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08/11/2022 | FRANCE | N°20/02464

France | France, Cour d'appel de Rennes, 3ème chambre commerciale, 08 novembre 2022, 20/02464


3ème Chambre Commerciale





ARRÊT N°537



N° RG 20/02464 - N° Portalis DBVL-V-B7E-QUR7













S.A.S. JCP-CONNECT



C/



S.A.R.L. AGESO

S.A. AXA FRANCE IARD

































Copie exécutoire délivrée



le :



à :

Me GRENARD

Me PETIT

Me RIEFFEL







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM

DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 08 NOVEMBRE 2022





COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre,

Assesseur : Madame Fabienne CLEMENT, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseillère,



GREFFIER :



Madame Catherine ...

3ème Chambre Commerciale

ARRÊT N°537

N° RG 20/02464 - N° Portalis DBVL-V-B7E-QUR7

S.A.S. JCP-CONNECT

C/

S.A.R.L. AGESO

S.A. AXA FRANCE IARD

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me GRENARD

Me PETIT

Me RIEFFEL

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 08 NOVEMBRE 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre,

Assesseur : Madame Fabienne CLEMENT, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Catherine VILLENEUVE, lors des débats, et Madame Julie ROUET, lors du prononcé,

DÉBATS :

A l'audience publique du 19 Septembre 2022 devant Madame Fabienne CLEMENT, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 08 Novembre 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE :

S.A.S. JCP-CONNECT immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de RENNES sous le numéro 441 178 522, prise en la personne de son Président, Monsieur [P] [M], demeurant en cette qualité au siège.

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentée par Me Aurélie GRENARD de la SELARL ARES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉES :

S.A.R.L. AGESO prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Laurent PETIT, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Pierre ECHARD-JEAN, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

S.A. AXA FRANCE IARD, immatriculée au Registre du commerce et des sociétés de NANTERRE sous le numéro 722 057 460, agissant poursuites et diligences de son directeur général domicilié en cette qualité au siège

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentée par Me Caroline RIEFFEL de la SCP BG ASSOCIÉS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

FAITS ET PROCEDURE

La société JCP-Connect est spécialisée dans l'ingénierie, le conseil et les expertises en communication.

La société Ageso SARL exerce une activité d'externalisation de paye, conseil en gestion et organisation d'études et formations.

Suivant acte sous seing privé en date du 8 octobre 2009, la société JCP et la société Ageso ont conclu une offre de prestations de services.

Par mail du 14 mai 2018, la société JCP a contacté la société Ageso pour vérification d'une lettre de convocation à un entretien préalable à un licenciement d'une salariée en congé maladie.

Alors que la salariée était en congé maladie pour maternité jusqu'au 29 mai 2018, la société JCP l'a convoquée à l'entretien préalable le 15 mai 2018 et l'a licenciée le 4 juin 2018. La salariée a contesté son licenciement pour cause réelle et sérieuse et un accord transactionnel pour un montant de 25.000 euros a été conclu entre les parties le 3 février 2019.

En octobre 2018, la société JCP a soulevé la responsabilité d'Ageso pour le conseil donné, notamment sur la durée de la période de protection de la salariée de 10 semaines.

Par acte en date du 22 mai 2019, la société JCP Connect a assigné la société Ageso devant le tribunal de commerce de Rennes.

La société Ageso a appelé à la cause la société AXA France Iard, es-qualités d'assureur responsabilité civile par acte en date du 26 août 2019.

Le tribunal de commerce de Rennes, par jugement du 20 mai 2020 a :

- Rejeté la pièce n°5 versée aux débats par la société JCP Connect ;

- Dit que l'action en responsabilité exercée par la société JCP Connect à l'encontre de la société Ageso est mal fondée ;

- Débouté la société JCP Connect de sa demande de condamnation au titre de dommages et intérêts à hauteur de 25.000 euros à l'encontre de la société Ageso ;

- Débouté la société JCP Connect de sa demande de condamnation au titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

- Condamné la société JCP Connect à verser à la société Ageso la somme de 4.000 euros au titre de la procédure abusive ;

- Débouté la société Ageso de sa demande de garantie à l'encontre de la société Axa France IARD ;

- Débouté la société Axa France IARD de toutes ses autres demandes, fins et conclusions ;

- Condamné la société JCP Connect à payer la somme de 1.500 euros à la société Ageso sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Débouté la société Ageso du surplus de ses demandes, fins et conclusions ;

- Débouté la société JCP Connect de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- Condamné la société JCP Connect aux entiers dépens de l'instance.

Par déclaration du 2 juin 2020, la société JCP Connect a interjeté appel de ce jugement.

La clôture de la mise en état intervenait par ordonnance du  7 juillet 2022.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Dans ses écritures notifiées le 7 janvier 2022, la société JCP Connect demande à la cour au visa de l'offre de prestations de services du 8 octobre 2009 et de l'article 1147 ancien du code civil, de :

- Réformer en toutes ses dispositions le jugement dont appel en date du 20 mai 2020, en ce qu'il a :

-dit que l'action en responsabilité exercée par la société JCP Connect à l'encontre de la société Ageso est mal fondée ;

- débouté la société JCP Connect de sa demande de condamnation au titre de dommages et intérêts à hauteur de 25.000 euros à l'encontre de la société Ageso ;

- débouté la société JCP Connect de sa demande de condamnation au titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

- condamné la société JCP Connect à verser à la société Ageso la somme de 4 000 euros au titre de la procédure abusive ;

- débouté la société Ageso de sa demande de garantie à l'encontre de la société Axa France IARD

- débouté la société Axa France IARD de toutes ses autres demandes, fins et conclusions

- condamné la société JCP Connect à payer la somme de 1 500 euros à la société Ageso sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté la société Ageso du surplus de ses demandes, fins et conclusions ;

- débouté la société JCP Connect de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- condamné la société JCP Connect aux entiers dépens de l'instance.

En conséquence,

- Dire et et juger la société JCP-Connect recevable et bien fondée en son action en responsabilité à l'encontre de la société Ageso SARL ;

- Condamner en conséquence, la société Ageso à lui verser au titre de la réparation de son préjudice, la somme de 25 000 euros ;

- Condamner la société Ageso à lui verser la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et injustifiée ;

- Dire et juger que la compagnie d'assurances Axa France Iard devra garantir son assurée, la société Ageso de toutes condamnations en principal, intérêts, article 700 et dépens ;

- Condamner in solidum la société Ageso SARL et la compagnie d'assurances Axa France Iard à lui verser la somme de 5 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner sous les mêmes conditions, aux entiers dépens.

Au contraire, dans ses écritures notifiées le 26 janvier 2022 la société Ageso demande à la cour au visa de l'Ordonnance de [Localité 8] du 10 août 1539, des articles 9, 695 et suivants du code de procédure civile, 1147 dans sa rédaction antérieure, 1240 et 1369 du code civil, de la convention collective des bureaux d'étude, de la jurisprudence citée et des pièces produites de :

A titre principal,

- Confirmer le jugement entrepris en toute ses dispositions, à l'exception du quantum de la condamnation de la société JCP Connect à des dommages et intérêts au titre de la procédure abusive ;

- Porter le montant de cette condamnation à 8 000 euros ;

A titre subsidiaire, condamner la société Axa France IARD à la garantir de toutes condamnations qui pourraient être prononcées contre elle, et ce dans la limite du contrat liant ces deux sociétés

A titre reconventionnel, condamner la société JCP Connect à régler la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.

Dans ses écritures notifiées le 22 juin 2022 la société AXA France Iard demande à la cour de :

- Dire et juger mal fondé l'appel interjeté par la société JCP Connect à l'encontre du jugement du tribunal de commerce de Rennes du 20 mai 2020 ;

- Confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Rennes le 20 mai 2020 en ce qu'il a :

- déclaré mal fondée l'action en responsabilité exercée à l'encontre de la société Ageso ;

- débouté par conséquent la société JCP Connect de toutes ses demandes ;

- condamné la société JCP Connect au paiement de frais irrépétibles et aux dépens ;

- débouté la société Ageso de sa demande en garantie à l'encontre de la société Axa France IARD et plus généralement de toutes ses demandes à l'encontre de cette dernière ;

A titre principal au visa de l'article 1147 du code civil, en sa rédaction en vigueur antérieurement à l'ordonnance du 10 février 2016, elle demande à la cour de :

- Délarer mal fondée l'action en responsabilité exercée par la société JCP Connect à l'encontre de la société Ageso ;

-Débouter la société JCP Connect de toutes ses demandes, fins et conclusions que ce soit à l'encontre de la société Ageso ou de la société AXA ;

- Débouter en particulier la société JCP Connect de sa prétention à paiement d'une somme de 25.000 euros en réparation de son préjudice financier, laquelle n'est nullement justifiée dans son principe, mais également dans son quantum, notamment sur le terrain de la perte de chance, seul préjudice en lien avec le manquement contractuel allégué, à supposer qu'il soit fondé, ce qui est contesté ;

- Débouter également, et toujours notamment, la société JCP Connect de sa demande tendant à ce que la société Axa France IARD garantisse la société Ageso d'une condamnation pour résistance abusive ;

- Débouter la société Ageso de sa demande en garantie à l'encontre de la société Axa France IARD ;

Subsidiairement, de dire et juger qu'elle est en tout état de cause, et si sa garantie était retenue, fondée à opposer ses franchises prévues au contrat, soit pour chacun des dommages invoqués une franchise de 10% du sinistre avec un minimum de 380 euros et un maximum de 1.525 euros ;

En tout état de cause elle sollicite la condamnation de la société JCP Connect à lui régler une somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d'appel et rejeter toute autre demande plus ample ou contraire dirigée à son encontre.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé à leurs dernières conclusions visées supra.

MOTIFS

Sur la procédure

Les développements sur le rejet de la pièce n° 5 et sa traduction sont devenus sans objet dans la mesure où l'appelante verse une traduction assermentée.

Il convient donc de recevoir la pièce n° 5 versée par la société JCP Connect.

La décision du tribunal de commerce est infirmée de ce chef.

Sur la mission de la société Ageso

La société JCP Connect considère que l'assistance conseil au licenciement rentrait dans les obligations de la société Ageso au titre des options et qu'elle a bien été facturée en mai 2018 s'agissant du licenciement de Mme [R].

La société Ageso et la société Axa France IARD font valoir que sa mission se limitait à l'établissement de payes et que toute autre prestation devait faire l'objet de devis, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, les conseils dispensés l'étant à titre gracieux.

Le contrat régularisé entre la société JCP Connect et la société Ageso le 8 octobre 2009 'Offre de prestations de services' vise à mettre en place la gestion de la paye au sein de la société JCP Connect, les tâches prises en charges par Ageso à ce titre étant listées.

Ce contrat prévoit aussi des options sur devis personnalisé (non incluses dans l'offre).

Ces options sur devis personnalisé visent les rubriques suivantes :

- le suivi de la formation professionnelle continue interne (plan de formation/comparatif des options de financement) ;

- la délégation du personnel (audit sur les obligations légales/établissement de la procédure) ;

- l'audit social (vérification de la conformité de l'entreprise à toutes les normes en matière sociale/ licence 'audit social des entreprises de moins de 50 salariés' par Expert- Infos) ;

- l'assistance conseil spécialisée (recherches documentaires spécifiques et courriers spécialisés)

Le 14 mai 2018 président de la société JCP Connect a contacté par mail la société Ageso aux fins de vérification de la lettre de convocation qu'il entendait faire parvenir à une salariée Mme [H] [R] en lui précisant qu'elle était en congés maladie jusqu'au 29 mai 2018.

Le même jour, la société Ageso a répondu :

'1) Et tu expliqueras quel motifs '

Pendant un arrêt maladie tu ne peux licencier que pour inaptitude, faute, licenciement économique ou désorganisation de l'entreprise qui nécessite un remplacement définitif du salarié

2) Comme je te l'ai déjà expliqué si tu veux licencier [H] sans la remplacer il faut :

- lui envoyer un recommandé lui expliquant que dès son retour de maladie elle sera affectée à [Localité 7] et lui demander sa position

- lui donner un délai d'au moins 15 jours pour sa réponse

- lui expliquer qu'en cas de refus de sa part ou de non réponse dans la délai tu devras envisager un licenciement pour motif personnel

3) Sinon la mention exacte à faire figuer sur une convocation à un entretien préalable à un licenciement est ...

4) Par ailleurs peux tu nous faire parvenir l'arrêt maldie STP ' '

Les échanges se sont poursuivis à chaque remarque de Mme [R] aux mails du président de la société JCP Connect, ce dernier réclamant son avis à Ageso (cf pièce 5 de l'appelante) qui a aussi corrigé la lettre de licenciement qu'il entendait faire parvenir à Mme [R] (mail du 1er juin 2018 pièce 15).

Bien qu'aucun devis ne figure aux pièces des parties au titre d'options dont l'assistance conseil spécialisée (recherches documentaires spécifiques et courriers spécialisés), la société Ageso a établi une facture le 31 mai 2018 pour notamment un déplacement le 28 mai 2018 : discussion licenciement, collecte de documents 2015 2016 EBP pour la somme de 45 euros.

Cette facture démontre que ce licenciement n'a pas seulement été évoqué 'entre deux portes', et peu importe que la contre partie financière du conseil soit modique, cet élément n'étant pas de nature à exclure toute mission à ce titre.

Surtout la société JCP Connect verse d'autres pièces qui établissent les interventions régulières de la société Ageso dans le domaine des ressources humaines, hors du champ de la stricte gestion de payes :

- un mail de Mme [L] d'Ageso du 27 novembre 2015 adressé à JCP Connect sur les conditions d'une rupture du contrat de travail d'un salarié ;

- un mail de Mme [L] adressé à JCP Connect le 3 décembre 2015 avec un modèle de transaction qu'elle dit avoir retravaillé ;

- un échange du 20 janvier 2017 entre M. [P], le président de JCP Connect, et Mme [L] à propos d'une rupture de la période d'essai d'un salarié de la société JCP Connect (modèle de lettre envoyé à Mme [L]), cette dernière répondant sur le délai de prévenance à respecter et préparant les documents de sortie, le bulletin de paie, le certificat de travail, le reçu pour solde de tout compte et l'attestation de l'employeur destinée à Pôle emploi (pièces 28, 29 et 30) ;

- un mail de Mme [L] adressé à M. [P] le 25 janvier 2017 lui délivrant un conseil sur la réponse à donner à un autre salarié, non disponible alors qu'il était en télétravail (pièce 27).

La régularité des interventions de Mme [L] sur plusieurs années et concernant plusieurs salariés établit bien que la société Ageso ne se limitait pas à la gestion des payes de l'entreprise partenaire, mais s'impliquait également dans l'assistance et le conseil en matière de gestion des ressources humaines et notamment en cas de rupture des contrats de travail ou du comportement des salariés.

L' attestation d'une salariée de la société Ageso affirmant que les demandes de M. [P] étaient envahissantes au sujet du licenciement de Mme [R], ne permet pas de faire échec à l'existence de cette intervention récurrente.

Mme [L] le reconnaît elle-même dans son mail du 17 février 2017 adressé à M. [P] aux termes duquel elle indique :

'qu'il faut maintenant que les missions d'Ageso soient redéfinies exactement.

la mission initiale d'Ageso consiste en la production des bulletins, la production des déclarations sociales, le déclenchement des paiements des cotisations. Des missions d'accompagnement sur le social sont réalisées ponctuellement à celà : procédure de licenciement, rupture conventionnelle etc..

outre cela qu'attends tu très précisemment des prestations d'Ageso ''

Le fait, dans ce mail, qu'elle signale qu'elle a accompagné la société JCP Connect à titre amical dans sa stratégie globale et administrative en attendant qu'une salariée de JCP Connect prenne la main sur le domaine administratif ne suffit pas pour établir qu'il ne rentrait pas dans la mission de la société Ageso une assistance en matière de licenciement, même sans devis versés aux pièces, Mme [L] s'étant toujours positionnée ainsi y compris s'agissant du cas de Mme [R].

Pour pouvoir obtenir des dommages et intérêts la société JCP Connect doit aussi rapporter la preuve d'une faute de la société Ageso dans cette mission.

Sur la faute

La société JCP Connect estime que la société Ageso a failli dans les conseils dispensés concernant le licenciement de Mme [R] en répondant de manière erronée sur la possibilité de la licencier alors qu'elle se trouvait en arrêt maladie et sous protection.

La société Ageso et la société Axa France IARD considèrent que la faute n'est pas établie et que c'est le président de JCP Connect qui a choisi un licenciement pour motifs personnels sans suivre les préconisations d' Ageso.

Or le conseil même délivré à titre gratuit doit être avisé lorsqu'il émane d'un professionnel.

Aux termes de l'article L 125-4 du code de travail :

Aucun employeur ne peut rompre le contrat de travail d'une salariée lorsqu'elle est en état de grossesse médicalement constaté, pendant l'intégralité des périodes de suspension du contrat de travail auxquelles elle a droit au titre du congé de maternité, qu'elle use ou non de ce droit, et au titre des congés payés pris immédiatement après le congé de maternité ainsi que pendant les dix semaines suivant l'expiration de ces périodes.

Toutefois, l'employeur peut rompre le contrat s'il justifie d'une faute grave de l'intéressée, non liée à l'état de grossesse, ou de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l'accouchement. Dans ce cas, la rupture du contrat de travail ne peut prendre effet ou être notifiée pendant les périodes de suspension du contrat de travail mentionnées au premier alinéa

Dans son mail du 14 mai 2018 Mme [L] n'interpelle pas M. [P] sur la période de protection dont bénéficiait Mme [R] soit 10 semaines après la fin de son congé maternité durant laquelle la procédure de licenciement ne pouvait être engagée.

Elle ne le fait pas non plus au cours des échanges de mails suivants en mai et ni au moment de corriger le modèle de lettre de licenciement qu'elle lui a renvoyé le 1er juin 2018.

Elle connaissait la situation de Mme [R] ou avait les moyens de la connaître puisque la société Ageso établissait ses bulletins de salaire.

Or le bulletin de salaire de Mme [R] du mois d'avril 2018 indique précisemment qu'elle est en congé maternité jusqu'au 26 avril 2018 et celui de mai 2018, en arrêt de travail jusqu'au 31 mai 2018.

Dans ces conditions la société Ageso a dispensé un conseil erroné à la société JCP Connect.

Sur le lien de causalité entre la faute et le préjudice évoqué par la société JCP Connect

La société JCP Connect estime que le lien de causalité entre la faute de la société Ageso et son préjudice est rapporté dans la mesure où l'erreur commise motivait une nullité du licenciement devant le conseil de prud'hommes avec une indemnité bien supérieure à la somme de 25 000 euros.

La société Ageso considère qu'il n'est pas établi que le conseil de prud'hommes aurait accueilli la demande de Mme [R] et la somme de 25 000 euros alors qu'elle sollicitait dans un premier une somme bien inférieure devant la société JCP Connect.

Le non respect d'une obligation de conseil consiste à réparer une perte de chance et n'équivaut pas à la réparation de l'entier préjudice dont se prévaut le demandeur.

En l'espèce le conseil non avisé de Mme [L] à fait perdre une chance à la société JCP Connect d'attendre la fin du délai de protection de sa salariée pour engager la procédure de licenciement et ainsi d'éviter une procédure de licenciement contentieuse et la transaction qui a mis fin au litige.

A ce titre il est justifié d'évaluer la chance perdue à la somme de 5 000 euros au paiement de laquelle la société Ageso est condamnée.

La décision du tribunal de commerce est infirmée.

Sur l'appel en garantie de la société Axa IARD

Les sociétés JCP Connect et Ageso estiment que la garantie d'Axa France IARD est mobilisable.

La société AXA France IARD reconnaît que la société Ageso a souscrit une assurance responsabilité civile pour son activité professionnelle, mais pour l'activité pour laquelle elle est garantie soit la gestion des payes uniquement. Elle ajoute qu'en cas de garantie les franchises doivent s'appliquer.

Le contrat souscrit par la société Ageso auprès de la société Axa France IARD précise que le souscripteur déclare que l'assurée exerce les activités suivantes :

- conseil et gestion dans le secteur administratif et social ;

- formation en gestion et en organisation.

La faute de la société Ageso a été commise alors qu'elle effectué un conseil en matière de licenciement, activité qui rentre bien dans le conseil dans le secteur social.

La société AXA France IARD doit sa garantie.

Le contrat prévoit que la garantie est étendue à la responsabilité encourue par l'assuré en raison des dommages immatériels non consécutifs résultant d'erreurs, négligences ou autres fautes commises par lui ou ses préposés dans l'exercice des activités professionnelles déclarées à ces conditions particulières. Dans ce cas il est appliqué une franchise de 10 % du montant de chaque sinistre avec un minimum de 380 euros et un maximun de 1 525 euros.

La société Axa France IARD est donc condamnée à garantir la société Ageso avec application d'une franchise de 10% du sinistre avec un minimum de 380 euros et un maximum de 1.525 euros soit à hauteur de la somme de 500 euros.

La décision du tribunal de commerce est infirmée de ce chef.

Sur la demande au titre de la procédure abusive de la société JCP Connect

La société JCP Connect doit rapporter la preuve d'une faute de la société Ageso faisant dégénérer en abus, son droit de se défendre en justice, ce qu'elle ne parvient pas à démontrer.

La demande de dommages et intérêts de la société JCP Connect est rejetée.

La décision du tribunal de commerce de Rennes est confirmée de ce chef.

Sur la demande au titre de la procédure abusive de la société Ageso

La société Ageso, défaillante, ne peut réclamer de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Sa demande à ce titre est rejetée.

La décision du tribunal de commerce est infirmée de ce chef.

Sur les demandes annexes

Il n'est pas inéquitable de rejeter les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Ageso est condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour :

Confirme le jugement du tribunal de commerce de Rennes en date du 20 mai 2020 en ce qu'il a débouté la société JCP Connect de sa demande de condamnation au titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

Infirme le jugement du tribunal de commerce de Rennes en date du 20 mai 2020 pour le surplus,

Statuant à nouveau :

- Reçoit la pièce n°5 versée au débats par la société JCP Connect ;

- Condamne la société Ageso à régler à la société JCP Connect la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

- Dit que la société Axa France IARD est condamnée à garantir la société Ageso à hauteur de la somme de 500 euros ;

- Rejette les autres demandes des parties ;

- Rejette les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamne la société Ageso aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 3ème chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 20/02464
Date de la décision : 08/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-08;20.02464 ?
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