3ème Chambre Commerciale
ARRÊT N° 7
N° RG 21/00029 - N° Portalis DBVL-V-B7F-RG26
S.E.L.A.R.L. RAYMOND DUPONT
S.A.R.L. BENIBUL
C/
E.U.R.L. APCG
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me DENIS
Me ENGLISH
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 10 JANVIER 2023
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre,
Assesseur : Madame Fabienne CLEMENT, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseillère, rapporteur
GREFFIER :
Madame Isabelle GESLIN OMNES, lors des débats, et Madame Lydie CHEVREL, lors du prononcé,
DÉBATS :
A l'audience publique du 25 Octobre 2022
ARRÊT :
contradictoire, prononcé publiquement le 10 Janvier 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTES :
La SELAS CLEOVAL, anciennement dénommée SELARL RAYMOND DUPONT, en qualité de mandataire judiciaire puis intervenante volontaire par conclusions en date du 04.10.2022 en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société BENIBUL
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 5]
S.A.R.L. BENIBUL, immatriculée au RCS de SAINT-NAZAIRE sous le n° 811 019 785, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentées par Me Bruno DENIS de la SCP CADORET-TOUSSAINT, DENIS & ASSOCIES, plaidant/postulant, avocat au barreau de SAINT-NAZAIRE
INTIMÉE :
E.U.R.L. APCG, immatriculée au RCS de SAINT-NAZAIRE sous le n° 825 303 647, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représentée par Me Benjamin ENGLISH de la SCP MARION-LEROUX-SIBILLOTTE-ENGLISH-COURCOUX, postulant, avocat au barreau de SAINT-NAZAIRE
Représentée par Me Capucine VARRON CHARRIER, plaidant, avocat au barreau de TOULON
La société BENIBUL, antérieurement dénommée société AU PETIT CREUX LA GOVELLE a obtenu selon délibération du 11/02/2015 du conseil municipal de la commune de [Localité 6], le renouvellement pour trois ans à partir du 01/04/2015 d'une convention d'occupation temporaire du domaine public au lieu-dit "LA GOVELLE" accordée à titre personnel à Madame [V] [C], pour l'exploitation d'une activité de restauration exercée à partir d'un bungalow situé à l'entrée de la plage portant le même nom.
La société BENIBUL a aussi obtenu que la commune de [Localité 6] lui loue une licence IV attachée à l'exploitation du bungalow.
L'exploitation dure 6 mois de l'année du 1er avril jusqu'au 30 septembre.
Le 12/10/2016, la société BENIBUL a effectué des démarches auprès de la commune pour l'informer de son intention de cesser son activité puis a sollicité la résiliation de la convention d'occupation temporaire afin qu'une nouvelle convention puisse être accordée à Madame [W], qui envisageait d'acquérir son fonds de commerce.
Suivant délibération du 16/11/2016, la commune de [Localité 6] a approuvé la convention d'occupation du domaine public au bénéfice de Madame [W] après une année reconductible pour 3 années.
Le 21/03/2017, la société APCG, dont la gérante est Mme [W], a signé suivant acte sous seing privé établi par la société d'avocats APROJURIS, l'acte de cession du fonds de commerce moyennant un prix de vente de 110 000 € réparti comme suit:
- éléments incorporels : 91.100 euros,
- éléments corporels: 18.900 euros.
L'acte précisait que la cessionnaire faisait son affaire des formalités de transfert à son bénéfice de la location de la licence IV de la commune de [Localité 6].
Il précisait aussi que la société APCG louait à des particuliers, à proximité, un local de stockage de 42 m2 avec eau et électricité, qui allait être résilié par ses soins, le cessionnaire faisant son affaire de son éventuel renouvellement.
Le 27/07/2018, la société APCG a fait assigner la société BENIBUL sur le fondement des articles L141-5 et suivants du Code de Commerce, 1641 du Code Civil et L2124-32-1 et suivants du Code Général de la Propriété des Personnes Publiques pour demander au tribunal de constater que la clientèle du fonds de commerce se confondait avec celle de la plage et que le commerce ne dispose pas d'une clientèle propre, invoquant à titre subsidiaire que le statut des baux commerciaux ne pouvait s'appliquer sur le domaine public maritime.
Elle demandait en conséquence la résolution et la nullité de la vente.
Par jugement du 02 décembre 2020, le tribunal de commerce de Saint-Nazaire a:
- constaté que le bungalow est exploité sur le domaine public communal,
- constaté que la clientèle du bungalow se confond avec celle de la plage,
- jugé que le bungalow ne dispose d'aucune clientèle réelle, propre et autonome,
- jugé que le commerce ne peut dès lors être qualifié de fonds de commerce,
- jugé que le consentement de l'EURL APCG a été vicié par une erreur sur la substance de la clientèle vendue, élément substantiel de la vente du fonds de commerce,
- constaté que l'erreur sur l'importance de la clientèle du fonds de commerce est une cause de nullité,
- prononcé la résolution de l'acte de cession de fonds de commerce et artisanal en date du 21 mars 2017 par lequel la SARL AU PETIT CREUX LA GOVELLE nouvellement SARL BENIBUL a cédé à l'EURL APCG son fonds de commerce et artisanal moyennant la somme de 110 000 €,
- ordonné que les parties remettent les éléments dans leur situation antérieure à la vente,
- condamné la SARL AU PETIT CREUX LA GOVELLE nouvellement SARL BENIBUL à payer la somme de 110 000€ en restitution du prix de vente à l'EURL APCG, avec intérêt au taux légal avec capitalisation des intérêts à compter de la délivrance de l'assignation, soit le 27 juillet 2018,
- débouté l'EURL APCG de toutes ses autres demandes indemnitaires,
- condamné la SARL AU PETIT CREUX LA GOVELLE nouvellement SARL BENIBUL à payer à l'EURL APCG la somme de 2 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du CPC et débouté cette dernière du surplus de sa demande,
- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement nonobstant appel,
- condamné la SARL AU PETIT CREUX LA GOVELLE nouvellement SARL BENIBUL aux entiers dépens y incluant les frais d'huissier.
Appelantes de jugement, la SARL BENIBUL et la SELAS CLEOVAL prise en la personne de Me [H] [P] en qualité de commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde de la société BENIBUL ont, par conclusions du 04 octobre 2022, demandé que la Cour:
- reçoive la société BENIBUL ainsi que la SELAS CLEOVAL en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan prise en la personne de Me [P] en son intervention volontaire accessoire,
- réforme le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de SAINT-NAZAIRE en date du 02/12/2020,
- déboute la société APCG de toutes ses demandes, fins et conclusions et notamment de son appel incident,
- condamne la société APCG à verser à la société BENIBUL la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par la société BENIBUL,
- condamne la société APCG à verser à la société BENIBUL la somme de 28.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du CPC outre les entiers dépens de première instance et d'appel.
Par conclusions du 05 octobre 2022, la société APCG a demandé que la Cour:
- confirme le jugement du tribunal de commerce de SAINT-NAZAIRE en date du 2 décembre 2020 en ce qu'il a prononcé la résolution de l'acte de cession de fonds de commerce et artisanal en date du 21 mars 2017, condamné la SARL APCG nouvellement SARL BENIBUL à payer la somme de 110.000 euros en restitution du prix de vente avec intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts outre les dépens et la somme de 2.000 euros au titre des frais de l'article 700 du CPC
- statuant à nouveau, fixe et admette au passif de la SARL BENIBUL la somme de 112.000 euros décomposée comme suit :
- 110.000 euros correspondant à la valeur des éléments incorporels (clientèle) et corporels
- 2.000 € au titre des frais d'article 700 du CPC
- à titre incident, infirme le jugement du tribunal de commerce de SAINT-NAZAIRE en date du 2 décembre 2020 pour le surplus et notamment en ce qu'il a débouté l'EURL APCG de toutes ses autres demandes indemnitaires,
- fixe le montant de la créance de l'EURL APCG à la somme de 134.274 euros à la date d'ouverture du redressement judiciaire,
- fixe et admette au passif de la SARL AU PETIT CREUX LA GOVELLE nouvellement SARL BENIBUL la somme de 134.274 euros décomposée comme suit :
- 110.000 euros correspondant à la valeur des éléments incorporels (clientèle) et corporels
- 3.400 € en remboursement des frais de vente
- 20.874 € à titre de légitimes dommages et intérêts réparant le préjudice résultant d'une perte financière causée à la requérante,
- déboute les appelants et intervenants volontaires de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
- juge que les condamnations financières porteront intérêt au taux légal avec capitalisation des intérêts à compter de la délivrance de l'assignation,
- fixe et admette au passif de la SARL AU PETIT CREUX LA GOVELLE nouvellement SARL BENIBUL la somme de 10.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du CPC outre les entiers dépens, y incluant les frais d'huissier,
- juge que les frais de dépens et d'article 700 du CPC seront employés en frais privilégiés de la procédure collective.
- ordonne l'exécution provisoire sur le tout.
MOTIFS DE LA DECISION:
La société APCG soutient que la société BENIBUL ne possédait aucune clientèle propre lorsqu'elle exploitait le bungalow de plage, la clientèle de ce dernier se confondant avec les usagers de la plage ; subsidiairement, elle conclut à l'erreur sur l'existence de la clientèle.
La convention d'occupation accordée par la commune de [Localité 6] à la société BENIBUL donnait à cette dernière l'autorisation d'occuper le domaine public situé à La Govelle sur une certaine surface, qui pouvait recevoir un commerce de restauration restant sur ses roues et ne pouvant être raccordé à aucun branchement d'eau ou d'assainissement. Etait autorisé un raccordement électrique.
Cette autorisation était accordée en vue d'y installer des activités de vente de boissons, à emporter ou à consommer sur place, et de restauration simple durant la saison estivale.
L'occupation était accordée par périodes annuelles allant des congés scolaires de Pâques au 30 septembre.
L'autorisation donnée était nominative, l'exploitation était obligatoire durant la saison estivale et les bâtiments devaient être démontés à l'issue de la saison d'exploitation.
Les horaires d'ouverture et de fermeture de l'établissement étaient définis comme identiques à ceux des commerces de [Localité 6] possédant une licence équivalente.
La convention d'occupation constituant la pièce numéro 2 de la société APCG est celle datée du 31 mars 2018, soit une année après la cession et contient quelques précisions et obligations supplémentaires (prix accessibles, service rapide et de qualité, accueil sympathique, animations musicales, valorisation des circuits courts et produits locaux si possible).
Toutefois, celle lui ayant été accordée en mars 2017 était strictement identique à celle de la société BENIBUL.
Dès lors, il ne peut être tiré aucune conséquence de la convention de 2018 sur l'existence de la clientèle de la société BENIBUL en 2015 et 2016.
Le commerce était ainsi situé sur un parking donnant sur la plage de La Govelle, l'un de ses côtés donnant sur le parking et l'autre sur la plage, avec des chaises et des tables côté mer.
A l'examen de l'acte de cession du fonds, la société BENIBUL avait entendu pallier l'exiguïté des lieux et l'interdiction - très malcommode pour un commerce de restauration- de se relier à un réseau d'eau potable en louant à des particuliers un local de stockage avec eau et électricité.
Compte tenu de la location de la licence IV, qui est une circonstance relativement rare pour ce type de commerce de plage, il résultait de la convention une possibilité de grande amplitude horaire, tandis que l'activité définie dans la convention 'vente de boisson à consommer sur place ou à emporter' et 'restauration simple' laissait toute latitude aux exploitants pour définir la nourriture qu'ils souhaitaient offrir.
Ensuite, cette convention a été complétée par des autorisations supplémentaires données pour les années 2015 et 2016 d'organiser des soirées 'apéros concerts' deux fois par mois pendant les six mois d'exploitation annuelle.
Les pièces versées aux débats démontrent que des concerts ont eu lieu effectivement tous les quinze jours en 2016, la société BENIBUL justifiant aussi avoir effectué les déclarations nécessaires auprès de la SACEM et du service de prestations sociales des artistes.
La convention de cession de fonds de commerce mentionne que la société BENIBUL a réalisé:
- un chiffre d'affaires de 164.768 euros du 1er avril 2015 au 30 septembre 2015,
- un chiffre d'affaires de 217.152 euros du 1er octobre 2015 au 30 septembre 2016,
- un chiffre d'affaires de 0 euros du 1er octobre 2016 au 21 mars 2017, date de l'acte.
La vente est en effet intervenue en période de fermeture du commerce.
Les pièces versées aux débats ne permettent pas de douter de ces chiffres.
En effet, les comptes ont été publiés, et sont certifiés par l'Association de Gestion et de Comptabilité de Loire Atlantique.
Il est exact que la société BENIBUL exploitait depuis janvier 2017 un nouveau commerce de restauration. Mais il n'y a pu avoir double comptabilité puisque selon les propres pièces de la société APCG, l'exploitation du nouveau fonds a démarré le 05 janvier 2017, soit deux mois avant la vente et à une période durant laquelle le commerce vendu n'effectuait aucun chiffre d'affaires.
Aucun enseignement ne peut être tiré de la pièce n°75 de la production de la société APCG, une copie d'écran de page internet du site 'société.com', cette pièce mentionne en effet un établissemment nommé XXXXXXX, qui aurait été exploité du 1er avril 2016 au 05 janvier 2017, à une adresse XXXXX avec comme activité XXXXX et comme numéro de siret le même numéro que l'établissement 'Au Petit Creux' sauf les derniers chiffres se terminant eux aussi par XXXX.
Ce troisième établissement, à supposer qu'il existe, n'est pas mentionné sur INFOGREFFE, sur lequel ne figure que le nouveau restaurant et le commerce ambulant.
Il apparaît en revanche sur INFOGREFFE que les comptes de la société BENIBUL étaient déposés et publiés.
Ensuite, la société BENIBUL a produit son registre du personnel pour l'année 2016, contenant toutes les informations nécessaires (nom, numéro de sécurité sociale) pour démontrer qu'elle a employé une personne du 1er mai au 30 septembre, une personne du 1er juillet au 31 août et deux autres personnes qui se sont succédées du 1er juillet au 31 août.
Ainsi, outre les deux associés de la société BENIBUL, trois personnes travaillaient au sein du commerce durant les deux mois d'été, impliquant nécessairement une ampleur certaine du chiffre d'affaires.
A cet égard, la cour dispose des liasses fiscales 2015 et 2016 et les salaires versés en 2016 ont atteint environ 56.000 euros, corroborant les informations précédentes.
La société BENIBUL justifie enfin de dépenses et de ressources démontrant une activité importante, notamment dans la vente à domicile, activité indépendante de la fréquentation de la plage:
- facture de location de deux terminaux de paiement, au motif que l'un serait resté dans le commerce et l'autre dans le camion de livraison,
- attestation d'adhésion permettant d'accepter les tickets restaurant,
- factures d'achat de 5.000 menus dépliants, mentionnant une possibilité de livraison à domicile et une ouverture 7 jours sur 7,
- facture d'achat de 500 cartes de visite,
- facture d'achat de 750 verres recyclables à son effigie
- facture d'achat de tee-shirts à son effigie pour le personnel,
- facture d'achat de 500 cendriers de plage à son nom,
- factures de livraisons de pizzas au nom de la commune de [Localité 6] et de l'Amicale des Pompiers : même si le gérant de la société BENIBUL est conseiller municipal et pompier volontaire, ces achats correspondaient à des besoins de ces collectivités, besoins qui auraient pu être comblés l'année suivante par le cessionnaire.
L'ensemble de ces pièces comptables laisse supposer l'existence d'une activité commerciale supérieure à celle que pourrait engendrer une clientèle uniquement apportée par la fréquentation de la plage, la clientèle apportée par le service de livraison à domicile étant en tout état de cause distincte de celle des usagers de la plage.
A cet égard ont été versées aux débats par la société BENIBUL de très nombreuses (plusieurs dizaines) attestations d'habitants ou de résidents secondaires de la commune de [Localité 6] ou des communes environnantes, qui sont venus attester de leur fréquentation du commerce en dehors de toute fréquentation de la plage.
Ces attestations sont contestées au motif qu'elles auraient été sollicitées par M. [I] (gérant de la société BENIBUL) sur son compte FACEBOOK et émaneraient de ses 'amis' FACEBOOK.
Les attestations sont toujours sollicitées par la partie qui les invoque.
Le terme d'amis, sur les réseaux sociaux, ne témoigne pas d'une proximité d'intérêt suffisante pour que les attestations considérées ne soient pas prises en considération.
La Cour se bornera à ne pas prendre en considération les attestations mentionnées dans les conclusions de la société APCG comme émanant de membres de la famille des gérants ou de salariés du nouveau restaurant de la famille du gérant.
A l'examen donc de ces témoignages, il est relevé :
- que sept témoins mentionnent venir durant leurs pauses déjeuner, appréciant de pouvoir éventuellement passer commande au téléphone et arriver pour être ainsi servi immédiatement ; un autre évoque des fréquentations avec des collègues en sortie de travail, un autre évoque la préparation, à deux reprises, du repas d'une classe de 25 élèves d'école primaire venus visiter un blockaus,
- que sont systématiquement citées par plus d'une dizaine de personnes les soirées concerts mais aussi les 'happy hours', et des soirées à thème et autres évènements, plusieurs témoins expliquant qu'elles étaient annoncées à l'avance sur un compte FACEBOOK,
- que la livraison à domicile est citée par de nombreux témoins.
Ces témoignages décrivent de façon globale le commerce 'LE PETIT CREUX' comme un lieu de rencontre habituel des personnes habitant les environs, que ce soit à titre permanent ou comme résidents secondaires, notamment en dehors des horaires de plage à l'occasion des soirées régulièrement organisées.
Enfin, la société BENIBUL justifie par deux factures avoir organisé, le jour de la fermeture définitive du commerce, soit le 30 septembre 2016, un évènement festif d'adieu ne pouvant qu'être destiné à une clientèle habituelle et fidèle et non simplement de passage pour l'usage de la plage : outre un concert, a en effet été tiré un feu d'artifice, tandis qu'un photomaton avait été loué pour être mis gratuitement à la disposition des clients pour qu'ils prennent des photos de la soirée.
La société APCG verse pour sa part aux débats de tout aussi nombreuses attestations visant à démontrer que la clientèle du commerce était exclusivement composée des usagers de la plage de La Govelle.
Ces attestations ne sont pas contradictoires avec les précédentes dans la mesure où le commerce a pu bénéficier de deux types de clientèle : une clientèle exclusivement attachée à l'usage de la plage et une clientèle locale venant pour d'autres motifs.
Ainsi, parmi les témoins de la société APCG figure une douzaine de personnes ne résidant pas dans les environs, qui n'ont donc pu connaître le commerce qu'à l'occasion d'un séjour touristique, donc de façon plus liée à l'utilisation de la plage.
Ensuite, il est exact que plus d'une vingtaine d'attestations, rédigées cette fois par des habitants et des commerçants de [Localité 6], témoignent que l'exploitation du commerce est fortement dépendante de la météo et que lorsque celle-ci est mauvaise, le commerce est vide.
Une telle circonstance, évidente pour de très nombreux commerces de bord de mer (malgré la photo versée aux débats par la société BENIBUL de clients vêtus de doudounes), n'a pas pour conséquence d'interdire à ces commerces de se constituer une clientèle propre et indépendante du simple usage des plages.
D'autre part, le commerce est situé en Loire Atlantique où le climat est clément et les jours de réel mauvais temps relativement faibles à compter du printemps, permettant ainsi une exploitation stable durant les six mois permis par la convention d'occupation.
Enfin, la société APCG plaide que la clientèle était inexistante puisque durant son exploitation du 1er avril 2017 au 30 septembre 2017, elle n'a réalisé qu'un chiffre d'affaires de 60.194 euros, ayant encore diminué à 49.031 euros pour la période allant du 1er avril 2018 au 30 septembre 2018 (en raison des grèves SNCF selon son expert comptable).
Elle conclut donc avoir commis une erreur ayant vicié son consentement, erreur portant sur la substance même de la cession puisqu'elle aurait cru à tort à l'existence d'une clientèle attachée au fonds de commerce.
Cette argumentation est contradictoire avec l'argumentation précédente dans la mesure où si la clientèle du commerce était uniquement dépendante de la fréquentation de la plage et non de ses conditions d'exploitation, le chiffre d'affaires précédent aurait dû être retrouvé pour la saison 2017.
En tout état de cause, la société APCG ne conteste pas avoir abandonné l'activité de restauration à domicile précédemment exploitée, ce qui n'a pu que conduire à une baisse du chiffre d'affaires.
Elle justifie avoir ponctuellement organisé des soirées mais ne justifie pas de leur régularité.
Elle ne démontre pas avoir embauché des salariés alors que leur présence permettait d'augmenter l'offre et la rapidité du service.
D'autre part, la clientèle de restauration, rapide ou classique, est volatile par essence : il suffit d'un repas considéré comme insatisfaisant - pour des raisons objectives ou non- pour qu'elle ne revienne pas, l'inverse se révélant aussi exact.
En tout état de cause, le fait de ne pas réussir à retrouver un chiffre d'affaires après une acquisition n'est pas suffisant pour démontrer une erreur sur l'existence de la clientèle, tandis que les différences relevées entre les conditions d'exploitation avant et après la cession sont suffisantes pour justifier la perte de chiffre d'affaires.
L'existence de l'erreur n'est pas démontrée.
L'ensemble de ces motifs démontre donc que la société BENIBUL disposait d'une clientèle propre et indépendante de celle des usagers de la plage et qu'il n'y a pas lieu à annulation de la vente, que ce soit en raison de l'inexistence du fonds de commerce ou de l'erreur qui aurait affecté le consentement du cessionnaire.
Le jugement déféré est infirmé dans toutes ses dispositions.
La société BENIBUL ne peut voir sa demande indemnitaire pour procédure abusive être accueillie dans la mesure où le premier juge a fait droit aux demandes de son adversaire, démontrant ainsi que ces prétentions n'étaient ni hasardeuses ni manifestement infondées et abusives.
La demande est donc rejetée.
La société APCG, qui succombe, supportera la charge des dépens de première instance et d'appel et paiera à la société BENIBUL une somme de 8.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Reçoit la SELAS CLEOVAL représentée par Me [P] en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société BENIBUL en son intervention volontaire.
Infirme le jugement déféré.
Déboute la société APCG de ses prétentions.
Déboute la société BENIBUL de sa demande indemnitaire.
Condamne la société APCG aux dépens de première instance et d'appel;
Condamne la société APCG à payer à la société BENIBUL la somme de 8.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT