5ème Chambre
ARRÊT N°-136
N° RG 22/04642 - N° Portalis DBVL-V-B7G-S7BZ
Mme [N] [V]
C/
Mme [I] [G]
Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 05 AVRIL 2023
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Virginie PARENT, Présidente,
Assesseur : Madame Pascale LE CHAMPION, Présidente,
Assesseur : Madame Virginie HAUET, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Catherine VILLENEUVE, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 08 Février 2023
ARRÊT :
Réputé contradictoire, prononcé publiquement le 05 Avril 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTE :
Madame [N] [V]
née le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 7]
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par Me Marie-charlotte JUILLAN de la SELARL GRAIC - QUINTARD-PLAYE - JUILLAN, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-BRIEUC
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/6344 du 22/07/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de RENNES)
INTIMÉE :
Madame [I] [G] ayant fait l'objet de la signification prévue par l'article 905-1 du code de procédure civile par remise de l'acte à l'étude d'huissier et de la signification prévue à l'article 911 du code de procédure civil par remise de l'acte à personne, n'ayant pas constitué avocat
née le [Date naissance 2] 1958 à [Localité 3]
[Adresse 5]
[Localité 6]
Par contrat du 15 juin 2011, Mme [I] [G] a donné à bail à Mme [N] [V] un bien à usage d'habitation situé [Adresse 8] à [Localité 3] pour un loyer mensuel de 410 euros.
Au cours de l'année 2020, Mme [I] [G] a été informée par le syndic de la copropriété de l'existence de plaintes contre sa locataire. Mme [I] [G] a adressé plusieurs courriers à sa locataire lui demandant de cesser ses agissements.
En l'absence de solution amiable, Mme [I] [G] a fait assigner en référé Mme [N] [V] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Saint-Brieuc.
Par ordonnance en date du 24 mai 2022, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Saint-Brieuc a :
- prononcé, à compter de la présente décision, la résiliation du bail conclu le 15 juin 2011 entre Mme [I] [G] et Mme [N] [V] relatif au bien à usage d'habitation situé [Adresse 8] à [Localité 3], aux torts exclusifs de la locataire,
- ordonné, en conséquence, à Mme [N] [V] de libérer les lieux et de restituer les clés dans le délai de deux mois à compter de la signification du présent jugement,
- dit qu'à défaut pour Mme [N] [V] d'avoir volontairement libéré les lieux et restitué les clés dans le délai de deux mois après la signification d'un commandement de quitter les lieux, Mme [I] [G] pourra, à l'issue de ce délai faire procéder à son expulsion ainsi qu'à celle de tous occupants de son chef, y compris le cas échéant avec le concours d'un serrurier et de la force publique,
- débouté Mme [I] [G] de sa demande d'astreinte,
- condamné Mme [N] [V] à payer à Mme [I] [G] une indemnité mensuelle d'occupation d'un montant équivalent à celui du loyer et des charges, tel qu'il aurait été si le contrat s'était poursuivi, soit 450 euros à compter du présent jugement et jusqu'à la date de la libération effective et définitive des lieux,
- condamné Mme [N] [V] à verser à Mme [I] [G] la somme de 400 euros à titre de dommages et intérêts,
- condamné Mme [N] [V] à verser à Mme [I] [G] une somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Mme [N] [V] aux dépens,
- rappelé que l'exécution provisoire est de droit.
Le 20 juillet 2022, Mme [N] [V] a interjeté appel de cette décision et aux termes de ses dernières écritures notifiées le 10 octobre 2022, elle demande à la cour de :
- déclarer recevable et bien-fondé son appel interjeté,
- infirmer l'ordonnance de référé rendue par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Saint-Brieuc en date du 24 mai 2022 en toutes ses dispositions dont appel sur les chefs du dispositif critiqués,
Et statuant à nouveau :
- débouter Mme [I] [G] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires,
- condamner Mme [I] [G] à payer à Mme [N] [V] la somme de 1 000 euros au titre des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.
Mme [I] [G] n'a pas constitué avocat dans le délai prescrit. La déclaration d'appel ainsi que les conclusions d'appelant ont été signifiées à personne le 12 octobre 2022.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 12 janvier 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Mme [V] conteste l'intégralité des nuisances qui lui sont reprochées par la bailleresse. Elle soutient qu'elle respecte le voisinage et règle les loyers dûs régulièrement. Elle fait valoir que les pièces qui ont été produites devant le premier juge ne sont pas probantes et ajoute que les troubles de voisinage qui lui sont reprochés datent de plus d'un an et que désormais ses relations avec ses voisins sont de nature cordiale. Elle ajoute que, par jugement du 5 octobre 2022, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Saint-Brieuc l'a autorisée à rester dans les lieux jusqu'à la date du 7 juillet 2025 et a ordonné la suspension de la mesure d'expulsion à son encontre jusqu'à cette date.
Aux termes des dispositions de l'article 1728 1° du code civil et 7 b) de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989, le locataire est tenu de jouir des locaux loués dans des conditions normales et dans le respect des obligations fixées par le bail.
Aux termes des dispositions de l'article 1729 du code civil, si le preneur emploie la chose louée à un autre usage que celui auquel elle a été destinée, ou dont il puisse résulter un dommage pour le bailleur, celui-ci peut, suivant les circonstances, faire résilier le bail.
L'article 6-1 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, introduit par la loi n° 2007 ' 297 du 5 mars 2007 précise : 'Après mise en demeure dûment motivée, les propriétaires des locaux à usage d'habitation doivent, sauf motif légitime, utiliser les droits dont ils disposent en propre afin de faire cesser les troubles de voisinage causé à des tiers par les personnes qui occupent ces locaux'.
En l'espèce, le premier juge a retenu les éléments suivants pour caractériser les manquements de la locataire à son obligation de jouissance paisible des lieux :
- trois courriers du syndic des 5 mai 2020, 3 juin 2021 et 2 juillet 2021 dans lesquels le syndic mentionnait que des nuisances commises par la locataire lui avaient été rapportées par des voisins, un courrier de l'assureur protection de la copropriété du 22 juillet 2021 et un courrier du syndic à la préfecture le 27 septembre 2021. Mais ces nuisances sont contestées par l'appelante qui indique que les faits dénoncés ne sont que rapportés mais pas dénoncés directement par les voisins. En l'absence de production de ces courriers, la cour ne peut les retenir comme caractérisant des troubles de voisinage.
- trois dépôts de plainte déposés par Mme [G] contre inconnu pour des faits de dégradations, une main courante pour des faits de dégradation du 24 mai 2021 et une plainte de M. [R] et Mme [U] en date du 9 septembre 2021 pour des dégradations et feux de poubelles. La cour ne dispose pas de ces pièces. En revanche, Mme [V] produit un avis de classement sans suite du 8 mars 2022 pour auteur inconnu pour des faits de dégradations et de menaces de sorte que ces nuisances invoquées ne sont pas établies.
- deux mains courantes déposées par un voisin M. [C] les 6 et 16 août 2021 pour des nuisances causées par Mme [V] mais celle-ci produit un courrier de ce dernier en date du 26 juin 2022 dans lequel il indique qu'elle s'est excusée, que depuis des mois les faits ont cessé et qu'ils entretiennent des relations cordiales.
En l'absence de production des pièces invoquées par la propriétaire et au vu des pièces produites devant la cour par l'appelante, les troubles de voisinage graves et persistants invoquées par la propriétaire devant le premier juge et de nature à constituer de graves manquements à l'obligation de jouir paisiblement des lieux ne sont pas justifiés devant la cour. Par conséquent, il convient de réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, de débouter Mme [G] de toutes ses demandes.
- Sur les frais irrépétibles et les dépens
L'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile tant en première instance qu'en appel. Les dispositions du jugement seront réformées. Mme [G] sera condamnée aux dépens en cause d'appel et aux dépens de première instance, les dispositions jugement relatives aux dépens seront infirmées.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement par arrêt réputé contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe :
Infirme le jugement en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau,
Déboute Mme [I] [G] de l'intégralité de ses demandes ;
Condamne Mme [I] [G] aux dépens de première instance et en cause d'appel ;
Déboute Mme [N] [V] du surplus de ses demandes, fins et conclusions.
Le greffier, La présidente,