28 FEVRIER 2023
Arrêt n°
KV/NB/NS
Dossier N° RG 19/02257 - N° Portalis DBVU-V-B7D-FKPU
[T] [C]
/
SAS [15],La SCP [22] en qualité de commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde de la société [15], la SELARL [18]
[18], CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE HAUTE LOIRE, .M. LE CHEF DE L'ANTENNE MNC RHONE ALPES AUVERGNE, S.A.S. [19]
jugement au fond, origine tribunal des affaires de sécurité sociale du puy-en-velay, décision attaquée en date du 21 avril 2016, enregistrée sous le n° 126/2014
Arrêt rendu ce VINGT HUIT FEVRIER DEUX MILLE VINGT TROIS par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d'Appel de RIOM, composée lors du délibéré de :
M. Christophe RUIN, Président
Mme Karine VALLEE, Conseiller
Mme Sophie NOIR, Conseiller
En présence de Mme Nadia BELAROUI, Greffier lors des débats et du prononcé
ENTRE :
M. [T] [C]
Domicilé chez Mme [H] [L]
[Adresse 5]
[Localité 6]
Comparant, asssisté de Me Cécile ARVIN-BEROD, avocat au barreau de PARIS
APPELANT
ET :
SAS [15]
[Adresse 23]
[Localité 8]
La SCP [22] en qualité de commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde de la société [15]
[Adresse 24], Espace Entreprises
[Localité 11]
La SELARL [18]
[Adresse 2]
[Localité 10]
Représentées par Me CLAMA, avocat suppléant Me Laurent SEYTE de la SELARL GUYOMARCH-SEYTE AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE HAUTE LOIRE
[Adresse 3]
[Adresse 16]
[Localité 7]
Représentée par Me FOULET, avocat suppléant Me Olivier TOURNAIRE de la SELARL TOURNAIRE - MEUNIER, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
.M. LE CHEF DE L'ANTENNE MNC RHONE ALPES AUVERGNE
[Adresse 20]
[Adresse 1]
[Localité 9]
S.A.S. [19]
[Adresse 4]
[Localité 12]
Représentée par Me Isabelle MOULINOT, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
INTIMES
Mme VALLEE, Conseiller en son rapport, après avoir entendu, à l'audience publique du 23 Janvier 2023, tenue en application de l'article 945-1 du code de procédure civile, sans qu'ils ne s'y soient opposés, les représentants des parties en leurs explications, en a rendu compte à la Cour dans son délibéré après avoir informé les parties que l'arrêt serait prononcé, ce jour, par mise à disposition au greffe conformément aux dispositions de l'article 450 du code de procédure civile.
FAITS ET PROCÉDURE
M. [C], ouvrier qualifié employé par la société [19], a été victime le 2 mai 2012, sur un chantier d'agrandissement de maison, d'un accident alors qu'il avait été mis à disposition de la société [15].
Cet accident a été pris en charge au titre de la législation sur les risques professionnels.
La déclaration d'accident du travail établie le 3 mai 2012 par la société [19] relate qu' 'alors que M. [C] circulait sur le chantier, il n'a pas vu qu'il y avait une palette qui couvrait un trou. M. [C] aurait mis le pied dessus et serait tombé dans la cave se situant juste en dessous'.
Un taux d'incapacité permanente partielle lui a été reconnu à hauteur de 30% et par arrêt du 5 janvier 2022, la cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail a réduit ce taux à 5% dans les relations entre employeur et caisse de sécurité sociale.
Par lettre recommandée en date du 7 juillet 2014, après échec de la procédure de conciliation préalable, M. [C] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de la HAUTE LOIRE d'une action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur.
Une information judiciaire a par ailleurs été ouverte devant le juge d'instruction de [Localité 13] suite à son dépôt de la plainte.
Par jugement du 17 septembre 2015, le tribunal des affaires de sécurité sociale de la HAUTE LOIRE a ordonné la réouverture des débats aux fins d'obtenir la communication de la procédure pénale afférente à l'accident.
Selon jugement contradictoire prononcé le 21 avril 2016, le tribunal des affaires de sécurité sociale de la HAUTE LOIRE a :
- reçu M. [C] en son recours ;
- rejeté l'intégralité des demandes de M. [C].
Par déclaration reçue au greffe de la cour le 3 mai 2016, M. [C] a régulièrement relevé appel de jugement notifié à sa personne le 22 avril 2016.
Suivant arrêt en date du 9 janvier 2018, la cour d'appel de céans a :
- sursis à statuer sur l'ensemble du litige jusqu'à ce qu'une décision définitive intervienne suite à la plainte pénale déposée contre les sociétés [19] et [15];
- ordonné le retrait de l'affaire du rang des affaires en cours;
- réservé pour le tout.
L'affaire a été réinscrite au rôle le 9 décembre 2019 après dépôt, le 28 novembre 2019, des conclusions n°2 de l'appelant.
Par jugement du 20 octobre 2021, le tribunal judiciaire de BOURG EN BRESSE a relaxé la société [15] des fins de la poursuite.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par ses conclusions visées le 23 janvier 2023, oralement soutenues à l'audience, M. [C] demande à la cour de :
- le déclarer recevable en son appel et ses demandes ;
-infirmer, en toutes ses dispositions, le jugement rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale de HAUTE LOIRE le 21 avril 2016 ;
En conséquence,
- dire et juger que l'accident du travail dont il a été victime le 2 mai 2012 doit être imputé à la faute inexcusable de son employeur, la société [19] ainsi qu'à la faute inexcusable de la société utilisatrice [15], substituée dans la direction de la société [19] dans la survenance de l'accident du travail ;
- ordonner la majoration à son taux maximum de sa rente versée ;
- désigner tel expert qu'il appartiendra avec mission de l'examiner et d'évaluer ses préjudices et ce, en prenant en considération la décision du conseil constitutionnel n°2010-8 QPC ;
- lui allouer la somme de 10.000 euros à titre de provision sur l'indemnisation de ses préjudices ; étant précisé en tant que de besoin que cette somme sera avancée par la CPAM de HAUTE LOIRE conformément à l'article L 452-3 dernier alinéa et que la mesure est assortie de l'exécution provisoire ;
- condamner in solidum les sociétés [19] et [15] à lui verser 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ses conclusions n°4 visées le 23 janvier 2023, oralement soutenues à l'audience, la société [15] demande à la cour de:
A titre liminaire :
- mettre hors de cause la SELARL [18] ;
A titre principal :
- déclarer les demandes de M. [C] irrecevables ;
A titre subsidiaire :
- confirmer le jugement entrepris et débouter M. [C] de l'intégralité de ses demandes.
Si par extraordinaire, la cour devait reconnaître l'existence d'une faute inexcusable :
A titre subsidiaire :
- ordonner un partage de responsabilité entre elle et la société [19];
- statuer ce que de droit sur la demande d'expertise ;
- débouter en tout état de cause M. [C] de sa demande d'indemnité provisionnelle ;
En tout état de cause :
- condamner tous sucombants , outre aux dépens, au paiement de la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ses conclusions n°3 visées le 23 janvier 2023, oralement soutenues à l'audience, la société [19] demande à la cour de :
A titre principal :
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. [C] de ses demandes ;
A titre subsidiaire :
En cas de reconnaissance de la faute inexcusable,
- juger que la faute inexcusable éventuelle relève de la seule responsabilité de l'entreprise utilisatrice, la société [15], substituée dans la direction du salarié en application de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale ;
- condamner, en application des articles L.412-6 et L.241-5-1 du code de la sécurité sociale, la société [15], à la garantir de toutes les condamnations qui seront prononcées au titre de l'éventuelle faute inexcusable (majoration de rente et préjudices extra patrimoniaux), tant en principal qu'en intérêts ;
- condamner, en application des articles L.412-6 et L.241-5-1 du code de la sécurité sociale, la société [15] à la garantir des conséquences financières résultant de l'accident, au sens du seul impact du capital représentatif de la rente attribuée sur ses cotisations d'accident du travail ;
- juger que la majoration de rente accordée au salarié devra être calculée à l'égardde l'employeur dans la limite du taux d'incapacité permanente fixé par la CNITAAT, à savoir 5% ;
- juger qu'elle ne fera pas l'avance des frais d'expertise ;
- débouter les autres parties de toute demande de condamnation qui pourrait être formulée à son encontre au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de toute autre demande formulée à son encontre ;
- subsidiairement, condamner la société [15] à la garantir des sommes auxquelles elle serait éventuellement condamnée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- déclarer le jugement commun à la CPAM.
Par ses conclusions visées le 23 janvier 2023, oralement soutenues à l'audience, la CPAM de la HAUTE LOIRE demande à la cour de :
Sure la faute inexcusable :
- constater qu'elle s'en remet à droit quant à la décision de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur ;
Sur son action récursoire, si la faute inexcusable est reconnue:
- condamner la SAS [19] à lui rembourser toute somme dont elle aura fait l'avance au titre de la majoration de la rente et de l'indemnisation des préjudices reconnus sur le fondement de l'article L.453-2 du code de la sécurité sociale ;
Si la faute inexcusable de l'employeur était reconnue et en cas d'expertise médicale ordonnée,
- limiter les postes de préjudices personnels soumis à l'expert, aux préjudices suivants :
préjudice causé par les souffrances physiques et morales endurées
préjudice esthétique
préjudice d'agrément
préjudice résultant de la perte ou de la diminution des possibilités de promotion professionnelle
déficit fonctionnel temporaire total et partiel
préjudice sexuel
- constater qu'elle sera tenue de faire l'avance des seuls frais d'indemnisation des préjudices mis à sa charge à l'exclusion de toute autre somme qui pourrait être allouée à la victime au titre de l'article 700 du code de procédure civile ou à tout autre titre ;
- condamner la société [19] à lui rembourser toute somme dont elle aura fait l'avance au titre des frais d'expertise judiciaire ;
En tout état de cause :
- condamner la partie succombante à lui payer et porter la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions susvisées des parties, oralement soutenues à l'audience, pour l'exposé de leurs moyens.
MOTIFS
- Sur la demande de mise hors de cause de la SELARL [18] :
Suivant jugement du tribunal de commerce d'ALBI en date du 10 décembre 2019, un plan de sauvegarde a été ouvert à l'égard de la société [15], la SELARL [18] ayant été désignée en qualité d'administrateur.
Par jugement du 10 novembre 2020, ce même tribunal a arrêté un plan de sauvegarde, mis fin à la mission de l'administrateur et nommé la SCP [22] en la personne de Maître [B], en qualité de commissaire à l'exécution du plan.
Compte tenu de la cessation des fonctions d'administrateur confiées à la SELARL [18], cette dernière, qui a été mise en la cause d'appel par acte d'huissier signifié à personne morale le 4 juillet 2022, doit être mise hors de cause.
- Sur la recevabilité des demandes de M. [C] :
La société [15] soulève l'irrecevabilité des demandes formées par M. [C] au titre de la faute inexcusable en invoquant le principe de l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil.
L'article 122 du code de procédure civile énonce que l'autorité de la chose jugée est une cause d'irrecevabilité des demandes.
Aux termes de l'article 4-1 du code de procédure pénale, 'l'absence de faute pénale non intentionnelle au sens de l'article 121-3 du code pénal ne fait pas obstacle à l'exercice d'une action devant les juridictions civiles afin d'obtenir la réparation d'un dommage sur le fondement de l'article 1241 du code civil si l'existence de la faute civile prévue par cet article est établie ou en application de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale si l'existence de la faute inexcusable prévue par cet article est établie.'
La société [15] a été poursuivie devant le tribunal correctionnel de BOURG EN BRESSE pour avoir le 2 mai 2012, dans le cadre du travail, par la violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement, involontairement causé des blessures à [T] [C] ayant entraîné une incapacité totale de travail de plus de trois mois pour s'être abstenue, alors qu'il était employé sur un chantier de bâtiment ou de travaux publics, de dispenser une formation adaptée, de vérifier les conditions de sécurité de son intervention au domicile de M. [E] et de mettre en oeuvre un dispositif de sécurisation de la trémie.
Par jugement définitif du 20 octobre 2021, au vu des éléments du dossier et des débats, le tribunal correctionnel a prononcé la relaxe de la société [15] pour insuffisance de la caractérisation des faits reprochés.
La société [15] fait valoir que cette décision de relaxe, par laquelle la juridiction pénale a écarté un manquement aux règles de sécurité, s'impose au juge de la sécurité sociale ayant à connaître d'une action en reconnaissance de faute inexcusable.
Pour soutenir que l'absence de faute pénale non intentionnelle s'impose au juge civil en vertu du principe de l'autorité de la chose jugée, elle se prévaut d'un arrêt de la Cour de cassation en date du 1er décembre 2022.
Aux termes de cette décision, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation , au visa des articles 4-1 du code de procédure pénale et de l'article 452-1 du code de la sécurité sociale, énonce que s'il est permis au juge civil, en l'absence de faute pénale non intentionnelle, de retenir une faute inexcusable en application du second, l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil reste attachée à ce qui a été définitivement décidé par le juge pénal sur l'existence du fait qui forme la base commune de l'action civile et de l'action pénale, sur sa qualification ainsi que sur la culpabilité ou l'innocence de celui à qui le fait est imputé.
Contrairement à ce que soutient la société [15], la décision de relaxe de la juridiction pénale ne s'impose pas au juge civil dès qu'un manquement aux règles de sécurité imposées dans le cadre du travail a été écarté.
L' étendue de l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil est limitée à ce qui a été définitivement décidé par le juge pénal sur l'existence du fait formant la base commune de l'action civile et de l'action pénale.
L'autorité de la chose jugée au pénal ne s'attache qu'à ce qui a été nécessairement et certainement jugé, de sorte que si les faits allégués par le salarié qui agit en reconnaissance de faute inexcusable sont différents, ou pour partie distincts, de ceux portés à la connaissance du juge pénal, le jugement de relaxe ne s'impose pas au juge du contentieux de la sécurité sociale dans l'appréciation de la faute inexcusable imputée à l'employeur.
En l'espèce, les motifs du jugement de relaxe du tribunal correctionnel de BOURG EN BRESSE se bornent à retenir qu' 'il ressort des éléments du dossier et des débats qu'il convient de relaxer la société [15] des fins de la poursuite pour insuffisance de la caractérisation des faits reprochés'.
Les chefs de prévention relatifs au défaut de formation et de mise en oeuvre d'un dispositif de sécurisation de la trémie sont suffisamment précis pour considérer, nonobstant l'absence de toute motivation circonstanciée du juge pénal, que l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil a vocation à s'appliquer à la non caractérisation de ces deux manquements, écartés de façon certaine par la juridiction répressive qui en était saisie.
Le troisième chef de prévention, qui a trait au défaut de vérification des conditions de sécurité de l'intervention de M. [C], est en revanche plus imprécis dans ses contours et en l'absence de toute motivation permettant de déterminer les faits constitutifs de ce manquement sur lesquels la juridiction pénale se serait prononcée de façon certaine en faveur d'une relaxe, l'autorité de la chose jugée au pénal ne peut jouer de ce chef.
En conséquence, si M. [C] n'est pas fondé à invoquer, au soutien de son action en reconnaissance de faute inexcusable, l'absence de formation quant aux mesures de sécurité et le défaut de mise en oeuvre d'un dispositif de sécurisation de la trémie, il demeure recevable à agir au titre des manquements liés à l'évaluation des risques professionnels et de l'absence de fourniture d'équipements collectifs et individuels face au risque de chute des travailleurs.
Ses demandes fondées sur la faute inexcusable de l'employeur n'encourent pas l'irrecevabilité.
- Sur la faute inexcusable :
Aux termes de l'article L 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'accident est dû à la faute inexcusable de l'employeur ou de ceux qu'il s'est substitué dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire dans les conditions définies aux articles suivants.
Le manquement à l'obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l'employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.
L'obligation légale de sécurité et de protection de la santé pesant sur l'employeur lui impose, en vertu de l'articles L4121-1du code du travail, de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, ces mesures comprenant notamment des actions de prévention des risques professionnels, des actions d'information et de formation, la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.
L'article L4121-2 du même code précise que l'employeur doit mettre en oeuvre ces mesures sur le fondement des principes généraux de prévention suivants : éviter les risques, évaluer les risques qui ne peuvent être évités, combattre les risques à la source, adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé.
Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de l'accident subi par le salarié. Il suffit qu'elle en soit la cause nécessaire pour que la responsabilité de l'employeur puisse être engagée, alors même que d'autres fautes, en ce compris la faute de la victime, auraient concouru au dommage.
Dans sa version applicable à la cause, l'article L4154-2 du code du travail dispose que 'les salariés titulaires d'un contrat de travail à durée déterminée, les salariés temporaires et les stagiaires en entreprise affectés à des postes de travail présentant des risques particuliers pour leur santé ou leur sécurité bénéficient d'une formation renforcée à la sécurité ainsi que d'un accueil et d'une information adaptés dans l'entreprise dans laquelle ils sont employés.
La liste de ces postes de travail est établie par l'employeur, après avis du médecin du travail et du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou, à défaut, des délégués du personnel, s'il en existe. Elle est tenue à la disposition de l'inspecteur du travail.'
Par application de l'article L.4154-3 du code du travail, en cas d'accident, la faute inexcusable de l'employeur est présumée établie dès lors que l'intérimaire était affecté à un poste présentant des risques particuliers pour sa santé ou sa sécurité mais qu'il n'a pas bénéficié d'une formation à la sécurité renforcée.
La liste des postes à risques est fixée, de façon non limitative, par l'article R. 4624-23 du code du travail.
Il appartient aux juges du fond d'apprécier les tâches confiées à la victime, au moment de l'accident, pour déterminer si elle occupait un poste de travail présentant des risques particuliers pour sa santé ou sa sécurité sans avoir reçu la formation à la sécurité renforcée prévue à l'article L. 4154-2 du code du travail.
La présomption de faute inexcusable instituée par l'article L. 4154-3 du code du travail ne peut être renversée que par la preuve que l'employeur a dispensé au salarié la formation renforcée à la sécurité prévue par l'article L. 4154-2 du même code.
L'utilisateur de main-d'oeuvre temporaire est réputé substitué à l'entreprise de travail temporaire pour les accidents et maladies dus à une faute inexcusable survenant aux salariés mis à sa disposition. L'existence d'une faute inexcusable peut donc s'apprécier au regard du comportement de l'entreprise utilisatrice mais l'employeur (entreprise de travail temporaire) reste seule tenue des conséquences de la faute inexcusable vis-à-vis de la caisse, avec la possibilité d'exercer une action récursoire contre l'entreprise utilisatrice fautive en remboursement de tout ou partie de la charge qu'entraîne pour lui la faute inexcusable.
En vertu de l'article L. 1251-21 du code du travail, pendant la mission de travail temporaire, l'entreprise utilisatrice est ainsi responsable de la santé et de la sécurité au travail du salarié temporaire pendant le temps du travail et sur le lieu du travail.
L'entreprise de travail temporaire et l'entreprise utilisatrice sont tenues à une obligation de sécurité s'agissant de la prévention des risques professionnels auxquels sont exposés les salariés temporaires, chacune au regard des obligations mises à sa charge. L'entreprise de travail temporaire et l'entreprise utilisatrice sont tenues, à l'égard des salariés mis à disposition, d'une obligation de sécurité dont elles doivent assurer l'effectivité, chacune au regard des obligations que les textes mettent à leur charge en matière de prévention des risques.
La Cour de cassation juge ainsi que l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs et, pendant la durée de la mission, l'entreprise utilisatrice est responsable des conditions d'exécution du travail telles qu'elles sont déterminées par les dispositions légales et conventionnelles applicables au lieu de travail, notamment pour ce qui a trait à la santé et la sécurité au travail.
En l'espèce, selon la déclaration d'accident du travail complétée le 3 mai 2012, les circonstances de l'accident sont décrites comme suit : ' alors que M. [C] circulait sur un chantier, il n'a pas vu qu'il y avait une palette qui couvrait un trou. M. [C] aurait mis le pied dessus et serait tombé dans la cave se situant en dessous.'
Aux termes de ses conclusions oralement soutenues, M. [C] explique qu'il a marché sur une plaque d'isolation posée au sol sur deux palettes en bois qui masquait un trou dans le sol en béton dans lequel il a chuté sur 3 mètres.
Il invoque en premier lieu le bénéfice de la présomption de faute inexcusable posée à l'article L4154-3 du code du travail, estimant qu'il a été affecté à un poste de travail présentant des risques particuliers pour sa santé ou sa sécurité.
M. [C] est intervenu le jour du fait accidentel sur le chantier d'agrandissement de la maison appartenant à M. [E] en exécution d'un contrat de mission daté du 2 mai 2012 prévoyant son affectation sur un poste qualifié de non à risque, de statut ' ouvrier, employé, technicien' requérant la qualification ' technicien dépanneur SAV'. La mission contractuellement définie consistait en la ' retouche sur menuiserie après installation de l'ossature + utilisation de l'entreprise'.
Pour soutenir que le poste qu'il occupait présentait malgré ces indications des risques particuliers pour sa santé ou sa sécurité, M. [C] fait valoir qu'il avait vocation à intervenir sur l'installation, la manutention ou l'entretien de baies vitrées, dont la société [15] ne fournit pas les caractéristiques de taille et de poids ; que de l'aveu même du directeur de celle-ci, sa présence en binôme avec M. [I], salarié occupant le poste de technicien dépanneur SAV, était nécessaire, un seul technicien ne suffisant pas pour réaliser seul la mission, et qu'il a été amené à intervenir dans un environnement comportant la présence d'une trémie dans le sol d'une profondeur de 3 mètres, non signalée ni sécurisée.
Lors de son audition par les services d'enquête, M. [D], directeur de l'usine [15], a expliqué que l'entreprise avait livré en 2012 une baie vitrée à une entreprise de maçonnerie mais que suite à un défaut signalé, elle a été amenée à intervenir directement sur le chantier où elle avait été posée dans le cadre du service après vente. Il a ajouté avoir missionné deux ouvriers pour aller régler le problème, à savoir M. [I], technicien SAV et un intérimaire.
M. [C] invoque l'arrêté du 25 février 2003, pris pour l'application de l'article L. 235-6 du code du travail, qui intègre à la liste de travaux comportant des risques particuliers pour lesquels doit être établi un plan général simplifié de coordination en matière de sécurité et de protection de la santé les travaux de montage ou de démontage d'éléments préfabriqués lourds au sens de l'article 170 du décret n°65-48 du 8 janvier 1965.
Reste qu'aucun élément ne permet d'affirmer que les travaux confiés à M. [C] s'inscrivaient dans une opération de montage ou démontage d'éléments préfabriqués lourds, cette circonstance ne pouvant être déduite d'une intervention sur une baie vitrée déjà posée dans une maison à usage d'habitation, décrite au contrat comme consistant dans 'une retouche sur menuiserie après installation de l'ossature', fût-il nécessaire de démonter la porte fenêtre comme cela a été fait selon les déclarations de M. [I].
En outre, s'il est exact que le choix de faire appel à deux techniciens pour accomplir en binôme la tâche révèle que celle-ci était malaisément réalisable à un seul technicien, il ne s'en infère pas pour autant la démonstration d'une particulière dangerosité du poste occupé par l'intérimaire sollicité pour seconder le salarié titulaire.
Enfin, la présence de la trémie non sécurisée sur le chantier ne peut être utilement invoquée dans la mesure où il s'agit d'une circonstance étrangère à la nature même du poste occupé par M. [C] le jour de l'accident.
En conséquence de ces considérations qui amènent à exclure l'affectation de M. [C] sur un poste présentant des risques particuliers pour sa santé ou sa sécurité, il y a lieu d'écarter l'application de la présomption de faute inexcusable.
Il s'ensuit que la charge probatoire quant aux conditions de la faute inexcusable pèse sur M. [C], qui est en premier lieu tenu de rapporter la preuve des circonstances de fait entourant la survenue de l'accident du travail dont il a été victime, étant rappelé qu'il est de principe que l'employeur ne peut se voir imputer une faute inexcusable lorsque les circonstances de l'accident demeurent indéterminées.
Aucune enquête n'a été effectuée à bref délai de l'accident, ni par le services de gendarmerie, ni par l'inspection du travail, qui quoi qu'en dise M. [C], affirme par la voie de ses services ne pas avoir été saisie de l'accident du travail et n'avoir pas diligenté d'enquête subséquente.
Lors de l'enquête pénale, mise en mouvement seulement à compter d'avril 2014 suite au dépôt de plainte de M. [C], ce dernier a relaté comme suit les circonstances de l'accident : ' avec M. [I], nous nous sommes rendus à [Adresse 21] pour démonter une porte fenêtre qui avait été installée lors d'un agrandissement de maison (...). Au cours de mon travail, j'ai eu besoin de me déplacer pour aller chercher un outil. Nous travaillions à l'intérieur de la maison et je me trouvais dans une grande pièce de 25 m2 environ avec un sol en béton. J'étais seul car monsieur [I] était parti pour aller chercher du matériel au camion. En me déplaçant j'ai marché sur une plaque d'isolation qui était de couleur aluminium. Cette plaque très fine était posée sur deux palettes en bois qui étaient posées l'une à côté de l'autre au dessus d'un trou. Je pense que ces deux palettes n'étaient pas assez grandes pour boucher l'intégralité du trou. Il avait donc recouvert ces deux palettes avec la feuille d'isolant sans qu'on voie le trou. Pensant que je pouvais marcher sur cette plaque sans danger, j'ai mis le pied sur cette plaque d'isolation. Je suis alors tombé dans un trou qui faisait trois mètres de profondeur.(...). Je me suis retrouvé sur le dos au fond du trou. Je suis resté un bon moment à l'intérieur du trou sans pouvoir bouger. Je ne pouvais pas crier car j'avais de la peine à respirer; D'autre part, la plaque d'isolation avait rebouché le trou après ma chute. Ne me voyant pas arriver, monsieur [I] m'a cherché et il m'a découvert dans le trou.'
Après avoir confirmé que le binôme formé avec M. [C] était chargé de démonter le dormant d'une baie vitrée qui était à changer, M. [I] a quant à lui rapporté le fait accidentel en indiquant qu'il faisait ' la navette entre le camion et la pièce. Dans la pièce où nous devions intervenir, il y avait beaucoup de rouleaux de laine de verre et de l'outillage. Toutefois, le chantier était bien rangé. Au milieu de la pièce, il y avait une palette en bois qui était recouverte par un film aluminium. On voyait la palette qui dépassait sur les bords. On ne voyait pas le trou qu'il y avait dessous car le film cachait celui-ci. Si j'avais été obligé de passer à cet endroit, j'aurais marché sur cette palette. Lors d'un retour dans la pièce, je ne voyais pas M. [C]. Je l'ai appelé à plusieurs reprises à l'intérieur et à l'extérieur mais je ne le trouvais pas. A un moment, j'ai entendu des ronflements. J'ai cherché dans la pièce au niveau des rouleaux laine de verre mais je ne trouvais rien. Je me suis approché de cette palette qui était au milieu de la pièce. Je me suis aperçu que les ronflements provenaient du dessous de la palette. J'ai enlevé le film aluminium ainsi que la palette. J'ai découvert Monsieur [C] qui était inconscient au fond du trou qui était sous la palette'
M. [E], propriétaire de la maison où est intervenu M. [C], a déclaré ne pas avoir témoin direct du fait accidentel, mais avoir personnellement constaté lors de son arrivée sur les lieux que ' le second employé était tombé dans la cave. Sur la configuration de la pièce concernée, il a précisé qu' 'il y avait deux palettes posées par dessus le trou qui mène à la cave. J'ai moi même marché sur ces palettes sans jamais tomber. (...) Je précise que le collègue de la personne qui est tombée m'a dit que pour des raisons de place il avait déplacé les palettes et qu'il était tombé dans la cave'.
M. [D], directeur de l'usine [14] également entendu, a fait état des explications que lui avait fournies M. [I] en relatant que ' d'après celui-ci, il venait à peine d'arriver sur le chantier lorsqu'il a perdu de vue son collègue. Il est reparti vers le camion sans le trouver et il est revenu dans où nous devions travailler sur la baie vitrée défectueuse. Il a alors entendu un râle et en cherchant l'origine du bruit il a découvert son collègue dans une trémie recouverte d'une palette et d'un film isolant semi rigide. Monsieur [I] a découvert Monsieur [C] inconscient dans la trémie. Il a immédiatement fait appel aux secours. (...). Concernant cet accident du travail, je ne me l'explique pas, le fait que la palette ait peu bouté me laisse perplexe'.
Il résulte des déclarations ainsi faites devant les services d'enquête que M. [C] a été retrouvé au fond de la trémie, dont la profondeur a pu être décrite de façon variable, qui était alors recouverte d'une palette et d'un film aluminium isolant.
Il est constant que M. [C] a été retrouvé inconscient au fond de la cave, et qu'il a été pris en charge par les services de secours qui l'ont extrait avec recours à un brancard avant de l'évacuer vers le centre hospitalier de [Localité 13]. Les examens radiographiques dont il a fait l'objet ont permis de mettre en évidence une subluxation de la mâchoire et une entorse cervicale C2.
Il n'est pas allégué qu'un accès à la cave autre que celui résultant de la trémie ait pu être emprunté par M. [C].
Même si aucun témoin direct n'a assisté à l'accident, la configuration des lieux et l'état dans lequel la victime, qui ne connaissait pas l'existence de l'ouverture, a été retrouvée établissent que l'accident est le résultat d'une chute, laquelle n'est pas incompatible avec les constatations opérées par M. [I]. Certes ce dernier a déclaré que les palettes et le film aluminium isolant se trouvaient toujours sur la trémie lorsqu'il a constaté que M. [C] se trouvait au fond de la cave. Mais il ne se déduit pas de ce constat formulé en des termes généraux que la trémie était encore totalement recouverte après la chute, ce qui est d'ailleurs exclu par M. [I] lui même, lequel a précisé en fin d'audition que 'la palette et le film avaient quasiment repris leur place d'avant la chute'.
La circonstance que le positionnement des palettes et du film aluminium ait peu évolué en suite de la chute ne suffit pas à rendre les circonstances de l'accident indéterminées, pas plus du reste que le fait que le propriétaire de la maison ait pu marcher sur les palettes sans jamais tomber. Contrairement à ce que laisse entendre la société [15], cette information ne contredit pas la possibilité d'une chute effectuée par une autre personne ne connaissant ni les lieux ni l'existence de la trémie à la différence du propriétaire qui pouvait prendre les précautions nécessaires et adopter les bons geste et allure.
Enfin, la déclaration de M. [E], selon laquelle M. [I] lui aurait indiqué que pour des raisons de place M. [C] avait déplacé les palettes et qu'il était tombé dans la cave, n'est confortée par aucun autre élément, et notamment pas par les déclarations de M. [I] lui même qui n'a pas précisé ce point lors de son audition par les services de gendarmerie. En tout état de cause, le déplacement des palettes avant la chute est matériellement difficilement compatible avec le fait qu'elles aient été retrouvées sur la trémie menant à la cave au fond de laquelle la victime a été retrouvée inconsciente.
Au vu des éléments versés au dossier, la chute de M. [C] dans la trémie d'accès à la cave n'est pas seulement hautement vraisemblable ; il s'agit d'un fait constant, vérifié par toutes les personnes présentes sur le chantier le jour de l'accident, matériellement établi, qu'elle a provoqué.
A l'inverse des premiers juges, la cour ne conclut donc pas au caractère indéterminé des circonstances de l'accident subi par M. [C].
Ce dernier impute à la société [15] un manquement à son obligation d'évaluation des risques, notamment à raison du défaut d'élaboration d'un plan particulier de sécurité et de protection de la santé (PPSPS).
Etant observé qu'il ne résulte pas de façon certaine des énonciations du jugement rendu par le tribunal correctionnel de BOURG EN BRESSE que la juridiction répressive ait examiné ce manquement, la cour qui a à connaître des éléments constitutifs de la faute inexcusable ne se heurte pas à l'autorité de la chose jugée au pénal sur ce point.
Conformément aux dispositions de l'article L4532-9 du code du travail, l'établissement du PPSPS est nécessaire sur les chantiers soumis à l'obligation d'établir un plan général de coordination et sur les chantiers dont la durée et le volume prévu dépassent certains seuils.
Les chantiers soumis à l'obligation d'établir un plan général de coordination sont ceux qui font l'objet de la déclaration préalable prévue à l'article L4532-1 du code du travail, et ceux qui nécessitent l'exécution de travaux inscrits sur une liste de travaux comportant des risques particuliers fixée par arrêté.
En vertu de l'article R4532-2 du code du travail, l'obligation de déclaration préalable s'applique aux opérations de bâtiment ou de génie civil pour lesquelles l'effectif prévisible des travailleurs doit dépasser vingt travailleurs à un moment quelconque des travaux et dont la durée doit excéder trente jours ouvrés et pour celles dont le volume des travaux doit être supérieur à 500 hommes par jour.
L'arrêté précité du 25 février 2003fixant la liste de travaux comportant des risques particuliers pour lesquels un plan général simplifié de coordination en matière de sécurité et de protection de la santé est requis inclut parmi ces travaux ceux qui exposent les travailleurs à des risques de chute de hauteur de plus de 3 mètres, au sens de l'article 5 du décret du 8 janvier 1965 susvisé et ceux qui comportent des opérations de montage ou de démontage d'éléments préfabriqués lourds au sens de l'article 170 du décret du 8 janvier 1965 susvisé.
M. [C], sur lequel repose la charge de la preuve, n'établit nullement que le chantier sur lequel il est intervenu s'inscrivait dans des opérations de bâtiment répondant aux seuils définis à l'article R4532-2 du code du travail.
Il ne démontre pas davantage que le chantier d'extension de maison recelait un risque de chute de hauteur de plus de trois mètres, au sens de l'article 5 du décret du 8 janvier 1965, la référence au document unique d'évaluation établi par la société [15] identifiant, pour le service SAV, un risque de chute en hauteur à prévenir par un système de sécurisation, ne valant pas preuve qu'existait au cas d'espèce un risque de trois mètres de chute. En outre, cette démonstration ne ressort pas des éléments recueillis au cours de l'enquête pénale.
La preuve fait également défaut en ce qui concerne les opérations de montage ou de démontage d'éléments préfabriqués lourds. Comme précédemment retenu, il n'est pas établi par les pièces soumises aux débats que la mission confiée à M. [C] portait sur le montage ou le démontage de tels éléments, le fait de se présenter comme le leader du bloc baie en béton assumant à ce titre la fabrication, l'installation, la pose et la commercialisation de ce produit étant parfaitement insuffisant à caractériser une telle circonstance, laquelle n'est nullement corroborée par les autres éléments du dossier débattus par les parties.
Il s'ensuit que contrairement à ce que soutient M. [C], la société [15] n'était pas tenu d'établir un PPSPS en ce qui concerne le chantier d'extension de maison sur lequel il est intervenu.
Etant constaté que plusieurs entreprises sont intervenues sur le chantier de l'extension de maison de M. [E], l'organisation de la coordination en matière de sécurité et de santé des travailleurs n'en restait pas moins nécessaire en vertu de l'article L4532-2 du code du travail qui dispose qu' 'une coordination en matière de sécurité et de santé des travailleurs est organisée pour tout chantier de bâtiment ou de génie civil où sont appelés à intervenir plusieurs travailleurs indépendants ou entreprises, entreprises sous-traitantes incluses, afin de prévenir les risques résultant de leurs interventions simultanées ou successives et de prévoir, lorsqu'elle s'impose, l'utilisation des moyens communs tels que les infrastructures, les moyens logistiques et les protections collectives.'
Cette coordination est imposée aussi bien au cours de la conception, de l'étude et de l'élaboration du projet qu'au cours de la réalisation de l'ouvrage.
L'article L4532-7 du code du travail précise que ' Pour les opérations de bâtiment ou de génie civil entreprises par un particulier pour son usage personnel, celui de son conjoint, partenaire lié par un pacte civil de solidarité, concubin ou de ses ascendants ou descendants, la coordination est assurée :
1° Lorsqu'il s'agit d'opérations soumises à l'obtention d'un permis de construire, par la personne chargée de la maîtrise d'oeuvre pendant la phase de conception, d'étude et d'élaboration du projet, et par la personne qui assure effectivement la maîtrise du chantier pendant la phase de réalisation de l'ouvrage ;
2° Lorsqu'il s'agit d'opérations non soumises à l'obtention d'un permis de construire, par l'un des entrepreneurs présents sur le chantier au cours des travaux.'
En vertu de ce texte, il est nécessaire, pour caractériser le manquement de la société [15] à l'obligation de coordination du chantier en matière de sécurité et santé des travailleurs, de vérifier qu'elle devait endosser la responsabilité de la mission de coordination.
Or une telle déduction ne peut être opérée au vu des éléments du dossier dont il résulte que la maîtrise d'oeuvre des travaux d'extension de maison avait été confiée à l'entreprise [17], qui avait d'ailleurs réalisé elle même la pose des ouvrants avant de faire intervenir la société [15] dans le cadre d'un service après vente.
M. [C] invoque un manquement de la société [15] aux prescriptions de l'article R4532-13 du code du travail qui dispose que ' le coordonnateur, au cours de la réalisation de l'ouvrage :
1° Organise entre les entreprises, y compris sous-traitantes, qu'elles se trouvent ou non présentes ensemble sur le chantier, la coordination de leurs activités simultanées ou successives, les modalités de leur utilisation en commun des installations, matériels et circulations verticales et horizontales, leur information mutuelle ainsi que l'échange entre elles des consignes en matière de sécurité et de protection de la santé. A cet effet, il procède avec chaque entreprise, préalablement à l'intervention de celle-ci, à une inspection commune au cours de laquelle sont en particulier précisées, en fonction des caractéristiques des travaux que cette entreprise s'apprête à exécuter, les consignes à observer ou à transmettre et les observations particulières de sécurité et de santé prises pour l'ensemble de l'opération. Cette inspection commune est réalisée avant remise du plan particulier de sécurité et de protection de la santé lorsque l'entreprise est soumise à l'obligation de le rédiger ;
2° Veille à l'application correcte des mesures de coordination qu'il a définies ainsi que des procédures de travail qui interfèrent ;
3° Tient à jour et adapte le plan général de coordination et veille à son application ;
4° Complète en tant que de besoin le dossier d'intervention ultérieure sur l'ouvrage.'
Il estime qu'au mépris de ces dispositions, il n'y a eu ni inspection commune préalable afin de délimiter le secteur de l'intervention des entreprises extérieures et matérialiser les zones de ce secteur pouvant présenter des dangers pour les travailleurs, ni communication d'informations nécessaires à la prévention, ni description des modes opératoires à mettre en oeuvre, ni repérage des lieux.
Toutefois, n'étant pas désignée en application des dispositions légales pour assumer le rôle de coordination du chantier d'extension de la maison de M. [E], la société [15] ne peut se voir imputer des défaillances dans l'accomplissement de cette mission de coordination.
En outre, la société [15] n'a pas manqué à son obligation d'établissement du document unique d'évaluation des risques professionnels, lequel intègre le SAV en identifiant deux risques le concernant : le travail en hauteur en cas d'utilisation de dispositifs mobiles tels que échelles et escabeau et le travail isolé. Or l'accident dont M. [C] a été victime ne s'est pas produit dans le cadre de l'une de ces deux situations de travail et il n'est pas reproché à la société [15] l'établissement d'un document unique d'évaluation incomplet ou insuffisant.
Il résulte des éléments qui précèdent qu'il n'est pas établi que la société [15] ait manqué à son obligation légale d'évaluation des risques professionnels auxquels les travailleurs exerçant pour son compte étaient soumis.
M. [C] argue encore d'un défaut de signalisation et de sécurisation de l'ouverture à travers laquelle il a chuté, mais ce moyen n'est pas recevable dès lors que ce manquement a été écarté par la juridiction pénale dont la décision s'impose à la cour en application du principe de l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil.
L'appelant allègue enfin de l'absence d'équipement de protection individuelle en faisant valoir que le jour de l'accident il ne portait ni casque ni harnais de sécurité alors même qu'il travaillait à proximité d'un trou de 3 mètres de profondeur.
Néanmoins il n'établit pas par des éléments extérieurs à ses propres déclarations que le trou dans lequel il a chuté était d'une hauteur d'au moins trois mètres, et que la société [15] se trouvait dans l'obligation, eu égard à la nature du poste sur lequel elle l'affectait, de lui fournir un harnais de sécurité.
En ce qui concerne la mise à disposition du casque, il y a lieu de considérer, au vu du quitus pour équipements de protection individuelle signé le 13 avril 2012 par la société [19] et M. [C], qu'elle a été effective. En outre, s'étant engagé à porter les équipements de sécurité aux termes d'un document qu'il a également signé, M. [C] est mal fondé à prétendre que la société [15] aurait contrevenu à son obligation de prendre les mesures nécessaires pour que ces équipements soient effectivement utilisés. En tout état de cause, quand bien même un manquement de la société [15] pourrait être à ce titre retenu, il n'aurait aucun lien de causalité avec l'accident tel qu'il s'est réalisé.
Sans qu'il soit utile d'examiner les moyens surabondamment développés par les parties, il s'infère des considérations qui précèdent qu'aucun manquement, distinct de ceux sur lesquels la juridiction pénale s'est déjà prononcée, de la société [15] à son obligation de sécurité n'est caractérisé. La faute inexcusable de cette société ne peut dès lors être retenue.
Aucun manquement n'est imputé à la société [19], contre laquelle les demandes du salarié ne sont formées qu'au regard de sa qualité d'employeur légal, auquel s'est substitué l'entreprise [15] dans l'exercice de ses pouvoirs de direction.
En conséquence, confirmant le jugement frappé d'appel, la cour déboute M. [C] des demandes qu'il dirige contre les sociétés [15] et [19] au titre de la faute inexcusable.
- Sur les demandes accessoires :
En application de l'article 696 du code de procédure civile, M. [C], succombant à la procédure, doit être condamné aux dépens d'appel, ce qui exclut qu'il soit fait droit à la demande qu'il formule sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, tant en première instance qu'en cause d'appel, le jugement entrepris étant sur ce point confirmé.
M. [C] sera en revanche dispensé de toute condamnation fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, les demandes de ce chef étant donc rejetées.
Le présent arrêt est nécessairement commun et opposable à la CPAM de HAUTE-LOIRE qui est intimée à la procédure d'appel. Ce constat étant fait, il n'y a pas lieu de déclarer l'arrêt commun et opposable par une disposition spéciale.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,
- Met hors de cause la SELARL [18] ;
- Déclare les demandes formées par M. [T] [C] au titre de la faute inexcusable recevables ;
- Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions soumises à la cour ;
Y ajoutant,
- Condamne M. [T] [C] aux dépens d'appel ;
- Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile;
- Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.
Le greffier, Le Président,
N. BELAROUI C. RUIN