28 FEVRIER 2023
Arrêt n°
SN/NB/NS
Dossier N° RG 20/01875 - N° Portalis DBVU-V-B7E-FQF4
[D] [O]
/
S.A.S. R2E CONSEIL
jugement au fond, origine conseil de prud'hommes - formation paritaire de clermont-ferrand, décision attaquée en date du 18 novembre 2020, enregistrée sous le n° 19/00292
Arrêt rendu ce VINGT HUIT FEVRIER DEUX MILLE VINGT TROIS par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d'Appel de RIOM, composée lors des débats et du délibéré de :
M. Christophe RUIN, Président
Mme Sophie NOIR, Conseiller
Mme Karine VALLEE, Conseiller
En présence de Mme Nadia BELAROUI greffier lors des débats et du prononcé
ENTRE :
M. [D] [O]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté par Me Anne LAURENT-FLEURAT de la SELARL AUVERJURIS, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
APPELANT
ET :
S.A.S. R2E CONSEIL
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Barbara GUTTON PERRIN de la SELARL LEXAVOUE, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND, avocat constitué, substitué par Me Olivier BLUCHE de la SELARL REINHART MARVILLE TORRE, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant
INTIMEE
M. RUIN, Président et Mme NOIR, Conseiller après avoir entendu, Mme NOIR, Conseiller en son rapport, à l'audience publique du 12 décembre 2022, tenue par ces deux magistrats, sans qu'ils ne s'y soient opposés, les représentants des parties en leurs explications, en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré après avoir informé les parties que l'arrêt serait prononcé, ce jour, par mise à disposition au greffe conformément aux dispositions de l'article 450 du code de procédure civile.
FAITS ET PROCÉDURE
La société R2E Conseil est spécialisée dans la délégation de personnel qualifié dans le secteur de l'ingénierie.
Elle applique la convention collective nationale dite Syntec.
M. [D] [O] a été embauché à compter du 7 mai 2012 par la société R2E Conseil en qualité d'ingénieur d'étude par contrat à durée indéterminée conclu durant toute la durée du 'chantier [G] France - études, conception, tests, validation, intégration, rédaction de documents techniques de logiciels et matériels spécifiques ferroviaires'.
Par courrier recommandé avec avis de réception du 17 octobre 2018, M. [O] a démissionné pour être embauché par la société [G].
L'employeur lui a retenu 26 jours de congés payés sur sa fiche de paye du mois d'octobre 2018 au titre des années N et N-1.
M. [O] a saisi le conseil de prud'hommes de Clermont-Ferrand le 21 mai 2019, d'une demande tendant à la condamnation de l'employeur à lui payer un rappel de salaires sur congés payés outre la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.
Par jugement du 18 novembre 2020, le conseil de prud'hommes de Clermont-Ferrand a :
- dit et jugé les demandes de M. [O] recevables et partiellement justifiées;
- condamné en conséquence la société R2E Conseil à payer et porter à M. [O] les sommes de :
- 996,80 euros à titre de rappel de congés payés ;
- 250 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;
- 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouté M. [O] de ses autres demandes ;
- débouté la société R2E Conseil de sa demande de 59.080 euros en réparation du préjudice causé par des actes constitutifs de concurrence déloyale et de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouté les parties du surplus de leurs demandes ;
- condamné la société R2E Conseil aux entiers dépens.
M. [O] a interjeté appel de ce jugement le 18 décembre 2020.
Vu les dernières écritures notifiées le 26 octobre 2022 par M. [O] ;
Vu les dernières écritures notifiées le 10 novembre 2022 par la société R2E Conseil ;
Vu l'ordonnance de clôture rendue le 14 novembre 2022
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans ses dernières écritures, M. [O] demande à la cour de :
- confirmer la décision dont appel en ce qu'elle a rejeté les demandes de la société R2E Conseil ;
- réformer la décision dont appel pour le surplus et, statuant à nouveau
- condamner la société R2E Conseil à lui payer et porter les sommes de :
- rappel de salaire congés payés : 3.702,53 euros ;
Subsidiairement :
- rappel de salaire congés payés : 2.563,29 euros.
En tout état de cause :
- dommages et intérêts : 1.000 euros
- article 700 du code de procédure civile : 1.500 euros
- dire que les sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la convocation à l'audience devant le bureau de conciliation et d'orientation ;
- dire qu'à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par la décision à intervenir
et qu'en cas d'exécution par voie extra judiciaire, les sommes retenues par l'huissier instrumentaire
en application des dispositions de l'article 10 du décret du 8 mars 2001, portant modification du
décret du 12 décembre 1996, devront être supportées par la société défenderesse en sus de l'indemnité mise à sa charge sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Dans ses dernières écritures, la société R2E Conseil demande pour sa part à la cour de :
Statuant sur l'appel formé par M. [O] le 18 décembre 2020,
La recevant dans son appel incident,
A titre principal :
- infirmer le jugement en ce qu'il a dit et jugé les demandes de M. [O] recevables et partiellement justifiées et ainsi l'a condamnée à lui verser :
- 996,80 euros à titre de rappel de congés payés ;
- 250 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;
- 1.000 euros au titre de l'article 700 code de procédure civile
- infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de 50.080 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par des actes constitutifs de concurrence déloyale ;
- infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée aux entiers dépens ;
Et, statuant à nouveau, de :
- déclarer irrecevables comme prescrites les demandes de M. [O] de régularisation de congés payés portant sur des jours de congés antérieurs au 30 janvier 2016 ;
- rejeter comme mal fondées les demandes formulées par M. [O] à son encontre à hauteur de 3.702,53 euros (2.563,29 euros à titre subsidiaire) à titre de rappel de congés payés, 1.000 euros à titre de dommages et intérêts et 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
En conséquence :
- débouter M. [O] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;
- condamner M. [O] à lui verser la somme de 50.980 euros à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice causé par ses actes constitutifs de concurrence déloyale ;
- condamner M. [O] au versement de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure
civile ;
- condamner M. [O] aux éventuels dépens.
A titre subsidiaire :
- confirmer le jugement en ce qu'il a dit et jugé les demandes de M. [O] partiellement justifiées et ainsi l'a condamnée à lui verser :
- 996,80 euros à titre de rappel de congés payés ;
- 250 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;
- 1.000 euros au titre de l'article 700 code de procédure civile ;
Le réformant pour le surplus et statuant à nouveau :
- déclarer irrecevables comme prescrites les demandes de régularisation de M. [O] de congés payés portant sur des jours de congés antérieurs au 30 janvier 2016 ;
- infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de condamnation à 50.980 euros
de dommages intérêts en réparation du préjudice causé par des actes constitutifs de concurrence déloyale.
En conséquence :
- condamner M. [O] à lui verser la somme de 50.980 euros à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice causé par ses actes constitutifs de concurrence déloyale ;
- condamner M. [O] au versement de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure
civile.
Pour plus ample relation des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il y a lieu de se référer à la décision attaquée et aux dernières conclusions régulièrement notifiées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des dernières conclusions recevables des parties et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion contenue dans ces écritures mais qu'en revanche, elle ne statue pas sur des prétentions indéterminées, trop générales ou non personnalisées, ou non efficientes, notamment celles qui relèvent d'une reprise superfétatoire, dans le dispositif des conclusions d'une partie, de l'argumentaire (ou des moyens) contenu dans les motifs.
Sur la recevabilité de la demande de rappel de salaire au titre des congés payés :
Selon l'article L. 3245-1 du code du travail dans sa rédaction issue de la Loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 entrée en vigueur le 17 juin 2013 : 'L'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat'.
L'indemnité de congés payés qui s'acquiert mois par mois et constitue un élément de salaire à paiement différé, est soumise à ces délais de prescription.
En l'espèce la société R2E Conseil demande à la cour de déclarer irrecevables comme prescrites sur le fondement des dispositions de l'article L3245-1 du code travail, les indemnités compensatrices de congés payés antérieures au 30 janvier 2016.
Il ressort de l'exposé du litige du jugement déféré que la fin de non recevoir tirée de la prescription d'une partie des demandes de la salariée est présentée à hauteur de cour.
Au soutien de cette fin de non recevoir, la société R2E Conseil fait valoir que, 'le préavis de démission de Monsieur [O] étant arrivé à son terme le 17 janvier 2019, il ne peut donc solliciter un rappel de salaire de congés payés que concernant les sept samedis suivants : samedi 30 janvier 2016 ; samedi 17 août 2016 ; samedi 31 décembre 2016 ; samedi 27 mai 2017 ; samedi 4 novembre 2017 ; samedi 30 décembre 2017 ; samedi 17 mars 2018".
M. [D] [O] répond qu'il ne réclame pas le paiement d'une indemnité compensatrice de congés payés mais un rappel de salaire au titre des 26 jours de congés payés qui lui ont été retirés par la société R2E Conseil au mois d'octobre 2018 et qu'elle ne pouvait agir avant cette date.
Il ressort de la comparaison des fiches de paie des mois de septembre et d'octobre 2018 du salarié que l'employeur a effectivement opéré un retrait de 26 jour de congés payés au mois d'octobre 2018 (14 jours au titre de l'année N-1 et 12 jours au titre de l'année N).
Le salarié n'a donc eu connaissance de ce retrait qu'en recevant sa fiche de paie du mois d'octobre 2018, de sorte que le point de départ de la prescription a commencé à courir le 1er novembre 2018 et que le délai de prescription de trois ans de l'article L3245-1 du code du travail n'était pas expiré à la date de saisine du conseil des prud'hommes le 21 mai 2019.
D'autre part, il résulte d'un courrier de l'employeur du 17 décembre 2018 que tous les congés payés non pris par M. [O] à la fin du mois de mai de chaque année ont été automatiquement reportés sur les années suivantes et que le solde de congés payés duquel ont été retirés les 26 jours est constitué de ce cumul.
Par conséquent et contrairement à ce que soutient la société R2E Conseil, la demande de rappel de salaires sur congés payés porte uniquement sur les congés payés cumulés au mois d'octobre 2018 et non pas sur les congés payés des années antérieures.
S'agissant de sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat, la demande n'est pas prescrite.
Sur la demande de rappel de salaire au titre des congés payés :
Il résulte des dispositions de l'article L3141-3 du code du travail que le décompte des congés payés se fait en jours ouvrables, sauf disposition contraire plus favorable dans l'entreprise.
Il appartient à l'employeur, débiteur de l'obligation du paiement de l'intégralité de l'indemnité due au titre des congés payés, qui en conteste le nombre acquis, d'établir qu'il a exécuté son obligation
Par conséquent et contrairement à ce que soutient la société R2E Conseil, le jugement n'a pas inversé la charge de la preuve en exigeant qu'elle rapporte la preuve de l'erreur alléguée pour retirer 26 jours de congés payés au salarié.
Le contrat de travail stipule que M. [D] [O] bénéficie des congés payés légaux, soit 30 jours ouvrables ou 25 jours ouvrés par période du 1er juin au 31 mai de l'année suivante.
La société R2E Conseil soutient que, durant toute la relation de travail, 26 jours ouvrables - des samedis - n'ont pas été décomptés en congés payés par le logiciel de paie à M. [D] [O] et qu'en les retirant de la fiche de paie du mois octobre 2018, elle n'a fait que corriger cette erreur.
Elle précise que cette erreur n'a concerné que quelques salariés, dont M. [D] [O] et M. [N], autre salarié travaillant pour le compte du client [G] ayant démissionné pour être embauché par ce dernier.
L'employeur ne fournit aucune précision sur les circonstances de l'erreur de paramétrage du logiciel de paie dont il fait état et ne justifie pas non plus de cette erreur.
De la même façon, il n'explique pas dans quelles circonstances il s'en est aperçu et comment celle-ci a pu perdurer pendant 6 ans sans attirer son attention.
M. [D] [O] conteste l'existence d'une erreur et fait valoir qu'il existait un usage dans l'entreprise pour les salariés travaillant au sein de la société [G], non régulièrement dénoncé, consistant à ne pas décompter le samedi faisant suite à des congés payés lorsque le salarié reprenait le travail le lundi.
Le salarié verse aux débats un échange de courriels avec Mme [C] [J], en charge de l'établissement de la paie au sein de l'entreprise, dont il n'est pas constesté qu'elle était également Présidente de la société R2E Conseil depuis l'année 2004.
Il ressort de cette pièce que, le 6 février 2017, M. [R] [N] a interrogé Mme [J] ainsi : 'Je vous écris car j'ai une question sur les jours de congés.
Pouvez-vous m'expliquer le principe de décompte des jours de congés et plus précisément dans quel cas est décompté le samedi '
Par rapport à la situation, combien de jours de congés j'ai exactement par an '
Dans les exemples ci-dessous combien de jours me sont décomptés.
Exemple 1 : je prends le mercredi, jeudi et vendredi
3 jours ou 4 jours me sont décomptés '
Exemple 2 : je pose deux semaines entières consécutives
10 ou 11 jours me sont décomptés ''
À cette question, Mme [J] a répondu le même jour 'Pour répondre à vos questions :
1/ Droits à congés = 2,5 jours de congé par mois de travail effectué (151,67 h/mois)
2/ si vous prenez le mercredi, jeudi, vendredi et vous revenez le lundi d'après, le samedi n'est pas compté (trois jours décomptés)
3/ si vous posez deux semaines consécutives, du lundi au vendredi, et que vous revenez un lundi, le samedi à l'intérieur à l'intérieur de la période est compté (ce qui fait 11 jours).'
La société R2E Conseil soutient que Mme [J] n'avait pas de formation en droit du travail, et qu'elle s'est 'malencontreusement trompée concernant le décompte du samedi'.
Cependant, outre qu'il ne rapporte pas la preuve du manque de compétence de Mme [J], la qualité de présidente de cette dernière et la précision de sa réponse permettent d'écarter toute erreur commise en sa double qualité de responsable de la paie et d'employeur.
Enfin, le seul fait que les deux autres salariés travaillant pour la société [G] - MM. [S] et [N] - n'aient pas contesté 'la correction de l'erreur commise dans le décompte des congés payés' ne permet pas de rapporter la preuve de l'erreur invoquée par la société R2E Conseil.
La preuve de l'erreur invoquée par la société R2E Conseil n'étant pas rapportée, cette dernière doit être condamnée au paiement d'un rappel de salaire au titre des congés payés, sans qu'il soit nécessaire de statuer sur l'existence ou non de l'usage invoqué par le salarié.
Sur la base de 142,405 euros bruts, la cour condamne la société R2E Conseil à payer à M. [O] la somme de 3 702,53 euros.
Cette condamnation sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 21 mai 2019, date de convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation et d'orientation valant première mise en demeure dont il est justifié.
Le jugement déféré sera infirmé de ce chef.
Sur la demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail :
En application des articles 1134, devenu 1103 et 1104, du code civil et L.1221-1 du code du travail, l'employeur et les salariés sont tenus d'une obligation de loyauté et de bonne foi dans l'exécution du contrat de travail.
Au soutien de sa demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail M. [D] [O] fait valoir que l'employeur, en lui retirant 26 jours de congés payés en une seule et unique fois, l'a contraint à prendre sept jours de congés sans solde dans la mesure où il avait déjà pris ' des dispositions pour les fêtes de fin d'année'.
La société R2E Conseil conteste toute exécution déloyale du contrat de travail et fait valoir que M. [D] [O], informé de la rectification de son décompte de congés payés, aurait pu renoncer à prendre des jours de congés excédant le contingent de jours lui restant.
Il résulte des motifs ci-après que la société R2E Conseil a procédé sans avertissement préalable et de façon injustifiée au retrait de la totalité du solde de congés payés de M. [D] [O] au mois d'octobre 2018 ce qui caractérise une exécution déloyale du contrat de travail.
Il ressort également de la fiche de paie du mois de janvier 2019 que le salarié a pris 7 jours de congés sans solde au mois.
Cependant, M. [O] ne justifie pas avoir été contraint de prendre ces congés sans solde.
L'existence d'un préjudice distinct de celui d'ores et déjà réparé par les rappels de salaires au titre des congés payés n'étant pas démontré, la cour rejette la demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.
Le jugement déféré sera infirmé de ce chef.
Sur la demande de dommages-intérêts pour concurrence déloyale présentée par la société R2E Conseil :
Au soutien de sa demande de dommages et intérêts pour concurrence déloyale la société R2E Conseil soutient :
- que M. [D] [O] a postulé à deux reprises en juillet et septembre 2018 et a été embauché par la société [G], client de son employeur, avant la fin de son préavis
- que cette démarche active pour passer au service du client de son employeur en cours de mission constitue un manquement grave à l'obligation de loyauté inhérente au contrat de travail
- que la société [G] représentait une grosse partie de son chiffre d'affaires
- que M. [D] [O] et deux autres salariés spécialistes des activités de signalisation ferroviaire ont été sollicités par la société [G] pour rejoindre ses effectifs en violation de la clause de non stipulée dans le contrat de sous-traitance liant les deux sociétés
- qu'informée de cette sollicitation, elle a écrit à M. [D] [O] le 11 octobre 2018 pour lui rappeler qu'une embauche par la société [G] serait illicite et qu'elle lui a également rappelé ses obligations par courrier du 5 novembre 2018
- que M. [D] [O] a néanmoins poursuivi son projet d'embauche
- que par jugement du 10 mai 2021, devenu définitif, le tribunal de commerce de Paris a condamné la société [G] pour débauchage illicite et que M. [D] [O] a participé activement et de concert à ce débauchage illicite
- que 'le préjudice global causé par le débauchage illicite et, a fortiori, l'exécution déloyale de M. [O] peut se décomposer comme suit' :
- perte de chiffre d'affaires spécifique du client [G] (projet TVM430) en raison de la fin anticipée de la mission confiée à M. [D] [O] chez ce client à hauteur de 64 jours non effectués, soit 28 282 euros hors-taxes plus 2 652 euros correspondant à la remise appliquée sur cette mission
- perte de chiffre d'affaires du client [G] au titre des activités de validation et tests des systèmes ferroviaires et perte de marché désormais réalisé directement par M. [D] [O] chez ce client
- coût de recherche, sélection, recrutement et formation d'un nouveau consultant et de la désorganisation interne générés par la démission de M. [D] [O].
La cour relève tout d'abord qu'elle n'est saisie par le dispositif des conclusions de la société R2E Conseil que d'une demande de dommages et intérêts pour concurrence déloyale et non pas d'une demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.
Par conséquent, les moyens tirés du manquement du salarié à son obligation de loyauté s'avèrent inopérants.
La cour relève ensuite que la nullité de la clause stipulée à l'article 9 du contrat de travail qui prévoit que : 'A la cessation du présent contrat, quelle qu'en soit la cause et quelle que soit la partie à laquelle il serait imputable, l'employé s'engage expressément, pendant une période de 12 mois à compter de son départ effectif de la société, à ne pas entretenir quelque relation professionnelle que ce soit directement ou indirectement, avec les clients de la société pour lesquels il aura accompli des missions au cours des 12 mois précédant son départ de l'entreprise.', qui constitue une clause de non-concurrence dénuée de contrepartie financière, n'est pas véritablement discutée.
En outre, comme le fait justement valoir M. [D] [O], le fait de se faire embaucher par le client de son ancien employeur chez qui il était précédemment affecté ne suffit pas à caractériser un acte de concurrence déloyale de la part du salarié.
En conséquence la cour, confirmant le jugement de ce chef, rejette la demande de dommages et intérêts pour concurrence déloyale.
Sur les demandes accessoires :
Partie perdante, la société R2E Conseil supportera la charge des dépens de première instance et d'appel, en ce non compris les frais d'exécution forcée.
Par ailleurs, M. [D] [O] a dû pour la présente instance exposer tant en première instance qu'en appel des frais de procédure et honoraires non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser intégralement à sa charge.
Il y a donc lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société R2E Conseil à lui payer la somme de 1 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, et de condamner cet employeur à lui payer sur le même fondement une indemnité de 1 500 euros au titre des frais qu'il a dû exposer en appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,
CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a :
- rejeté la demande de dommages et intérêts pour concurrence déloyale ;
- condamné la société R2E Conseil à payer à M. [D] [O] la somme de
1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;
INFIRME le jugement en toutes ses autres dispositions et, statuant à nouveau et y ajoutant :
REJETTE la fin de non recevoir tirée de la prescription des demandes de rappels de salaires au titre des congés payés portant sur la période antérieure au 30 janvier 2016 ;
CONDAMNE la société R2E Conseil à payer à M. [D] [O] la somme de 3 702,53 euros à titre des rappels de salaires au titre des congés payés ;
REJETTE la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;
DIT que les sommes allouées supporteront, s'il y a lieu, le prélèvement des cotisations et contributions sociales ;
CONDAMNE la société R2E Conseil à payer à M. [D] [O] la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la société R2E Conseil aux entiers dépens de première instance et d'appel, en ce non compris les frais d'exécution forcée ;
DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.
Le greffier, Le Président,
N. BELAROUI C. RUIN