3ème Chambre Commerciale
ARRÊT N°515
N° RG 21/03934 - N° Portalis DBVL-V-B7F-RY5Z
M. [X] [Z]
C/
S.C.O.P. S.A.R.L. CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE CARQUEFOU
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me DUBERNAT
Me SIROT
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 18 OCTOBRE 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre,
Assesseur : Madame Fabienne CLEMENT, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseillère,
GREFFIER :
Madame Julie ROUET, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 12 Septembre 2022 devant Monsieur Alexis CONTAMINE, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 18 Octobre 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANT :
Monsieur [X] [Z]
né le [Date naissance 3] 1967 à [Localité 5]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représenté par Me Grégory DUBERNAT, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES
INTIMÉE :
CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE CARQUEFOU immatriculée au RCS de NANTES sous le n° 785 936 378, agissant poursuites et diligences de ses
représentants légaux, domiciliés en cette qualité au siège
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Alexandra VEILLARD substituant Me Pierre SIROT de la SELARL RACINE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES
FAITS ET PROCÉDURE :
Le 10 avril 2015, la société Oslo a souscrit auprès de la société Caisse de Crédit Mutuel de Carquefou (le Crédit Mutuel) un contrat de prêt, n°10278 36026 00012195703, d'un montant principal de 70.000 euros, remboursable en 84 mensualités au taux d'intérêt nominal annuel de 1,5%.
Le même jour, M. [Z], gérant de la société Oslo, s'est porté caution solidaire au titre de ce prêt dans la limite de la somme de 45.500 euros, couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour une durée de 108 mois.
Le 7 février 2018, la société Oslo a été placée en liquidation judiciaire.
Le 1er mars 2018, le Crédit Mutuel a déclaré sa créance entre les mains du mandataire judiciaire.
Le 2 mars 2018, le Crédit Mutuel a mis en demeure M. [Z] d'honorer son engagement de caution.
Le 16 novembre 2018, le Crédit Mutuel a assigné M. [Z] en paiement.
Par jugement du 31 mai 2021, le tribunal de commerce de Nantes a :
- Reçu le Crédit Mutuel en ses demandes,
- Débouté M. [Z] de sa demande en nullité sur les fondements des articles 1128 et suivants du code civil,
- Débouté M. [Z] de sa demande en nullité pour man'uvre dolosive,
- Débouté M. [Z] de sa demande d'indemnisation au titre de sa chance de ne pas contracter,
- Dit que l'engagement de caution solidaire de M. [Z], au moment de sa signature n'était pas disproportionné,
- Dit que le Crédit Mutuel a bien versé aux débats les lettres d'information annuelle des cautions et débouté M. [Z] de sa demande en déchéance des intérêts et pénalités de retard,
- Condamné M. [Z] à payer au Crédit Mutuel la somme de 45.500 euros au titre de son engagement de caution solidaire, avec intérêts au taux légal à compter du 2 mars 2018, et ce sans délai de paiement,
- Condamné M. [Z] à payer au Crédit Mutuel une somme de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles,
- Ordonné l'exécution provisoire du jugement,
- Condamné M. [Z] aux entiers dépens dont frais de greffe liquidés.
M. [Z] a interjeté appel le 29 juin 2021.
M. [Z] a déposé ses dernières conclusions le 28 septembre 2021. Le Crédit Mutuel a déposé ses dernières conclusions le 24 décembre 2021.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 juillet 2022.
PRÉTENTIONS ET MOYENS :
M. [Z] demande à la cour de :
- Infirmer en toutes ses dispositions le jugement,
- Débouter le Crédit Mutuel de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
En conséquence :
A titre principal :
- Dire et juger nul l'engagement de caution de M. [Z] du 10 avril 2015 du fait de l'insanité d'esprit du concluant,
- Dire et juger nul l'engagement de caution de M. [Z] du 10 avril 2015 pour dol,
- Débouter le Crédit Mutuel de l'intégralité de ses demandes,
- Condamner le Crédit Mutuel à payer à M. [Z] la somme de 45.500 euros à titre de dommages et intérêts,
A titre subsidiaire :
- Dire et juger manifestement disproportionné l'engagement de caution consenti par M. [Z] au Crédit Mutuel le 10 avril 2015,
- Débouter le Crédit Mutuel de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
A titre très subsidiaire :
- Dire et juger que le Crédit Mutuel, compte tenu de l'état de santé de M. [Z] au moment de la signature de son engagement de caution, a manqué à son obligation de mise en garde,
En conséquence :
- Condamner le Crédit Mutuel à payer à M. [Z] la somme de 45.500 euros à titre d'indemnisation de la perte de chance de ne pas contracter,
- Ordonner la compensation des condamnations respectives,
A titre infiniment subsidiaire :
- Dire et juger que le Crédit Mutuel a manqué à son obligation d'information annuelle de la caution,
- Prononcer la déchéance du Crédit Mutuel de tout droit aux pénalités ou intérêts de retards échus,
- Enjoindre au Crédit Mutuel de produire un décompte actualisé,
A titre très infiniment subsidiaire :
- Accorder à M. [Z] les plus larges délais de paiement, de préférence par un report pur et simple de l'obligation de régler, et à défaut par les délais les plus larges,
En tout état de cause :
- Condamner le Crédit Mutuel à payer à M. [Z] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamner le Crédit Mutuel aux entiers dépens de l'instance.
Le Crédit Mutuel demande à la cour de :
- Juger le Crédit Mutuel recevable et bien fondé en ses demandes,
- Juger M. [Z] irrecevable en sa demande aux fins de nullité de son engagement de caution solidaire de la société Oslo et subsidiairement mal fondé,
- Juger que l'engagement de caution solidaire consenti par M. [Z] envers le Crédit Mutuel du 10 avril 2015 en garantie du prêt professionnel octroyé à la société Oslo est régulier et valable,
- Juger que l'engagement de caution de M. [Z] envers le Crédit Mutuel en garantie du prêt octroyé à la société Oslo n'était pas, au jour de sa souscription, manifestement disproportionné aux patrimoine et revenus de la caution,
- Juger que le Crédit Mutuel a respecté son obligation d'information annuelle de la caution au titre des années 2016 et 2017,
- Juger n'y avoir lieu à prononcer la déchéance du droit aux intérêts échus au titre des années 2018 à 2020,
- Juger la demande de délais de grâce mal fondée,
- Juger M. [Z] irrecevable en sa demande indemnitaire au titre du devoir de mise en garde et subsidiairement mal fondé,
En conséquence :
- Débouter M. [Z] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions comme étant mal fondées,
- Confirmer le jugement en toutes ses dispositions en ce qu'il a statué comme suit :
'- Reçoit le Crédit Mutuel en ses demandes,
- Déboute M. [Z] de sa demande en nullité sur les fondements des articles 1128 et suivants du code civil,
- Déboute M. [Z] de sa demande d'indemnisation au titre de sa chance de ne pas contracter,
- Dit que l'engagement de caution solidaire de M. [Z], au moment de sa signature n'était pas disproportionné,
- Dit que le Crédit Mutuel a bien versé aux débats, les lettres d'information annuelle des cautions, et déboute M. [Z] de sa demande de déchéance des intérêts et pénalité de retard,
- Condamne M. [Z] à payer au Crédit Mutuel la somme de 45.500 euros au titre de son engagement de caution solidaire, avec intérêts au taux légal à compter du 2 mars 2018, et ce sans délai de paiement,
- Condamne M. [Z] à payer au Crédit Mutuel une somme de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles,
- Ordonne l'exécution provisoire du jugement,
- Condamne M. [Z] aux entiers dépens dont frais de greffe liquidés,'
Et y ajoutant :
- Condamner M. [Z] à payer au Crédit Mutuel une somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamner M. [Z] aux entiers dépens de première instance et d'appel lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières conclusions visées supra.
DISCUSSION :
Sur la nullité pour absence de consentement :
M. [Z] fait valoir que cinq mois avant son engagement de caution, il avait été victime d'un accident vasculaire cérébral (AVC) rendant nul, pour absence de consentement, son cautionnement car il était incapable d'appréhender l'engagement souscrit.
Celui qui agit en nullité pour insanité d'esprit doit prouver l'existence d'un trouble mental au moment de l'acte :
Article 1108 du code civil (rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 et applicable en l'espèce) :
Quatre conditions sont essentielles pour la validité d'une convention :
Le consentement de la partie qui s'oblige ;
Sa capacité de contracter ;
Un objet certain qui forme la matière de l'engagement ;
Une cause licite dans l'obligation.
Article 414-1 du code civil :
Pour faire un acte valable, il faut être sain d'esprit. C'est à ceux qui agissent en nullité pour cette cause de prouver l'existence d'un trouble mental au moment de l'acte.
M. [Z] produit le compte-rendu d'hospitalisation établi par son neurologue le 28 janvier 2015. Ce rapport établi qu'au jour de son arrivée dans le service de neurologie, M. [Z] présentait une paralysie faciale centrale gauche mais aucun déficit sensitif ni aphasie.
M. [Z] produit également un bilan orthophonique du 29 janvier 2015 qui décrit les symptômes immédiats de l'AVC à savoir 'migraine à droite' et 'hémiplégie gauche avec troubles de la marche et troubles de la parole/fuites salivaires' mais également les symptômes post-AVC observés par M. [Z] : 'discret manque du mot, difficultés attentionnelles, perturbation évocation écrite mots'.
Enfin, M. [Z] produit un second rapport de son neurologue daté du 4 septembre 2015 évoquant une évolution clinique favorable mais des difficultés d'attention et de concentration dans le cadre d'un syndrome post-AVC. Il ne constate en revanche aucun déficit sensitivomoteur ni syndrome de l'hémisphère mineur et indique qu'il ne prévoit pas de revoir M. [Z] de façon systématique.
Il apparaît qu'il n'est pas justifié qu'une mesure de tutelle ou de curatelle ait été ordonnée, ni même envisagée. L'épouse de M. [Z] a donné son accord à la souscription du cautionnement. La société Oslo a été par la suite présidée et gérée par M. [Z] pendant trois années sans que ses facultés physiques et mentales ne constituent un obstacle.
Le rapport de son neurologue, établi plus de quatre mois après la souscription du cautionnement litigieux, ne permet pas davantage de conclure à un défaut de discernement le 10 avril 2015 puisqu'il indique seulement que M. [Z] présentait des difficultés d'attention et de concentration, lesquelles ne sont pas suffisantes pour établir une insanité d'esprit ou même une incapacité d'appréhender la nature et la portée de son engagement de caution.
Il ressort de ces éléments que, si M. [Z] démontre que cliniquement il souffrait en janvier 2015 de troubles faisant suite à son AVC et notamment de difficultés attentionnelles et d'un discret manque du mot, il n'établit pas qu'au 10 avril 2015, date de souscription de son engagement de caution, il était atteint d'un trouble mental, ni même que sa capacité de discernement ait été affectée.
La demande M. [Z] sera rejetée. Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur la prescription de la demande en nullité pour dol :
Le Crédit Mutuel fait valoir que la demande en nullité pour dol serait prescrite car plus de 5 années s'étaient écoulées entre la signature de l'acte de cautionnement litigieux et la demande en nullité formée par M. [Z], invoquée pour la première fois dans le cadre de l'instance devant le tribunal de commerce de Nantes dans ses conclusions n°3 notifiées le 25 février 2021.
M. [Z] ne répond pas à cet argument soulevé par le Crédit Mutuel.
Le moyen tiré de la nullité pour dol soulevé par M. [Z] constitue une exception de nullité, laquelle est perpétuelle dès lors que l'acte n'a reçu aucun commencement d'exécution.
Il apparait que le contrat de cautionnement a reçu un commencement d'exécution puisque M. [Z], après avoir été mis en demeure d'honorer son engagement de caution, a versé la somme de 160 euros au Crédit Mutuel entre le 19 mars 2018 et le 2 octobre 2018.
L'acte de cautionnement date du 10 avril 2015. Le Crédit Mutuel a assigné en paiement le 16 novembre 2018. Le délai de prescription de l'action en nullité expirait le 10 avril 2020.
Le Crédit Mutuel fait valoir que M. [Z] n'a soulevé cette exception que dans ses conclusions de première instance n°3 notifiées le 25 février 2021. M. [Z] ne justifie pas avoir soulevé cette exception avant cette date.
Il apparait ainsi que la demande de nullité pour dol présentée par M. [Z] est irrecevable comme prescrite.
Sur la disproportion manifeste :
L'article L 341-4 du code de la consommation, dans sa rédaction en vigueur du 5 août 2003 au 1er juillet 2016 et applicable en l'espèce, prévoit que le créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un cautionnement manifestement disproportionné :
Un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses bien et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.
C'est sur la caution que pèse la charge d'établir cette éventuelle disproportion manifeste.
Cet article n'impose pas au créancier professionnel de s'enquérir de la situation financière de la caution préalablement à la souscription de son engagement. La fiche de renseignements que les banques ont l'usage de transmettre aux futures cautions n'est, en droit, ni obligatoire ni indispensable. En revanche, en l'absence de fiche de renseignements, les éléments de preuve produits par la caution doivent être pris en compte.
Ce n'est que lorsque le cautionnement est considéré comme manifestement disproportionné au moment de sa conclusion qu'il revient au créancier professionnel d'établir qu'au moment où il appelle la caution, le patrimoine de celle-ci lui permet à nouveau de faire face à son obligation.
La fiche de renseignements remplie par la caution lie cette dernière quant aux biens et revenus qu'elle y déclare, le créancier n'ayant pas, sauf anomalie apparente, à en vérifier l'exactitude.
L'engagement de la caution mariée sous le régime de la communauté légale s'apprécie en prenant en considération tant les biens propres et revenus de la caution que les biens communs, en ce compris les revenus de son conjoint.
M. [Z] a rempli une fiche de renseignements le 10 avril 2015, laquelle est concomitante à son engagement de caution. Il y a indiqué être marié, avoir deux enfants à sa charge et percevoir un revenu annuel de 40.000 euros, soit environ 3.333 euros par mois; son épouse, Mme [H] [Z], percevant pour sa part des revenus de 1.800 euros par mois, soit environ 21.600 euros par an.
Il a précisé être propriétaire en commun avec son épouse, d'un bien immobilier sis à [Localité 4], d'une valeur nette d'emprunt de 140.000 euros (280.000 - 140.000 = 140.000). Il est également propriétaire en propre d'un bien immobilier sis à [Localité 6] d'une valeur nette d'emprunt de 70.000 euros (200.000-130.000). Il a également indiqué avoir souscrit un prêt en novembre 2014 pour financer un véhicule mais n'a pas précisé dans la fiche le montant restant dû. Il justifie à ce titre d'une offre de prêt de la MAIF valable jusqu'au 30 octobre 2014 pour un capital emprunté de 18.148 euros qui correspond à cette mention. Il fait valoir qu'à la date de l'engagement de caution litigieux, il restait devoir au titre de ce prêt la somme de 17.874 euros.
M. [Z] ne peut pas utilement invoquer d'autre emprunts en cours à la date de son engagement faute pour lui d'en avoir fait mention dans la fiche de renseignements.
Il résulte de ces éléments qu'il n'est pas établi que le cautionnement souscrit par M. [Z] pour un montant de 45.500 euros le 10 avril 2015 était, au jour de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus. Partant, il n'y a pas lieu d'examiner la proportionnalité de ce cautionnement au jour où M. [Z] a été appelé. Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur la prescription de la demande au titre de l'obligation de mise en garde :
Le Crédit Mutuel fait valoir que les demandes formées par M. [Z] sur le fondement du devoir de mise en garde seraient prescrites.
M. [Z] ne répond pas à cet argument soulevé par le Crédit Mutuel.
Article 2224 du code civil :
Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
Le point de départ du délai de prescription de l'action en responsabilité pour manquement à l'obligation de mise en garde exercée contre la banque par la caution est fixé au jour où cette dernière a su, par la mise en demeure qui lui était adressée, que les obligations résultant de son engagement allaient être mises à exécution du fait de la défaillance du débiteur principal.
M. [Z] a été mis en demeure d'exécuter son engagement de caution du 10 avril 2015, par lettre recommandée du 2 mars 2018. Son action en responsabilité, qui pouvait être exercée jusqu'au 2 mars 2023, n'est en conséquence pas prescrite. La demande d'irrecevabilité formée par le Crédit Mutuel sera rejetée.
Sur l'obligation de mise en garde :
Si la caution est profane, l'établissement bancaire doit la mettre en garde lorsqu'au jour de son engagement, celui-ci n'est pas adapté à ses capacités financières ou qu'il existe un risque d'endettement né de l'octroi du prêt garanti, lequel résulte de l'inadaptation du prêt aux capacités financières de l'emprunteur. La caution avertie n'est pas créancière de ce devoir de mise en garde, sauf si elle démontre que la banque disposait d'informations qu'elle-même ignorait, notamment sur la situation financière et les capacités de remboursement du débiteur principal.
C'est sur le créancier professionnel que pèse la charge d'établir que la caution est avertie. À défaut, elle est présumée profane. En revanche, c'est à la caution qu'il revient de rapporter la preuve du manquement de l'établissement bancaire à son obligation de mise en garde.
Pour apprécier la qualité de la caution, il y a lieu de tenir compte de la formation, des compétences et des expériences concrètes de celle-ci ainsi que de son implication dans le projet de financement. Il doit être démontré qu'elle avait une connaissance étendue du domaine de la finance et de la direction d'entreprise. Le fait que la caution ait été, lors de la conclusion du cautionnement, dirigeant de la société cautionnée ne représente qu'un seul des indices permettant d'apprécier sa qualité de caution profane ou avertie.
En l'espèce, le Crédit Mutuel n'apporte pas la preuve que M. [Z] est une caution avertie, se contentant de dire que l'état de santé de M. [Z] ne saurait être à l'origine d'un quelconque manquement à son devoir de mise en garde. M. [Z] doit donc être considéré comme une caution profane. Le Crédit Mutuel était ainsi tenu de mettre en garde M. [Z] quant à son éventuelle incapacité financière et quant au risque d'endettement né de l'octroi du prêt au débiteur principal.
En revanche, c'est à la caution qu'il revient de rapporter la preuve du manquement de l'établissement bancaire à son obligation de mise en garde.
M. [Z] fait valoir que le Crédit Mutuel n'aurait pas respecté son devoir de mise en garde en ne l'alertant pas sur les risques découlant d'un tel financement et d'une telle garantie, alors que l'activité financée n'allait pas pouvoir débuter avant de nombreux mois du fait du grave AVC dont il a été victime moins de 5 mois auparavant. M. [Z] ajoute que s'il avait été en état de signer et, s'il avait été conseillé par un banquier diligent conscient du fait que le financement qu'il était en train d'accorder n'avait aucune chance d'être remboursé, il n'aurait jamais signé l'offre de prêt et l'engagement de caution litigieux.
Il ressort cependant de l'analyse du patrimoine de M. [Z] réalisée supra que son engagement était adapté à ses capacités financière personnelles.
Par ailleurs, la société Oslo a pu faire face aux remboursement du prêt jusqu'à l'échéance d'octobre 2017. Elle n'a été placée en liquidation judiciaire que près de trois ans après la conclusion du contrat de prêt ce, quand bien même l'état de santé de M. [Z] ne lui a pas permis de débuter son activité immédiatement après la conclusion du contrat de prêt. Au vu de ces éléments, le fait que son premier exercice se soit conclu par un résultat net négatif ne permet pas de caractériser une inadaptation du prêt aux capacités financières à moyen terme.
Ainsi, M. [Z] ne rapporte pas la preuve qu'il existait un risque d'endettement né de l'octroi du prêt garanti résultant de l'inadaptation de celui-ci aux capacités financières de la société Oslo. Sa demande en paiement de dommages-intérêts pour manquement au devoir de mise en garde sera rejetée et le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur l'information annuelle de la caution :
M. [Z] fait valoir que le Crédit Mutuel n'aurait pas respecté son obligation d'information annuelle et demande, dans le dispositif de ses conclusions, que le Crédit Mutuel soit déchu de tout droit aux pénalités ou intérêts de retards échus au visa des articles L 333-2 et L 343-6 du code de la consommation.
La cour est tenue par ces mentions et il n'y aura donc pas lieu de répondre aux motifs des conclusions de M. [Z] fondés sur les dispositions de l'article L313-22 du code monétaire et financier et tendant à une déchéance du droit aux intérêts.
L'établissement prêteur est tenu d'une obligation d'information annuelle de la caution :
Article L341-6 du code de la consommation dans sa version en vigueur du 5 février 2004 au 1er juillet 2016 et applicable en l'espèce :
Le créancier professionnel est tenu de faire connaître à la caution personne physique au plus tard avant le 31 mars de chaque année, le montant du principal de chaque année, le montantdu principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation garantie, ainsi que le terme de cet engagement. Si l'engagement est à durée indéterminée, il rappelle la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée. A défaut, la caution ne saurait être tenue au paiement des pénalités ou intérêts de retard échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information.
L'établissement n'est pas tenu de prouver que les lettres d'information ont été reçues. Il doit établir qu'il a envoyé des lettres contenant les informations fixées par ce texte.
Le Crédit Mutuel produit des copies de lettres d'information destinées à M. [Z] en date des 18 février 2016 et 17 février 2017. Il produit en outre des copies de procès-verbaux d'huissiers de justice pour les années 2016 et 2017. Ces procès-verbaux attestent que le Crédit Mutuel a envoyé des lettres d'information, conformes aux prescriptions légales, à un certain nombre de cautions. Ils indiquent que les lettres d'information annuelle des cautions sont réparties en lots informatiques et que les données de tous les lots informatiques ont été gravées sur des CD rom, un exemplaire de chacun des CD rom étant joint au procès verbal, l'autre étant conservé à l'étude de l'huissier. Le Crédit Mutuel ne produit pas devant la cour d'appel d'extrait de ces CD rom démontrant que M. [Z] était bien destinataire des envois. Les procès-verbaux d'huissiers de justice ne mentionnent pas non plus M. [Z] comme destinataire de ces lettres. Il n'est ainsi pas justifié de l'envoi à M. [Z] des lettres d'information annuelle.
Le Crédit Mutuel est donc déchu du droit aux pénalités ou intérêts de retard.
Le Crédit Mutuel, outre le capital restant dû, demande le paiement de la somme de 2.168,62 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de 5% due en cas de résiliation anticipée du contrat.
Cette somme constitue une pénalité au sens des dispositions visées supra. Du fait de la déchéance du droit au paiement des pénalités, la demande en paiement de cette somme sera rejetée.
M. [Z] sera donc condamné à payer la somme de 43.372,50 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 2 mars 2018, date de la mise en demeure.
Sur les délais de paiement :
M. [Z] a déjà, de fait, bénéficié d'importants délais de paiement. Il n'y a pas lieu de lui en accorder de nouveaux. Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur les frais et dépens :
Il y a lieu de condamner M. [Z] aux dépens d'appel et de rejeter les demandes formées en appel au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour :
- Infirme le jugement en ce qu'il a :
- Débouté M. [Z] de sa demande en nullité pour man'uvre dolosive,
- Débouté M. [Z] de sa demande en déchéance des intérêts et pénalités de retard,
- Fixé la condamnation de M. [Z] à la somme de 45.500 euros au titre de son engagement de caution solidaire, avec intérêts au taux légal à compter du 2 mars 2018, et ce sans délai de paiement,
- Confirme le jugement pour le surplus,
Statuant à nouveau et y ajoutant :
- Déclare irrecevable la demande de M. [Z], fondée sur un dol, d'annulation de son engagement de caution du 10 avril 2015,
- Condamne M. [Z] à payer à la société Caisse de Crédit Mutuel de Carquefou la somme de 43.372,50 euros au titre de son engagement de caution du 10 avril 2015, avec intérêts au taux légal à compter du 2 mars 2018,
- Rejette les autres demandes des parties,
- Condamne M. [Z] aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le greffier Le président