La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/04/2023 | FRANCE | N°20/00928

France | France, Cour d'appel de Rennes, 5ème chambre, 05 avril 2023, 20/00928


5ème Chambre





ARRÊT N°-135



N° RG 20/00928 - N° Portalis DBVL-V-B7E-QO2E













SASU HARMONIE DECOUPE



C/



Me Pierre NEAU

S.C.I. LANDE DE TOURNEBRIDE

SCP OFFICE NOTARIAL DE L'ESTUAIRE



















Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée















Copie exécutoire délivrée



le :<

br>


à :











RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 05 AVRIL 2023





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Virginie PARENT, Présidente,

Assesseur : Madame Pascale LE CHAMPION, Présidente,

Asses...

5ème Chambre

ARRÊT N°-135

N° RG 20/00928 - N° Portalis DBVL-V-B7E-QO2E

SASU HARMONIE DECOUPE

C/

Me Pierre NEAU

S.C.I. LANDE DE TOURNEBRIDE

SCP OFFICE NOTARIAL DE L'ESTUAIRE

Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 05 AVRIL 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Virginie PARENT, Présidente,

Assesseur : Madame Pascale LE CHAMPION, Présidente,

Assesseur : Madame Virginie HAUET, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Catherine VILLENEUVE, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 08 Février 2023

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 05 Avril 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE :

SASU HARMONIE DECOUPE au capital de 8 000 €, prise en la personne de son représentant légal.

La [Adresse 5]

[Localité 2]

Représentée par Me Jean-Maurice CHAUVIN de la SELARL CHAUVIN JEAN-MAURICE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉS :

Maître Pierre NEAU

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Carine PRAT de la SELARL EFFICIA, Plaidant, avocat au barreau de RENNES

Représenté par Me Sylvie PELOIS de la SELARL AB LITIS / PÉLOIS & AMOYEL-VICQUELIN, Postulant, avocat au barreau de RENNES

S.C.I. LANDE DE TOURNEBRIDE RCS NANTES 503 056 202, prise en la personne de son gérant domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 6]

[Localité 4]

Représentée par Me Luc BOURGES de la SELARL LUC BOURGES, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Eric L'HELIAS de la SELARL MORICE-L'HELIAS, Plaidant, avocat au barreau de LAVAL

SCP OFFICE NOTARIAL DE L'ESTUAIRE prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Carine PRAT de la SELARL EFFICIA, Plaidant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Sylvie PELOIS de la SELARL AB LITIS / PÉLOIS & AMOYEL-VICQUELIN, Postulant, avocat au barreau de RENNES

*************

Par acte authentique du 18 avril 2008, au rapport de maître [B], la SCI Lande de Tournebride a acquis de la SCI de la Broussais un bâtiment industriel situé [Adresse 9] et cadastré sections [Cadastre 7] et [Cadastre 8], au prix de 267 224,08 euros.

Par acte du même jour au rapport de M. Pierre Neau, membre de la SCP [P] Trichereau, M. Pierre Neau et M. [S] [L], devenue la société Office Notarial de l'Estuaire, la SCI Lande de Tournebride a consenti à la SARL Eveno-Affûtage située [Adresse 9], un bail commercial de 10 ans, sur ce bâtiment, moyennant loyer annuel de 30 000 euros.

Par jugement du 4 juin 2008, le tribunal de commerce de Rennes a ordonné l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la SARL Eveno-Affûtage et désigné maître Sophie Gautier en qualité d'administrateur judiciaire.

Par jugement du 15 juillet 2009, le tribunal de commerce a arrêté la cession totale de la SARL Eveno-Affûtage au profit de la société Harmonie Découpe en cours de constitution.

L'entrée en jouissance a été fixée au 31 juillet 2009.

Par acte du 21 août 2009 au rapport de maître Laurent Bourgion, notaire à Rennes, la SARL Eveno-Affûtage a cédé à la société Harmonie Découpe son fonds de commerce, avec droit au bail pour un loyer de 30 000 euros.

Par acte du 15 octobre 2013, la société Harmonie découpe a fait signifier un congé pour le 17 avril 2014.

Le 18 juin 2014, maître Le Floch, huissier de justice à Redon, a dressé un état des lieux de sortie, sur la base duquel le 3 juillet 2014, la SCI Lande de Tournebride a réclamé à la société Harmonie Découpe la somme de 161 185 euros au titre des dégradations commises.

Le preneur a contesté devoir cette somme par courrier du 8 juillet 2014.

Par acte délivré le 27 novembre 2014, la SCI Lande de Tournebride a fait assigner la société Harmonie Découpe en paiement du coût de remise en état du local devant le tribunal de commerce de Rennes, lequel s'est, par jugement du 2 juin 2015, déclaré incompétent au profit du tribunal de grande instance de Rennes.

Cette procédure a été enregistrée sous le n° de RG 15/04323.

Par acte du 4 décembre 2015, la SCI Lande de Tournebride a fait assigner maître Pierre Neau, notaire et la société Office Notarial de l'Estuaire aux fins de condamnation subsidiaire.

Cette procédure a été enregistrée sous le n° de RG 16/0100.

Les deux procédures ont fait l'objet d'une jonction par ordonnance du 17 mars 2016.

Par ordonnance du 6 octobre 2016, le juge de la mise en état a ordonné une expertise qu'il a confiée à M. [F] [K].

Par acte du 28 septembre 2016, la SCI Lande de Tournebride a vendu le bien immobilier objet du bail commercial à la société Synchroflex Immobilier au prix de 153 000 euros.

L'expert a déposé son rapport le 19 janvier 2018.

Par jugement du 19 décembre 2019, le tribunal de Rennes a :

- débouté la société Harmonie Découpe de sa fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir de la SCI Lande de Tournebride,

- déclaré recevable l'action de la SCI Lande de Tournebride,

- condamné la société Harmonie Découpe à payer à la SCI Lande de Tournebride, à titre de dommages et intérêts en réparation des dégradations grevant l'immeuble (bâtiment industriel) sis zone artisanale de Tournebride à Bains sur Oust cadastré sections [Cadastre 7] et [Cadastre 8], la somme de 49 200 euros TTC et au titre de la moitié du coût de l'état des lieux de sortie la somme de 178,74 euros HT, déduction faite, par compensation, de la somme de 7 500 euros qui doit être restituée par la SCI Lande de Tournebride à la société Harmonie Découpe au titre du dépôt de garantie,

- débouté la SCI Lande de Tournebride de ses autres demandes, sans objet,

- condamné la société Harmonie Découpe et la SCI Lande de Tournebride aux dépens dans les proportions suivantes :

* la société Harmonie Découpe 75%,

* la SCI Lande de Tournebride 25%,

- dit que les dépens comprendront les frais d'expertise et seront recouvrés par la seule SELARL Luc Bourges, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

- condamné la société Harmonie Découpe à payer à la SCI Lande de Tournebride la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la société Harmonie Découpe de sa demande relative aux frais irrépétibles,

- condamné la SCI Lande de Tournebride à payer à M. Pierre Neau et à la société Office Notarial de l'Estuaire la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire

Le 7 février, la société Harmonie Découpe a interjeté appel de cette décision et aux termes de ses dernières écritures notifiées le 10 septembre 2022, elle demande à la cour de :

- la recevoir en son appel et l'y dire bien fondée ;

- infirmer le jugement du tribunal de grande instance de Rennes du 19 décembre 2019 en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a condamné à la SCI Lande de Tournebride à lui payer la somme de 7 500 euros au titre du dépôt de garantie,

Statuant à nouveau,

À titre principal,

- déclarer la SCI Lande de Tournebride irrecevable en ses prétentions pour défaut d'intérêt à agir,

- constater qu'elle n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité contractuelle,

- constater que la SCI Lande de Tournebride ne justifie d'aucun préjudice,

- dire en conséquence mal fondée la demande la SCI Lande de Tournebride tendant à la voir condamner à lui verser diverses sommes à titre de dommages et intérêts,

- assortir la condamnation de la SCI Lande de Tournebride à lui payer la somme de 7 500 euros au titre du dépôt de garantie d'une astreinte de 50 euros par jour de retard dans un délai d'un mois à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,

À titre infiniment subsidiaire,

- limiter l'indemnisation éventuellement due à la SCI Lande de Tournebride et mise à sa charge à la somme de 9 728 euros,

En toute hypothèse,

- débouter la SCI Lande de Tournebride de toutes ses demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires,

- condamner la SCI Lande de Tournebride à lui payer la somme de 7 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la SCI Lande de Tournebride aux entiers dépens, lesquels comprendront notamment les frais d'expertise judiciaire de M. [K], et qui seront recouvrés par maître Chauvin, SELARL, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions notifiées le 21 juillet 2020, la SCI Lande de Tournebride demande à la cour de :

- recevoir la SCI Lande de Tournebride en son appel incident,

- infirmer le jugement du tribunal de grande instance de Rennes du 19 décembre 2019 (n° 19/00398) en ce qu'il :

* condamné la société Harmonie Découpe à lui payer, à titre de dommages et intérêts en réparation des dégradations grevant l'immeuble (bâtiment industriel) sis zone artisanale de Tournebride à [Adresse 9], cadastré sections [Cadastre 7] et [Cadastre 8], la somme de 49 200 euros TTC,

* la déboute de ses autres demandes, sans objet,

* condamné la société Harmonie Découpe et la SCI Lande de Tournebride aux dépens dans les proportions suivantes :

° la société Harmonie Découpe 75%,

° la SCI Lande de Tournebride 25%,

* l'a condamnée à payer à maître Pierre Neau et à la société Office Notarial de l'Estuaire la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

* ordonné l'exécution provisoire,

Statuant à nouveau :

A titre principal :

- débouter la société Harmonie Découpe de sa fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir,

- débouter la société Harmonie Découpe, maître Pierre Neau et la SAS Office Notarial de l'Estuaire de leurs demandes, fins et conclusions,

- écarter des débats les attestations produites par la société Harmonie Découpe ne satisfaisant pas au formalisme de l'article 202 du code de procédure civile,

- juger que la société Harmonie Découpe est civilement responsable des dégradations et défauts d'entretien et de réparations locatives grevant l'immeuble (bâtiment industriel) situé [Adresse 9], cadastré sections [Cadastre 7] et [Cadastre 8], et constatés contradictoirement le 18 juin 2014 par maître Le Floch, huissier de justice,

- condamner la société Harmonie Découpe à lui payer, à titre de dommages et intérêts en réparation des dégradations et désordres résultant d'un défaut d'entretien et d'exécution des réparations locatives grevant l'immeuble (bâtiment industriel) sis [Adresse 9], cadastré sections [Cadastre 7] et [Cadastre 8], la somme de 51 600 euros TTC,

- à titre subsidiaire, condamner la société Harmonie Découpe à lui payer la somme de 51 600 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de la moins-value induite par les désordres constatés en fin de bail, en qui a résulté pour elle lors de la vente en l'état du bâtiment litigieux, et à titre encore plus subsidiaire cette même somme au titre de la perte de chance de vendre l'immeuble (bâtiment industriel) sis [Adresse 9] cadastré sections [Cadastre 7] et [Cadastre 8] en l'état un meilleur prix,

- condamner la société Harmonie Découpe à lui payer une somme de 178,74 euros HT correspondant à la moitié du coût d'établissement de l'état des lieux de sortie par maître Le Floch le 18 juin 2014,

- condamner la société Harmonie Découpe à lui payer une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et une somme de 6 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel,

- condamner la société Harmonie Découpe aux entiers dépens sur le fondement des dispositions des articles 696 et suivants du code de procédure civile, lesquels comprendront les honoraires de l'expert judiciaire désigné aux termes de l'ordonnance du juge de la mise en état du 6 octobre 2016, dont distraction au profit de la SELARL Luc Bourges, représentée par maître Luc Bourges,

A titre plus subsidiaire :

- à titre plus subsidiaire, dans l'hypothèse où par impossible elle serait déboutée de tout ou partie de ses demandes dirigées à l'encontre de la société Harmonie Découpe au motif qu'il serait jugé :

* qu'elle ne rapporte pas la preuve de ce que le local faisant l'objet du bail conclu le 18 avril 2008 était à cette date en parfait état (sans restriction aux seules réparations locatives),

* et/ou qu'elle ne rapporte pas la preuve que les dégradations et défaut d'entretien constatés par maître Le Floch le 18 juin 2014 sont postérieurs au 18 avril 2008,

*' et/ou que la preuve de l'antériorité au 18 avril 2008 des désordres constatés par Me Le Floch le 18 juin 2014 serait rapportée (par impossible) par la société Harmonie Découpe,

' et/ou qu'elle n'aurait plus d'intérêt ou qualité à agir à l'encontre de la société Harmonie Découpe à la suite de la vente le 28 septembre 2016 du bâtiment industriel litigieux sis [Adresse 9] à la société Synchroflex Immobilier par acte authentique au rapport de maître Maximilien Trichereau, notaire au sein de l'Office Notarial de l'Estuaire,

- condamner solidairement maître Pierre Neau et la SAS Office Notarial de

l'Estuaire, et subsidiairement l'un(e) à défaut de l'autre sur le fondement de l'article 1382 ancien du code civil et de l'article 16 de la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966 :

* à lui payer, à titre de dommages et intérêts, une somme égale au montant des indemnités qu'elle réclame à la société Harmonie Découpe (51 600 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des dégradations et désordres résultant d'un défaut d'entretien et d'exécution des réparations locatives grevant le bâtiment industriel sis [Adresse 9] + 178,74 euros HT correspondant à la moitié du coût d'établissement de l'état des lieux de sortie par maître Le Floch le 18 juin 2014 + 6 000 euros d'indemnité au titre des frais irrépétibles + les dépens de l'instance en cours) et qui feraient par impossible l'objet d'un rejet ou débouté pour l'une des causes susvisées,

* à payer subsidiairement à la SCI Lande de Tournebride à titre de dommages et intérêts une somme égale au montant des indemnités qu'elle

réclame à titre subsidiaire à la société Harmonie Découpe (soit 51 600 euros) en réparation de la moins-value qui en a résulté pour elle lors de la vente en l'état du bâtiment litigieux, et à titre encore plus subsidiaire cette même somme au titre de la perte de chance de vendre l'immeuble (bâtiment industriel) sis [Adresse 9], cadastré sections [Cadastre 7] et [Cadastre 8] en l'état un meilleur prix,

* à payer à la SCI Lande de Tournebride une somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

* à garantir la SCI Lande de Tournebride de toute condamnation qui pourrait par impossible être prononcée à son encontre au profit de la société Harmonie Découpe dans le cadre de la présente procédure,

* à payer les entiers dépens, qui comprendront les honoraires de l'expert judiciaire désigné aux termes de l'ordonnance du 6 octobre 2016 du juge de la mise en état, sur le fondement de l'article 699 du code de procédure civile, dont distraction au profit de la SELARL Luc Bourges, représentée par Me Luc Bourges,

- voir en toute hypothèse ordonner la compensation du dépôt de garantie de 7 500 euros avec les sommes au paiement desquelles la société Harmonie Découpe sera condamnée à son profit en application des articles 1289 et suivants anciens du code civil et subsidiairement des articles 1347 nouveau et suivants du code civil.

Par dernières conclusions notifiées le 21 juillet 2020, M. Pierre Neau et la société Office Notarial de l'Estuaire demandent à la cour de :

- statuer ce que de droit sur les demandes de la SCI Lande de Tournebride à l'encontre de la société Harmonie Découpe,

- confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Rennes du 19 décembre 2019 en ce qu'il a jugé que les demandes subsidiaires formulées par la SCI Lande de Tournebride à leur encontre sont sans objet,

- débouter la SCI Lande de Tournebride de toutes ses demandes, fins et prétentions formulées à leur encontre,

- condamner la SCI Lande de Tournebride à leur payer une indemnité de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles et en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la SCI Lande de Tournebride et/ou la société Harmonie Découpe aux entiers dépens de l'instance, lesquels seront recouvrés par la SELARL Ab Litis conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 12 janvier 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La SASU Harmonie Découpe considère qu'après la vente de son immeuble, la SCI Lande de Tournebride n'a plus d'intérêt à agir et qu'il n'existe plus de corrélation entre l'action en responsabilité contractuelle et le quantum du préjudice invoqué et que l'état des locaux n'a eu aucune influence sur le prix de vente.

Elle estime que le tribunal a commis une erreur d'appréciation des moyens de fait et de droit, et qu'il n'a caractérisé ni sa faute ni le préjudice allégué.

Elle affirme que la SCI Lande de Tournebride souhaite lui faire supporter la restructuration complète de son immeuble et que les dégradations prétendument commises n'empêchent pas une utilisation normale des bâtiments.

La SASU Harmonie Découpe souligne que les travaux préconisés par l'expert concernent le clos et le couvert, à la charge du bailleur. Elle rappelle qu'elle n'a pas à supporter la vétusté de l'immeuble qui a été édifié en 1996.

Elle expose que la SCI Lande de Tournebride a vendu le bâtiment le 28 septembre 2016 et qu'elle n'a jamais eu à prendre en charge le coût des travaux de réparation de l'immeuble. Elle fait état de l'absence de perte de chance de vendre l'immeuble à un meilleur prix et ne comprend pas la corrélation entre le montant des travaux préconisés par l'expert et la perte de chance alléguée.

La SCI Lande de Tournebride expose que la société Harmonie Découpe n'a pas respecté son obligation d'entretien du local et qu'elle l'a interpellée sur cette obligation à plusieurs reprises.

Elle rappelle que, lors de la cession de l'immeuble, elle a n'a pas cédé ses droits et action en dommages et intérêts nés des dégradations causées avant la vente par le preneur.

Elle prétend qu'en fin de bail, elle est devenue créancière d'une somme équivalente au coût des réparations rendues nécessaires en raison des dégradations et défaut d'entretien. Elle fait état d'une perte de chance de vendre le bâtiment à un meilleur prix.

La SCI Lande de Tournebride explique que la société Harmonie Découpe est présumée avoir pris possession des lieux en parfait état et affirme que les remises en état sollicitées correspondent non pas à de la vétusté mais à des dégradations. Elle signale que la société Harmonie Découpe doit également répondre des dégradations subies par le bâtiment et du défaut d'entretien imputables à la société Eveno Affûtage.

Maître Neau et l'Office Notarial de l'Estuaire indiquent qu'en cas de cession de bail commercial, le cessionnaire devient débiteur, envers le bailleur, de la réparation des dégradations éventuellement occasionnées par le prédécesseur et que le cessionnaire a pris le fonds dans l'état dans lequel il se trouvait au jour de son entrée en jouissance sans recours contre quiconque.

Ils rappellent qu'en exécution du bail, à défaut d'état des lieux, la société Harmonie Decoupe est réputée avoir reçu les lieux en parfait état ;

Maître Neau conteste avoir commis une quelconque faute et signale que l'acte de cession du 28 septembre 2016 a été reçu par maître Trichereau ;

La SAS Office Notarial de l'Estuaire conteste tout manquement.

Maître Neau et la SAS Office Notarial de l'Estuaire estiment que la SCI Lande de Tournebride est fondée à solliciter le montant des dégradations ainsi que l'indemnisation de son préjudice né de la vente du bâtiment à un prix inférieur.

- Sur la recevabilité.

Au visa de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande sans examen au fond, pour défaut du droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

La SCI Lande de Tournebride a vendu l'immeuble loué par acte du 28 septembre 2016.

Il est constant que la vente d'un immeuble n'emporte pas de plein droit la cession au profit de l'acquéreur des droits et actions à dommages et intérêts nés en raison des dégradations causées à l'immeuble antérieurement à la vente.

Dans le cas présent, la SCI Lande de Tournebride n'a pas cédé ses droits et actions en dommages et intérêts à la société Synchroflex Immobilier.

En outre, le droit à indemnisation de la SCI Lande de Tournebride est né à la fin du bail, date à laquelle elle était toujours bailleresse et ce peu important qu'elle ne réalise pas les travaux préconisés par l'expert.

La société Harmonie Découpe est déboutée de sa fin de non-recevoir sur l'absence d'intérêt à agir.

Le jugement est confirmé à ce titre.

- Sur le fond.

En application de l'article 1134 du code civil dans son ancienne rédaction, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles doivent être exécutées de bonne foi.

En page 10 de l'acte de cession du bail du 21 août 2009, est mentionné au paragraphe intitulé 'Conditions concernant le bail commercial : le cessionnaire s'engage à exécuter toutes les charges et conditions du bail analysé ci-dessus, à payer exactement, à compter du jour de l'entrée en jouissance et jusqu'à la fin du bail, les loyers et charges accessoires (...) à faire son affaire personnelle en fin de bail la remise en état des lieux dans l'état où le propriétaire sera en droit de les exiger en vertu des stipulations du bail. À cet égard, le cédant déclare qu'à sa connaissance il n'a été dressé aucun état des lieux antérieurement aux présentes, et plus généralement à se substituer purement et simplement au cédant dans les obligations du bail'.

Ainsi la cession du bail commercial a opéré transmission des obligations du bail à la société Harmonie Découpe qui est débitrice des éventuelles dégradations commises par la société Eveno Affûtage.

Le bail commercial du 18 avril 2008 prévoit en son paragraphe intitulé 'état des lieux' : il (le preneur) prendra le local commercial loué, dans l'état où il se trouve au moment de l'entrée en jouissance, sans pouvoir exiger du bailleur aucune remise en état, ni réparation, ni lui faire aucune réclamation quelconque et sans pouvoir exercer aucun recours pour vices de construction, dégradation, insalubrité, humidité, infiltration.... dans le mois de l'entrée en jouissance, il sera dressé contradictoirement entre les parties ou par voie d'huissier, un état des lieux aux frais du preneur. À défaut de cet état des lieux, le preneur sera réputé avoir reçu les lieux en parfait état sans que, postérieurement, il puisse établir la preuve contraire'.

Il ne peut être contesté qu'aucun état des lieux n'a été formalisé à l'entrée dans les lieux de la société Eveno Affûtage ou de la société Harmonie Découpe.

Cette dernière est présumée avoir reçu les lieux en parfait état et ce de manière irréfragable. La société Harmonie Découpe doit donc restituer les locaux dans le même état.

Le bail commercial dispose en son paragraphe intitulé 'entretien et réparation' : il (le preneur) devra entretenir les lieux loués constamment en bon état de réparations et d'entretien. Par dérogation à l'article 1720 du code civil, il supportera les grosses réparations à l'exception de celles relatives au clos et au couvert. Il effectuera notamment toutes réparations aux systèmes de canalisation et de distribution de l'eau, du gaz, de la force électrique et tous travaux de peinture intérieurs et extérieurs.

Il remplacera à ses frais tous éléments défectueux ou qui le deviendraient soit par suite d'usure, vétusté ou force majeure ou dont le remplacement serait imposé ou recommandé par obligation ou mesure administrative ou de sécurité.

Il supportera toutes réparations rendues nécessaires par suite du défaut d'exécution des réparations à sa charge ou de dégradations résultant de son fait ou de celui de sa clientèle, ses fournisseurs ou son personnel.

(...)

Il aura entièrement à sa charge sans aucun recours contre le bailleur et sans que la liste soit exhaustive :

- l'entretien complet de la devanture et des fermetures du local loué le tout devra être maintenu constamment en parfait état de propreté étant précisé que toutes les réparations grosses ou menues et même les réfections et remplacements qui deviendraient nécessaires au cours du bail aux devantures, vitrines, glaces et vitres, volets ou rideaux de fermeture du local loué seront à sa charge exclusive.

- l'entretien, la réfection et le remplacement des ferrures, plomberies, boiseries, vitreries, planchers, cloisons, carrelages, installations sanitaires, chaudières, serrureries, tuyauteries, robinetteries, zingueries, verrières, huisseries etc....et en général tout ce qui pourra garnir les lieux loués'.

L'expert a noté :

- du côté Nord : les bardages sont percés de deux portes d'accès pour chargement/déchargement et une porte d'accès piétons,

- la façade Nord-Est : les plateaux du bardage intérieur ont subi de nombreux chocs et présentent des déformations,

- la façade Sud-Ouest : une tôle de bardage présente une fixation manquante, la vitre du châssis des toilettes est cassée et le bardage bois au droit de l'entrée a des lames déclouées,

- la façade Nord-Ouest : les encadrements de l'auvent de l'entrée et les portes sectionnelles, les tôles de bardage ont subi de nombreux chocs, les cloisons intérieures ont de nombreuses traces de chocs et d'enfoncement, une vitre d'un châssis est cassée,

- le dallage présente des fissures ; une réservation n'a pas été rebouchée ;

- les dalles du faux plafond des bureaux et des toilettes présentent des épaufrures, chocs et fissures.

Ces dégradations ont été confirmées par l'état des lieux réalisées par un huissier de justice le 18 juin 2014.

L'expert conclut aux travaux nécessaires suivants : compte tenu des manutentions et stockage, la façade intérieure des bardages en double peau aurait dû être protégée par un écran en bois facilement démontable et remplaçable en cas de choc. Les vitres cassées des cloisons métalliques intérieures et des toilettes sont à remplacer. La tôle de bardage de la façade Sud-Ouest est à refixer. Les lames de bardage bois au droit de l'accueil sont à refixer. Les tôles de façades au nord au droit des portes sectionnelles sont à remplacer ainsi que leurs encadrements et des portes sectionnelles également. La réservation au sol est à reboucher.

S'il est évident que la SCI Lande de Tournebride ne peut exiger la restructuration complète du bâtiment, il convient de rappeler que l'expert a retenu que les locaux étaient en état d'usage normal pour des locaux à usage d'entrepôt ou de production, mais a relevé un certain nombre de dégradations, s'agissant de choc et de déformation, qui sont imputables au preneur (et qui ne peuvent être considérés comme la conséquence d'une exploitation normale du bâtiment).

Il est vain pour la société Harmonie Découpe d'invoquer la vétusté des locaux puisqu'il est présumé contractuellement avoir pris les locaux en parfait état (les attestations communiquées, au demeurant non conformes aux dispositions de l'article 202 du code de procédure civile, ne sont pas utiles pour contrecarrer cette présomption).

La société Harmonie Découpe doit supporter le coût de la réparation des dégradations (en ce compris celles commises sur le clos et le couvert), les grosses réparations (à l'exception du clos et du couvert) et les réparations locatives (soit les travaux d'entretien et les petites réparations) en exécution de ses obligations contractuelles et en application de l'article 1732 du code civil.

Ces réparations sont évaluées comme suit :

- protection des plateaux de bardage sur 3 mètres de hauteur par la mise en place de panneaux bois sur ossature horizontale entre poteaux : 20 000 euros HT

- vitres cassées : 1 000 euros HT,

- remplacement des bardages, des portes sectionnelles, des encadrements et habillages en façade Nord : 20 000 euros HT,

- refixation des tôles de bardage : 2 000 euros HT

Soit un total de 43 000 euros HT soit 51 600 euros TTC.

Le premier juge a très justement indiqué que les devis fournis par la société Découpe Harmonie étaient sous évalués au regard des réparations à réaliser.

En conséquence, il convient de condamner la société Harmonie Découpe à payer à la SCI Lande de Tournebride la somme de 51 600 euros à titre de dommages et intérêts sans qu'il ne soit nécessaire de statuer sur les autres demandes subsidiaires de la SCI Lande de Tournebride.

Le jugement est infirmé sur le quantum.

- Sur le coût de l'état des lieux de sortie.

La société Découpe Harmonie ne conteste pas cette demande.

Le recours à un huissier de justice a été nécessité par le désaccord des parties, comme l'a justement rappelé le premier juge.

Le jugement est confirmé en ce qu'il a condamné à la société Harmonie Découpe à payer à la SCI Lande de Tournemine la somme de 178,74 euros HT.

- Sur la restitution du dépôt de garantie.

Le dépôt de garantie s'élève à la somme de 7 500 euros.

La SCI Lande de Tournebride doit restituer cette somme à la société Découpe Harmonie Découpe comme l'a précisé le premier juge.

Il est inutile d'instaurer une astreinte puisque, comme l'a très justement relevé le premier juge, cette somme de 7 500 euros viendra en déduction des sommes dues par les sociétés Harmonie Découpe.

- Sur les autres demandes.

Succombant en son appel, la société Harmonie Découpe est déboutée de sa demande en frais irrépétibles et est condamnée à payer à la société Lande Tournebride la somme au titre de 5 000 euros l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'appel, étant par ailleurs précisé que les dispositions du jugement sur les frais irrépétibles et les dépens sont confirmées.

Au visa de l'article 700 du code de procédure civile, la SCI Lande de Tournebride est condamnée à payer à maître Neau et la SAS Office Notarial de l'Estuaire la somme de 3 000 euros (les dispositions du jugement étant confirmées à ce titre).

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe :

Confirme le jugement entrepris sauf sur le quantum des dommages et intérêts alloués à la SCI Lande de Tournebride ;

Statuant à nouveau,

Condamne la société Harmonie Découpe à payer à la SCI Lande de Tournebride la somme de 51 600 euros à titre de dommages et intérêts ;

Y ajoutant,

Déboute la SASU Harmonie Découpe de sa demande en frais irrépétibles.

Condamne la SASU Harmonie Découpe à payer à la SCI Lande de Tournebride la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SCI Lande de Tournebride à payer à maître Neau et la SAS Office Notarial de l'Estuaire la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles ;

Condamne la SASU Harmonie Découpe aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.

La greffière La présidente.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20/00928
Date de la décision : 05/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-05;20.00928 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award