'un montant de 38 457,69 euros.

Contactée le 8 juillet 2014, la MACSF (venant aux droits de Le Sou Médical) assureur du docteur [G], a indiqué qu'elle n'entendait pas présenter d'offre d'indemnisation.

Par actes délivrés les 17 octobre et 14 novembre 2014, la CPAM a fait assigner respectivement la MACSF (venant aux droits de Le Sou Médical) et le docteur [Z] [G] en condamnation à lui payer le montant de ses débours.

Entre temps, 1'ONIAM a offert à Mme [E] [S] la somme totale de 13 360,46 euros en réparation des préjudices subis.

Par conclusions du 21 mai 2015, les défendeurs ont saisi le juge de la mise en état d'une demande d'expertise judiciaire et par acte du 4 juin suivant, la MACSF a fait assigner Mme [E] [S] en déclaration de jugement commun.

Par décision du 17 septembre 2015, le juge de la mise en état a ordonné la jonction de deux affaires puis le 1er juillet 2016 a ordonné une expertise médicale confiée cette fois au professeur [B] lequel a déposé son rapport le 17 décembre 2016.

Par jugement en date du 15 janvier 2019, le tribunal a :

- dit que le docteur [Z] [G] n'a pas commis un manquement à son

devoir d'information dans le suivi de Mme [E] [S],

- dit que le docteur [Z] [G] n'a pas commis une faute dans le suivi postopératoire de Mme [E] [S], ayant entraîné une perte de chance pour cette dernière,

En conséquence,

- débouté la CPAM d'Ille et Vilaine de ses demandes,

- débouté le docteur [Z] [G] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté Mme [E] [S] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la CPAM d'Ille et Vilaine aux dépens, qui seront recouvrés par la SELARL Arvor Avocats conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Le 21 février 2019, la CPAM d'Ille et Vilaine a interjeté appel de cette décision et aux termes de ses dernières écritures notifiées le 20 mai 2019, elle demande à la cour de :

- dire mal jugé, bien appelé,

- voir réformer en toutes ses dispositions le jugement du Tribunal de Grande Instance de Rennes du 15 janvier 2019,

- condamner conjointement et solidairement le Docteur [G] et la société MACSF Sou Médical à verser à la CPAM d'Ille et Vilaine le montant de ses débours définitifs se décomposant comme suit :

* hospitalisation : 674,87 euros,

* dépenses médicales actuelles :

° frais médicaux du 20 juin 2011 au 30 mai 2013 : 2 530,68 euros,

° frais pharmaceutiques du 23 juin 2011 au 22 mai 2013 : 2 913,05 euros,

° frais de transports du 22 juin 2011 au 15 avril 2013 : 2 679,75 euros,

* dépenses médicales viagères (frais pharmaceutiques) :

° forlax : 91,44 euros,

° sondage (code LPP 1155093 1 fois /Jour 5,80 euros X 365 Jours) 2 117 euros,

° montant annuel soit : 2 208,44 euros,

° coefficient de valorisation viagère (arrêté 2013) x 13,430

° montant viager : 29 659,34 euros

* pour un total de 38 457,69 euros

* ladite somme avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir et jusqu'à parfait paiement.

- dire que les intérêts seront capitalisés sur le fondement de l'article 1343-2 du code civil.

- s'entendre le Docteur [G] et la société MACSF Sou Médical condamner conjointement et solidairement à verser à la CPAM d'Ille et Vilaine, la somme de 3 000 euros, sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- s'entendre les mêmes condamner conjointement et solidairement à verser à la CPAM d'Ille et Vilaine la somme de 1080 euros sur le fondement de l'article L 376-1 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction des articles 9 et 10 de l'ordonnance du 24 janvier 1996 et de l'arrêté du 27 décembre 2018, publié au J0 du 30 décembre 2018, relatif au financement de la sécurité social pour l'année 2019,

- s'entendre le Docteur [G] et la compagnie MACSF Le Sou Médical condamner sus la même solidarité aux tiers dépens dont distraction au profit de Me Antoine Di Palma, Avocat aux offres de droit.

Par dernières conclusions notifiées le 2 août 2019, le Docteur [Z] [G] et la MACSF demandent à la cour de :

- confirmer le jugement du Tribunal de Grande Instance de Rennes du 15 janvier 2019 en ce qu'il a jugé que le Docteur [Z] [G] n'avait commis aucun manquement à son devoir d'information, et aucune faute dans le suivi postopératoire de Mme [E] [S],

- condamner la Caisse Primaire d'Assurance Maladie d'Ille et Vilaine à payer au Docteur [Z] [G] et à la Mutuelle d'assurances du Corps de Santé Français la somme de 3 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la Caisse Primaire d'assurance Maladie d'Ille et Vilaine aux entiers dépens, qui seront recouvrés par la SELARL Arvor Avocats Associés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Mme [E] [S] n'a pas constitué avocat dans le délai prescrit. La déclaration d'appel ainsi que les conclusions d'appelant ont été signifiées à Mme [E] [S] en personne le 20 mai 2019.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 7 avril 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

- Sur la responsabilité du Dr [G]

* Sur le manquement au devoir d'information

La CPAM d'Ille et Vilaine soutient que le risque du syndrome dit de la queue de cheval n'a pas été porté à la connaissance de Mme [S] profane en la matière ou à tout le moins pas de manière suffisante, claire et explicite. Elle fait valoir que le docteur [F], désigné par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux (CRCI) de Bretagne a souligné un défaut d'information imputable au docteur [G] en ce qu'il n'a pas informé sa patiente des risques du syndrome de la queue de cheval. Elle relève que si l'expert judiciaire le docteur [B] a indiqué que le docteur [G] avait satisfait à son devoir d'information, celui-ci n'avait pas constaté que la patiente avait été spécifiquement avertie des risques du syndrome de la queue de cheval qu'il qualifie de connu et dont la gravité doit conduire à une surveillance post-opératoire particulièrement attentive. Elle en déduit que cette omission s'analyse en un manquement du docteur [G] à son obligation d'information de nature à engager sa responsabilité.

Le docteur [G] et la mutuelle MACSF font valoir que l'expert judiciaire a validé le contenu de l'information délivrée par le docteur [G] à Mme [S]. Ils précisent que le docteur [F] n'a pas mis en évidence un défaut d'information mais a émis un simple doute au vu des déclarations de la patiente qui n'a pas lieu d'être au vu des éléments du dossier. Ils indiquent que si le terme du syndrome de la queue de cheval n'a pas été mentionné, Mme [S] a été informée des principaux troubles constituant ce symptôme à savoir un éventuel déficit moteur, des troubles sphinctériens et urinaires et qu'elle a ainsi reçu une information adaptée à la situation et suffisamment précise. Ils ajoutent que le docteur [F] a reconnu qu'il n'y avait aucune perte de chance liée à ce défaut d'information.

Aux termes de l'article L. 1111-2 I du code de la santé publique : 'toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et les conséquences prévisibles en cas de refus (...) Lorsque, postérieurement à l'exécution des investigations, traitements ou actions de prévention, des risques nouveaux sont identifiés, la personne concernée doit en être informée, sauf en cas d'impossibilité de la retrouver.

Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seule l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent l'en dispenser.

Cette information est délivrée au cours d'un entretien individuel

(...)

En cas de litige, il appartient au professionnel ou à l'établissement de santé d'apporter la preuve que l'information a été délivrée à l'intéressé dans les conditions prévues au présent article. Cette preuve peut être apportée par tout moyen'.

L'article R. 4137-35 alinéa 1er du code de la santé publique dispose que le médecin doit à la personne qu'il examine, soigne ou qu'il conseille une information loyale, claire et appropriée sur son état, les investigations et les soins qu'il lui propose. Tout au long de la maladie, il tient compte de la personnalité du patient dans ses explications et veille à leur compréhension.

L'expert judiciaire, le docteur [B] a conclu qu'une information détaillée avait été délivrée à la patiente et que le docteur [G] avait satisfait à son devoir d'information.

Le docteur [F] désigné par la CRCI a conclu que l'information n'avait pas été suffisante mais que ce défaut n'a pas entraîné de perte de chance pour la patiente. Il a précisé dans son rapport 'Mme [S] a été informée des risques de l'intervention. Le docteur [G] ne l'avait peut être pas informée des risques de syndrome de la queue de cheval en particulier et ces risques étant de 2% environ, même informée il est probable que Mme [S] qui souffrait beaucoup, aurait accepté l'intervention. Il n'y a donc pas eu de défaut d'information entraînant une perte de chance de se soustraire à l'intervention. Elle avait signé un document de consentement'.

Il est établi que Mme [S] a signé l'attestation de consentement éclairé en date du 15 juin 2011. Par courrier du 16 juin 2011, le docteur [G] écrivait au médecin traitant de Mme [S] qu'il avait expliqué à cette dernière tous les risques et complications mentionnés dans la feuille d'information de la société française sur la chirurgie du rachis et qu'il avait insisté sur les 'risques d'une infection, d'une récidive de hernie discale, d'un déficit moteur, d'une brèche dure-mère, d'un hématome, des troubles sphinctériens et urinaires post-opératoires, le risque d'une fibrose, d'une instabilité et surtout les risques de l'anesthésie'.

S'il n'est pas contesté que le docteur [G] n'a pas informé Mme [S] des risques du syndrome de la queue de cheval en mentionnant le nom de ce symptôme, il a néanmoins informée cette dernière des principaux troubles constituant ce syndrome à savoir l'éventuel déficit moteur, les troubles sphinctériens et urinaires tels que décrits par le docteur [B]. Il doit en être déduit que le docteur [G] a délivré à sa patiente une information loyale, claire et appropriée des risques liés à l'intervention. C'est à bon droit que le jugement entrepris a constaté que le docteur [G] avait satisfait à son obligation d'information.

* Sur le retard de diagnostic

La CPAM d'Ille et Vilaine soutient qu'aux termes de l'article L. 1142-1 I du code de la santé publique, le docteur [G] a commis un retard de diagnostic de la complication survenue à Mme [S] en post-opératoire en ne réalisant pas une IRM avant sa sortie d'hôpital ou lors de sa consultation post-opératoire qui aurait permis de diagnostiquer un hématome compressif à l'origine des troubles présentés. Elle se fonde sur les conclusions du docteur [F] qui a considéré que ce défaut de prise en charge avait entraîné une perte de chance de 75% d'éviter les signes déficitaires actuels.

Le docteur [G] et la mutuelle MACSF contestent le rapport du docteur [F] et la survenance d'un hématome compressif en post-opératoire au motif que les troubles présentées par la patiente sont intervenus progressivement et pas dans les suites de l'intervention. Ils se fondent sur le rapport du docteur [B] qui a conclu que l'hypothèse d'un hématome aigu post-opératoire était très peu probable au vu des éléments de l'espèce. Ils en déduisent que le médecin n'a commis aucun retard fautif et qu'aucune perte de chance ne peut lui être imputée, aucun élément formel n'indiquant qu'une intervention aurait pu améliorer la symptomatologie décrite.

Aux termes de l'article L. 1142-1 I du code de la santé publique, 'hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère'.

Le retard de diagnostic invoqué repose sur l'absence de réalisation d'une IRM en post-opératoire qui aurait, selon l'appelante, permis de diagnostiquer l'hématome compressif à l'origine des troubles présentés par Mme [S].

Comme l'a relevé à juste titre le jugement entrepris, le diagnostic d'un hématome compressif dans la survenance du syndrome de la queue de cheval n'est pas acquis. En effet, cette hypothèse a été retenue uniquement par le docteur [F], lequel s'est fondé sur les déclarations de Mme [S] lors de l'expertise qui évoquait un engourdissement au niveau du périnée et une constipation. Il a également indiqué que les feuilles de soins n'avaient pas été remplies selon les règles de l'art.

Or il ne peut être affirmé sur les bases des déclarations faites par Mme [S] au moment de l'expertise que les feuilles de soins, qui ne font état d'aucune doléance, n'étaient pas remplies selon les règles de l'art et ce d'autant que ni le compte rendu d'hospitalisation ni la 'fiche annonce opératoire' ne mentionnent des doléances de la patiente. Les premières plaintes de Mme [S] interviennent à l'occasion d'une consultation du 6 juillet 2011 où elle disait ne plus ressentir depuis quelques jours de sensations génitales et péri-anales. Le 13 juillet 2011, elle faisait état de troubles sensitifs périnéaux et des douleurs dans le mollet mais le 28 juillet 2011, elle faisait part d'une amélioration. Le 20 septembre 2011, elle disait ressentir des brûlures au niveau anal et des crampes dans le mollet droit puis une incontinence à compter du mois d'octobre 2011 qui devait s'aggraver. Une IRM était réalisée le 29 septembre 2011 qui retrouvait un conflit discoradiculaire L5 gauche par une hernie discale paramédiane gauche.

Au vu des pièces médicales produites, il en résulte que les troubles présentés par Mme [S] sont intervenus progressivement dans les mois qui ont suivi l'intervention et non dans les suites immédiates de l'intervention.

L'hypothèse de l'hématome compressif post-opératoire n'a pas été retenue par l'expert judiciaire, le docteur [B] qui a conclu que la complication survenue a constitué un accident rare non fautif en indiquant que :

- la genèse des troubles est probablement mixte, associant cause vasculaire et décompensation d'un canal lombaire de dimension limite, les troubles sphinctériens décrits étant eux, pour partie, à rattacher à une faiblesse périnéale. Ils n'existaient pas toutefois (ou n'étaient pas notés) avant le geste incriminé,

- la prise en charge post-opératoire aurait pu être plus attentive dans la recherche d'une cause particulière (réalisation d'une IRM précoce, lors de la constatation par le chirurgien des troubles sensitifs dès juillet 2011) mais aucun élément formel n'indique qu'une intervention aurait pu améliorer la symptomatologie décrite, l'hypothèse d'un hématome compressif étant en l'état du dossier impossible à affirmer,

- compte tenu des délais d'apparition des troubles et de leur prise en compte une telle chirurgie de reprise n'aurait pas garanti un résultat fonctionnel satisfaisant.

L'expert indique que la cause des troubles présentés par Mme [S] n'est pas un hématome compressif (en l'absence de douleurs précoces et en l'absence de radiculalgies) mais une cause vasculaire et une décompensation d'un canal lombaire.

De même, dans le bilan neuro-urologique du 12 février 2013 du docteur [L], celui-ci n'évoquait pas l'hypothèse d'un hématome compressif mais indiquait que l'atteinte neurologique présentée par Mme [S] était sans doute liée 'à un phénomène d'ischémie du cône terminal'.

Le rapport critique du docteur [K], neurochirurgien, produit par les intimés conteste les conclusions du docteur [F] sur la survenance d'un hématome compressif post-opératoire en rappelant qu'un tel hématome 'ne se développe pas à bas bruit et se révèle dans les premiers jours après l'intervention par un syndrome douloureux, intense, hyperalgique, empêchant la sortie de l'hôpital ou imposant un retour en chirurgie en urgence' et tend à corroborer la thèse retenue dans le rapport d'expertise judiciaire sur l'absence d'un hématome compressif.

Au vu de ces éléments, c'est à bon droit que le jugement entrepris a retenu que le docteur [G] n'avait commis aucune faute dans le suivi post-opératoire de Mme [S] qui ait pu entraîner une quelconque perte de chance, le docteur [B] ayant conclu qu'une IRM précoce n'aurait pu de façon directe, totale et certaine améliorer les symptômes présentés par Mme [S].

Le jugement sera ainsi confirmé.

- Sur les frais irrépétibles et les dépens

Succombant en son appel, la CPAM d'Ille et Vilaine sera condamnée à verser au docteur [G] et à la Mutuelle d'assurances du corps de la santé français la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles en cause d'appel ainsi qu'aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. Les dispositions du jugement entrepris sur les frais irrépétibles et les dépens seront confirmées.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement par arrêt réputé contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe :

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne la Caisse primaire d'assurance maladie d'Ille et Vilaine à verser à M. [Z] [G] et à la Mutuelle d'assurances du corps de la santé français la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles en cause d'appel ;

Condamne la Caisse primaire d'assurance maladie d'Ille et Vilaine aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile

Le greffier, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19/01242
Date de la décision : 06/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-06;19.01242 ?
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