08 Novembre 2022
Arrêt n°
KV/CC/NS
Dossier N° RG 21/00168 - Portalis DBVU-V-B7F-FQ2B
Société [21] venant aux droits de la société [24], venant elle-même aux droits de la société [12] SNC
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[D] [F], [T] [F], [B] [F], Société [12] ET BERNARD, Société [20] actuellement [17], Société [W], FONDS D' INDEMNISATION DES VICTIMES DE L' AMIANTE 'FIVA', CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE L'ALLIER
Arrêt rendu ce HUIT NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d'Appel de RIOM, composée lors du délibéré de :
M. Christophe RUIN, Président
Mme Karine VALLEE, Conseiller
Mme Sophie NOIR, Conseiller
En présence de Mme Cécile CHEBANCE, Greffier, lors des débats et du prononcé
ENTRE :
Société [21], représentée par son Directeur Général, Monsieur [G] [V], venant aux droits de la société [24], venant elle-même aux droits de la société [12] SNC
[Adresse 3]
[Adresse 18]
[Localité 10]
Représenté par Me Loïc COLNAT de la SCP RAFFIN & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS
APPELANTE
ET :
Mme [D] [F]
[Adresse 19]
[Localité 2]
et
M. [T] [F]
[Adresse 4]
[Localité 8]
et
M. [B] [F]
[Adresse 13]
[Localité 22]
Représentés par Me Anicet LECATRE, avocat au barreau de MOULINS
Société [12]
[Adresse 5]
[Adresse 29]
[Localité 1]
Non comparante
Société [20] actuellement [17], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis
[Adresse 23]
[Adresse 28]
[Localité 1]
et
Société [W], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis
[Adresse 7]
[Localité 22]
Représentés Me Thomas FAGEOLE de la SAS HDV AVOCATS, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
FONDS D' INDEMNISATION DES VICTIMES DE L' AMIANTE 'FIVA'
[Adresse 26]
[Adresse 16]
[Localité 11]
Représenté par Me Muriel MIE de la SELARL CENTAURE AVOCATS, avocat au barreau de VERSAILLES, substitué à l'audience par Me Sylvain GAUCHE, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE L'ALLIER
[Adresse 9]
[Localité 22]
Représentée par Me Anthony D'AVERSA, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
INTIMES
Madame Karine VALLEE, Conseiller en son rapport, après avoir entendu, à l'audience publique du 03 Octobre 2022, tenue en application de l'article 945-1 du code de procédure civile, sans qu'ils ne s'y soient opposés, les représentants des parties en leurs explications, en a rendu compte à la Cour dans son délibéré après avoir informé les parties que l'arrêt serait prononcé, ce jour, par mise à disposition au greffe conformément aux dispositions de l'article 450 du code de procédure civile.
FAITS ET PROCÉDURE
Le 14 octobre 2015, sur la base d'un certificat médical initial daté du 4 septembre 2015, M. [P] [F] a déclaré au titre d'un adénocarcinome pulmonaire une maladie professionnelle inscrite au tableau n°30 bis, dont il est décédé le 2 novembre 2015.
Par décision du 4 avril 2016, la [15] a reconnu après enquête administrative le caractère professionnel de la maladie déclarée.
Par décision du 27 juin 2016, la [15] a fixé le taux d'incapacité permanente partielle de M. [P] [F] à 100 % à compter du 5 septembre 2015.
Par lettre recommandée avec accusé réception en date du 28 novembre 2016, Mme [D] [F] née [I], M. [T] [F] et M. [B] [F], ayants-droit de M. [P] [F], ont saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de l'ALLIER d'une action en reconnaissance de faute inexcusable dirigée contre les sociétés [20], [12], [12], SNC [24] et [W].
A compter du 1er janvier 2020, le pôle social du tribunal judiciaire de MOULINS a succédé au pôle social du tribunal de grande instance de MOULINS, auquel avaient été transférées sans formalités à compter du 1er janvier 2019 les affaires relevant jusqu'à cette date de la compétence du tribunal des affaires de sécurité sociale de l'ALLIER .
Par jugement contradictoire en date du 11 décembre 2020, le pôle social du tribunal judiciaire de MOULINS a :
- déclaré le recours de Mme [D] [F], M. [T] [F] et M. [B] [F] recevable en la forme ;
- constaté l'intervention volontaire du FIVA dans l'instance ;
- dit que la maladie professionnelle dont a été atteint M. [P] [F] et son décès sont la conséquence de la faute inexcusable de son employeur, la société [12] ;
- mis hors de cause les sociétés [21], [20] et [20] et rejeté les demandes formées à leur encontre ;
- fixé au maximum légal la rente due à Mme [D] [F] en application des dispositions de l'article L.452-2 du code de la sécurité sociale et ordonné son versement par la [15] ;
- fixé à son maximum l'indemnité forfaitaire visée à l'article L.452-3 alinéa ler du code de la sécurité sociale et dit que cette indemnité sera versée par la [15] :
- au FIVA, en sa qualité de créancier subrogé, à hauteur de 1.663,70 euros ;
- à Mme [D] [F] , M. [T] [F] et M. [B] [F], pour le surplus ;
- fixé le préjudice personnel indemnisable de M. [P] [F], résultant de la faute inexcusable de la société [12], comme suit :
- souffrances morales : 63.800 euros
- souffrances physiques : 20.600 euros
- préjudice d'agrément : rejet
- préjudice esthétique : l.000 euros
- fixé le préjudice moral indemnisable de chacun des proches de M. [P] [F], comme suit :
- Mme [D] [F] (veuve) : 32.600 euros
- M. [B] [F] (enfant) : 8.700 euros
- M. [T] [F] (enfant) : 8.700 euros
- dit que la [15] devra verser la somme totale de 135.400 euros au FIVA au titre de l'indemnisation de M. [F] et de ses ayants droit ;
- dit que la [15] est fondée à solliciter le remboursement de l'ensemble des sommes avancées par elle, tant au titre des préjudices résultant de la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, que de la majoration de la rente et de l'indemnité forfaitaire auprès du seul employeur condamné, la société [12] ;
- dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du jour de leur versement au FIVA ou aux ayants droit de M. [F] ;
- condamné la société [12] à verser la somme de 1.000 euros à Mme [D] [F], M. [T] [F] et M. [B] [F] au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la société [12] à verser la somme de 1.000 euros au FIVA au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision ;
- condamné la société [12] aux dépens de l'instance.
Par déclaration reçue au greffe de la cour le 21 janvier 2021, la société [21] a interjeté appel de ce jugement dont elle a reçu notification le 21 décembre 2020.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par ses écritures visées le 3 octobre 2022, oralement soutenues à l'audience, la société [21] demande à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a mis hors de cause les sociétés [21] et [24] ;
- l'infirmer en ce qu'il a :
* dit que la maladie professionnelle dont a été atteint M. [F] et son décès sont la conséquence de la faute inexcusable de la société [12] ;
* mis hors de cause la société nouvelle des ETABLISSEMENTS [W] et [20] et rejeté les demandes formées à leur encontre ;
* dit que la [15] est fondée à solliciter le remboursement de l'ensemble des sommes avancées par elle tant au titre des préjudices résultant de la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur que de la majoration de la rente et de l'indemnité forfaitaire auprès de la société [12] ;
* condamné la société [12] à verser la somme de 1.000 euros aux ayants droit de M. [F] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
* condamné la société [12] à verser la somme de 1.000 euros au FIVA au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Statuant à nouveau,
- mettre hors de cause la société [12] ;
A titre principal:
- dire et juger que l'employeur de M. [F] était la société [12];
- débouter les ayants-droit de M. [F] et le FIVA de l'ensemble de leurs demandes contre ARRIZOLI SNC ;
A titre subsidiaire:
- ordonner un partage de responsabilité entre les sociétés défenderesses de la manière suivante:
société [25] : 5%
société [20] : 5%
société [12] et BERNARD : 48%
société [20] :42%
- dire et juger que la [15] ne pourra exercer son action récursoire qu'en proportion des quote-parts de responsabilité susvisées et sans aucune solidarité entre ces sociétés ;
En tout état de cause :
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté les ayants droit de M. [F] de leur demande d'indemnisation au titre d'un préjudice d'agrément.
Par leurs écritures visées le 3 octobre 2022, oralement soutenues à l'audience, Mme [D] [I] épouse [F], M. [T] [F] et M. [B] [F] demandent à la cour de :
A titre principal :
- dire et juger que la maladie professionnelle et le décès de M. [F] découlent de la faute inexcusable de son employeur la société [12], aux droits de laquelle vient la société [21] aux termes du plan de cession ;
- statuer ce que de droit sur les demandes du FIVA ;
- confirmer que la rente d'ayant droit versée à Mme [F] sera portée au maximum légal en application de l'article L 452-3 du code de la sécurité sociale et ordonner à la [15] de liquider et verser les arrérages correspondant ;
- confirmer qu'ils ont droit à l'indemnité forfaitaire de l'article L 452-3 du code de la sécurité sociale et que cette indemnité sera versée par la [15]:
- au FIVA à hauteur de 1.663,70 euros
- aux héritiers de M. [F] pour le surplus.
A titre subsidiaire :
- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de MOULINS en date du 11 décembre 2020 en toutes ses dispositions ;
En tout état de cause :
-débouter les sociétés [21], société [20] et [20] de l'intégralité de leurs demandes, en ce compris celles au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- les condamner solidairement à leur payer la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par leurs conclusions visées le 3 octobre 2022, oralement soutenues à l'audience, la société [20] et la société [20] demandent à la cour de:
- confirmer le jugement rendu par le pôle social du tribunal judiciaire de MOULINS en date du 11 décembre 2020 en toutes ses dispositions.
Y ajoutant,
- débouter le FIVA, Mme [D] [F], M. [T] [F], M. [B] [F] et la société [21] de I`ensemble des réclamations présentées à l'encontre de la société [20] ;
- débouter le FIVA, Mme [D] [F], M. [T] [F], M. [B] [F] et la société [21] de l'ensemble des réclamations présentées à l`encontre de la société [20] ;
- condamner la société [21], le FIVA, Mme [D] [F], M. [T] [F], M. [B] [F] à payer à la société [20] la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la société [21], le FIVA, Mme [D] [F], M. [T] [F], M. [B] [F] à payer à la société [20] la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la société [21], le FIVA, Mme [D] [F], M. [T] [F]. M. [B] [F] aux dépens.
Par conclusions visées le 3 octobre 2022, oralement soutenues à l'audience, le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA) demande à la cour de :
- déclarer l'appel recevable, mais mal fondé ;
- confirmer le jugement entrepris ;
Y ajoutant,
- condamner la société [21] à lui payer une somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la partie succombante aux dépens.
Par ses conclusions visées le 3 octobre 2022, oralement soutenues à l'audience, la [15] demande à la cour de confirmer le jugement de première instance dans toutes ses dispositions.
La société [12] et BERNARD a été convoquée à l'audience du 3 octobre 2022 par lettre recommandée avec avis de réception expédiée le 23 février 2022 puis retournée avec la mention ' destinataire inconnu à l'adresse'.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions susvisées des parties, oralement soutenues à l'audience, pour l'exposé de leurs moyens.
MOTIFS
- Sur la faute inexcusable :
En vertu de l'article L 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'accident est dû à la faute inexcusable de l'employeur ou de ceux qu'il s'est substitué dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire dans les conditions définies aux articles suivants.
Le manquement à l'obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l'employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.
Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de l'accident subi par le salarié. Il suffit qu'elle en soit la cause nécessaire pour que la responsabilité de l'employeur puisse être engagée, alors même que d'autres fautes, en ce compris la faute de la victime, auraient concouru au dommage.
Hormis pour certaines catégories de travailleurs qui bénéficient d'un régime probatoire particulier, il incombe en principe au salarié agissant en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur de prouver que ce dernier, qui devait avoir conscience du danger auquel il était exposé, n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.
Il résulte des principes susvisés qu'une société ne peut être tenue des conséquences d'une faute inexcusable qu'à la condition d'avoir été l'employeur du salarié victime de l'accident ou de la maladie professionnelle, ou de venir aux droits de cet employeur.
En l'espèce, les diverses sociétés mises en cause par les ayants droit de la victime et le FIVA ne sont pas placées dans des situations identiques, en conséquence de quoi il convient d'examiner successivement le cas de chacune d'entre elles au regard de la faute inexcusable qui est recherchée.
Il n'est pas contesté que M. [P] [F] a travaillé, au cours de sa carrière de monteur en chauffage, pour le compte de quatre employeurs, dont la société [20] du 20 octobre 1969 au 25 juin 1971, la société [12] et BERNARD du 7 septembre 1971 au 3 août 1990 et la société [20] du 7 août 1990 au 1er mars 2006.
La société [20] a été mise hors de cause par les premiers juges, au motif qu'immatriculée au registre du commerce et des sociétés seulement à compter du 18 mai 1994, elle ne peut correspondre à la société de la même dénomination sociale qui aurait employé M. [P] [F] sur la période bien antérieure comprise entre le 20 octobre 1969 et le 4 décembre 1970.
L'examen de l'extrait d'immatriculation principale au registre du commerce et des sociétés permet de valider cette analyse et de confirmer par voie de conséquence la mise hors de cause de la société [20], dont il ne peut être admis qu'elle a été l'employeur de M. [P] [F], et le rejet subséquent des demandes dirigées contre elle au titre de la faute inexcusable.
S'agissant de la société [12], dont la faute inexcusable est recherchée par les consorts [F] et subsidiairement par la société [21] dans le cadre d'un partage de responsabilité, l'enquête administrative diligentée par la [14] fait ressortir que:
- selon Mme [D] [F], son époux décédé lui avait souvent raconté avoir réalisé des travaux de soudure et avoir été en contact avec l'amiante lorsqu'il travaillait au sein de cette entreprise ;
- M. [R] [N], ancien collègue de M. [F], a confirmé qu'il leur était arrivé de réaliser des travaux de pose d'isolation sur des tuyauteries dont les matériaux utilisés étaient en amiante, notamment sur le chantier de la prison de [Localité 22]-[Localité 27].
L'enquête de la [15] conclut que M. [F] a probablement été exposé à l'inhalation de poussières d'amiante au cours de son activité de monteur en chauffage.
Les déclarations de Mme [F], qui ne fait que rapporter les propos du salarié, ne valent pas preuve d'une exposition effective aux poussières d'amiante. Par ailleurs, les propos soutenus par M. [N], s'ils ne sont pas dénués de toute force probante pour avoir été transcrits par l'agent enquêteur assermenté, sont toutefois insuffisants à établir la certitude d'une exposition à l'amiante au cours des activités réalisées pour le compte de la société [12] et BERNARD, faute d'être corroborés par des éléments probants complémentaires. C'est du reste ce que relève l'agent enquêteur en concluant à une exposition seulement probable à l'inhalation de poussières d'amiante.
L'exposition à l'agent pathogène n'étant pas démontrée au sein de la société [12] et BERNARD, les conditions de la faute inexcusable qui lui est imputée ne sont pas réunies.
Les demandes dirigées contre cette société seront par conséquent rejetées.
Concernant la société [21], aucune des parties ne sollicitent expressément l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a mis hors de cause la société [21] venant aux droits de la société [24].
Les consorts [F] demandent toutefois de retenir que la maladie professionnelle ayant causé le décès de M. [P] [F] procède de la faute inexcusable de la société [12], aux droits
de laquelle vient la société [21] aux termes du plan de cession.
Cette demande aboutit à soumettre à la cour la question de l'étendue des obligations que doit assumer la société [21] au titre de la faute inexcusable prêtée à la société [12].
Toutefois, dès lors que la faute inexcusable de la société [12] et BERNARD est écartée, la société [21], quand bien même elle viendrait aux droits de la société [12] et BERNARD comme le prétendent les consorts [F], n'est redevable d'aucune obligation d'indemnisation à ce titre.
Au surplus, il y a lieu de relever que par jugement prononcé le 25 mai 1999, le tribunal de commerce de CUSSET a arrêté le plan de redressement organisant la cession des activités et des biens de la société [12] et BERNARD au profit de la société [24], selon les conditions contenues dans son offre.
Il résulte des énonciations de ce jugement que le périmètre de la reprise proposée par la société [24] n'inclut pas le passif social antérieur de la société [12] et BERNARD.
Par application du principe posé par la Cour de cassation, selon lequel le cessionnaire désigné par le plan de cession de l'entreprise n'est pas l'ayant cause à titre universel du débiteur, et qu'il ne recueille donc que les droits et actions afférents aux éléments d'actifs cédés, la responsabilité de la société [24], aux droits de laquelle vient la société [21] par suite d'opérations de fusion successives, ne peut être recherchée au titre des fautes qu'aurait commises la société [12] et BERNARD en qualité d'employeur d'un salarié dont le contrat de travail était rompu depuis plusieurs années à la date de la cession.
C'est en conséquence à juste titre que les premiers juges, tirant les conséquences de ces considérations, ont estimé qu'il ne pouvait être fait droit aux demandes dirigées contre les sociétés [24] et [21] qui lui a succédé.
Le jugement déféré mérite donc confirmation sur ce point.
Quant à la société [12], dont la faute inexcusable a été retenue en première instance, il y a lieu de relever les points qui suivent.
Selon les statuts versés aux débats, cette société, dont le n° de RCS est le [N° SIREN/SIRET 6], relève de la catégorie d'une société en nom collectif.
L'extrait d'immatriculation principale au registre du commerce et des sociétés à jour au 26 septembre 2022 concernant la société dénommée [12], immatriculée sous ce même numéro, fait apparaître que celle-ci a la forme d'une société à responsabilité limitée avec associé unique, et non d'une société en nom collectif.
La correspondance d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés permet néanmoins de considérer que la société [12] et la société [12] forment une seule et même société.
Cette société immatriculée le 20 septembre 2000 au registre du commerce et des sociétés a été dissoute par décision déclarée le 20 août 2014 de son associée unique, la société [21], puis radiée le 29 octobre 2014 par suite de la transmission universelle du patrimoine de la société à cette associée unique.
La société [21] explique que la société [24], aux droits de laquelle elle vient, a créé la société [12] après le plan de redressement organisant à son profit la cession des activités et biens de la société [12], dans le but de lui confier la gestion de l'exploitation qu'elle venait de racheter à la barre du tribunal de commerce.
Il résulte de cette succession d'actes juridiques que la société [12] n'a pas succédé à la société [12] et BERNARD, qui plus est quant aux obligations à caractère social découlant d'un contrat de travail rompu depuis plusieurs années à la date de la cession entérinée par le plan de redressement.
N'ayant dès lors jamais revêtu la qualité d'employeur vis à vis de M. [P] [F], la faute inexcusable de la société [12] ne peut être retenue.
En tout état de cause, par l'effet de sa dissolution et radiation du registre du commerce et des sociétés, la société [12] n'existe plus en tant que personne morale constituée, ses droits et actions ayant été transmis à la société [21], ainsi que celle-ci l'indique à ses conclusions. Aussi, ne pourrait-elle pas être directement visée par une condamnation comme l'a fait la juridiction de premier degré.
Il s'ensuit que le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a dit :
-que la maladie professionnelle dont a été atteint M. [P] [F] et son décès sont la conséquence de la faute inexcusable de son employeur, la société [12];
- que la [15] est fondée à solliciter le remboursement de l'ensemble des sommes avancées par elle, tant au titre des préjudices résultant de la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, que de la majoration de la rente et de l'indemnité forfaitaire auprès du seul employeur condamné, la société [12].
Les demandes dirigées contre la société [12] seront rejetées.
en ce qui concerne enfin la société [20], il est admis que M. [P] [F] en a été salarié en qualité de monteur en chauffage du 7 août 1990 au 1er mars 2006.
Comme l'a à bon escient jugé le tribunal judiciaire de MOULINS, l'enquête administrative menée par la caisse de sécurité sociale ne met pas en évidence une exposition à l'amiante au sein de cette société.
Aucun élément en faveur de cette exposition n'a pu être identifié et investigué. Du reste, même Mme [D] [F] a déclaré à l'enquêteur qu'elle ignorait si son époux avait été exposé à l'amiante au sein de cette société, celui-ci ne lui en ayant jamais parlé.
En conséquence, le jugement entrepris mérite confirmation en ce qu'il a mis hors de cause cette société et rejeté les demandes formées contre elle.
- Sur les conséquences :
Aux termes de l'article L452-1 du code la sécurité sociale 'lorsque l'accident est dû à la faute inexcusable de l'employeur ou de ceux qu'il s'est substitués dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire dans les conditions définies aux articles suivants.'
L'article L452-2 du même code énonce que 'dans le cas mentionné à l'article précédent, la victime ou ses ayants droit reçoivent une majoration des indemnités qui leur sont dues en vertu du présent livre.
Lorsqu'une indemnité en capital a été attribuée à la victime, le montant de la majoration ne peut dépasser le montant de ladite indemnité.
Lorsqu'une rente a été attribuée à la victime, le montant de la majoration est fixé de telle sorte que la rente majorée allouée à la victime ne puisse excéder, soit la fraction du salaire annuel correspondant à la réduction de capacité, soit le montant de ce salaire dans le cas d'incapacité totale.'
L'article L452-3 du même code ajoute : 'Indépendamment de la majoration de rente qu'elle reçoit en vertu de l'article précédent, la victime a le droit de demander à l'employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d'agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle. Si la victime est atteinte d'un taux d'incapacité permanente de 100 %, il lui est alloué, en outre, une indemnité forfaitaire égale au montant du salaire minimum légal en vigueur à la date de consolidation.
De même, en cas d'accident suivi de mort, les ayants droit de la victime mentionnés aux articles L. 434-7 et suivants ainsi que les ascendants et descendants qui n'ont pas droit à une rente en vertu desdits articles, peuvent demander à l'employeur réparation du préjudice moral devant la juridiction précitée.
La réparation de ces préjudices est versée directement aux bénéficiaires par la caisse qui en récupère le montant auprès de l'employeur.'
Il s'infère de ces dispositions que l'obligation pour la caisse d'avancer les sommes dues aux ayants-droit d'une victime décédée des suites d'une maladie professionnelle n'est fondée que sur la reconnaissance d'une faute inexcusable dont les conséquences pécuniaires doivent être supportées in fine par l'employeur qui l'a commise.
Le FIVA a quant à lui procédé à l'indemnisation des ayants-droit de M. [P] [F] sur un autre fondement textuel, tiré de l'article 53 I de la loi n°2000-1257 du 23 décembre 2000 qui dispose que 'peuvent obtenir la réparation intégrale de leurs préjudices :
1° Les personnes qui ont obtenu la reconnaissance d'une maladie professionnelle occasionnée par l'amiante au titre de la législation française de sécurité sociale ou d'un régime assimilé ou de la législation applicable aux pensions civiles et militaires d'invalidité ;
2° Les personnes qui ont subi un préjudice résultant directement d'une exposition à l'amiante sur le territoire de la République française ;
3° Les ayants droit des personnes visées aux 1° et 2°.'
Selon l'article 53 VI de cette même loi, 'le fonds est subrogé, à due concurrence des sommes versées, dans les droits que possède le demandeur contre la personne responsable du dommage ainsi que contre les personnes ou organismes tenus à un titre quelconque d'en assurer la réparation totale ou partielle dans la limite du montant des prestations à la charge desdites personnes.'
La faute inexcusable des sociétés mises en cause par les consorts [F] et le FIVA n'étant pas retenue en l'espèce, il ne peut être fait application des dispositions des articles L452-2 et L452-3 du code de la sécurité sociale et de l'article 53-VI de la loi du 23 décembre 2000 n° 2000-1257.
Il en résulte que le jugement entrepris doit être infirmé en ce qu'il a fixé au maximum légal la rente due à Mme [D] [F] et ordonné son versement par la [15], fixé à son maximum l'indemnité forfaitaire visée à l'article L452-3 alinéa 1er du code de la sécurité sociale et dit que cette indemnité sera versée par la [15] au FIVA en sa qualité de créancier subrogé à hauteur de 1.663,70 euros et à Mme [D] [F], M. [T] [F] et M. [B] [F] pour le surplus.
Le jugement dévolu à la cour doit également être infirmé en ce qu'il a dit que la [15] devra verser la somme totale de 135.400 euros au FIVA au titre de l'indemnisation de M. [P] [F] et de ses ayants droits et en ce qu'il a fixé les préjudices personnels indemnisables de M. [P] [F] et le préjudice moral indemnisable de chacun des proches de ce dernier.
- Sur les dépens et les frais de l'article 700 du code de procédure civile :
Les dispositions du jugement entrepris relatives aux dépens et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile seront infirmées compte tenu de la solution apportée au litige à hauteur d'appel.
Au visa de l'article 696 du code de procédure civile, les dépens de première instance et d'appel seront mis à la charge des consorts [F] et du FIVA, ce qui exclut qu'il soit fait droit à la demande qu'ils présentent sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour des raisons d'équité, les parties susvisées qui succombent à l'instance seront dispensées de condamnation au titre des frais irrépétibles, les demandes de ce chef étant dès lors rejetées, en première instance comme en appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt rendu par défaut, après en avoir délibéré conformément à la loi,
- Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a mis hors de cause les sociétés [21], [20] et [20] et rejeté les demandes formées à leur encontre ;
- Infirme le jugement entrepris pour le surplus et, statuant à nouveau,
* rejette les demandes formées au titre de la faute inexcusable à l'encontre des sociétés [12] et [12] et BERNARD ;
* dit en conséquence n'y avoir lieu à appliquer les articles L452-2 et L452-3 du code de la sécurité sociale et l'article 53 VI de la loi n°2000-1257 du 23 décembre 2000 ;
* Condamne Mme [D] [F] née [I], M. [T] [F], M. [B] [F] et le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante aux dépens de première instance ;
* Rejette les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;
Y ajoutant,
- Condamne Mme [D] [F] née [I], M. [T] [F], M. [B] [F] et le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante à supporter les dépens d'appel ;
- Déboute les parties de leur demande formée en cause d'appel au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.
Le greffier, Le Président,
C.CHEBANCE C.RUIN