5ème Chambre
ARRÊT N°-196
N° RG 20/01325 - N° Portalis DBVL-V-B7E-QQKA
M. [E] [N]
C/
M. [R] [L]
Organisme CPAM D ILLE ET VILAINE
S.A. SWISSLIFE ASSURANCES DE BIENS.
Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 31 MAI 2023
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Pascale LE CHAMPION, Présidente,
Assesseur : Madame Virginie PARENT, Présidente,
Assesseur : Madame Virginie HAUET, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Catherine VILLENEUVE, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 22 Mars 2023
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 31 Mai 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANT :
Monsieur [E] [N]
né le [Date naissance 4] 1968 à [Localité 11]
[Adresse 3]
[Localité 7]
Représenté par Me Dominique CARTRON, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/002671 du 20/03/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de RENNES)
INTIMÉS :
Monsieur [R] [L]
né le [Date naissance 1] 1966 à [Localité 5]
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représenté par Me Julien CHAINAY de la SELARL EFFICIA, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
Organisme CPAM D ILLE ET VILAINE
[Adresse 10]
[Localité 6] FRANCE
Représentée par Me Antoine DI PALMA, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
S.A. SWISSLIFE ASSURANCES DE BIENS.
[Adresse 8]
[Localité 9]
Représentée par Me Laura LUET de la SELARL HORIZONS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
Au début des années 2000, M. [E] [N] a subi plusieurs interventions pratiquées par le docteur [R] [L], chirurgien-dentiste libéral à [Localité 5], consistant dans le retrait d'amalgames suivi de leur remplacement par des composites et couronnes.
En raison de l'existence de douleurs, le patient a consulté entre juin 2005 et juillet 2008 le docteur [S] [F], médecin stomatologue, qui a notamment procédé à l'extraction d'une molaire, à la pose d'un amalgame sur la dent 17, à la dépose de la couronne de la dent 26 et à la pose d'une couronne provisoire sur la dent 24.
À compter du mois d'août 2008, M. [E] [N] s'est adressé au docteur [M] [U] qui a pratiqué une pulpectomie puis a procédé à l'extraction de la racine mésio-vestibulaire de la dent 26, laquelle avait été perforée.
M. [E] [N] a présenté une infection à la mâchoire et des douleurs sinusiennes, qui ont justifié sa prise en charge notamment par le docteur [V] [T], qui a procédé à l'extraction de la dent 27, et le docteur [A] [J], chirurgien maxillo-facial, qui a procédé à l'avulsion définitive de la dent 26 et à la fermeture d'une communication bucco-sinusienne.
M. [E] [N] a saisi le juge des référés du tribunal de Rennes aux fins d'expertise judiciaire, laquelle a été confiée par ordonnance rendue le 16 janvier 2014 au docteur [O] [P], remplacé le 28 janvier 2014 par le docteur [X] [H].
L'expert judiciaire a établi son rapport définitif le 27 octobre 2014.
Par actes délivrés le 25 juin 2018, M. [E] [N] a fait assigner devant le tribunal de Rennes M. [R] [L] et la CPAM d'Ille-et- Vilaine aux fins d'obtenir l'indemnisation de ses préjudices.
Par exploit d'huissier en date du 25 octobre 2018, M. [R] [L] a fait assigner la société Swisslife, son assureur, aux fins principalement de la voir condamner à le garantir de toute condamnation qui pourrait être mise à sa charge.
Les deux affaires ont été jointes le 16 mai 2019.
Par jugement du 28 janvier 2020, le tribunal de Rennes a :
- accueilli la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par la société Swisslife,
- déclaré en conséquence irrecevable l'action en garantie engagée par M. [R] [L] à l'encontre de la société Swisslife,
- rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par la société Swisslife,
- déclaré en conséquence recevable l'action directe engagée par M. [R] [L] à l'encontre de la société Swisslife,
- constaté que la garantie de la société Swisslife ne peut être mise en oeuvre au titre de l'indemnisation des conséquences dommageables des actes de soins réalisés par M. [R] [L] alléguées par M. [E] [N],
- débouté M. [E] [N] de l'ensemble de ses demandes,
- débouté la Caisse Primaire d'Assurance Maladie d'Ille-et-Vilaine de l'ensemble de ses demandes,
- laissé les dépens à la charge du Trésor public,
- débouté les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de
procédure civile,
- rejeté toute demande plus ample ou contraire,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.
Le 25 février 2020, M. [E] [N] a interjeté appel de cette décision et aux termes de ses dernières écritures notifiées le 25 septembre 2020, il demande à la cour de :
- le recevoir en ses demandes,
L'y déclarant bien fondé,
- infirmer le jugement du 28 janvier 2020 rendu par le tribunal judiciaire de Rennes en ce qu'il a écarté la garantie de la société Swisslife et l'a débouté de l'ensemble de ses demandes,
Et statuant à nouveau,
- condamner in solidum M. [R] [L] et son assureur, la société Swisslife, à indemniser ses préjudices subis en lui versant les sommes suivantes :
* 11 459,67 euros au titre des préjudices patrimoniaux, sauf mémoire,
* 40 333,50 euros au titre des préjudices extra-patrimoniaux,
- juger que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 25 juin 2018,
- juger que les intérêts échus un an après cette date viendront s'ajouter au capital pour porter à leur tour intérêts et ce, à chaque échéance annuelle, ainsi qu'il est dit à l'article 1154 du code civil,
- condamner in solidum M. [R] [L] et, son assureur, la société Swisslife au paiement de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, ainsi qu'aux entiers dépens,
- déclarer le jugement à intervenir commun et opposable à la CPAM d'Ille- et-Vilaine.
Par dernières conclusions notifiées le 4 août 2020, la société Swisslife Assurances de biens demande à la cour de :
- confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Rennes du 28 janvier 2020 en ce qu'il a :
* accueilli la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action engagée par M. [R] [L], soulevée par la société Swisslife,
* déclaré en conséquence l'action en garantie engagée par M. [R] [L] irrecevable,
* constaté que la garantie ne peut pas être mise en 'uvre au titre de l'indemnisation des conséquences dommageables des actes de soins réalisés par M. [R] [L] allégués par M. [E] [N],
* débouté M. [E] [N] de l'ensemble de ses demandes,
* débouté la CPAM de l'ensemble de ses demandes,
- infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Rennes du 28 janvier 2020 en ce qu'il a :
* rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action de M. [E] [N], tiers lésé, à l'encontre de la société Swisslife et a, en conséquence, déclaré recevable l'action directe engagée par M. [E] [N] à son encontre,
Statuant à nouveau :
- accueillir la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action directe engagée par M. [E] [N], tiers lésé, à son encontre,
- déclarer en conséquence irrecevable l'action directe engagée par M. [E] [N] à son encontre,
Y additant :
- condamner M. [E] [N] à lui verser la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions notifiées le 27 juillet 2020, M. [R] [L] demande à la cour de :
A titre principal,
- confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Rennes en ce qu'il a débouté M. [E] [N] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions et débouté la CPAM de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
A titre subsidiaire,
- réformer le jugement du tribunal judiciaire de Rennes en ce qu'il l'a débouté sa demande en garantie à l'encontre de la société Swisslife ès-qualités d'assureur de responsabilité civile,
Statuer à nouveau,
- condamner la société Swisslife Assurances de biens, ès-qualités d'assureur en responsabilité civile professionnelle, à le garantir de toute les condamnations qui pourraient être mises à sa charge dans le cadre du jugement,
Avant dire droit,
- prononcer une nouvelle expertise judiciaire pour cerner la nature des actes accomplis en 2000-2001 par M. [R] [L] et en apprécier la qualité et leurs conséquences éventuelles sur l'état buccal de M. [E] [N],
En toute hypothèse,
- condamner M. [R] [L] la somme de 4 000 euros sur le fondement à disposition de l'article 700 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions notifiées le 21 juillet 2020, la CPAM d'Ille-et- Vilaine demande à la cour de :
- réformer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal Judiciaire de Rennes du 28 janvier 2020.
- déclarer M. [R] [L] entièrement responsable des préjudices de M. [E] [N],
- condamner M. [R] [L] à lui verser la somme de 2 871, 97 euros montant de ses débours définitifs, ladite somme avec intérêts de droit à compter de l'arrêt à intervenir et jusqu'au parfait paiement et la capitalisation des intérêts sur 1e fondement de l'article 1343-2 du code civil,
- condamner M. [R] [L] à lui verser la somme de 957, 32 euros sur le fondement de l'article L 376-1 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction des articles 9 et 10 de l'ordonnance du 24 janvier 1996 et de l'arrêté du 27 décembre 2019, publié au JO du 30 décembre 2019, relatif au financement de la sécurité sociale pour l'année 2020,
- condamner M. [R] [L] à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [R] [L] aux entiers dépens de première instance
et d'appel dont distraction au profit de Maître Antoine Di Palma, Avocat aux offres de droit.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 23 février 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
- Sur la prescription de l'action de M. [L] vis à vis de la société Swisslife.
La société Swisslife entend invoquer les dispositions de l'article L 114-1 du code des assurances. Elle signale que le délai de prescription biennale a commencé à courir du jour où M. [N] a exercé une action en justice à l'égard de M. [L], soit le 29 octobre 2013. Elle rappelle que M. [L] a agi le 25 octobre 2018, soit tardivement.
En réponse, M. [L] explique que le contrat d'assurance a été résilié le 10 février 2004 et que la première réclamation de M. [N] date du 29 octobre 2013, soit dans un délai de 10 ans conformément aux dispositions de l'article L 251-2 du code des assurances.
En application de l'article L 114-1 du code des assurances, toutes actions dérivant d'un contrat d'assurance sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance. Toutefois, ce délai ne court (...) En cas de sinistre, que du jour où les intéressés en ont eu connaissance, s'ils prouvent qu'ils l'ont ignoré jusque là.
M. [L] a été régulièrement assigné devant le juge des référés par acte du 29 octobre 2013, le procès-verbal de signification ayant été remis à son épouse à leur domicile qui a accepté de recevoir la copie, un avis de passage ayant été laissé au domicile de M. [L] et la lettre prévue à l'article 658 du code de procédure civile ayant été adressée le jour même.
M. [L] a assigné la société Swisslife en garantie et en intervention forcée le 25 octobre 2018, soit postérieurement au délai de 2 ans.
Le jugement est confirmé en ce qu'il a jugé prescrite l'action de M. [L] vis à vis de la société Swisslife.
- Sur la prescription de l'action de M. [N] vis à vis de la société Swisslife.
La société Swisslife indique qu'une fois que le tiers (soit M. [N]) a exercé une action en responsabilité contre l'assuré, l'action directe est soumise à la prescription biennale et non à la prescription de droit commun.
M. [N] indique que l'article L 114-1 du code des assurances ne concerne que l'action de l'assuré contre l'assureur. Il estime que son action directe contre l'assureur n'est pas soumise à la prescription biennale.
Son état de santé étant consolidé au 31 décembre 2010, il précise qu'il bénéficiait d'un délai de 10 ans pour agir à l'encontre de la société Swisslife.
Au visa des articles L 114-1 et L 124-3 du code des assurances, l'action directe du tiers lésé contre l'assureur de l'auteur du dommage n'est pas soumise à la prescription biennale et se prescrit par le même délai de l'action du tiers lésé contre le responsable.
Dans le cas présent, l'état de santé de M. [N] a été consolidé le 30 décembre 2010. M. [N] disposait d'un délai de 10 années à compter de cette date pour agir contre la société Swisslife.
C'est par une juste appréciation que le premier juge a jugé l'action de M. [N] recevable à l'égard de l'assureur.
- Sur la garantie Swisslife.
Selon l'article L 251-2 du code des assurances, constitue un sinistre, pour les risques mentionnés à l'article L 1142-2 du code de la santé publique, tout dommage ou ensemble de dommages causés à des tiers, engageant la responsabilité de l'assuré, résultant d'un fait ou d'un ensemble de faits dommageables ayant la même cause technique, imputable aux activités de l'assuré garanties par le contrat, et ayant donné lieu à une ou plusieurs réclamations.
Constitue une réclamation toute demande en réparation amiable ou contentieuse formée par la victime d'un dommage ou ses ayants droit, et adressée à l'assuré ou à son assureur.
Tout contrat d'assurance conclu en application de l'article L 1142-2 du même code garantit l'assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres pour lesquels la première réclamation est formée pendant la période de validité du contrat, quelle que soit la date des autres éléments constitutifs du sinistre, dès lors que le fait dommageable est survenu dans le cadre des activités de l'assuré garanties au moment de la première réclamation.
Le contrat d'assurance garantit également les sinistres dont la première réclamation est formulée pendant un délai fixé par le contrat, à partir de la date d'expiration ou de résiliation de tout ou partie des garanties, dès lors que le fait dommageable est survenu pendant la période de validité du contrat et dans le cadre des activités garanties à la date de résiliation ou d'expiration des garanties, quelle que soit la date des autres éléments constitutifs du sinistre. Ce délai ne peut être inférieur à cinq ans.
Le dernier contrat conclu, avant sa cessation d'activité professionnelle ou son décès, par un professionnel de santé mentionné à la quatrième partie du code de la santé publique exerçant à titre libéral, garantit également les sinistres pour lesquels la première réclamation est formulée pendant un délai fixé par le contrat, à partir de la date de résiliation ou d'expiration de tout ou partie des garanties, dès lors que le fait (L. no 2003-706 du 1er août 2003, art. 80-V, 1o) «dommageable» est survenu pendant la période de validité du contrat ou antérieurement à cette période dans le cadre des activités de l'assuré garanties (L. no 2003-706 du 1er août 2003, art. 80-V, 3o) «à la date de résiliation ou d'expiration des garanties, quelle que soit la date des autres éléments constitutifs du sinistre». Ce délai ne peut être inférieur à dix ans. Cette garantie ne couvre pas les sinistres dont la première réclamation est postérieure à une éventuelle reprise d'activité. Le contrat ne peut prévoir pour cette garantie un plafond inférieur à celui de l'année précédant la fin du contrat. (...)
Mais en application de l'article 5 de la loi du 30 décembre 2002, ce texte s'applique aux contrats conclus ou renouvelés à compter de la date de publication de la loi précitée.
Sans préjudice de l'application des clauses contractuelles stipulant une période de garantie plus longue, tout contrat d'assurance de responsabilité civile garantissant les risques mentionnés à l'article L 1142-2 du code de la santé public, conclu antérieurement à cette date, garantit les sinistres dont la première réclamation est formulée postérieurement à cette date et moins de cinq ans après l'expiration ou la résiliation de tout ou partie des garanties, si ces sinistres sont imputables aux activités garanties à la date d'expiration ou de résiliation et s'ils résultent d'un fait dommageable survenu pendant la période de validité du contrat.
Dans le cas présent, il n'est pas contesté que M. [N] recherche la responsabilité médicale de M. [L] pour des actes de soins dispensés en 2000-2001 (sans autre précision).
En application de l'article 5 de la loi du 30 décembre 2002, le contrat d'assurance ayant été résilié le 10 février 2004, M. [N] pouvait rechercher la garantie de l'assureur de M. [L] avant le 10 février 2009.
Aucun acte n'a été diligenté avant le 29 octobre 2013. La garantie de la société Swisslife ne peut être mobilisée.
Le jugement est confirmé à ce titre.
- Sur la responsabilité de M. [L].
M. [N] explique qu'il a présenté des douleurs ainsi que des infections à l'endroit des soins dispensés par M. [L]. Il considère, à la lecture de l'expertise, que M. [L] a commis une faute dans les soins prodigués, même s'il présentait un état antérieur.
M. [L] conteste le rapport d'expertise sur la forme et sur le fond.
Il signale qu'il n'a pas été destinataire de l'ordonnance de référé, ni reçu de convocation aux expertises. Il indique que l'expert n'a pas fixé les préjudices au regard de la nomenclature Dintilhac et s'interroge sur son impartialité.
Il rappelle que M. [N] a été vu par 26 praticiens, que l'expert est incapable de préciser les dates de ses interventions et ne disposait pas du dossier médical de M. [N]. Il se réfère aux propos du docteur [P], chirurgien-dentiste conseil de M. [N], qui considère que les soins ont été réalisés en fonction des données de la science. Il fait état d'erreurs commises par les autres praticiens.
La société Swisslife avance que M. [N] fonde ses demandes sur un rapport judiciaire non contradictoire et corroboré par aucun élément de preuve.
La CPAM d'Ille-et-Vilaine s'associe à l'expert qui a constaté que les soins prodigués par M. [L] était à l'origine des soins et des troubles supportés par M. [N] à compter de 2005.
En application de l'article L 1142-1 du code de la santé publique, hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute.
Il n'est contesté que M. [L] n'a pas participé aux opérations d'expertise, puisque l'expert a transmis les convocations à une ancienne adresse de l'intéressé (alors qu'aucun élément du dossier ne permet d'affirmer la signification de l'ordonnance du 16 janvier 2014 à M. [L]) et que les opérations expertales ont eu lieu 11 ans après la radiation de M. [L].
L'expert a donc pris en compte les seules déclarations et doléances de M. [N]. Il ne disposait pas du dossier médical de M. [L] pour M. [N]
Il n'est pas plus contesté que M. [N] a été examiné par 26 praticiens de 1997 à 2014.
Dans ses conclusions, M. [N] indique qu'il a consulté M. [L] au début des années 2000, que le praticien a entrepris le retrait de tous ses amalgames qui ont été remplacés par des composites et couronnes, qu'il a présenté des douleurs dentaires en mai 2008 au regard de la dent 26.
L'expert ne donne aucune explication sur l'origine de ces douleurs qui interviennent 8 ans après l'intervention de M. [L].
Cette expertise est en contradiction avec les propos du docteur [P], chirurgien-dentiste conseil de M. [N] qui écrit :
- sur les soins de M. [L] : soins réalisés en fonction des données de la science et de qualité correcte.
- il nous est impossible de savoir qui a réalisé les soins sur les dents 26 et 27 avec leur conséquence (docteur [L] ' docteur [F] ' docteur [U] '....il nous est très difficile d'établir les liens directs, certains et exclusifs et l'analyse des signes présentés par M. [N] avec l'ensemble des soins et leurs conséquences attribués aux divers praticiens consultés par le patient.
L'expert n'a formulé aucune remarque sur le fait qu'après envoi d'une radiographie des dents concernées, le dentiste conseil de la CPAM a donné son accord aux soins proposés par M. [L].
En outre, l'expert (ainsi que le docteur [P]) a souligné des erreurs commises par d'autres praticiens :
- le 30 juin 2008, perforation de la racine de la dent n° 26 donc atteinte de l'os qui entoure la racine par le docteur [F],
Ce dernier, de par son acharnement, a perforé le plancher de la dent 26 ainsi que le canal de la racine palatine. Ce dernier n'en a pas informé le patient, ni n'a pris les mesures adéquates.
- le docteur [U] indique avoir réalisé une pulpectomie (et non un traitement radiculaire complet) de la 26, le 1er septembre 2008. Pourtant ces dents était déjà traitées comme l'indique les radiographies.
- le 16 septembre 2008, création d'une communication bucco-sinusienne au niveau de la dent n° 26 (infection du sinus parles bactéries de la bouche) par le docteur [U],
- 22 septembre 2008, consultation du docteur [U] pour douleurs. La dent 24 (nommée 25 sur le dossier) est désobturée (un instrument cassé dans la racine est soupçonné/soins du docteur [F])
- 3 novembre 2008 : erreur parce que 'il n'y a rien noté à ce moment-là sur la 26....) : extraction de la 27 à la place de la 26 demandée par le docteur [U] (26 qui avait créé une communication bucco-sinusienne et donc non rebouchée par le docteur [T]),
- 30 décembre 2008 : ostéité causée par l'extraction de la 27 (infection de l'os (responsabilité du docteur [T]),
- la cause des infections bactériennes et la sinusite est réglée 7 mois après, le 30 janvier 2009, par le docteur [J] qui doit extraire la 26 et enlever de l'os de l'ostéite pour pouvoir refermer la communication bucco-sinusienne en suturant hermétiquement le trou.
Si l'expert doute de la qualité des soins prodigués par M. [L], il ne donne aucun élément objectif médical susceptible de conforter ce doute et ce d'autant plus qu'il retient un terrain sinusien chez M. [N] déjà fragilisé par la présence de polypes et de rhino-conjonctivites sans en tirer de conséquence.
À défaut de démonstration sur l'existence d'une faute de M. [L] et du lien de causalité entre les soins prodigués par M. [L] et les dommages relevés par l'expert, M. [N] est débouté de sa demande au titre de la responsabilité médicale de M. [L].
Le jugement est confirmé à ce titre.
- Sur les autres demandes.
Succombant en appel, M. [N] est débouté de sa demande en frais irrépétibles et est condamné aux dépens, étant par ailleurs précisé que les dispositions du jugement sur les frais irrépétibles et les dépens sont confirmées.
L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile. M. [L] et la société Swisslife sont déboutés de cette demande.
La CPAM, ayant succombé, est déboutée de sa demande en frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe :
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Déboute M. [N], M. [L], la société Swisslife, la CPAM d'Ille-et-Vilaine de leur demande en frais irrépétibles ;
Condamne M. [N] aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions sur l'aide juridictionnelle.
La greffière La présidente