5ème Chambre
ARRÊT N°-164
N° RG 20/00363 - N° Portalis DBVL-V-B7E-QM5X
SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE, DCF
C/
Société PC IMMO
Société civile LA FONCIERE DU GRAND OUEST
Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 10 MAI 2023
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Pascale LE CHAMPION, Présidente,
Assesseur : Madame Virginie PARENT, Présidente,
Assesseur : Madame Virginie HAUET, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Catherine VILLENEUVE, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 01 Mars 2023
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 10 Mai 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTE :
SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE, DCF
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par Me Gilles HITTINGER ROUX de la SCP HB & ASSOCIES-HITTINGER-ROUX BOUILLOT & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
Représentée par Me Bertrand MAILLARD, Postulant, avocat au barreau de RENNES
INTIMÉES :
Société PC IMMO
INTERVENANTE VOLONTAIRE par conclusions du 1er février 2023
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Me Mathieu DEBROISE de la SELARL CABINET MATHIEU DEBROISE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
Société civile LA FONCIERE DU GRAND OUEST inscrite au RCS de RENNES sous le n° 379 810 641, agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié ès-qualités audit siège.
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Me Mathieu DEBROISE de la SELARL CABINET MATHIEU DEBROISE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
Selon acte sous seing privé en date du 30 avril 2004, la société Foncière du Grand Ouest ayant son siège [Adresse 3] à [Localité 4] a consenti à la SAS société Hermidis aux droits de laquelle vient la société Distribution Casino France un bail commercial portant sur les locaux situés [Adresse 2] à [Localité 6] (85), pour une durée de neuf années à compter du 1er août 2004 moyennant un loyer annuel hors taxes et hors charges de
138 646 euros.
Le bail contient une clause 'indexation-révision de loyer'.
Le bail est venu à expiration le 31 mars 2013 et s'est poursuivi par tacite reconduction jusqu'à ce que la société Distribution Casino France demande le renouvellement pour neuf années à compter du 1er avril 2014 par acte d'huissier délivré le 27 mars 2014.
En l'absence d'opposition du bailleur dans le délai de trois mois prévu par l'article L. 145-10 alinéa 4 du code du commerce, le bail a été renouvelé aux clauses et conditions du précédent bail à compter du 1er avril 2014.
La société Distribution Casino France a contesté la licéité de la clause d'indexation prévue au bail et sollicité auprès de la société Foncière du Grand Ouest par un courrier du 25 août 2017 suivi d'une mise en demeure du 24 novembre 2017, dont cette dernière a accusé réception le 29 novembre 2017, le remboursement d'un trop-perçu de loyer de 258 895,90 euros HT au titre de l'indexation.
Cette demande étant demeurée vaine, la société Distribution Casino France a fait assigner la société Foncière du Grand Ouest devant le tribunal de grande instance de Rennes par acte du 5 mars 2018, aux fins de voir déclarer réputée non écrite la clause d'indexation du bail et obtenir le remboursement du trop-perçu du fait d'une indexation indue.
Par jugement en date du 1er octobre 2019, le tribunal de Rennes a :
- déclaré recevable l'action engagée par la société Distribution Casino France en ce qu'elle tend à voir déclarer la clause d'indexation réputée non écrite,
- déclaré prescrite l'action en répétition de l'indu engagée par la société Distribution Casino France pour les sommes perçues par le bailleur avant le 5 mars 2013,
- déclaré recevable l'action en répétition de l'indu engagée par la société Distribution Casino France pour les sommes perçues par le bailleur après le 5 mars 2013,
- déclaré non écrite la mention 'à la hausse' figurant dans le premier alinéa
de la clause d'indexation intitulée 'article 11- Indexation-révision du loyer'
contenue dans le bail du 30 avril 2004 ayant fait l'objet d'un renouvellement à compter du 1er avril 2014 aux mêmes clauses et conditions,
- condamné la société Foncière du Grand Ouest à payer à la société Distribution Casino France la somme de 13 056,67 euros en remboursement des loyers indûment perçus au titre de l'indexation, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 29 novembre 2017,
- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision,
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes,
- laissé à chacune des parties la charge de ses propres dépens.
Le 16 janvier 2020, la société Distribution Casino France a interjeté appel de cette décision et aux termes de ses dernières écritures notifiées le 9 octobre 2020, elle demande à la cour de :
- réformer le jugement en ce qu'il a :
* déclaré non écrite la mention 'la hausse' figurant dons le premier alinéa de la clause d 'indexation intitulée 'article II-indexation-révision du loyer' contenu dans le bail du 30 avril 2004 ayant fait l'objet d'un renouvellement à compter du 1er avril 2014 aux mêmes clauses et conditions,
* condamné la société Foncière du Grand Ouest à lui payer la somme de
13 056,67 euros, en remboursement des loyers indûment perçus au titre de l'indexation, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 29 novembre 2017,
* dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
* débouté les parties du surplus de leurs demandes,
* laissé à chacune des parties la charge de ses propres dépens,
Statuer à nouveau sur les points ci-dessous précisés :
- juger que la clause d'indexation du bail est indivisible, et donc réputée non écrite en son entier,
- condamner la société Foncière du Grand Ouest à lui restituer le trop-perçu d'indexation jusqu'à ce jour, soit la somme hors taxes de 373 979,77 euros HT en sus de 74 795,95 euros de TVA (à parfaire), outre intérêts au taux légal à compter du 29 novembre 2017, et capitalisation desdits intérêts en application de l'ancien article 1154, aujourd'hui 1343-2 du code civil,
- condamner la société Foncière du Grand Ouest à lui restituer le trop-perçu d'actualisation de dépôt de garantie, soit toute somme supérieure à
23 107,66 euros perçue à ce titre (à parfaire), outre intérêts au taux légal à compter du 17 avril 2020 (signification des conclusions d'appelant), et capitalisation desdits intérêts,
- juger que le montant du loyer au titre du bail renouvelé à effet le 1er avril 2014, s'élève à 138 646 euros hors taxes hors charges annuelles, le 1er avril 2014,
- juger qu'à compter de l'arrêt à intervenir, le loyer annuel devra être ramené au montant du loyer initial, soit 138 646 euros HT/HC/an, en l'absence de clause d'indexation valable,
- condamner la société Foncière du Grand Ouest à lui payer la somme de
10 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel, en sus des entiers dépens d'appel dont le recouvrement sera poursuivi par Maître Bernard Maillard dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile,
- débouter la société Foncière du Grand Ouest de toutes ses demandes, fins, et prétentions contraires.
Par dernières conclusions notifiées le 1er février 2023, la société Foncière du Grand Ouest et la société PC Immo demandent à la cour de :
- dire et juger que les dispositions de la clause d'indexation sont parfaitement divisibles et qu'à ce titre la sanction du 'réputé non écrit' ne doit être retenue qu'à l'encontre des dispositions de la clause excluant toute variation du loyer à la baisse,
- dire et juger que la société Distribution Casino France n'est pas fondée à
réclamer une restitution du trop-perçu de loyer antérieurement au 1er avril 2016, date de la première indexation à la baisse faisant suite au renouvellement du contrat de bail,
- dire et juger que le montant du loyer du bail renouvelé au 1er avril 2014 doit être fixé à sa valeur plafonnée soit 182 446, 81 euros HT par application de l'article L145-34 du code de commerce ou à tout le moins au montant de l'avis d'échéance de loyer appelé régulièrement avant la date d'effet du renouvellement,
En conséquence,
- confirmer le jugement en ses dispositions suivantes :
* déclaré prescrite l'action en répétition de l'indu engagée par la société Distribution Casino France pour les sommes perçues par le bailleur avant le 5 mars 2013,
* déclaré recevable l'action en répétition de l'indu engagée par la société Distribution Casino France pour les sommes perçues par le bailleur après le 5 mars 2013,
* déclaré non écrite la mention 'à la hausse » figurant dans le premier alinéa de la clause d'indexation intitulée 'article 11 - indexation - révision du loyer' contenu dans le bail du 30 avril 2004 ayant fait l'objet d'un renouvellement à compter du 1er avril 2014 aux mêmes clauses et conditions,
- réformer le jugement en ce qu'il a condamné la société Foncière du Grand Ouest à payer à la société Distribution Casino France la somme de 13 056, 67 euros en remboursement du trop-perçu de loyer augmenté des intérêts au taux légal à compter du 29 novembre 2017,
Statuant à nouveau,
- dire et juger que le montant du trop-perçu de loyers dû par la société Foncière du Grand Ouest au titre de l'indexation s'élève sur la période du 1er avril 2015 au 31 juillet 2018 à la somme 11 986,50 euros,
- dire et juger que cette somme ne sera productive d'intérêts au taux légal qu'à compter de la décision à intervenir,
- déclarer la société PC Immo 1 recevable et bien fondée en son intervention volontaire en cause d'appel, eu égard à sa qualité de bailleresse de l'immeuble exploité par la société Distribution Casino France,
- constater que la société PC Immo 1 s'associe aux demandes de confirmation et infirmation soutenues par la société Foncière du Grand Ouest, faisant siennes les moyens développés par cette dernière,
- débouter la société Distribution Casino France de toutes ses demandes, fins et prétentions contraires,
- condamner la société Distribution Casino France à payer à la société Foncière du Grand Ouest, ainsi qu'à la société PC Immo 1, à chacune une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la même aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 1er mars 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
En préliminaire, la cour rappelle qu'elle n'est pas tenue de statuer sur les demandes de constatations qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions en ce qu'elles ne sont pas susceptibles d'emporter des conséquences juridiques ; de même, il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes de 'dire et juger' qui ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile, mais uniquement la reprise de moyens développés dans le corps des conclusions qui ne doivent pas, à ce titre, figurer dans le dispositif des écritures des parties.
La recevabilité de l'action au regard du moyen tiré de la prescription n'est plus soulevée devant la cour. Les dispositions du jugement sont donc confirmées.
- sur l'intervention volontaire de la société PC Immo 1
Au visa de l'article 554 du code de procédure civile, les intimés demandent à la cour de déclarer recevable l'intervention volontaire de la société PC Immo 1. Il est indiqué que la SCI Foncière Grand Ouest a vendu son immeuble situé [Adresse 2] à [Localité 6] à la SCI PC Immo 1, par acte notarié reçu par la SCP Duguesclin notaire le 8 juillet 2020.
Compte tenu de la vente intervenue dont il est justifié devant la cour, du transfert de propriété et du droit au bail bénéficiant à la société preneur sur ce bien, l'intervention volontaire dont s'agit sera déclarée recevable.
- sur la clause d'indexation
La société Distribution Casino France, appelante, critique le jugement en ce qu'il déclare non écrite la seule mention 'à la hausse' de la clause d'indexation figurant au bail ; elle sollicite de la cour qu'elle déclare réputée non écrite la clause en son entier.
Elle prétend au caractère indivisible de la clause au motif tout d'abord que l'illicéité n'est pas restreinte à la première indexation. Elle fait valoir ainsi que la rédaction illicite de la clause a empêché la variation à la baisse en 2015 (1ère indexation), en 2016 (2ème indexation) et pourrait l'empêcher en 2020 et les années suivantes (le montant des indices n'étant pas connu à ce jour). Elle observe que l'augmentation illicite du loyer qui a eu lieu en 2015 et 2016 n'a pas été corrigée par la suite, et que le fait que les indices de 2017, 2018 et 2019 aient été à la hausse ne couvre pas ces deux illicéités, puisque ce sont les loyers calculés lors de la première indexation, puis de la seconde qui ont été pris en considération lors de chaque révision par le jeu de l'indexation ultérieure.
Elle ajoute que l'illicéité est déterminante du consentement des parties en l'espèce, de sorte que faire une application partielle d'un élément déterminant du consentement des parties revient à violer la force obligatoire du contrat.
Elle prend pour précédents de son analyse des arrêts de la cour d'appel de Versailles rendu le 30 avril 2020 (rg 18/8723) ou de la cour d'appel de Dijon rendu le 7 mai 2020 ( RG 18/281) et un arrêt rendu le 10 septembre 2020 par la 3ème chambre civile la Cour de Cassation (pourvoi 19.17139) ayant validé ce raisonnement.
La SCI Foncière du Grand Ouest et la société PC Immo 1 objectent que la Cour de Cassation dans un arrêt rendu par la 3ème chambre civile le 29 novembre 2018 (pourvoi 17.23058), retient que même en présence d'une clause d'indexation stipulée comme clause essentielle et déterminante, seule la stipulation qui crée la distorsion prohibée est réputée non écrite et non la clause en son entier, qu'elle a ensuite, dans un arrêt rendu par la 3ème chambre civile le 6 février 2020 (pourvoi 18.24599), décidé que ce qui conduit à limiter la sanction du caractère non écrit de la clause, ce n'est pas tant le fait qu'une disproportion ne se produise qu'à l'occasion d'une unique période de variation, mais plutôt la possibilité d'isoler les seules modalités à l'origine de la variation, de sorte que la sanction du non écrit doit être circonscrite aux seules dispositions générant une distorsion et non porter sur l'intégralité de la clause.
Enfin, elles évoquent également deux nouveaux arrêts de la Cour de Cassation rendus par la 3ème chambre civile le 30 juin 2021(pourvoi 19.23038) puis le 12 janvier 2022 (pourvoi 21.11169) dans lesquels est réaffirmé que la condition essentielle et déterminante de son consentement est impropre à caractériser une invisibilité et qu'une clause d'indexation ne variant qu'à la hausse n'est pas indivisible. Elles concluent donc à la confirmation du jugement.
La cour relève que les parties ne critiquent pas le jugement en ce qu'il retient que la clause d'indexation contractuelle, qui limite les effets de l'indexation à la hausse et l'interdisent à la baisse, est contraire aux dispositions de l'article L 112-1 du code monétaire et financier, dans la mesure où elle aboutit à détourner le principe de l'indexation tenant à la prise en compte de toutes les variations à la hausse comme à la baisse et qu'elle est en conséquence illicite. Pas davantage, elles ne contestent le jugement faisant application de la sanction du réputé non écrit.
Le débat devant la cour porte sur la portée de la sanction du réputé non écrit en découlant.
Il convient de rappeler les termes de ladite clause figurant au bail renouvelé par tacite reconduction à compter du 1er avril 2014 :
Il est expressément convenu entre les parties que le loyer annuel fera l'objet d'une clause d'échelle mobile qui jouera chaque année le jour anniversaire du début de bail en appliquant à la hausse les éventuelles variations de l'indice national de la construction publié par l'INSEE l'indice de base étant le dernier indice publié c'est à dire l'indice du 1225 soit 1er trimestre 2004, l'indice de comparaison servant au calcul de chaque variation du loyer en application de la présente clause d'échelle mobile étant celui du trimestre de chaque année suivante.
Au cas où, pour quelque raison que ce soit, l'indice ci-dessus choisi pour la clause d'échelle mobile du loyer cesserait d'être publié, cette clause d'échelle mobile serait appliquée en prenant pour base l'indice de remplacement ou à défaut, un nouvel indice conventionnellement choisi qui devra refléter, le plus exactement possible, le coût de la construction à l'échelon national. Le passage des anciens aux nouveaux indices s'effectuera en utilisant le coefficient de raccordement nécessaire.
La présente clause d'indexation constitue une clause essentielle et déterminante, sans laquelle le bailleur n'aurait pas contracté. En conséquence sa non-application partielle ou totale pourra autoriser le bailleur, et lui seul, à demander la résiliation du bail sans indemnité.
En outre, la présente clause d'échelle mobile ne fait pas obstacle à la révision triennale prévue au titre de l'article 27 du décret du 30 septembre 1953.
Aux termes l'article 1217 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, l'obligation est divisible ou indivisible selon qu'elle a pour objet ou une chose qui dans sa livraison, ou un fait qui dans l'exécution, est ou n'est pas susceptible de division, soit matérielle, soit intellectuelle.
Le caractère divisible de la clause nécessite de pouvoir isoler la stipulation illégale, sans que la cohérence du reste de la clause soit atteinte.
En l'espèce, déclarer la seule stipulation prohibée 'à la hausse' de la clause litigieuse qui interdit la variation du loyer à la baisse malgré une baisse de l'indice n'empêche pas de reconstituer la valeur du loyer indexé, sur la base des indices à la hausse comme à la baisse, conformément à la clause d'indexation.
Le fait que la clause prévoit qu'elle constitue une clause essentielle et déterminante, sans laquelle le bailleur n'aurait pas contracté, ne permet pas de caractériser en elle-même une indivisibilité de la clause.
Au terme d'une jurisprudence constante (cf arrêts cités par les intimés mais également arrêts du 17 février 2022 ( pourvoi 20.20463), intervenu suite au pourvoi à l'encontre de l'arrêt de la cour d'appel de Versailles RG 18/8723, ou du 1er juin 2022 ( pourvoi 20.17.691) intervenu suite au pourvoi formé à l'encontre de l'arrêt de la cour d'appel de Dijon (RG 18/281), la 3ème chambre de la Cour de Cassation, retient que seule la stipulation qui crée la distorsion prohibée est réputée non écrite.
La cour approuve donc les premiers juges qui retiennent que les dispositions de la clause d'indexation sont parfaitement divisibles et confirme le jugement qui déclare non écrite la mention 'à la hausse' figurant dans le premier alinéa de la clause d'indexation intitulée ' article 11-indexation-révision du loyer' contenue dans le bail du 30 avril 2004 ayant fait l'objet d'un renouvellement à compter du 1er avril 2014 dans les mêmes clauses et conditions.
- sur le montant du trop perçu de loyers
La société Distribution Casino France entend réclamer au titre des trop versés par elle de loyers entre le mois de mars 2013 et le mois de septembre 2020 une somme de 373 979,77 euros HT ou 448 775,72 euros TTC, opérant déduction de tous les loyers indexés versés depuis le 5 mars 2013, les loyers dus sur la base d'un loyer d'origine. Elle indique que la condamnation devra porter sur une somme TVA comprise, dans la mesure où elle l'a acquittée.
La SCI Foncière du Grand Ouest et la société PC Immo 1 sollicitent pour leur part la confirmation de l'analyse du tribunal tout d'abord en ce que la demande en restitution du trop versé ne peut être examinée qu'à compter du 1er avril 2015, la date de première indexation du loyer faisant directement suite au renouvellement du bail à compter de cette date et non à compter du 5 mars 2013, tel que réclamé, qui est antérieure au bail renouvelé.
Elles font valoir ensuite qu'en l'absence de saisine du juge des loyers commerciaux pour arbitrer le montant du loyer du bail renouvelé, celui-ci doit être fixé, comme également décidé par le tribunal, à la valeur plafonnée de 182 446,81 euros HT conformément à l'article L 145-34 du code de commerce.
Elles rappellent que la demande en restitution doit être appréciée dans la limite des années où l'indexation n'a pu être répercutée au preneur.
Elles concluent ainsi à l'infirmation du jugement et demandent de limiter la condamnation de ce chef à la somme trop perçue de 11 986,50 euros, sans l'assortir de la TVA, pour la période du 1er avril 2015 au 31 juillet 2018.
Le premier bail est venu à expiration le 31 mars 2013 ; la société Distribution Casino France a sollicité, sans opposition de son bailleur le renouvellement du bail à compter du 1er avril 2014 aux charges et conditions initiales. Les parties sont donc en l'état d'un bail renouvelé à compter du 1er avril 2014.
Compte tenu de la sanction prononcée, la demande en restitution des loyers trop versés, ne peut être prise en considération, comme décidé par le tribunal, qu'à compter de la première indexation du loyer du bail renouvelé et donc à compter du 1er avril 2015 et non à compter du 5 mars 2013, date à laquelle les parties étaient liées par un contrat qui a expiré depuis.
L'article L145-34 du code de commerce dans sa version applicable à la cause dispose :
A moins d'une modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l'article L 145-33, le taux de variation du loyer applicable lors de la prise d'effet du bail à renouveler, si sa durée n'est pas supérieure à neuf ans, ne peut excéder la variation, intervenue depuis la fixation initiale du loyer du bail expiré, de l'indice national trimestriel mesurant le coût de la construction ou, s'ils sont applicables, de l'indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l'indice trimestriel des loyers des activités tertiaires mentionnés aux premier et deuxième alinéas de l'article L 112-2 du code monétaire et financier, publiés par l'Institut national de la statistique et des études économiques. A défaut de clause contractuelle fixant le trimestre de référence de cet indice, il y a lieu de prendre en compte la variation de l'indice national trimestriel mesurant le coût de la construction ou, s'ils sont applicables, de l'indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l'indice trimestriel des loyers des activités tertiaires, calculée sur la période de neuf ans antérieure au dernier indice publié.
En cas de renouvellement postérieur à la date initialement prévue d'expiration du bail, cette variation est calculée à partir du dernier indice publié, pour une période d'une durée égale à celle qui s'est écoulée entre la date initiale du bail et la date de son renouvellement effectif.
Les dispositions de l'alinéa ci-dessus ne sont plus applicables lorsque, par l'effet d'une tacite prolongation, la durée du bail excède douze ans.
En l'espèce, le bail du 30 avril 2004 est venu à expiration le 30 mars 2013. Il a été renouvelé à compter du 1er avril 2014, soit postérieurement à cette date d'expiration prévue contractuellement, et donc 9 ans et 11 mois après le bail initial.
En application des dispositions précitées, c'est à raison que les premiers juges ont fixé le montant du loyer plafonné du bail renouvelé à la date du 1er avril 2014 à la somme de 182 446,81 euros HT, et non à la valeur du loyer d'origine de 2004, tel que soutenu par la société Distribution Casino France.
L'incidence du caractère non écrit de la seule mention à la hausse figurant dans la clause n'empêche pas de prendre en considération les augmentations à la hausse, comme décidé par le tribunal qui a plafonné celles résultant d'un indice à hausse au loyer du bail renouvelé de 182 446,81 euros. En effet, la clause applicable devient :
Il est expressément convenu entre les parties que le loyer annuel fera l'objet d'une clause d'échelle mobile qui jouera chaque année le jour anniversaire du début de bail en appliquant les éventuelles variations de l'indice national de la construction publié par l'INSEE l'indice de base étant le dernier indice publié c'est à dire l'indice du 1225 soit 1er trimestre 2004, l'indice de comparaison servant au calcul de chaque variation du loyer en application de la présente clause d'échelle mobile étant celui du trimestre de chaque année suivante.
Les indices communiqués à la cour au 1er trimestre ont été :
2014 : 1648
2015 : 1632
2016 : 1615
2017 : 1650
2018 : 1671
En appliquant les indices publiés, non discutés, conformément à la clause d'indexation, la cour est donc en mesure de calculer les loyers dus du 1er avril 2015 au 31 mars 2019 comme suit :
- du 1er avril 2015 au 31 mars 2016 :
182 446,81 x 1632 / 1648 = 180 675,48 euros
- du 1er avril 2016 au 31 mars 2017 :
180 675,48 x 1615 /1632 = 178 793,44 euros
- du 1er avril 2017 au 31 mars 2018 :
178 793,44 x 1650/1615 = 182 668,22 euros
- du 1er avril 2018 au 31 mars 2019 :
182 668,22 x 1671 /1650 = 184 993,08 euros.
Il résulte des conclusions et pièces de la partie appelante, que les sommes effectivement versées par elle l'ont été hors TVA. Il est notamment observé que la société Distribution Casino France a entendu, par mise en demeure adressée au bailleur, solliciter la restitution d'un trop perçu de loyers hors taxes.
Durant ces périodes, les loyers hors taxes versées ont été de :
- du 1er avril 2015 au 31 mars 2016 : 185 314 euros,
- du 1er avril 2016 au 31 mars 2017 : 183 427,44 euros,
- du 1er avril 2017 au 31 mars 2018 : 184 797,16 euros,
- du 1er avril 2018 au 31 mars 2019 : 186 747,60 euros,
Il s'ensuit un trop perçu par le bailleur de 13 156,18 euros HT.
La cour prononcera en conséquence une condamnation à l'encontre de la bailleresse de 13 156,18 euros pour la période arrêtée au 31 mars 2019, sans qu'il y ait lieu d'y ajouter la TVA, la partie appelante ne justifiant pas le bien fondé de cette demande.
La demande portant sur un trop perçu de loyers pour la période postérieure, est rejetée, la cour n'étant pas en mesure de se prononcer au vu des pièces produites aux débats. Le jugement qui prononce une condamnation à hauteur de 13 056,67 euros HT pour la période d'avril 2015 à juillet 2018 est donc infirmé.
- sur les intérêts
La société Distribution Casino France demande d'assortir la condamnation des intérêts légaux à compter du 29 novembre 2017, date de mise en demeure, et capitalisation des intérêts en application de l'article 1154 aujourd'hui 1342-2 du code civil.
Les intimés considèrent pour leur part que la somme due ne peut être productive d'intérêts qu'à compter de la décision à intervenir.
En application de l'article 1231-6 du code civil, et au vu de la mise en demeure évoquée ci-avant, l'appelante soutient à raison que les intérêts légaux dus sur la somme allouée, courent à compter du 29 novembre 2017. Il sera par ailleurs fait application de l'article 1342-2 du code civil.
- sur la demande relative à un trop perçu d'actualisation de dépôt de garantie
La société Distribution Casino France sollicite paiement à ce titre de toute somme supérieure à celle de 23 107,66 euros outre intérêts à compter du 17 avril 2020, date de signification des conclusions d'appelants.
Une telle demande n'avait pas été formée en première instance.
La société appelante ne développe dans ses dernières écritures en date du 1er février 2023, aucun moyen de fait ou de droit au soutien de celle-ci. En l'absence de démonstration d'un quelconque trop perçu de ce chef, la cour rejettera cette demande.
- sur les frais irrépétibles et les dépens
La cour confirme le jugement en ces dispositions, dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile et condamne la partie appelante qui succombe aux dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et par mise à disposition au greffe :
Donne acte à la société PC Immo 1 de son intervention volontaire et la déclare recevable ;
Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a condamné la société Foncière du Grand Ouest à payer à la société Distribution Casino France la somme de 13 056,67 euros en remboursement des loyers indûment perçus au titre de l'indexation, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 29 novembre 2017,
Statuant à nouveau sur les chefs de jugement infirmés,
Condamne la société Foncière du Grand Ouest à payer à la société Distribution Casino France la somme de 13 156,18 euros en remboursement des loyers indûment perçus au titre de l'indexation, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 29 novembre 2017,
Y ajoutant,
Prononce la capitalisation des intérêts conformément à l'article 1342-2 du code civil ;
Déboute la société Distribution Casino France du surplus de ses demandes;
Déboute les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Distribution Casino France aux dépens d'appel.
Le Greffier La Présidente