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23/11/2022 | FRANCE | N°19/05203

France | France, Cour d'appel de Rennes, 5ème chambre, 23 novembre 2022, 19/05203


5ème Chambre





ARRÊT N° 345



N° RG 19/05203 - N° Portalis DBVL-V-B7D-P747













M. [M] [N]

Mme [E] [O] épouse [N]



C/



M. [M] [A] [J]

SASU L'HOPITAL PRIVE [10]

Organisme CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LOIRE ATLAN TIQUE



















Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours















Copie exécutoire délivrée



le :



à :











RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 23 NOVEMBRE 2022





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Pascale LE CHAMPION, Présid...

5ème Chambre

ARRÊT N° 345

N° RG 19/05203 - N° Portalis DBVL-V-B7D-P747

M. [M] [N]

Mme [E] [O] épouse [N]

C/

M. [M] [A] [J]

SASU L'HOPITAL PRIVE [10]

Organisme CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LOIRE ATLAN TIQUE

Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 23 NOVEMBRE 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Pascale LE CHAMPION, Présidente,

Assesseur : Madame Virginie PARENT, Présidente,

Assesseur : Madame Virginie HAUET, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Catherine VILLENEUVE, lors des débats et Madame I. GESLIN OMNES lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 28 Septembre 2022

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 23 Novembre 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTS :

Monsieur [M] [N]

né le [Date naissance 5] 1961 à [Localité 11]

[Adresse 2]

[Localité 7]

Représenté par Me Christophe DOUCET de la SELAFA VILLATTE ET ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de NANTES

Représenté par Me Dominique LE COULS-BOUVET de la SCP PHILIPPE COLLEU, DOMINIQUE LE COULS-BOUVET, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Madame [E] [O] épouse [N] prise son nom personnel et en sa qualité d'ayant droit de Madame [W] [G] décédée le [Date décès 3] 2018

née le [Date naissance 1] 1956 à [Localité 13] - SENEGAL

[Adresse 2]

[Localité 7]

Représentée par Me Christophe DOUCET de la SELAFA VILLATTE ET ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de NANTES

Représentée par Me Dominique LE COULS-BOUVET de la SCP PHILIPPE COLLEU, DOMINIQUE LE COULS-BOUVET, Postulant, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉS :

Monsieur [M] [A] [J]

né le [Date naissance 4] 1954 à [Localité 9]

[Adresse 14]

[Localité 7]

Représenté par Me Isabelle ANGUIS de la SELARL ARVOR AVOCATS ASSOCIÉS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

SASU L'HOPITAL PRIVE [10] anciennement dénommé les [12] prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

[Adresse 6]

[Localité 7]

Représentée par Me Luc BOURGES de la SELARL LUC BOURGES, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Flavien MEUNIER de la SELARL LEXCAP, Plaidant, avocat au barreau d'ANGERS

Organisme CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LOIRE ATLAN TIQUE Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 8]

[Localité 7]

Représentée par Me Christophe DOUCET de la SELAFA VILLATTE ET ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES

Le 27 février 2011, Mme [W] [G], alors âgée de 80 ans, a été prise de douleurs à la poitrine et transportée par le SAMU, accompagnée de sa fille, aux urgences des [12]. Elle y restera jusqu'au 14 avril 2011.

A sa sortie, son médecin traitant a prescrit la réalisation d'une IRM qui a mis en évidence une séquelle d'infarctus de l'artère cérébrale postérieure gauche pouvant expliquer les troubles visuels et de la mémoire qui ont été constatés.

Considérant que cet accident vasculaire cérébral est survenu pendant qu'elle se trouvait au sein des [12], Mme [W] [G] a fait assigner ces dernières devant le président du tribunal de grande instance de Nantes aux fins de voir ordonner une expertise médicale.

Par ordonnance du 24 mai 2012, le docteur [L] [D], neuropsychiatre, a été désigné pour y procéder et a déposé son rapport le 9 mars 2015.

Par jugement du 21 février 2013, le juge des tutelles du tribunal de grande instance de Nantes a désigné Mme [E] [O] épouse [N] en qualité de tutrice de sa mère.

Par actes séparés en date du 19 octobre 2016, Mme [W] [G], représentée par sa tutrice Mme [E] [O] épouse [N], Mme [E] [O] épouse [N] et M. [M] [N] ont fait assigner les [12], M. [M] [A] [J] et la CPAM de Loire-Atlantique aux fins de voir engager la responsabilité tant de la clinique que du médecin relativement à la prise en charge de Mme [W] [G] et voir réparer les préjudices subis par cette dernière ainsi que par sa fille et son gendre.

Mme [W] [G] est décédée le [Date décès 3] 2018.

Par jugement en date du 6 juin 2019, le tribunal de grande instance de Nantes a :

- dit que le rapport d'expertise judiciaire du Docteur [D] n'est pas opposable au docteur [M] [A] [J],

- débouté Mme [E] [O] épouse [N], agissant tant en sa qualité d'ayant droit de Mme [W] [G] qu'en son nom personnel et M. [M] [N] de l'ensemble de leurs demandes,

- débouté la CPAM de Loire-Atlantique de l'ensemble de ses demandes,

- condamné Mme [E] [O] épouse [N], agissant tant en sa qualité d'ayant droit de Mme [W] [G] qu'en son nom personnel, et M. [M] [N] à payer au docteur [M] [A] [J] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [E] [O] épouse [N], agissant tant en sa qualité d'ayant droit de Mme [W] [G] qu'en son nom personnel, et M. [M] [N] aux entiers dépens, qui pourront être recouvrés par la SELARL Alexa (maître Chabot) et par maître Dominique Hervé conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

Le 31 juillet 2019, les époux [N] ont interjeté appel de cette décision et aux termes de leurs dernières écritures notifiées le 25 juin 2020, ils demandent à la cour de :

- les recevoir en leur appel,

Y faire droit, en conséquence,

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de grande instance de Nantes du 6 juin 2019.

Statuant à nouveau,

- déclarer M. [M] [A] [J] et l'hôpital privé [10] anciennement [12] (ci après dénommé l'hôpital privé [10]) entièrement responsables du dommage occasionné à Mme [W] [G],

- condamner solidairement, ou l'un à défaut de l'autre, M. [M] [A] [J] et l'hôpital privé [10] à verser à Mme [E] [N], en sa qualité d'ayant droit de Mme [W] [G], la somme de 195 315,30 euros se décomposant comme suit:

* frais de logement adapté passés : 77 731,10 euros,

* frais autres :11 869,20 euros,

* déficit fonctionnel temporaire :11 715 euros,

* souffrances endurées : 12 000 euros,

* déficit fonctionnel permanent : 70 000 euros,

* préjudice esthétique : 2 000 euros

* préjudice d'agrément : 10 000euros

- condamner solidairement, ou l'un à défaut de l'autre, M. [M] [A] [J] et l'hôpital privé [10] à payer aux époux [N], la somme de 20 000 euros chacun en réparation de leur préjudice moral,

- dire que ces sommes porteront intérêts de droit à compter de l'assignation, outre anatocisme,

- débouter les parties adverses de toutes leurs demandes, fins et conclusions autres ou contraires,

- condamner solidairement, ou l'un à défaut de l'autre, M. [M] [A] [J] et l'hôpital privé [10] à payer la somme de 8 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner solidairement, ou l'un à défaut de l'autre, M. [M] [A] [J] et l'hôpital privé [10] aux entiers dépens en ce compris les frais d'expertise.

Par dernières conclusions notifiées le 7 septembre 2020, l'hôpital privé [10] demande à la cour de :

- accueillir le concluant en ses présentes écritures et l'y déclarer bien fondé,

- constater qu'il résulte du rapport d'expertise du docteur [L] [D] qu'aucune faute à quelque niveau que ce soit n'a été relevée à son encontre quant à la prise en charge hôtelière et paramédicale de Mme [W] [G],

En conséquence,

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Nantes en date du 6 juin 2019,

- débouter Mme [E] [O] épouse [N], agissant tant en sa qualité d'ayant droit de Mme [W] [G] qu'en son nom personnel, et M. [M] [N] de l'intégralité de leurs demandes dirigées à son encontre,

- débouter la CPAM de Loire-Atlantique de l'intégralité de ses demandes dirigées à son encontre,

- condamner les appelants à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions notifiées le 24 janvier 2020, M. [M] [A] [J] demande à la cour de :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de grande instance de Nantes du 6 juin 2019,

En tout état de cause,

- rejeter toutes les demandes, fins et conclusions dirigées à son encontre,

- condamner les appelants, ou toute partie succombante, à lui payer la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions notifiées le 15 juin 2020, la CPAM de Loire-Atlantique demande à la cour de :

- la recevoir en ses demandes, fins et conclusions,

Y faire droit, en conséquence,

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de grande instance de Nantes du 6 juin 2019,

Statuant à nouveau,

- déclarer M. [M] [A] [J] et l'hôpital privé [10] entièrement responsables du dommage occasionné à Mme [W] [G],

- déclarer la décision à intervenir opposable à la CPAM de Loire-Atlantique,

- condamner solidairement, ou l'un à défaut de l'autre M. [M] [A] [J] et l'hôpital privé [10] à lui payer la somme en principal de 2 414, 20 euros au titre du remboursement des frais médicaux (2 346, 23 euros) et des frais de transport (67,97 euros),

- dire que cette somme en principal de 2 414, 20 euros portera intérêts au taux légal à compter du jour de la signification des premières conclusions de la Caisse devant le tribunal de grande instance de Nantes, soit le 15 mars 2017, outre l'anatocisme,

- condamner solidairement, ou l'un à défaut de l'autre M. [M] [A] [J] et l'hôpital privé [10] à lui payer une somme de 804.74 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 30 juin 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

- Sur la responsabilité de la SAS hôpital privé [10]

M. et Mme [N] soutiennent que la responsabilité de l'hôpital privé [10] est engagée au motif que son personnel a méconnu son obligation de délivrer des soins attentifs et consciencieux incluant la surveillance de l'état de santé du patient et de son comportement.

Ils indiquent que la responsabilité du médecin exerçant à titre libéral ne peut permettre d'exclure la responsabilité de l'établissement de soins, celui-ci étant tenu à une obligation de surveillance dans le cadre du contrat d'hospitalisation et de soins passé avec la patiente.

Ils font valoir que l'AVC de Mme [G] est passé totalement inaperçu de l'ensemble du personnel médical et que la dégradation brutale de son état de santé constatée par le personnel ne les a pas inquiétés et ne les a pas amenés à alerter le médecin. Ils en déduisent que le personnel a commis une faute de négligence lors du traitement ou lors de la surveillance de la patiente à l'origine d'une aggravation de son état de santé. Ils affirment que l'expert judiciaire en indiquant que les dommages causés à Mme [G] étaient, en partie, imputables à un défaut de prise en charge de la part des médecins des [12] a entendu désigner à la fois la responsabilité du médecin mais également celle de l'équipe de soins de l'établissement de santé sous le terme générique de 'médecins' utilisé.

L'hôpital privé [10] rétorque que sa responsabilité ne peut être engagée que pour les dommages causés aux patients du fait d'un manquement aux obligations hospitalières ou résultant d'une exécution défectueuse des soins non médicaux, les dommages causés lors de l'exécution d'un acte médical relevant exclusivement du contrat conclu entre le patient et le médecin exerçant au sein de la clinique en tant que médecin libéral. Il conteste avoir commis la moindre faute en l'espèce.

Il fait valoir que l'aggravation de l'état de santé de la patiente n'est pas en lien avec d'éventuelles fautes commises lors de son séjour par le personnel soignant. Il précise que celui-ci a relaté précisément la surveillance réalisée, les doléances de la patiente et les actes mis en oeuvre pour y remédier. Il indique que l'expert judiciaire n'a aucunement mis en cause un manquement de la part du personnel de l'établissement.

Enfin, il ajoute que les demandeurs n'ont pas tenu compte du décès de la patiente dans l'évaluation de leurs demandes.

Aux termes des dispositions de l'article 1231-1 du code civil, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.

En vertu de l'article L. 1142-1 I du code de la santé publique, les professionnels de santé ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables des actes prodigués qu'en cas de faute.

En l'espèce, les parties sont liées par un contrat d'hospitalisation en date du 27 février 2011, date de l'admission de Mme [G] au sein de l'établissement de santé. Dans le cadre de cette responsabilité contractuelle, il est constant que l'établissement de soins doit assurer l'accueil, l'organisation des soins, la bonne exécution des prescriptions médicales, la surveillance des malades par un personnel compétent et en nombre suffisant. L'établissement de soins a l'obligation d'assurer les soins hospitaliers normaux et courants, c'est à dire ceux qui ne sont pas de la compétence exclusive d'un médecin ou qui ne sont pas dans la dépendance immédiate d'une intervention médicale restée sous le contrôle du praticien. Il a aussi une obligation de surveillance adaptée aux particularités des patients et doit garantir la continuité des soins ainsi que la prise en charge des patients.

En l'espèce, il n'est pas contesté que l'état de santé de Mme [G] s'est aggravé lors de son séjour au sein de l'hôpital privé [10] entre le 27 février 2011 et le 14 avril 2011 et qu'elle a perdu son autonomie.

L'expert judiciaire a été interrogé dans le cadre de sa mission sur le fait de rechercher si les soins, traitements et interventions prodigués par les médecins et/ou l'établissement de santé tant au titre de l'établissement du diagnostic, le choix de la thérapie, la réalisation des soins, l'intervention litigieuse qu'au titre du suivi et de la surveillance ont été pleinement justifiés par l'état du patient et parfaitement adaptés au traitement de son état. Il a conclu que les dommages présentés par Mme [G] sont liés à l'AVC du 19 mars 2011 et 'sont, en partie, imputables à un défaut de prise en charge de la part des médecins des [12] ayant suivi Mme [G] du 27 février au 14 avril 2011. On note qu'il n'est pas certain qu'une prise en charge conforme aux règles de l'art eût permis d'éviter un tel accident, ce qui oblige à parler d'une perte de chance. Nous proposons, compte tenu des données citées, avec toutes les réserves que comporte une telle appréciation, de considérer que les dommages décrits sont imputables pour 50% au défaut de prise en charge de la part des médecins des [12]'.

Contrairement à ce que tentent de soutenir les appelants, les conclusions de l'expertise judiciaire sont parfaitement claires sur la responsabilité des seuls médecins et non du personnel de l'établissement de soins et ce d'autant que l'expert impute la perte de chance à la non-prescription d'un traitement anti-thrombotique par AVK s'agissant d'une prescription médicale relevant de la seule compétence des médecins.

Les appelants invoquent une faute de négligence lors du traitement ou de la surveillance de la patiente de la part du personnel de l'établissement de soins. Mais s'agissant du traitement, il ne peut leur être reproché aucune faute au vu de l'expertise judiciaire. S'agissant de la surveillance, il résulte de la lecture du dossier médical de la patiente que le personnel soignant a relaté avec une certaine précision la surveillance réalisée dès le 18 mars 2011 et régulièrement par la suite mais également les doléances de la patiente et les actes mis en oeuvre pour tenter d'y remédier. Il n'est pas contesté que ces constatations ont été transmises aux médecins via les fiches de transmission ciblées. Aucune faute de surveillance ne peut ainsi être imputée au personnel de l'établissement de soins.

C'est à bon droit que le jugement entrepris a considéré qu'aucun défaut de prise en charge de Mme [G] n'était imputable au personnel de l'établissement de soins et a débouté M. et Mme [N] de leurs demandes à l'encontre de l'hôpital privé [10]. Le jugement sera confirmé.

- Sur la responsabilité de M. [A] [J]

M. et Mme [N] soutiennent, en premier lieu, que l'expertise judiciaire à laquelle M. [A] [J] n'a pas participé lui est néanmoins opposable en ce que les conclusions de l'expertise ont été transmises à sa critique. Ils ajoutent que les autres éléments médicaux communiqués confirment un principe de responsabilité du médecin.

Ils entendent engager la responsabilité de M. [A] [J] en tant que médecin, chef de l'équipe médicale et chef du personnel soignant en arguant qu'il n'a pas détecté la survenance d'un AVC alors que Mme [G] en présentait les symptômes et a, de ce fait, commis une négligence ainsi qu'une erreur de diagnostic. Le rapport d'expertise a mis en évidence une erreur de médication incombant au médecin consistant en l'absence de prescription d'un traitement anti-thrombotique.

M. [A] [J] soulève l'inopposabilité du rapport d'expertise judiciaire qui n'a pas été réalisé contradictoirement à son égard et considère qu'aucune condamnation ne peut être prononcée sur la base de ce seul rapport même s'il a été soumis à la libre discussion des parties. Il se fonde sur l'article 6§1 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales concernant le droit à un procès équitable. Il ajoute que le rapport d'expertise est fondé en grande partie sur les déclarations des requérants et que ceux-ci ne produisent aucun autre élément de nature à le corroborer.

M. [A] [J] fait également valoir qu'aucun élément ne permet de retenir une faute de sa part. Il indique que l'expertise judiciaire conclut à un défaut de prise en charge de la part des médecins des [12] sans autre précision sur le nom du médecin responsable de l'absence de prescription du traitement anti-thrombotique. Il conteste, par ailleurs, toute responsabilité du fait d'autrui en tant que chef d'équipe. Il critique les conclusions de l'expert judiciaire et considère qu'aucun élément ne permet de certifier la date de survenance de l'AVC et l'apparition des premiers signes de confusion.

Aux termes des dispositions de l'article 16 alinéa 2 du code de procédure civile, le juge ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement.

Au visa de l'article 6§1 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il est constant que l'expertise judiciaire doit respecter le principe du contradictoire.

En l'espèce, il est constant que M. [A] [J] n'a pas participé aux opérations d'expertise judiciaire mais que ce rapport d'expertise a été régulièrement versé aux débats et soumis à la libre discussion des parties. Toutefois, le juge ne peut fonder sa décision exclusivement sur ce rapport d'expertise qui doit être corroboré par d'autres éléments de preuve (1ère Civ. 11 juillet 2018 pourvoi n°17-17.441, 3è Civ. 18 avril 2019 pourvoi n°1810045).

M. et Mme [N] indiquent que les éléments médicaux qu'ils ont communiqués militent pour un principe de responsabilité de M. [A] [J] et produisent les pièces suivantes :

- un certificat médical du docteur [H] du 1er septembre 2011, médecin traitant de Mme [G] qui fait état de son hospitalisation, qui indique que sa famille a noté un tableau avec dégradation cognitive et une perte de vision au décours de son séjour et une dégradation de son état de santé à son retour à domicile,

- un résultat de scanner du 9 juin 2011 du docteur [S] qui constate l'existence de séquelle d'infarctus de la cérébrale postérieure gauche,

- un compte rendu neurologique du 13 juillet 2011 du docteur [F] qui indique que les troubles présentés par Mme [G] sont compatibles avec un AVC,

- des attestations de M. et Mme [N] sur les constats qu'ils indiquent avoir faits durant son hospitalisation et de proches sur l'état de Mme [G] avant son hospitalisation.

Si les pièces médicales évoquent la survenance d'un AVC, il convient de relever qu'elles ne le datent pas et ne permettent pas ainsi de connaître le traitement prescrit et l'éventuelle faute du médecin.

Ces pièces ne corroborent pas le rapport d'expertise judiciaire qui sera déclaré inopposable à M. [A] [J]. Le jugement sera ainsi confirmé.

- Sur les autres demandes

Le jugement sera également confirmé en ce qu'il a débouté M. et Mme [N] de toutes leurs demandes d'indemnisation et de leur demande au titre du préjudice moral à l'encontre de l'hôpital privé [10] et de M. [A] [J] ainsi que la CPAM de Loire-Atlantique de toutes ses demandes en l'absence de responsabilité retenue.

- Sur les frais irrépétibles et les dépens

Succombant en leur appel, M. et Mme [N] seront condamnés à verser la somme de 1 500 euros à la SAS L'hôpital privé [10] et la somme de 1 500 euros à M. [A] [J] ainsi qu'aux entiers dépens d'appel, étant précisé que les dispositions du jugement entrepris relatives aux frais irrépétibles et aux dépens seront confirmées.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne Mme [E] [O] épouse [N] en son nom personnel et en sa qualité d'ayant-droit de Mme [W] [G] et M. [M] [N] à verser la somme de 1 500 euros à l'hôpital privé [10] au titre des frais irrépétibles ;

Condamne Mme [E] [O] épouse [N] en son nom personnel et en sa qualité d'ayant-droit de Mme [W] [G] et M. [M] [N] à verser la somme de 1 500 euros à M. [M] [A] [J] au titre des frais irrépétibles ;

Condamne Mme [E] [O] épouse [N] en son nom personnel et en sa qualité d'ayant-droit de Mme [W] [G] et M. [M] [N] aux dépens d'appel ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes, fins et conclusions.

Le greffier, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19/05203
Date de la décision : 23/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-23;19.05203 ?
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