5ème Chambre
ARRÊT N°-109
N° RG 21/02996 - N° Portalis DBVL-V-B7F-RUGW
S.A.R.L. BART'S
S.A.R.L. DECAP
C/
Société HUBENER VERSICHERUNGS AG
Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 15 MARS 2023
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Pascale LE CHAMPION, Présidente,
Assesseur : Madame Virginie PARENT, Présidente,
Assesseur : Madame Virginie HAUET, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Catherine VILLENEUVE, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 18 Janvier 2023
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 15 Mars 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTES :
S.A.R.L. BART'S Société à responsabilité limitée à associé unique agissant poursuites et diligences de son gérant domicilié en cette qualité audit siège.
[Adresse 7]
[Localité 3]
Représentée par Me Aurélie GRENARD de la SELARL ARES, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Marine ORESVE, Plaidant, avocat au barreau de RENNES
S.A.R.L. DECAP agissant poursuites et diligences de ses gérants domiciliés
en cette qualité audit siège.
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Me Aurélie GRENARD de la SELARL ARES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
INTIMÉE :
Société HUBENER VERSICHERUNGS AG société de droit étranger, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège.
[Adresse 5]
[Localité 1]
Représentée par Me Marie VERRANDO de la SELARL LEXAVOUE RENNES ANGERS, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Eloïse MARINOS de la SELAS BYRD, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
****************
M. [L] [W] est le gérant de deux sociétés ayant une activité de discothèque et de bar : la SARL Bart's qui gère l'établissement 'La Suite' à La Richardais, et la SARL Decap qui gère l'établissement '[Adresse 6].
Afin d'assurer leur activité, M. [L] [W] s'est rapproché de son courtier habituel, M. [U] [T], qui lui-même s'est rapproché du courtier Cover Insurance lequel prenait alors contact avec la société Avenir et Loisir Assurance (Aleade), mandataire d'assurance de la société Hübener Versicherungs AG.
Chacune des sociétés Bart's et Decap a souscrit une police d'assurance multirisque professionnelle auprès de la société Hübener Versicherungs AG en date du 6 mars 2018.
Dans les suites de l'émergence du virus Covid-l9, par arrêté du 14 mars 2020, complété le 15 mars, portant diverses mesures relatives à la lutte contre sa propagation, interdiction a été faite à certains établissements d'accueillir du public jusqu'au 15 avril 2020, parmi lesquels les restaurants et débits de boissons, salles de danse et salles de jeux.
Par décrets suivants, le dernier en date du 29 octobre 2020, la fermeture des salles de danse était prorogée jusqu'à nouvel ordre.
Par courrier du 15 avril 2020, la société Hübener Versicherungs AG a informé ses partenaires et clients que les pertes d'exploitation découlant de la fermeture administrative des établissements suite à la pandémie de Covid-19 n'étaient pas garanties.
Les discothèques ont été autorisées à ouvrir leurs portes au public le 9 juillet 2021.
Par courriers du 15 mai 2020 adressé à Cover Assurance et à M. [U] [T], chacune des sociétés Bart's et Decap a sollicité l'indemnisation de ses pertes d'exploitation.
Par courriers des 18 et 25 mai 2020, la société Aleade a répondu respectivement aux sociétés Bart's et Decap que la prise en charge de leurs pertes d'exploitation ne serait pas possible étant donné la non-garantie des pertes d'exploitation non consécutives à un sinistre garanti par le contrat d'assurance.
Par courriers du 1er juillet 2020, le conseil des sociétés Bart's et Decap a contesté la position de la société Aleade. Parallèlement, une mise en demeure était adressée à M. [U] [T] en vue d'obtenir les conditions générales et particulières des contrats souscrits auprès de la société Hübener Versicherungs AG.
Ces dernières étaient communiquées aux sociétés BART'S et DECAP par transmission e-mail du même jour avec copie des réponses déjà apportées par la société Aleade en date des 18 et 25 mai 2020.
Les sociétés Bart's et Decap ont assigné la société Aleade, la société Hübener Versicherungs AG et M. [U] [T] devant le Tribunal de Saint-Malo le 20 novembre 2020.
Par jugement du 27 avril 2021, le tribunal de Saint-Malo a :
- déclaré les sociétés Bart's et Decap recevables en leurs demandes,
- mis hors de cause la société Aleade, celle-ci n'étant pas assureur,
A titre principal,
- dit et jugé que les pertes d'exploitation consécutives à la fermeture administrative des discothèques gérées par les sociétés Bart's et Decap ne sont pas garanties par leur police d'assurance multirisque souscrite avec la société Hübener Versicherungs AG,
En conséquence,
- débouté les sociétés Bart's et Decap de leurs demandes à l'encontre de la société Hübener Versicherungs AG,
A titre subsidiaire,
- dit et jugé infondées les sociétés Bart's et Decap à agir à l'encontre de M. [T],
- débouté les parties de leurs autres demandes ;
- condamné solidairement les sociétés Bart's et Decap à verser la somme de 800 euros à la société Aleade, 4 000 euros à la société Hübener Versicherungs AG et 1 200 euros à M. [U] [T] au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
Le 14 mai 2021, les sociétés Bart's et Decap ont interjeté appel de cette décision et aux termes de leurs dernières écritures notifiées le 21 avril 2022, elles demandent à la cour de :
A principal,
- juger recevable et bien fondé l'appel des sociétés Bart's et Decap à l'encontre du jugement rendu par le tribunal de commerce de Saint-Malo le 27 avril 2021,
En conséquence,
- réformer le jugement rendu le 27 avril 2021 en ce qu'il :
* les a déboutées de leurs demandes à l'encontre de la compagnie Hübener Versicherungs AG,
* les a condamnées solidairement à verser, au titre de l'article 700 du code de procédure civile la somme de 4 000 euros à la société Hübener Versicherungs AG et aux entiers dépens,
Statuant de nouveau,
- constater que les conditions relatives à la garantie pertes d'exploitation consécutive à la fermeture administrative totale de la discothèque Le Suite sont acquises à la SARL Bart's,
- constater que les conditions relatives à la garantie pertes d'exploitation consécutive à la fermeture administrative totale de la discothèque La Boîte à musique sont acquises à la SARL Decap,
- constater que les conditions générales produites par la société Aleade ne subordonnent l'indemnisation de la perte du chiffre d'affaire qu'à l'interruption ou à la réduction des activités déclarées (si la cour d'appel considère qu'elles s'appliquent aux sociétés Bart's et Decap),
En conséquence :
- juger que la société Hübener Versicherungs AG doit garantir les pertes d'exploitation consécutives à la fermeture administrative des discothèques gérées par les sociétés Bart's et Decap dans les conditions prévues au contrat,
- condamner la société Hübener Versicherungs AG à payer au titre de la garantie pertes d'exploitation la somme de 609 500 euros à la SARL Bart's, sous astreinte de 500 euros par jour à compter du 15ème jour de la signification de la décision, et ce pendant 60 jours, outre intérêts légaux à compter de la date des présentes conclusions,
- condamner la société Hübener Versicherungs AG à payer au titre de la garantie pertes d'exploitation la somme de 399 500 euros à la SARL Decap, sous astreinte de 500 euros par jour à compter du 15ème jour de la signification de la décision, et ce pendant 60 jours, outre intérêts légaux à compter de la date des présentes conclusions,
A titre subsidiaire,
- condamner la société Hübener Versicherungs AG à payer, à titre de provision une somme de 400 000 euros à la SARL Bart's, sous astreinte de 500 euros par jour à compter du 15ème jour de la signification de la décision, et ce pendant 60 jours, outre intérêts légaux à compter de la date de l'assignation à savoir le 30 novembre 2020,
- condamner la société Hübener Versicherungs AG à payer, à titre de provision une somme de 200 000 euros à la SARL Decap, sous astreinte de 500 euros par jour à compter du 15ème jour de la signification de la décision, et ce pendant 60 jours, outre intérêts légaux à compter de la date de l'assignation à savoir le 30 novembre 2020,
- désigner tel expert qu'il plaira à M. le président de la cour d'appel de Rennes avec pour mission de :
* évaluer le montant des dommages constitués par la perte de marge brute
pendant la période d'indemnisation,
* évaluer le montant des dommages constitués par la perte de revenus pendant la période d'indemnisation,
* donner tous éléments motivés sur l'impact de la fermeture administrative des établissements et des mesures sanitaires sur les résultats de l'activité des sociétés Bart's et Decap,
* se faire remettre par les parties ou tous tiers pouvant les détenir toutes pièces utiles à l'accomplissement de sa mission, de même que tous éléments
permettant de comprendre l'objet, la nature et les engagements des différentes parties,
* entendre tout sachant qu'il estimera utile,
* dresser du tout un rapport impérativement précédé d'un pré rapport,
* répondre précisément à tous dires des parties en relation avec le litige,
* plus généralement, fournir à la juridiction tous éléments de fait susceptibles de lui permettre d'appréhender les préjudices subis.
- surseoir à statuer sur la liquidation définitive du préjudice des sociétés Bart's et Decap dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise judiciaire,
En tout état de cause,
- condamner la société Hübener Versicherungs AG à leur verser la somme de 10 000 euros chacune par application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Hübener Versicherungs AG aux entiers dépens de première instance et d'appel,
- débouter la société Hübener Versicherungs AG de ses demandes, fins et conclusions.
Par dernières conclusions notifiées le 2 décembre 2022, la société Hübener Versicherungs AG demande à la cour de :
- déclarer les sociétés Bart's et Decap irrecevables et en tout cas non fondées en leur appel et l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions, les en débouter.
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
* dit et jugé que les pertes d'exploitation consécutives à la fermeture administrative des discothèques générées par les sociétés Bart's et Decap ne sont pas garanties par leur police d'assurance multirisque souscrite avec elle,
* débouté les sociétés Bart's et Decap de l'ensemble de leurs demandes,
* condamné les sociétés Bart's et Decap d'avoir à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,
Y ajoutant,
- débouter les sociétés Bart's et Decap de l'ensemble de leurs demandes formées en cause d'appel,
Et rejetant toutes prétentions contraires, comme irrecevables et en tout cas non fondées,
- condamner in solidum les sociétés Bart's et Decap à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens d'appel avec distraction au profit de l'avocat soussigné aux offres de droit.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 8 décembre 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Les sociétés appelantes expliquent que leur contrat d'assurance est constitué des dispositions générales HV RAMBAM ALA, des conditions particulières, et de l'annexe 'moyen de prévention et de protection'.
Elles signalent que les conditions générales HV RAMBAM ALA ne leur ont jamais été adressées et que les conditions générales produites aux débats par la société Hübener Versicherungs AG(différentes de celles adressées par M. [T] à leur conseil) ne leur sont pas opposables. Elles considèrent que ces conditions générales non identifiables auxquelles renvoient les conditions particulières ne leur sont pas opposables.
Elles affirment qu'aucun des deux exemplaires des conditions générales produits aux débats ne correspond à celui visé par les conditions particulières.
À défaut de connaître le contenu des conditions générales d'assurances, les deux sociétés se réfèrent aux conditions particulières et estiment que la garantie 'pertes d'exploitation' s'appliquent sans restriction.
À titre subsidiaire, les deux sociétés déclarent que les conditions générales prévoient 3 volets distincts dans la protection de l'activité professionnelle : la protection des biens, la protection des responsabilités et la protection financière. Elles soutiennent que la garantie des pertes d'exploitation est intégrée dans la protection financière de l'activité professionnelle et non dans la protection des biens de l'entreprise. Elles avancent que l'indemnisation de la perte du chiffre d'affaires n'est subordonnée à aucune condition autre que l'interruption ou la réduction des activités déclarées.
Elles contestent le fait que la mise en oeuvre de la garantie des pertes d'exploitation soit soumise à la réalisation d'un sinistre matériel.
Les sociétés Bart's et Decap expliquent qu'il existe deux types de garantie sur les pertes d'exploitation : une garantie couvrant les pertes consécutivement à un dommage garanti, une garantie sans dommage.
Elles prétendent que la rédaction des conditions générales et particulières sont confuses et que, dès lors, le contrat s'interprète selon le sens que lui donnerait une personne raisonnable placée dans la même situation et contre celui qui l'a proposé s'agissant d'un contrat d'adhésion.
À titre infiniment subsidiaire, si la cour estime que l'indemnisation de la perte de chiffre d'affaire est subordonnée comme les frais supplémentaires d'exploitation à la survenance des 3 événements alternatifs prévus dans les conditions générales, elles indiquent qu'elles justifient des conditions de mobilisation de la garantie car elles ont subi une diminution de leur chiffre d'affaires liée à une impossibilité matérielle d'accès à leurs locaux par suite d'un événement naturel survenu dans le voisinage.
Elles précisent que leurs établissements ont été fermés du 13 mars 2020 jusqu'en juillet 2021 et que cette impossibilité juridique d'accès justifie la garantie.
En réponse, la société Hübener Versicherungs AG déclare qu'en signant les conditions particulières de la police, les sociétés Bart's et Decap ont reconnu avoir pris connaissance, compris et accepté expressément 'les dispositions générales Ala ci-jointes'.
Elle précise que si deux exemplaires de conditions générales communiquées aux sociétés Bart's et Decap, l'exemplaire intitulé A-L-A MRP- Métiers de la nuit est celui qui doit être appliqué tout en signalant que la garantie pertes d'exploitation est similaire dans les deux exemplaires.
La société Hübener Versicherungs AG juge que les conditions générales sont claires et précises et qu'il n'y a pas lieu à les interpréter.
Elle indique que les pertes d'exploitation ne sont garanties que lorsqu'elles résultent d'un dommage matériel indemnisé au titre du contrat, ou d'un dommage matériel non assurable à l'ensemble des biens garantis par le contrat ayant pour cause l'intensité anormale d'un agent naturel, ou de l'impossibilité matérielle d'accès aux locaux résultant d'incendie, d'explosion, d'événement naturel dans le voisinage ou de catastrophes naturelles. Elle précise que les conditions particulières confirment que la garantie sur les pertes d'exploitation est subordonnée à la survenance d'un dommage matériel garanti.
Elle affirme que la garantie sur les pertes d'exploitation est intégrée dans la partie 'dommages aux biens' de la police et que sa mise en oeuvre ne peut résulter que d'un sinistre matériel garanti.
La société Hübener Versicherungs AG explique qu'il résulte des conditions générales que les pertes d'exploitation ne sont pas garanties.
Elle soutient que le contrat est une police multirisques à périls dénommés couvrant les seuls dommages limitativement énumérés dans les conditions générales soit une partie garantissant la protection de l'activité de l'assuré et une partie garantissant les dommages causés aux tiers.
Elle précise que le premier volet est divisé en 3 catégories soit la protection des biens de l'assuré, la protection des responsabilités encourues et la protection financière. Selon elle, la protection financière (incluant les pertes d'exploitation) découle, comme les deux autres catégories, de la survenance d'un dommage matériel.
Elle conteste le raisonnement des sociétés appelantes selon lequel la présence de clauses d'exclusion non consécutives à un dommage matériel dans l'article 2.13 signifie que l'assureur couvre les pertes d'exploitation sans dommage matériel.
La société Hübener Versicherungs AG écrit qu'il ne peut y avoir de garantie 'pertes d'exploitation' en toutes circonstances, sinon cette garantie serait potestative.
L'assureur fait état de ce que l'article 2.13 des conditions générales limite la garantie sur les pertes d'exploitation.
En réponse à la demande à titre infiniment subsidiaire des sociétés Bart's et Decap, la société Hübener Versicherungs AG conteste l'impossibilité matérielle d'accès aux locaux (qui doit s'entendre en une impossibilité physique d'accéder aux locaux). Elle considère que la pandémie de Covid-19 ne constitue pas une catastrophe naturelle survenue dans le voisinage telle que prévue par le contrat.
Elle discute la motivation du tribunal selon lequel les frais supplémentaires d'exploitation seraient subordonnés aux conditions du contrat alors que la perte du chiffre d'affaires ne serait soumise à aucune condition.
- Sur les dispositions générales.
Les contrats souscrits entre la société Hübener Versicherungs AG et les sociétés Bart's et Decap sont constitués :
- des dispositions générales,
- des conditions particulières,
- de l'annexe Moyen de Prévention et de Protection n° MPP17/01/01.
Dans les conditions particulières du contrat n° ACI18-05190-01 du 6 mars 2018 de la SARL Bart's, il est indiqué que :
- le contrat est régi notamment par les dispositions générales HV RAMBAM ALA en page 3,
- le souscripteur reconnaît par l'envoi et la signature du présent document avoir reçu, pris connaissance, compris et accepter expressément les Dispositions Générales ALA ci-jointes.
Dans les conditions particulières du contrat n° ACI18-02901-01 du 6 mars 2018 de la SARL Decap, il est indiqué que :
- le contrat est régi notamment par les dispositions générales HV RAMBAM ALA en page 3,
- le souscripteur reconnaît par l'envoi et la signature du présent document avoir reçu, pris connaissance, compris et accepter expressément les Dispositions Générales ALA ci-jointes.
Ainsi les deux sociétés appelantes ont reconnu avoir reçu les conditions générales contractuelles et il est pour le moins étrange qu'aujourd'hui elles affirment toutes deux ne pas avoir eu lesdites conditions en leur possession et qu'elles n'ont pas cherché à les obtenir dès la souscription du contrat.
Sont versés au dossier deux dispositions générales :
- les premières intitulées 'Police d'assurance multirisque Discothèques, Bowlings, Restaurants, Bars et autres Lieux de Loisirs de nuit- Avenir et Loisirs Assurances' suivi d'un gros A majuscule et de la phrase 'à vos côtés'.
Ces conditions auraient été transmises par M. [T].
- les secondes intitulées 'A-L-A, Police MRP- METIERS DE LA NUIT'suivie d'un titre 'Aleade'.
Ces conditions ont été transmises par l'assureur lors du présent litige.
Les dispositions des deux exemplaires concernant les pertes d'exploitation sont identiques, de sorte que le débat est inutile.
Au surplus, les conditions particulières renvoie aux dispositions générales ALA, soit l'intitulé du deuxième exemplaire des conditions générales (le terme ALA n'existant pas dans le premier) que la cour appliquera dans le cas présent.
- Sur les pertes d'exploitation.
Au visa de l'article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
Le contrat souscrit pour l'une comme pour l'autre des sociétés est une police multirisque à périls dénommés et non pas une police 'tous risques sauf'.
Ainsi seuls les risques prévus dans le contrat sont garantis.
Les conditions générales prévoient au paragraphe 2.13 intitulé 'pertes d'exploitation' :
Sont garantis :
Le versement d'une indemnité correspondant à la perte de marge brute résultant pendant la période d'indemnisation de :
* La perte du chiffre d'affaires causée par l'interruption ou de la réduction des activités déclarées.
-*Les frais supplémentaires d'exploitation consécutivement engagés, avec l'accord préalable de l'agent de souscription lorsque l'assuré se trouve dans l'impossibilité totale ou partielle de poursuivre son activité à la suite :
- D'un dommage matériel indemnisé au titre du présent contrat.
- De dommages matériels directs non assurables à l'ensemble des biens garantis par le contrat, ayant eu pour cause déterminante l'intensité anormale d'un agent naturel, lorsque les mesures habituelles à prendre pour prévenir ces dommages n'ont pu empêcher leur survenance, ou n'ont pu être prises.
- D'une impossibilité matérielle d'accès à ses locaux professionnels (y compris en cas d'interdiction par les autorités compétentes), par suite d'incendie ou d'explosion, d'événements naturels survenus dans le voisinage, catastrophes naturelles.
Sont également garantis :
- Le remboursement des honoraires de l'expert.
Ce paragraphe est situé dans le paragraphe plus général sur 'La protection de vos biens'.
La lecture des conditions générales ne peut permettre de différencier 'la perte du chiffre d'affaires' des 'frais supplémentaires'.
Les sociétés appelantes ne peuvent affirmer que la perte du chiffre d'affaires est indemnisée seulement en cas d'interruption ou réduction des activités déclarées sans autre condition, ce qui aurait pour conséquence pour l'assureur de devoir indemniser toute perte consécutive à la moindre baisse du chiffre d'affaires quelle qu'en soit la cause. Dans l'hypothèse retenue par les sociétés Bart's et Decap, la garantie serait acquise si la baisse du chiffre d'affaire est due à une saison moins prolifique, ou à une décision hasardeuse du souscripteur par exemple. Non seulement la garantie serait potestative mais la notion d'aléa disparaîtrait, ce qui est antinomique avec la notion d'assurance.
Les observations des appelantes sur la ponctuation du paragraphe 2.13 ainsi que sur leur interprétation de l'éventuel lien de causalité entre la garantie 'responsabilité civile d'exploitation' et sur la garantie 'pertes d'exploitation'sont inopérantes.
Le tableau intégré dans les conditions particulières n'a pas d'autres vocations que de préciser les plafonds de garanties souscrites.
Selon la clause 2.13 précitée, la garantie 'pertes d'exploitation' est donc soumise à des conditions précises.
Les sociétés Bart' et Decap n'ayant pas eu à déplorer un dommage matériel, la première condition n'est pas envisageable.
Il n'est pas fait état de dommages matériels directs non assurables par les assurées.
Seule la 3ème hypothèse sur l'impossibilité matérielle d'accès peut être envisagée.
S'il n'y a aucune définition sur les termes 'impossibilité matérielle d'accès dans le contrat d'assurance, il convient de souligner que le contrat ne fait pas mention d'une impossibilité juridique.
Seule l'impossibilité matérielle est visée.
Le terme accès s'entend d'une possibilité d'atteindre un but ou la possibilité d'approcher quelqu'un ou d'accès à des connaissances. Il s'agit également d'une voie, d'un passage ou d'une ouverture permettant d'arriver à un lieu. Un accès susceptible d'être fermé ne peut s'entendre que d'un passage concret qui peut être bloqué. Cette impossibilité matérielle est une entrave matérielle de parvenir aux locaux ou d'en repartir.
Ainsi les cas prévus à l'article précité correspondent à des événements ayant rendu les locaux matériellement inaccessibles (comme lors d'une route interdite par une autorité, ou impraticable à la suite d'événement climatique...).
Ensuite l'impossibilité matérielle devait faire suite à un incendie ou d'explosion, d'événements naturels survenus dans le voisinage ou une catastrophe naturelle.
La rédaction de la clause induit que les deux conditions -une impossibilité matérielle et un événement précis- sont cumulatives.
Or les mesures gouvernementales ordonnées à partir du 15 mars 2020 pour lutter contre l'épidémie n'ont pas rendu matériellement inaccessibles les locaux des sociétés Bart's et Decap. Elles ont notamment, pour limiter la propagation du virus, ordonner la fermeture des établissements de catégorie N et P, soit notamment les restaurants, les débits de boissons et les salles de danse.
Il n'est pas contestable que les mesures gouvernementales sur le confinement, la limitation des déplacements de la population ont eu un impact sur l'activité des sociétés Bart's et Decap mais ces mesures ne constituent pas une impossibilité matérielle d'accès mais elles constituent une impossibilité juridique d'accueillir les clients.
Les termes 'y compris en cas d'interdiction par les autorités compétentes' ne constituent pas un événement à part mais une cause supplémentaire éventuelle de l'impossibilité d'accès qui peut être la conséquence d'une décision des autorités.
La condition contractuelle sur l'impossibilité d'accès fait défaut.
La condition sur la survenance d'un événement naturel dans le voisinage fait également défaut.
Tout d'abord, les sociétés Bart's et Decap ne justifient pas du caractère naturel du Covid-19. Si la transmission est inter-humaine, les scientifiques n'ont pas réussi à expliquer l'origine de ce virus.
En outre, il est acquis que l'épidémie de Covid-19 est une épidémie mondiale, notion qui n'est pas compatible avec celle de voisinage qui doit être comprise dans un sens courant, intelligible pour tous et qui suppose une proximité de l'origine de l'événement en cause.
Ainsi les conditions de mise en oeuvre de la garantie 'perte d'exploitation' ne sont pas réunies.
Sans qu'il ne soit besoin de statuer plus avant, il convient de débouter les sociétés Bart's et Decap de l'ensemble de leurs demandes.
Le jugement entrepris est confirmé.
- Sur les autres demandes.
Succombant en leur appel, les sociétés Bart's et Decap sont déboutées de leur demande en frais irrépétibles et sont condamnées à payer à la société Hübener Versicherung AG la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, étant par ailleurs précisé que les dispositions du jugement critiqué sur les frais irrépétibles et les dépens sont confirmés.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe :
Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Déboute les sociétés Bart's et Decap de leur demande en frais irrépétibles ;
Condamne les sociétés Bart's et Decap à payer à la société Hübener Versicherung AG la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Hübener Versicherung AG aux dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
La greffière La présidente