08 NOVEMBRE 2022
Arrêt n°
FD/NB/NS
Dossier N° RG 20/00660 - N° Portalis DBVU-V-B7E-FMYW
[E] [L]
/
SARL AGRIPHARM
Arrêt rendu ce HUIT NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d'Appel de RIOM, composée lors des débats et du délibéré de :
M. Christophe RUIN, Président
Mme Frédérique DALLE, Conseiller
Mme Sophie NOIR, Conseiller
En présence de Mme Séverine BOUDRY greffier lors des débats et Mme Nadia BELAROUI greffier lors du prononcé
ENTRE :
Mme [E] [L]
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Me Anicet LECATRE, avocat au barreau de MOULINS
APPELANTE
ET :
SARL AGRIPHARM
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis
[Adresse 4]
[Localité 1]
Représentée par Me Antoine PORTAL, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND, avocat constitué, substitué par Me Fanny SAUVAIRE de la SELARL SAUVAIRE, RYCKMAN & ASSOCIES, avocat au barreau de NIMES, avocat plaidant
INTIMEE
Après avoir entendu Mme DALLE, Conseiller en son rapport, les représentants des parties à l'audience publique du 05 Septembre 2022, la Cour a mis l'affaire en délibéré, Monsieur le Président ayant indiqué aux parties que l'arrêt serait prononcé, ce jour, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 du code de procédure civile.
FAITS ET PROCÉDURE
Madame [E] [L], née le 4 décembre 1967, a été embauchée par la SARL AGRIPHARM selon contrat à durée indéterminée en date du 30 mai 2006 en qualité d'ouvrière de conditionnement. Son salaire brut s'élevait à 1.480,27 euros.
Madame [L] a été placée en arrêt maladie à compter du 8 février 2017.
Le 24 avril 2017, le médecin du travail a déclaré Madame [L] 'apte à la reprise de son activité sous soins, à un poste de travail aménagé évitant les manutentions lourdes et pénibles'.
Le 25 avril 2017, Madame [L] s'est présentée sur son lieu de travail mais n'a pu reprendre celui-ci, le directeur général de l'entreprise s'y opposant en l'absence de précision sur la teneur des restrictions médicales émises. Suite à ces faits, Madame [L] a été placée en arrêt de travail.
Le 16 juin 2017, par requête expédiée en recommandé, Madame [L] a saisi le conseil de prud'hommes de MOULINS aux fins notamment de voir juger qu'elle a été victime de faits de harcèlement moral de la part de son employeur compte tenu du comportement du directeur général, ces faits ayant eu pour conséquence une dégradation de ses conditions de travail et de son état de santé outre obtenir diverses sommes à titre indemnitaire.
L'audience devant le bureau de conciliation et d'orientation s'est tenue en date du 3 juillet 2017 et, comme suite au constat de l'absence de conciliation, l'affaire a été renvoyée devant le bureau de jugement.
Par jugement de départage en date du 23 mars 2018 (audience du 27 février 2018), le conseil de prud'hommes de MOULINS a :
- débouté Madame [L] de l'ensemble de ses demandes;
- débouté la société AGRIPHARM de sa demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné Madame [L] aux dépens ;
- débouté les parties de toutes autres demandes différentes, plus amples ou contraires au présent dispositif.
Le 9 avril 2018, Madame [L] a interjeté appel de ce jugement qui lui a été notifié à sa personne le 24 mars 2018.
Le médecin du travail a déclaré Madame [L] inapte à son poste avec dispense d'obligation de reclassement pour danger immédiat à l'issu de ses arrêts de travail qui se terminaient en mai 2018.
Madame [L] a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement par lettre du 22 juin 2018.
Le courrier de notification est ainsi libellé :
' Madame,
Nous faisons suite, par la présente, à l'entretien préalable qui s'est tenu le lundi 18 juin 2018, auquel vous n'avez pas souhaité assister alors pourtant qu'il avait pour objet de vous exposer la situation suite à l'avis d'inaptitude à votre poste de conditionneuse, dont vous avez fait l'objet.
Nous vous avons rappelé qu'à l'issue du second examen médical organisé le 17 mai 2018, le médecin du travail à conclu ainsi à votre sujet, après entretien avec vous-même, puis avec la direction et études du poste des conditions de travail : 'Tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé' et 'l'état de santé actuel de Mme [L] ne permet pas de faire de proposition de reclassement'.
Nous vous avons expliqué que, compte tenu des termes de cet avis d'inaptitude, selon lesquels votre état de santé faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi, nous étions dispensés de recherches de reclassement à votre égard (articles L1225-2-1 et R4624-42 du code du travail) Le 30 mai 2018, les délégués du personnel ont été réunis.
Après exposé de la situation et échanges, les déléguées du personnel ont convenu que, compte tenu de l'avis du médecin du travail, l'employeur était dispensé de procéder à une recherche de reclassement vous concernant et qu'aucune proposition de reclassement ne pouvait dont vous être faite.
C'est donc dans ces conditions, que nous constatons l'impossibilité de procéder à votre reclassement.
Nous vous en avons informé par courrier en date du 7 juin 2018. Nous vous notifions votre licenciement pour impossibilité de reclassement consécutive à inaptitude physique.
La date d'envoi de cette lettre marquera la date de fin de votre contrat de travail.
Votre préavis ne pouvant être effectué, ne donnera lieu à aucune indemnité.
Enfin, votre solde de tout compte, votre certificat de travail et votre attestation destinée à Pôle Emploi seront tenus à votre disposition dans nos locaux.
Nous vous invitons à prendre rendez-vous avec le secrétariat afin de convenir d'une date pour la remise de ces documents.'
Le 26 mai 2020, la chambre sociale de la cour d'appel de RIOM a ordonné la radiation de l'instance du rang des affaires en cours. Cette affaire a ensuite été réinscrite le 9 juin 2020 sur demande de Madame [L] .
Vu les conclusions notifiées à la cour le 8 juin 2020 par Madame [L],
Vu les conclusions notifiées à la cour le 11 juin 2020 par la société AGRIPHARM,
Vu l'ordonnance de clôture rendue le 8 août 2022.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans ses dernières écritures, Madame [L] demande à la cour de :
- constater la recevabilité et le bien fondé de l'appel de Madame [L] ;
- accueillir ses demandes additionnelles au sens de l'article 70 du code de procédure civile ;
- infirmer en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud'hommes de MOULINS en date du 23 mars 2018 ;
Statuant à nouveau et y ajoutant :
A titre principal :
- condamner la société AGRIPHARM à lui payer et porter la somme de 10 000.00 euros à titre de dommages et intérêts pour l'indemnisation du harcèlement moral subi et du manquement de l'employeur à son obligation de prévention des faits de harcèlement moral au sens des dispositions de l'article L 1152-1 et L 1152-4 du Code du Travail ;
- requalifier le licenciement prononcé en un licenciement nul;
- condamner, en conséquence, la société AGRIPHARM à lui payer et porter la somme de 30 000.00 euros à titre de dommages et intérêts;
A titre infiniment subsidiaire :
- constater l'origine professionnelle au moins partielle de son inaptitude ;
- condamner la société AGRIPHARM à lui payer et porter les sommes suivantes :
* 10 361,88 euros nets à titre d'indemnité spéciale article L.1226-14 en deniers ou quittances valables,
* 2 960.54 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice article L.1226-14 en deniers ou quittances valables ;
- requalifier son licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse après avoir constaté le comportement fautif de l'employeur comme étant partiellement à l'origine de l'inaptitude ;
- condamner, en conséquence, la société AGRIPHARM à lui payer et porter la somme de 30 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et exécution déloyale du contrat de travail ;
- assortir les condamnations prononcées des intérêts de droit au taux légal à compter :
- de la convocation de l'employeur à comparaître devant le bureau de conciliation pour les sommes allouées à caractère salarial,
- du jugement à intervenir pour les sommes allouées à caractère indemnitaire ;
- condamner la société AGRIPHARM à lui payer et porter la somme de 2 400,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens.
Madame [L] soutient qu'elle a été victime de faits de harcèlement et affirme verser aux débats des témoignages concordants qui illustrent les agissements de l'employeur. Elle explique qu'elle a été victime d'une humiliation de la part de Monsieur [D], gérant de la société AGRIPHARM.
Elle affirme que son inaptitude est la conséquence directe des agissements de harcèlement moral dont elle a été victime.
Dans ses dernières écritures, la société AGRIPHARM conclut à la confirmation du jugement en toutes ses dispositions et demande à la cour, y ajoutant, de :
Statuant à nouveau :
À titre principal, sur les demandes additionnelles de Madame [L] :
- dire et juger que Madame [L] formule des demandes additionnelles à l'occasion de ses conclusions notifiées le 29 janvier 2020 ;
- dire et juger que Madame [L] formule déjà ces demandes additionnelles, dans le cadre d'une autre instance, initiée devant le conseil de prud'hommes de VICHY le 20 juin 2019 ;
- dire et juger que les demandes additionnelles de Madame [L] sont irrecevables ;
En conséquence :
- dire et juger irrecevable la demande principale de requalification du licenciement pour inaptitude en licenciement nul, la demande subsidiaire de requalification du licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse, la demande indemnitaire principale pour licenciement nul, la demande indemnitaire subsidiaire pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la demande subsidiaire au titre de l'indemnité spéciale et la demande subsidiaire au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;
- débouter Madame [L] de ses demandes additionnelles ;
Subsidiairement, sur le fond :
- dire et juger que Madame [L] ne présente pas des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral ;
- dire et juger qu'elle démontre que le licenciement de Madame [L] est étranger à des faits de harcèlement moral ;
En conséquence :
- débouter Madame [L] de sa demande de nullité du licenciement pour inaptitude ;
- débouter Madame [L] de sa demande indemnitaire pour harcèlement moral ;
- débouter Madame [L] de sa demande indemnitaire pour licenciement nul ;
En outre :
- dire et juger que l'inaptitude physique de Madame [L] n'a pas une origine professionnelle ;
En conséquence :
- débouter Madame [L] de sa demande de requalification du licenciement pour inaptitude en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- débouter Madame [L] de ses demandes au titre de l'indemnité spéciale de licenciement et de l'indemnité compensatrice de préavis ;
- débouter Madame [L] de sa demande indemnitaire pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; subsidiairement, appliquer le barème de l'article L. 1235-3 du Code du travail et allouer l'indemnité minimale ;
En toute hypothèse :
- condamner Madame [L] au paiement d'une somme de 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
La société AGRIPHARM soutient tout d'abord que les demandes additionnelles de la salariée sont irrecevables.
Elle affirme ensuite que le licenciement de Madame [L] a une cause étrangère à des faits de harcèlement moral. Elle soutient ainsi que la salariée ne rapporte aucun élément objectif permettant d'établir des faits de harcèlement moral.
Elle fait valoir que le licenciement de Madame [L] pour inaptitude est justifié est que son origine n'est pas professionnelle.
Pour plus ample relation des faits, de la procédure, des prétentions, moyens et arguments des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il y a lieu de se référer à la décision attaquée et aux dernières conclusions régulièrement notifiées et visées.
MOTIFS
- Sur la recevabilité des demandes additionnelles présentées par Madame [L] en cause d'appel -
Aux termes de l'article 70 du code de procédure civile, 'les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.'
Aux termes de l'article 564 du code de procédure civile, 'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.'
La société AGRIPHARM soutient que les demandes additionnelles de la salariée relatives à son licenciement pour inaptitude sont irrecevables.
Madame [L] réplique que les demandes additionnelles présentées devant la cour se rattachent à ses prétentions originaires par un lien suffisant.
En l'espèce, Madame [L] a saisi le conseil de prud'hommes de MOULINS le 16 juin 2017 aux fins de voir juger qu'elle a été victime de faits de harcèlement moral de la part de son employeur compte tenu du comportement du directeur général, ces faits ayant eu pour conséquence une dégradation de ses conditions de travail et de son état de santé.
Par jugement en date du 23 mars 2018, le conseil de prud'hommes de MOULINS a :
- débouté Madame [L] de l'ensemble de ses demandes;
- débouté la société AGRIPHARM de sa demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné Madame [L] aux dépens ;
- débouté les parties de toutes autres demandes différentes, plus amples ou contraires au présent dispositif.
Madame [L] a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement par lettre du 22 juin 2018.
Il ressort ainsi de ces éléments que le licenciement pour inaptitude de Madame [L] est intervenu postérieurement au jugement du conseil de prud'hommes, dont elle a relevé appel et dont est saisi la cour.
Il est également constant que Madame [L] a entre temps saisi le conseil de prud'hommes de VICHY le 20 juin 2019 de ses demandes additionnelles en lien avec son licenciement pour inaptitude.
En conséquence, il y a lieu de dire que les demandes additionnelle formulées en cause d'appel par Madame [L] relatives à son licenciement ne se rattachent pas à ses prétentions originaires par un lien suffisant et sont irrecevables.
-Sur le harcèlement moral -
Aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Le harcèlement moral suppose l'existence d'agissements répétés, peu importe que les agissements soient ou non de même nature, qu'ils se répètent sur une brève période ou soient espacés dans le temps.
Le harcèlement peut être constitué même si son auteur n'avait pas d'intention de nuire et peu importe que l'auteur du harcèlement ait mésestimé la portée de ses actes. La mauvaise foi n'a pas à être caractérisée.
Ne constituent pas notamment un harcèlement moral :
- l'exercice légitime par l'employeur de son pouvoir disciplinaire lorsque la sanction prononcée est justifiée et proportionnée ;
- la mise en oeuvre de mesures imposées ou justifiées par la loi ;
- des mesures prises par l'employeur ayant pour seule finalité de permettre le fonctionnement permanent du service ;
- des demandes de travaux ou tâches figurant dans la fiche de poste ;
- des décisions objectives et non-discriminatoires concernant l'évolution professionnelle du salarié.
Il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, y compris les documents médicaux éventuellement produits, puis d'apprécier si les faits matériellement établis dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement. Sous ses conditions, contrôlées par la Cour de cassation, le juge apprécie souverainement si le salarié établit des faits permettant de présumer l'existence de harcèlement et si l'employeur prouve que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement.
Le juge doit procéder en deux étapes :
- apprécier si le salarié présente des faits matériels, précis et concordants, et si ceux-ci, dans leur ensemble, laissent présumer l'existence d'un harcèlement moral ou sexuel (si non, cela s'arrête là) ;
- s'il estime qu'il y a bien une présomption de harcèlement, apprécier si l'employeur démontre que les éléments d'appréciation présentés par le salarié ne constituent pas un harcèlement moral ou sexuel.
En matière de harcèlement, la seule obligation du salarié est d'établir la matérialité de faits précis et concordants, à charge pour le juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral ou sexuel. La preuve du lien entre les faits et l'existence d'un harcèlement n'incombe donc pas au salarié.
Le juge ne peut rejeter la demande d'un salarié au seul motif de l'absence de relation entre l'état de santé de celui-ci et la dégradation des conditions de travail. Si le juge ne peut se fonder uniquement sur l'altération de l'état de santé du salarié, à l'inverse, il ne doit pas non plus négliger les documents médicaux produits par le salarié.
Si, malgré des agissements permettant de présumer un harcèlement, le juge ne retient pas le harcèlement, il doit préciser en quoi il est établi par l'employeur que les faits matériels présentés par le salarié ne constituent pas un harcèlement et que les décisions ou agissements dénoncés par le salarié sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
En l'espèce, Madame [E] [L] a été embauchée par la SARL AGRIPHARM selon contrat à durée indéterminée en date du 30 mai 2006 en qualité d'ouvrière de conditionnement.
Madame [L] a été placée en arrêt maladie à compter du 8 février 2017.
Le 24 avril 2017, le médecin du travail a déclaré Madame [L] 'apte à la reprise de son activité sous soins, à un poste de travail aménagé évitant les manutentions lourdes et pénibles'.
Le 25 avril 2017, Madame [L] s'est présentée sur son lieu de travail mais n'a pu reprendre celui-ci, le directeur général de l'entreprise s'y opposant en l'absence de précision sur la teneur des restrictions médicales émises. Suite à ces faits, Madame [L] a été placée en arrêt de travail.
Madame [L] fait valoir que lors de la journée du 25 avril 2017, elle a été victime de propos agressifs et d'agissements dégradants de la part de son supérieur hiérarchique qui n'entendait pas procéder à l'aménagement du poste demandé par le médecin du travail. L'employeur a en effet demandé à Madame [L] de rester assise sur une chaise au milieu de l'atelier pendant toute la journée en ne faisant rien pour l'humilier, notamment auprès de ses collègues.
A l'appui de ses dires, Madame [L] produit huit attestations de salariées de la structure ainsi que des arrêts de travail pour la période postérieure au 25 avril 2017 faisant état d'un 'syndrome dépressif' ainsi que d'un 'épuisement professionnel'.
Il convient de relever que sur les huit attestations produites, celle de Madame [F] ne fait que rapporter des faits dont elle n'a pas été personnellement témoin et celle de Madame [K] n'est ni précise, ni circonstanciée.
Madame [P], Madame [R], Madame [M], Madame [Y] et Madame [O] confirment bien la matérialité des faits décrits, à savoir que la salariée a dû rester assise sur une chaise dans l'atelier à ne rien faire pendant la journée du 25 avril 2017, mais ne font aucunement état de faits de harcèlement antérieurs à cette seule journée.
Enfin, il ressort de l'attestation établie par Madame [U] les éléments suivants:
'Journée du 25 avril 2017
- 8h00 du matin j'accompagne Madame [L] [E] au bureau du Directeur (Monsieur [D]) pour lui remettre un certificat médical comme lui avait demandé Madame [I] [X] indiquant qu'elle ne pouvait pas porter des charges lourdes.
Monsieur [D] s'est emporté, a hurlé après Madame [L] qu'il en avait marre de tous ses accidents de travail et qu'il interdisait Madame [L] de travailler, qu'elle devait rester assise au milieu de l'atelier sans rien toucher. Madame [L] a pleuré toute la journée, se sentant humiliée et rabaissée alors qu'elle a expliqué à Monsieur [D] qu'elle pouvait travailler.
A 16h30, il l'a convoqué au bureau, j'ai accompagné Madame [L].
Monsieur [D] lui a dit je ne veux plus vous voir à l'usine tant que vous ne serez pas guerit, soit vous prenez vos congés ou vous vous mettez en maladie.'
En réponse, l'employeur affirme n'avoir tenu aucun propos agressif envers Madame [L] et estime que sa demande de la voir s'abstenir de travailler s'explique par des éléments objectifs et étrangers à toute situation de harcèlement moral, à savoir la nécessité de protéger la santé et la sécurité de la salariée.
S'agissant des entretiens avec la salariée, l'employeur affirme que Madame [L] était particulièrement insistante pour reprendre son travail et qu'il a dû expliquer de manière directive, mais sans être irrespectueux, qu'il ne pouvait pas lui faire reprendre son travail compte tenu des accidents du travail qui s'étaient déjà produits dans l'entreprise et des restrictions médicales émises par le médecin du travail.
En ce sens, il verse une attestation établie par Madame [I], également présente aux entretiens, dont il ressort que:
'N'ayant pas de poste adapté pérenne et devant le risque d'accident du travail, [Monsieur [D]] lui a fait part de son souhait (après avis d'un conseil juridique et du médecin du travail - non disponible le matin) de la revoir entièrement guérie et lui a donc proposé de rentrer chez elle et de revoir son médecin. Monsieur [D] [lui] a indiqué la possibilité (selon avis du médecin du travail) d'un mi-temps thérapeutique, pour [lui] permettre de reprendre doucement.'
L'employeur fait en outre valoir que compte tenu de l'avis d'aptitude avec réserves en date du 24 avril 2017, il lui appartenait de se rapprocher du médecin du travail afin d'étudier ensemble les possibilités d'aménagement de poste et des conditions de travail de la salariée permettant le maintien de son emploi, à défaut de quoi l'employeur aurait manqué à son obligation de sécurité.
Il produit à cette fin le courriel suivant d'échanges avec le médecin du travail, lequel précise que:
'Suite à la visite de reprise de votre salariée, Mme [E] [L] en date du 24 avril 2017, j'avais émis un avis de reprise du poste de travail avec aménagement (...évitant les manutentions lourdes et pénibles). Face à la difficulté réelle d'aménager ce poste, vous m'aviez interrogé le lendemain (25/04/2017) pour envisager une autre solution, et je vous avais proposé un temps partiel thérapeutique permettant ainsi de diminuer la durée du temps de travail.'
Il ressort de l'ensemble de ces éléments que si la salariée établit bien le refus de son employeur de la faire travailler pendant la journée du 25 avril 2017, l'employeur démontre que ce refus s'inscrivait dans le cadre de l'obligation de sécurité lui incombant et ne peut s'analyser en un harcèlement moral de la salariée.
Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté Madame [E] [L] de l'ensemble de ses demandes indemnitaires sur ce fondement.
- Sur les frais irrépétibles et les dépens -
Le jugement déféré sera confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens de première instance.
En équité, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Madame [E] [L], qui succombe en son recours, sera condamnée au paiement des dépens en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi,
- Dit que les demandes additionnelle formulées en cause d'appel par Madame [L] sont irrecevables ;
- Confirme le jugement déféré en toutes ses autres dispositions;
Y ajoutant,
- Condamne Madame [E] [L] au paiement des dépens en cause d'appel ;
- Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.
Le greffier, Le Président,
N. BELAROUI C. RUIN