La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/06/2023 | FRANCE | N°21/00442

France | France, Cour d'appel de Riom, Chambre sociale, 20 juin 2023, 21/00442


20 JUIN 2023



Arrêt n°

SN/NB/NS



Dossier N° RG 21/00442 - N° Portalis DBVU-V-B7F-FRQO



[U] [R]



/



S.A.S. SPORT MODE





jugement au fond, origine conseil de prud'hommes - formation paritaire de vichy, décision attaquée en date du 04 février 2021, enregistrée sous le n° f 20/00030

Arrêt rendu ce VINGT JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d'Appel de RIOM, composée lors des débats et du délibéré de :



M. Christophe RUIN,

Président



Mme Sophie NOIR, Conseiller



Mme Karine VALLEE, Conseiller



En présence de Mme Séverine BOUDRY greffier lors des débats et de Mme Nadia BELAROUI g...

20 JUIN 2023

Arrêt n°

SN/NB/NS

Dossier N° RG 21/00442 - N° Portalis DBVU-V-B7F-FRQO

[U] [R]

/

S.A.S. SPORT MODE

jugement au fond, origine conseil de prud'hommes - formation paritaire de vichy, décision attaquée en date du 04 février 2021, enregistrée sous le n° f 20/00030

Arrêt rendu ce VINGT JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d'Appel de RIOM, composée lors des débats et du délibéré de :

M. Christophe RUIN, Président

Mme Sophie NOIR, Conseiller

Mme Karine VALLEE, Conseiller

En présence de Mme Séverine BOUDRY greffier lors des débats et de Mme Nadia BELAROUI greffier lors du prononcé

ENTRE :

Mme [U] [R]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Chloé BARGOIN, avocat au barreau de CUSSET/VICHY

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2021/002103 du 09/04/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de CLERMONT-FERRAND)

APPELANTE

ET :

S.A.S. SPORT MODE

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Anaïs LADOUL, avocat suppléant Me Antoine PORTAL, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

INTIMEE

M. RUIN, Président et Mme NOIR, Conseiller après avoir entendu, Mme NOIR, Conseiller en son rapport, à l'audience publique du 24 avril 2022, tenue par ces deux magistrats, sans qu'ils ne s'y soient opposés, les représentants des parties en leurs explications, en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré après avoir informé les parties que l'arrêt serait prononcé, ce jour, par mise à disposition au greffe conformément aux dispositions de l'article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE

Mme [R] a été embauchée par la Sas Sport Mode à compter du 17 avril 2000 en qualité de vendeuse, 1er échelon, coefficient 140, par contrat de travail à durée indéterminée à temps complet.

La convention collective applicable à la relation de travail est la Convention Collective Nationale des Commerces de Sport et Équipements de Loisirs.

Au cours de l'année 2008, Mme [R] a subi deux interventions chirurgicales au niveau du rachis et a été placée en arrêt de travail pendant un an.

Le 20 octobre 2018, Mme [R] a été placée en arrêt de travail en raison d'un accident, pris en charge par la CPAM au titre de la législation sur les risques professionnels.

À l'issue de cet arrêt de travail prorogé à plusieurs reprises jusqu'au 3 mars 2019, la salariée a été déclarée inapte à son poste d'hôtesse de caisse vendeuse par le médecin du travail le 4 mars 2019 aux termes d'un avis mentionnant que son état de santé faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi.

Le 26 mars 2019, Mme [R] a été convoquée à un entretien préalable à licenciement, fixé au 2 avril 2019.

Mme [R] a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement par lettre recommandée avec accusé réception du 9 avril 2019.

L'employeur ayant refusé le paiement des indemnités spéciales prévues en cas de licenciement pour inaptitude consécutive à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, Mme [R] a saisi la formation de référé du conseil des prud'hommes de Vichy le 28 novembre 2019 de demandes de rappel d'indemnité spéciale de licenciement, d'indemnité compensatrice et de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi.

Par ordonnance du 7 janvier 2020, la formation des référés du conseil des prud'hommes de Vichy s'est déclarée incompétente au motif de l'existence de contestations sérieuses.

Le 12 mars 2020, Mme [R] a saisi le conseil des prud'hommes de Vichy pour contester le bien fondé de son licenciement et obtenir le paiement de différentes indemnités.

Par jugement du 4 février 2021, le conseil des prud'hommes de Vichy a :

- dit que le licenciement pour inaptitude de Mme [R] est parfaitement fondé ;

- dit que l'inaptitude est d'origine personnelle ;

- dit que la société Sport Mode a rempli ses obligations concernant les indemnités spécifiques dues à Mme [R] au titre de la rupture de son contrat de travail ;

En conséquence,

- débouté Mme [R] de l'ensemble de ses demandes ;

- débouté la société Sport Mode de sa demande reconventionnelle ;

- dit n'y avoir lieu au prononcé de l'exécution provisoire ;

- condamné Mme [R] aux entiers dépens.

Mme [R] a interjeté appel de ce jugement le 23 février 2021.

Vu les conclusions notifiées à la cour le 19 juillet 2021 par Mme [R] ;

Vu les conclusions notifiées à la cour le 15 juin 2021 par la Sas Sport Mode ;

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 27 mars 2023.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions, Mme [R] demande à la cour :

- juger recevable et bien fondé son appel interjeté à l'encontre du jugement rendu par le Conseil des prud'hommes de Vichy le 4 février 2021 ;

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Sport Mode de sa demande reconventionnelle visant à la voir condamner à lui verser la somme de 1 euro symbolique en réparation du préjudice matériel et d'image de la société ;

- réformer le jugement entrepris pour le surplus ;

Et statuant à nouveau,

- juger que le licenciement pour inaptitude de Mme [R] est mal fondé ;

En conséquence,

- condamner la société Sport Mode à lui verser les sommes suivantes :

- 2.984,91 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

- 298,49 euros au titre des congés payés afférents ;

- 14.427,06 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- juger que la société Sport Mode n'a pas rempli ses obligations concernant les indemnités spécifiques dues au titre de la rupture de son contrat de travail, celle-ci découlant d'une inaptitude d'origine professionnelle ;

En conséquence,

- condamner la société Sport Mode à lui verser les sommes suivantes :

- 7.270,33 euros au titre du doublement de l'indemnité de licenciement ;

- 1.989,94 euros à titre d'indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis, si toutefois le Conseil devait ne pas allouer l'indemnité compensatrice de préavis au titre du mal fondé du licenciement ;

- 198,99 euros au titre des congés payés afférents ;

- 2.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la violation du régime spécifique ;

- condamner la société Sport Mode à payer et porter à Maitre Bargoin la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- débouter la société Sport Mode de sa demande formulée au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner la société Sport Mode aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Dans ses dernières conclusions, la Sas Sport Mode demande à la cour de :

- confirmer le jugement du conseil des prud'hommes de Vichy du 04 février 2021 en ce qu'il a :

- dit que le licenciement pour inaptitude de Mme [R] est parfaitement fondé ;

- dit que l'inaptitude est d'origine personnelle ;

- dit que la société Sport Mode a rempli ses obligations concernant les indemnités spécifiques dues à Mme [R] au titre de la rupture de son contrat de travail ;

En conséquence,

- débouté Mme [R] de l'ensemble de ses demandes ;

- débouté la société Sport Mode de sa demande reconventionnelle ;

- dit n'y avoir lieu au prononcé de l'exécution provisoire ;

- condamné Mme [R] aux entiers dépens.

Statuant à nouveau,

Sur l'origine de l'inaptitude,

- dire et juger que l'accident du travail du 20 octobre 2018 n'a aucun lien avec l'inaptitude de Mme [R] ;

- dire et juger que la société Sport Mode ne pouvait pas avoir connaissance du caractère professionnel de l'inaptitude de Mme [R] au moment du licenciement ;

- dire et juger que l'inaptitude de Mme [R] a une origine non professionnelle ;

En conséquence,

- débouter Mme [R] de l'ensemble de ses demandes ;

Sur le licenciement,

- dire et juger que la société Sport Mode a adapté le poste de travail de Mme [R] conformément aux préconisations médicales ;

- dire et juger que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse tirée de l'inaptitude médicalement constatée avec impossibilité de reclassement ;

Sur les conséquences indemnitaires de la rupture du contrat,

- dire et juger que la procédure de licenciement pour inaptitude a été respectée ; 

- dire et juger que l'indemnité spéciale n'est cumulable avec aucune autre indemnité ;

En conséquence,

- débouter Mme [R] de sa demande du versement d'une indemnité de licenciement doublée et d'une indemnité compensatrice de préavis ;

- débouter Mme [R] de sa demande de requalification du licenciement pour cause réelle et sérieuse en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- débouter Mme [R] de sa demande indemnitaire pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; subsidiairement, allouer l'indemnisation minimale de 3 mois en application du barème de l'article L.1235-3 du Code du travail ;

- débouter Mme [R] de sa demande indemnitaire pour non-respect du régime spécifique à l'inaptitude professionnelle ;

En toute hypothèse,

- débouter Mme [R] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions ;

- condamner Mme [R] à lui verser une somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire la cour rappelle :

- qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des dernières conclusions recevables des parties et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion contenue dans ces écritures

- les demandes de 'constater' ou de 'dire et juger' lorsqu'elles ne constituent pas des prétentions mais des rappels de moyens, ne saisissent la cour d'aucune prétention, la cour ne pouvant alors que confirmer le jugement.

Sur le licenciement :

Le licenciement pour inaptitude est dépourvu de cause réelle et sérieuse lorsqu'il est démontré que l' inaptitude était consécutive à un manquement préalable de l'employeur qui l'a provoquée.

En l'espèce, Mme [U] [R] soutient que l'accident du travail dont elle a été victime le 20 octobre 2018, à l'origine de son inaptitude, est lié au refus de l'employeur d'aménager son poste de travail conformément aux préconisations du médecin du travail.

De façon plus précise, elle soutient :

- que le 20 octobre 2018, elle a voulu pousser un carton rempli de cintres posé sous la caisse au niveau de ses pieds qui la gênait et s'est alors blessée en se baissant

- qu'en raison de ses problèmes de dos, le médecin du travail avait préconisé différents aménagements et notamment la mise en place d'un fauteuil afin qu'elle puisse s'asseoir de temps en temps, l'interdiction de port de charges lourdes et des mouvements d'antéflexion et de rotation du rachis

- que la société Sport Mode ne lui a jamais fourni de siège adapté malgré ses demandes

- que faute de mieux, elle a fini par ' bricoler elle-même une chaise de bar à laquelle elle coupait les pieds à la bonne hauteur de caisse pour pouvoir de temps en temps s'asseoir' mais que cette posture demeurait particulièrement inconfortable

- que cette situation a perduré jusqu'à la rupture du contrat de travail, l'employeur ayant refusé de lui fournir un siège adapté assis/debout

- que pour éviter les mouvements du rachis proscrits par le médecin du travail, elle a également acheté à ses frais un crochet pour mettre les sacs à hauteur mais que, faute d'aménagement, les cintres sont quant à eux demeurés à terre dans un carton

- que l'employeur ne démontre pas avoir adapté son poste de travail hormis la mise à hauteur de l'étagère à badgeuse/antivol.

La société Sport Mode soutient que l'inaptitude n'est pas en lien avec l'accident du travail du 20 octobre 2018 qu'elle attribue à la pathologie dont souffrait la salariée depuis des années, laquelle lui causait d'importants maux de dos.

Elle conteste également tout manquement fautif à l'origine de ' l'arrêt de travail'.

Elle ajoute :

- que Mme [U] [R] a subi deux interventions chirurgicales en 2008 qui l'ont conduite à être absente pendant une année

- que suite à son retour et à l'avis d'aptitude avec préconisations du médecin du travail, elle a réduit la durée du travail à 20 heures par semaine soit 4 heures par jour et a mis en 'uvre toutes les mesures préconisées afin d'adapter le poste de sa salariée en en modifiant la configuration en installant un siège à sa disposition et en réglant la hauteur de son poste de travail

- que Mme [U] [R] ne rapporte pas la preuve de l'inadaptation de ses outils de travail

- qu'elle a toujours été en contact rapproché avec la médecine du travail

- que la présence d'un carton de cintres traités à proximité du poste de travail de la salariée n'était pas inhabituelle et qu'elle a donc commis aucune faute

- que contrairement à ce que soutient la salariée, le faux mouvement effectué n'était pas absolument inévitable puisque Mme [R] ne s'est jamais vue imposer ce type de mouvement qui était contre-indiqué par le médecin du travail, qu'elle n'a jamais reçu l'ordre de déplacer ce carton et que la direction lui avait au contraire formellement interdit de manipuler les cartons pour respecter les préconisations du médecin du travail

- que l'ensemble du personnel était conscient des problèmes de santé de Mme [R] et qu'il ' était évident qu'en cas de besoin, la salariée pouvait solliciter l'aide de ses collègues de travail'

- que malgré les contre-indications médicales dont la salariée avait parfaitement conscience, celle-ci a sciemment effectué un mouvement qui ne lui avait pas été demandé et pour lequel elle pouvait solliciter de l'aide, manquant ainsi à l'obligation imposée par l'article L 4122-1 du code du travail.

Il résulte des éléments versés aux débats que Mme [U] [R] souffrait depuis plusieurs années et même avant son embauche par la société Sport Mode, d'une scoliose dorso lombaire évolutive l'ayant conduite à subir une arthrodèse antérieure le 20 avril 1998 et une nouvelle opération (reprise et greffe osseuse) le 30 avril et le 17 juin 2008.

Il n'est pas contesté que cette maladie avait contraint la salariée à plusieurs arrêts de travail avant l'accident du travail du 20 octobre 2018.

Les nombreux avis d'aptitude du médecin du travail et le dossier médical de Mme [U] [R] auprès de la médecine du travail produits en pièces 18 et 19 par la salariée démontrent qu'à partir du 24 novembre 2008 le médecin du travail a régulièrement préconisé un aménagement du poste de travail sous la forme :

- de contre-indications : port de charges lourdes, passage de l'aspirateur ou du balai, mouvements d'antéflexion et de rotation du rachis,

- de préconisations : réduction de la durée du travail, possibilité de s'asseoir de temps en temps, siège confortable (visites médicales du 10 octobre 2011, du 12 octobre 2012 du 14 novembre 2013), fourniture d'un siège ergonomique (visite médicale du 29 juillet 2015).

Lors de la visite médicale du 12 octobre 2012 le médecin du travail a relevé que le poste de travail avait été aménagé par le rehaussement des tablettes mais qu'en revanche, le siège de la salariée n'avait pas été changé.

Lors de la visite médicale le 14 novembre 2013, le médecin du travail a indiqué que la salariée avait ' toujours un siège inconfortable' et a précisé qu'il serait souhaitable de changer le siège actuel.

Il ressort du certificat du Docteur [H] [Z], médecin généraliste, daté du 18 mars 2021 que Mme [U] [R] conservait les dorsolombalgies récidivantes et qu'elle a été victime, le 20 octobre 2018, d'un lumbago aigu après manipulation d'un carton de cintres sur son lieu de travail.

Il est constant que ce carton contenait des cintres traités en caisse, qu'il faisait partie du poste de travail de Mme [U] [R] et qu'il était positionné au niveau du sol à proximité de la caisse, ce de façon habituelle.

La société Sport Mode reconnaît également que le mouvement effectué par la salariée en se baissant pour dégager le carton de cintres positionné sous la caisse, était contre indiqué par le médecin du travail.

Or, elle ne justifie pas des mesures prises pour éviter à Mme [U] [R] d'avoir à se baisser pour atteindre ce carton contenant des cintres, quelle qu'en soit la raison, et pour respecter ainsi les préconisations du médecin du travail contre indiquant les mouvements d'antéflexion et de rotation du rachis.

En effet :

- la fiche d'entreprise mentionnant que 'la caisse a été aménagée en tenant compte des préconisations du médecin du travail (adaptation du poste pour la TH)' visée par le médecin du travail est datée du 30 octobre 2012, c'est-à-dire près de six ans avant l'accident du travail

- l'attestation de M. [V], directeur du magasin sport 2000 de [Localité 4], dans laquelle ce dernier indique avoir ' clairement dit' à Mme [U] [R] de ne pas porter de carton et de l'appeler en cas de besoin n'est corroborée par aucun élément.

Le non respect par l'employeur des préconisations du médecin du travail est ainsi démontré.

En revanche, même s'il est constant que l'inaptitude a été prononcée à l'issue des arrêts de travail qui se sont succédés sans discontinuer depuis l'accident du travail du 20 octobre 2018, le dossier de Mme [U] [R] auprès de la médecin du travail ne comporte pas les compte-rendus des visites médicales postérieures au 15 octobre 2015, et notamment celui de la visite de reprise qui aurait permis de connaître les éléments médicaux retenus pour déclarer Mme [R] inapte à son poste.

De même, les pièces versées aux débats ne permettent pas de démontrer que l'inaptitude résulte, même partiellement, du non respect par l'employeur des préconisations du médecin du travail et notamment de l'absence de fourniture d'un siège ergonomique.

En conséquence la cour, confirmant le jugement de ce chef, dit que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse et rejette les demandes d'indemnité compensatrice de préavis et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les demandes indemnitaires :

Selon l'article L1226-14, le salarié le salarié reconnu inapte à reprendre, à l'issue d'une période de suspension provoquée par un accident du travail ou une maladie professionnelle, l'emploi occupé précédemment et dont le contrat de travail a été rompu peu prétendre à une indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L1234-5 soit un mois pour une ancienneté de six mois à deux ans et deux mois à partir de deux ans.

Il résulte de l'article L 1226-16 du code du travail que cette indemnité est calculée sur la base du salaire moyen qui aurait été perçu par l'intéressé au cours des trois derniers mois s'il avait continué à travailler au poste qu'il occupait avant la suspension du contrat de travail provoqué par l'accident du travail ou la maladie professionnelle en incluant le taux personnel, les primes, les avantages de toute nature, les indemnités et les gratifications qui composent le revenu.

En application de l'article L1226-14, le salarié licencié pour impossibilité de reclassement suite à inaptitude d'origine professionnelle a droit, sauf dispositions conventionnelles plus favorables non invoquées en l'espèce, à une indemnité spéciale de licenciement égale au double de l'indemnité de licenciement de l'article L 1234-9.

Cette indemnité est versée sans condition d'ancienneté dans l'entreprise.

Il résulte de l'article L 1226-16 du code du travail que cette indemnité spéciale est calculée sur la base du salaire moyen qui aurait été perçu par l'intéressé au cours des trois derniers mois s'il avait continué à travailler au poste qu'il occupait avant la suspension du contrat de travail provoqué par l'accident du travail ou la maladie professionnelle en incluant le taux personnel, les primes, les avantages de toute nature, les indemnités et les gratifications qui composent le revenu.

L'ancienneté se calcule en tenant compte de la durée du préavis, même s'il n'a pas été effectué par suite de l'inaptitude d'origine professionnelle.

En l'espèce, il est constant que Mme [U] [R] a été déclarée inapte à son poste aux termes d'arrêts de travail qui se sont succédés sans discontinuer depuis l'accident du travail du 20 octobre 2018.

La société Sport Mode était parfaitement informée de l'origine professionnelle de l'inaptitude puisqu'elle a effectué une déclaration d'accident du travail le 22 octobre 2018 et qu'elle a été destinataire des avis d'arrêts de travail pour accident du travail.

En conséquence, Mme [U] [R] peut prétendre à une indemnité compensatrice à hauteur de la somme, non discutée, de 1 989,94 euros.

L'indemnité prévue par l'article L 1226-14 n'ayant pas la nature d'une indemnité de préavis et n'ouvrant pas droit à congés payés, la demande à ce titre sera en revanche rejetée.

S'agissant du montant de l'indemnité spéciale, la société Sport Mode soutient que le calcul de Mme [U] [R] est erroné dans la mesure où cette dernière ne déduit pas ses nombreuses absences pour maladie de la base de calcul, contrairement à ce qui est prévu par l'article L1234-11 du code du travail.

Toutefois, l'article L 1234-11 du code du travail concerne la détermination de la durée d'ancienneté exigée pour bénéficier de l'indemnité légale de licenciement et non pas le montant de cette indemnité.

Le calcul détaillé en pièce 17 par Mme [U] [R] n'étant pas autrement critiqué, la société Sport Mode sera condamnée à payer à la salariée la somme de 7 270,33 euros à titre de rappel d'indemnité spéciale de licenciement.

Le jugement déféré sera infirmé de ces chefs.

Enfin, Mme [U] [R] sollicite la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par le refus abusif de la société Sport Mode de lui payer l'indemnité compensatrice et l'indemnité spéciale de licenciement en dépit de ses demandes.

Cependant, comme le fait justement valoir la société Sport Mode, Mme [R] ne rapporte pas la preuve de son préjudice par le seul décompte de ses prestations de rente invalidité du 23 février 2021.

En conséquence la cour, confirmant le jugement de ce chef, rejette cette demande de dommages et intérêts.

Sur la demande de dommages et intérêts présentée par la société Sport Mode :

La société Sport Mode ne demandant pas l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice matériel et d'image de la société, le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur les demandes accessoires :

Partie perdante, la société Sport Mode supportera la charge des dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés conformément à la Loi sur l'aide juridique.

Mme [U] [R] étant bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle de 55% en cause d'appel, la société Sport Mode sera condamnée à payer à Maître Chloé Bargoin, avocat au barreau de Vichy, la somme de 1800 euros à charge pour cette dernière de renoncer dans les conditions prévues par l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, en cas de règlement effectif de cette indemnité, à percevoir l'indemnité d'aide juridictionnelle à laquelle elle pourrait sinon prétendre dans le cadre de cette procédure d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

CONFIRME le jugement déféré SAUF en ce qu'il a :

- rejeté les demandes de paiement d'une indemnité compensatrice et d'une indemnité spéciale de licenciement ;

- condamné Mme [U] [R] aux dépens ;

INFIRME le jugement de ces chefs et, statuant à nouveau et y ajoutant :

CONDAMNE la société Sport Mode à payer à Mme [U] [R] les sommes suivantes :

- 1 989,94 euros à titre d'indemnité compensatrice ;

- 7 270,33 euros à titre de rappel d'indemnité spéciale de licenciement ;

DIT que les sommes allouées supporteront, s'il y a lieu, le prélèvement des cotisations et contributions sociales ;

CONDAMNE la société Sport Mode à payer à Maître Chloé Bargoin, avocate au barreau de Vichy, une indemnité de 1800 euros en application du 2° de l'article 700 du code de procédure civile ;

DIT qu'en cas de règlement effectif de cette indemnité, Maître Chloé Bargoin devra renoncer, dans les conditions prévues par l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à percevoir l'indemnité d'aide juridictionnelle à laquelle elle pourrait sinon prétendre dans le cadre de cette procédure d'appel ;

CONDAMNE la société Sport Mode aux entiers dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément à la Loi sur l'aide juridique ;

DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.

Le greffier, Le Président,

N. BELAROUI C. RUIN


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Riom
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/00442
Date de la décision : 20/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-20;21.00442 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award