La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/06/2024 | FRANCE | N°21/01552

France | France, Cour d'appel de Riom, Chambre sociale, 18 juin 2024, 21/01552


18 JUIN 2024



Arrêt n°

ChR/NB/NS



Dossier N° RG 21/01552 - N° Portalis DBVU-V-B7F-FUMO



S.A.S. COLISEE FRANCE venant aux droits de la société CLINIQUE [6]





/



[K] [U]





jugement au fond, origine conseil de prud'hommes - formation paritaire d'aurillac, décision attaquée en date du 15 juin 2021, enregistrée sous le n° f20/00035

Arrêt rendu ce DIX HUIT JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d'Appel de RIOM, composée lors des dé

bats et du délibéré de :



M. Christophe RUIN, Président



Mme Sophie NOIR, Conseiller



Mme Karine VALLEE, Conseiller



En présence de Mme Nadia BELARO...

18 JUIN 2024

Arrêt n°

ChR/NB/NS

Dossier N° RG 21/01552 - N° Portalis DBVU-V-B7F-FUMO

S.A.S. COLISEE FRANCE venant aux droits de la société CLINIQUE [6]

/

[K] [U]

jugement au fond, origine conseil de prud'hommes - formation paritaire d'aurillac, décision attaquée en date du 15 juin 2021, enregistrée sous le n° f20/00035

Arrêt rendu ce DIX HUIT JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d'Appel de RIOM, composée lors des débats et du délibéré de :

M. Christophe RUIN, Président

Mme Sophie NOIR, Conseiller

Mme Karine VALLEE, Conseiller

En présence de Mme Nadia BELAROUI greffier lors des débats et du prononcé

ENTRE :

S.A.S. COLISEE FRANCE venant aux droits de la société CLINIQUE [6] suite à fusion absorption

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Elise MARNAT, avocat suppléant Me Barbara GUTTON PERRIN de la SELARL LX RIOM-CLERMONT, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND, avocat constitué, substitué par Me Laurie ROUXEL, avocat suppléant Me Denis FERRE de la SELARL ABEILLE & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE, avocat plaidant

APPELANTE

ET :

Mme [K] [U]

[Adresse 7]

[Localité 9]

Représentée par Me Chloé MAISONNEUVE-GATINIOL, avocat suppléant Me Anne JEAN de la SCP TEILLOT & ASSOCIES, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

INTIME

M. RUIN, Président et Mme NOIR, Conseiller après avoir entendu, M. RUIN, Président en son rapport, à l'audience publique du 02 avril 2024 , tenue par ces deux magistrats, sans qu'ils ne s'y soient opposés, les représentants des parties en leurs explications, en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré après avoir informé les parties que l'arrêt serait prononcé, ce jour, par mise à disposition au greffe conformément aux dispositions de l'article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE

La SAS CLINIQUE [6], immatriculée au RCS de BORDEAUX sous le numéro 406 120 014, exploitait un établissement de soins à [Localité 9] (15).

Madame [K] [U], née le 24 mars 1964, a été embauchée à compter du 1er septembre 1992 par la société CLINIQUE [6], selon un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet, en qualité d'agent de service hospitalier. La salariée a été affectée au sein de la Clinique [6] qui est un établissement de soins de suite et réadaptation situé à [Localité 9], qui dispose d'une capacité d'accueil de 60 places en médecine et soins de suite et réadaptation, qui accueille des personnes vulnérables qui doivent bénéficier d'un traitement adapté, qui fonctionne 24h/24, tous les jours de l'année, pour assurer une continuité dans les soins et apporter l'accompagnement nécessaire à ses résidents.

À compter du 1er février 1996, Madame [K] [U] a assuré des fonctions de secrétaire médicale, puis à partir de l'année 2005, elle a occupé le poste de secrétaire TIM PMSI.

À compter du mois d'août 2007, Madame [K] [U] a exercé les fonctions de responsable qualité, statut technicien filière administrative et générale SSR, position II, échelon ATHQA, coefficient 290 de la convention collective nationale de l'hospitalisation privée du 18 avril 2002 et son annexe médico-sociale du 10 décembre 2002.

Le 19 septembre 2018, la société CLINIQUE [6] a été rachetée par le groupe COLISEE, acteur européen d'accueil et de soins aux personnes âgées. La Société COLISEE FRANCE, société par actions simplifiée, immatriculée au RCS de BORDEAUX sous le numéro 480 080 969, dont le siège social est sis [Adresse 2], est venue aux droits de la société CLINIQUE [6] comme employeur de Madame [K] [U].

Par courrier daté du 17 avril 2020, Madame [K] [U] a été convoquée par la SAS COLISEE FRANCE à un entretien préalable à une éventuelle sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'à un licenciement. L'entretien s'est déroulé en visio-conférence le 30 avril 2020, en raison de la pandémie de la COVID-19.

Par courrier recommandé avec avis de réception en date du 25 mai 2020, la SAS COLISEE FRANCE a licencié Madame [K] [U] pour faute grave.

Le courrier de notification du licenciement est ainsi libellé :

'Vous êtes employée à durée indéterminée au sein de notre établissement depuis le 1er septembre 1992 en qualité d'agent de service hospitalier et depuis décembre 2007 en tant que Responsable Qualité.

A ce titre, et au regard de vos fonctions, vous occupez une fonction essentielle au sein de notre organisation puisque vous êtes notamment chargée de piloter la mise en 'uvre de la politique qualité-gestion des risques dans le cadre de la stratégie de l'établissement, et de garantir la conformité aux référentiels par rapport aux exigences et aux réglementations en vigueur.

Vos missions principales sont :

- Le Management par la qualité en contribuant :

o À la conception de la politique qualité et gestion des risques et du programme jusqu'à à sa mise en 'uvre en relation avec les différents responsables des services, responsables des instances et pilotes de groupe.

o La coordination des actions de sensibilisation et de formation à la qualité et à la gestion des risques dans tous les services

o Au développement, suivi et bonne tenue de la gestion documentaire informatisée et au développement de la culture qualité par le signalement des évènements indésirables

o Coordonnant, avec la conférence Médicale d'Etablissement, les actions d'évaluation des pratiques professionnelles et des audits qualité en interne avec suivi des résultats en lien avec les services de soins et administratifs.

- Le Management des risques par la mise en place d'un programme de gestion des risques dans l'établissement via une cartographie des risques actualisée continuellement

- Préparer et suivre les démarches liées à la certification de l'établissement avec la Haute Autorité de Santé (HAS)

Or, nous avons déploré dans le cadre de l'exercice de votre activité, des graves manquements professionnels mettant en péril la pérennité de notre activité.

En effet, le 20 mars 2020 nous avons réceptionné les conclusions de la Haute Autorité de Santé suite à l'audit de certification de notre activité réalisée du 14 au 17 janvier 2020. Ces conclusions sont désastreuses et nous y notons des carences majeures relevés par des experts visiteurs de la Haute Autorité de Santé, sur le Management Qualité et Gestion des Risques de notre Etablissement.

Les premières conclusions indiquent une mise en péril de l'activité et sécurisation des parcours de soins par l'identification de nombreux points de non-conformité, tels qu'indiqués sur le rapport et qui relèvent de votre champ de responsabilité :

1. La démarche d'identification des risques initiée a abouti à la réalisation d'une identification partielle des risques. L'identification des risques réalisée sans méthode ne prend pas toujours en compte les aspects réglementaires et les travaux d'identification des risques ne sont pas finalisées ou à jour. Les actions de prévention, d'atténuation et de hiérarchisation des risques ne sont pas totalement définies.

2. Il n'existe pas de programme de formation des professionnels concernés dans le domaine de la qualité, gestion des risques, gestion des événements indésirables (EI) et des événements indésirables graves (EIG). De fait, tous les professionnels concernés ne sont pas formés à la démarche qualité-gestion des risques, incluant le processus de hiérarchisation et d'analyse des causes, les techniques d'investigation et de traitement des événements indésirables, événements indésirables graves. Les sensibilisations à la démarche qualité ne sont pas toujours structurées, les informations et sensibilisations sont majoritairement ponctuelles, orales, ce qui nuit à l'appropriation du dispositif.

3. Les actions d'atténuation des risques (et risques majeurs), leur l'analyse de la conformité à la réglementation ainsi que les dysfonctionnements, ne sont pas suffisamment définies et déclinés dans le plan d'actions du Plan d'Action Qualité et Sécurité des Soins (PAQSS) ;

4. La procédure de gestion documentaire mise à jour en septembre 2019 ne correspond pas à ce qui est constaté sur le terrain et en gestion documentaire informatisée :

' Des documents ne sont pas revus depuis 2012 (signalement externe d'une infection nosocomiale par exemple), voir datent de 2010, bien que la procédure sur les procédures prévoit une révision tous les quatre ans,

' La mise à jour des classeurs papier dans les services n'est pas connue des professionnels : on trouve dans le manuel qualité datant de 2019 la précision que la diffusion des documents est assurée soit par les pilotes de processus soit par la responsable qualité, mais les équipes ne connaissent pas l'organisation nécessaire à la mise à jour des classeurs, car elle n'est pas prévue dans la procédure des procédures,

' Le suivi de lecture de nouveaux documents intégrés dans la Gestion Electronique des Documents (GED) est partiellement assuré,

' La non maîtrise documentaire ne permet pas de garantir l'accès aux professionnels à des documents validés et à des pratiques issues de recommandations de bonnes pratiques qui les concernent,

' Les compte-rendu sont peu diffusés, notamment ceux des instances et des groupes de travail, le personnel est donc sans aucune connaissance des décisions prises en instances depuis un temps non connu.

5. Défaut de transmission cohérente entre la cellule Qualité et les équipes (protocoles, conduite à tenir) ;

6. Les actions d'amélioration ne sont pas mises en place, notamment suite aux évaluations externes. Par exemple, certains écarts ont déjà été signalés au cours de la visite de certification précédente (absence de formation des professionnels à la démarche qualité, organisation des vigilances non efficiente, absence de RMM, d'évaluation structurée, etc.).

7. L'insuffisance et manque de rigueur concernant l'ensemble des bilans à produire par le service Qualité de manière générale.

-Vos manquements professionnels sont inacceptables au regard de leurs incidences sur la pérennité de notre activité, lourdement mise en péril.

Les conclusions émises par la Haute Autorité de Santé nous font courir un risque de fermeture de l'établissement. En outre, de tels manquements mettent en danger la santé et sécurité de nos patients.

Vos manquements ont par ailleurs de lourdes conséquences sur les collaborateurs de l'établissement qui sont contraints de revenir sur l'établissement pendant leur temps de repos afin de reprendre les procédures dont vous avez la charge et qui ne sont pas à jour et mettent en danger la qualité de prise en charge de nos patients.

Pourtant vous avez bénéficié de l'accompagnement poussé des collaborateurs du département qualité du groupe. En effet, un audit qualité interne réalisé le 25 et 26 Avril 2019, en vue de la préparation de la certification par un membre de l'équipe Qualité accompagné d'un Directeur d'établissement du groupe disposant de la qualité « d'expert visiteur » délivrée par la Haute Autorité de Santé ; vous a permis d'identifier les carences et axes d'amélioration au travers d'un plan d'action qu'il ne vous restait qu'à suivre et dérouler.

En outre, les 20 et 21 novembre 2019, en vue de la préparation de la certification, vous avez de nouveau reçu un soutien du groupe Colisée, qui a réalisé un audit interne au sein de la Clinique, inspiré de la grille de certification HAS, donnant lieu à la réception d'un rapport d'audit vous permettant d'identifier toutes les carences dans la politique de gestion des risques. Un plan d'action pré établi vous a été délivré avec un accompagnement en visioconférence par le responsable qualité du groupe, permettant de vous guider dans le déploiement des actions.

Malgré tout cet accompagnement de proximité, vous n'avez pas pu amener la politique de gestion des risques de notre établissement à un niveau suffisant.

Enfin, nous déplorons un manque important de rigueur quant à l'élaboration et rédaction des procédures et documents qualité, à destination de l'ensemble des professionnels. Pourtant, des canevas « types » vous ont été produits par la Clinique et le département Qualité du groupe, malgré cela, vous n'arrivez pas à vous y conformer et à les déployer au sein de notre structure sans qu'il faille continuellement les retoucher.

La gravité des griefs retenus à votre encontre rendent impossible le maintien de nos relations contractuelles face aux conséquences trop lourdes pour nos patients, nos collaborateurs ainsi que pour la pérennité de notre enseigne.

En conséquence, nous vous notifions par la présente, votre licenciement pour faute grave.'

Le 10 juillet 2020, Madame [K] [U] a saisi le conseil de prud'hommes de AURILLAC aux fins notamment de voir juger sans cause réelle et sérieuse son licenciement et de voir condamner son ancien employeur à lui verser diverses sommes.

La première audience devant le bureau de conciliation et d'orientation a été fixée au 18 novembre 2020 (convocation notifiée au défendeur le 22 juillet 2020) et, comme suite au constat de l'absence de conciliation, l'affaire a été renvoyée devant le bureau de jugement.

Par jugement (RG n° 20/00035) rendu contradictoirement 15 juin 2021 (audience du 7 avril 2021), le conseil de prud'hommes de AURILLAC a :

- Dit et jugé que le licenciement de Madame [K] [U], prononcé pour faute grave, est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- Condamné la Société CLINIQUE [6] à verser à Madame [K] [U] les sommes suivantes ;

* 22 141,00 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

* 4 644,94 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 464,49 euros bruts au titre des congés payés afférents,

* 44 126,93 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

* 10 000,00 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi en raison des circonstances brutales et vexatoires du licenciement,

* 4 000,00 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par l'absence de formation suffisante fournie par l'employeur,

* 2 000,00 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

- Débouté Madame [K] [U] du surplus de ses demandes ;

- Débouté la Société CLINIQUE [6] de l'intégralité de ses demandes ;

- Débouté la Société CLINIQUE [6] de sa demande au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

- Prononcé l'exécution provisoire du jugement ;

- Laissé les dépens à la charge de la Société CLINIQUE [6].

Le 13 juillet 2021, la SAS COLISEE FRANCE venant aux droits de la société CLINIQUE [6] a interjeté appel de ce jugement qui lui a été notifié à sa personne le 23 juin 2021.

L'affaire a été fixée à l'audience collégiale de la chambre sociale de la cour d'appel de RIOM du 2 avril 2024.

Vu les conclusions notifiées à la cour le 23 février 2024 (conclusions n°2) par la SAS COLISEE FRANCE venant aux droits de la société CLINIQUE [6],

Vu les conclusions notifiées à la cour le 20 mai 2022 (conclusions n° 2) par Madame [K] [U],

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 4 mars 2024.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions, la SAS COLISEE FRANCE, venant aux droits de la société CLINIQUE [6], demande à la cour de :

- Dire que son appel formé est recevable et qu'elle est bien fondée en son action ;

- Infirmer le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes d'AURILLAC le 15 juin 2021 en ce qu'il a dit et jugé que le licenciement de Madame [K] [U], prononcé pour faute grave, était dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- Infirmer le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes d'AURILLAC le 15 juin 2021 en ce qu'il a dit et jugé que Madame [K] [U] avait subi un licenciement à caractère vexatoire ;

- Infirmer le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes d'AURILLAC le 15 juin 2021 en ce qu'il a dit et jugé qu'elle n'avait pas fourni à Madame [K] [U] de formation suffisante ;

- Infirmer le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes d'AURILLAC le 15 juin 2021 en ce qu'il a condamné la société CLINIQUE [6] aux droits de laquelle elle se trouve à verser à Madame [K] [U] les sommes suivantes :

* 22.141,00 euros au titre de l'indemnité de licenciement ;

* 4.644,94 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

* 464,49 euros bruts au titre des congés payés afférents ;

* 44.126,93 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Statuant à nouveau :

- Dire et juger que le licenciement de Madame [K] [U] repose sur, des faits précis, objectifs et avérés qui lui sont directement imputables ;

- Dire et juger que le licenciement de Madame [K] [U] repose sur des faits d'une gravité telle qu'ils rendaient impossible son maintien dans l'entreprise ;

- Dire et juger que le licenciement de Madame [K] [U] a été prononcé dans des circonstances qui n'étaient ni brutales, ni vexatoires ;

- Dire et juger qu'elle n'a commis aucun manquement à son obligation de formation et d'adaptation au poste de travail ;

En conséquence :

A titre principal

- Dire et juger que le licenciement prononcé à l'encontre de Madame [K] [U] repose sur une cause réelle et sérieuse ;

- Dire er juger que le licenciement de Madame [K] [U] repose sur des faits qui sont constitutifs d'une faute grave ;

- Débouter Madame [K] [U] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

- Débouter Madame [K] [U] de ses demandes formulées dans le cadre de son appel incident ;

A titre subsidiaire,

- Réduire le quantum de ses demandes à de plus justes proportions ;

En tout état de cause,

- Condamner Madame [K] [U] à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile;

- Condamner Madame [K] [U] aux entiers dépens.

La SAS COLISEE FRANCE fait valoir qu'elle a pris connaissance des conclusions de la Haute Autorité de Santé le 20 mars 2020, suite à la visite de certification réalisée au sein de l'établissement du 14 au 17 janvier 2020, lesquelles ont conclu à une non-certification, notamment en raison de graves dysfonctionnements dans la démarche 'qualité et gestion des risques' de l'établissement, dont la responsabilité incombe exclusivement à Madame [K] [U] en sa qualité de responsable qualité.

La SAS COLISEE FRANCE expose que ces graves dysfonctionnements étaient de nature à mettre en danger la santé et la sécurité des patients, mais également à faire échec à la certification de l'établissement, l'exposant alors à un risque de fermeture.

La SAS COLISEE FRANCE fait valoir que la procédure de licenciement est régulière, la mention d'une mise à pied conservatoire est erronée, il s'agit d'une erreur matérielle qu'elle ne conteste pas. En réalité, aucune mise à pied conservatoire n'a été prononcée.

La SAS COLISEE FRANCE expose que la salariée ne saurait utilement se prévaloir de ce qu'elle n'aurait pas disposé des connaissances et bénéficié des formations nécessaires à l'exercice de ses fonctions de responsable qualité dès lors qu'elle justifiait de près de 13 années d'expérience et avait déjà mené des procédures de certification à terme.

L'employeur conclut de la sorte au bien fondé du licenciement notifié pour faute grave à la salariée et subséquemment au débouté de Madame [K] [U] de l'ensemble des demandes qu'elle formule au titre de la rupture du contrat de travail. A titre subsidiaire, si la cour venait à reconnaître le licenciement comme sans cause réelle et sérieuse, le barème légalement prévu pour l'indemnité de licenciement devra être respecté. Madame [U] ne peut prétendre qu'à une indemnité comprise entre 3 et 19 mois de salaires.

La SAS COLISEE FRANCE fait valoir que Madame [U] n'est pas fondée à solliciter des dommages et intérêts en raison du prétendu caractère brutal et vexatoire du licenciement. Outre le fait que le licenciement pour faute grave est justifié, la salariée ne rapporte ni la preuve d'un comportement fautif de l'employeur, ni la preuve d'un préjudice distinct de celui occasionné par la perte de son emploi.

La SAS COLISEE FRANCE soutient avoir satisfait à son obligation de formation concernant Madame [K] [U], laquelle a bénéficié de 18 formations relevant du domaine qualité au cours de la relation de travail. L'attestation qui est censée rapporter la preuve du prétendu non respect de son obligation de formation ne répond pas aux formalités légalement prévues.

Dans ses dernières conclusions, Madame [K] [U] demande à la cour de :

A TITRE PRINCIPAL :

- Confirmer la décision du Conseil de Prud'Hommes d'AURILLAC du 15 juin 2021 en ce qu'elle a :

'- dit et jugé que le licenciement pour faute grave notifié le 25 mai 2020 par la société Clinique [6] à [K] [U] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- condamné la société CLINIQUE [6] à lui verser les sommes suivantes :

* 22.141,00 euros au titre de l'indemnité de licenciement ;

* 4.644,94 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

* 464,49 euros au titre des congés payés afférents ;

* 2.000,00 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

- Débouté la Société CLINIQUE [6] de l'intégralité de ses demandes ;

- Débouté la société CLINIQUE [6] de sa demande au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

- Prononcé l'exécution provisoire du jugement ;

- Laissé les dépens à la charge de a Société CLINIQUE [6]'.

- Réformer la décision du Conseil de Prud'Hommes d'AURILLAC du 15 juin 2021 en tant qu'elle l'a déboutée du surplus de ses demandes ;

Statuant de nouveau :

- Condamner la société COLISEE FRANCE venant aux droits de la Société CLINIQUE [6] à lui payer et porter :

* la somme de 60.000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, outre intérêts de droit à compter de la demande avec capitalisation des intérêts conformément aux règles légales ;

* la somme de 15.000,00 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral subi en raison des circonstances brutales et vexatoires du licenciement ;

* la somme de 8.000,00 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par l'absence de formation suffisante fournie par l'employeur.

- Débouter la société COLISEE FRANCE, venant aux droits de la société CLINIQUE [6], de toute demande plus ample ou contraire ;

A TITRE SUBSIDIAIRE :

- Confirmer la décision de 1ère instance en toutes ses dispositions en ce qu'elle a :

- Déclaré son licenciement, prononcé pour faute grave, dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- Condamné la société CLINIQUE [6] à lui verser les sommes suivantes :

* 22.141,00 euros au titre de l'indemnité de licenciement ;

* 4.644,94 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

* 464,49 euros au titre des congés payés afférents ;

* 44.126,93 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

* 10.000,00 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi en raison des circonstances brutales et vexatoires du licenciement ;

* 4.000,00 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par l'absence de formation suffisante fournie par l'employeur ;

* 2.000,00 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

- Débouté la Société CLINIQUE [6] de l'intégralité de ses demandes ;

- Débouté la société CLINIQUE [6] de sa demande au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

- Prononcé l'exécution provisoire du jugement ;

- Laissé les dépens à la charge de a Société CLINIQUE [6].

EN TOUT ETAT DE CAUSE,

Y AJOUTANT :

- Condamner la société COLISEE FRANCE venant aux droits de la Société CLINIQUE [6] à lui payer la somme de 5.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Madame [K] [U] fait valoir, à titre principal, que le licenciement qui lui a été notifié pour faute grave est sans cause réelle et sérieuse en l'absence de faute lui étant personnellement imputable. Elle relève par ailleurs que la société COLISEE FRANCE, venant aux droits de la CLINIQUE [6], se contente de lui opposer des griefs concernant ses qualités et compétences professionnelles, lesquels ne peuvent que relever de l'insuffisance professionnelle non fautive.

Madame [K] [U] en déduit de la sorte que son licenciement se trouve privé de cause réelle et sérieuse et sollicite en conséquence l'indemnisation du préjudice subi à raison de la perte injustifiée de son emploi. La salariée revendique à cet égard que le barème institué par l'article L. 1235-3 du code du travail soit présentement écarté.

À titre subsidiaire, Madame [U] fait valoir que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse en l'absence d'insuffisance professionnelle qui lui serait imputable.

Madame [K] [U] considère ensuite avoir été licenciée dans des conditions vexatoires et réclame en conséquence l'indemnisation du préjudice distinct subi de la sorte.

Madame [K] [U] expose qu'elle n'a pas bénéficié d'une formation suffisante de la part de son employeur dès lors qu'au moment de sa prise de fonctions de responsable qualité, elle ne connaissait ni les missions ni les contours des tâches inhérentes à un tel poste de travail, outre qu'elle ne bénéficiait d'aucune qualification pour ce poste qui est particulièrement technique.

Pour plus ample relation des faits, de la procédure, des prétentions, moyens et arguments des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il y a lieu de se référer à la décision attaquée et aux dernières conclusions régulièrement notifiées et visées.

MOTIFS

- Sur la demande au titre de l'obligation de formation de l'employeur -

Aux termes de l'article L. 6321-1 du code du travail, l'employeur assure l'adaptation des salariés à leur poste de travail. Il veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations.

L'employeur peut proposer des formations qui participent au développement des compétences, y compris numériques, ainsi qu'à la lutte contre l'illettrisme, notamment des actions d'évaluation et de formation permettant l'accès au socle de connaissances et de compétences défini par décret.

Les actions de formation mises en oeuvre à ces fins sont prévues, le cas échéant, par le plan de développement des compétences mentionné au 1° de l'article L. 6312-1. Elles peuvent permettre d'obtenir une partie identifiée de certification professionnelle, classée au sein du répertoire national des certifications professionnelles visant à l'acquisition d'un bloc de compétences.

Cette obligation de formation incombe à l'employeur et non au salarié. La Cour de cassation juge ainsi que l'obligation de veiller au maintien de la capacité des salariés à occuper un emploi relève de l'initiative de l'employeur et non du salarié.

Caractérise un manquement de l'employeur à son obligation l'absence de formation du salarié pendant une longue période, même si le salarié n'en a pas réclamé, ou un faible nombre de formations sur une longue période susceptible de compromettre son évolution professionnelle.

L'employeur ne peut en revanche se voir reprocher l'absence d'évolution de carrière d'un salarié qui a bénéficié des mêmes possibilités de formation que les autres salariés mais a clairement manifesté la volonté de demeurer dans son emploi.

En l'espèce, Madame [K] [U] fait valoir qu'alors même qu'elle a été affectée au poste de responsable qualité en 2007, elle n'a bénéficié d'aucune formation, tant lors de sa prise de poste, qu'au cours de la période d'emploi postérieure, nonobstant les nombreuses demandes de formation qu'elle a pu adressées à l'employeur.

La SAS COLISEE FRANCE, venant aux droits de la société CLINIQUE [6], objecte en substance qu'alors que Madame [K] [U] indiquait dès les débats de première instance avoir été contrainte d'effectuer de nombreuses heures de travail supplémentaires sur ses temps de repos afin d'acquérir seule les connaissances et compétences utiles à l'exercice de ses fonctions de responsable qualité, la salariée s'abstenait toutefois de solliciter le paiement des heures de travail ainsi évoquées et qu'en tout état de cause, elle a bénéficié de diverses formation dans le domaine de la qualité.

Si Madame [K] [U] n'a certes jamais sollicité le paiement des heures supplémentaires qu'elle indique avoir été contrainte d'effectuer pour réussir à appréhender les contours de sa mission de responsable qualité, l'absence de demande en ce sens ne saurait toutefois à elle seule, comme l'excipe à tort l'employeur, refléter la mauvaise foi de la salariée et établir qu'elle aurait en réalité bénéficié de formations dispensées ou organisées par l'employeur tant lors de sa prise de poste de responsable qualité qu'ultérieurement.

La SAS COLISEE FRANCE, venant aux droits de la société CLINIQUE [6], verse ensuite aux débats les éléments d'appréciation suivants :

- une attestation de suivi de formation le 30 septembre 2018 de 9h30 à 17h30 intitulée 'Recueil des indicateurs IPAQH'. La Haute Autorité de Santé développe et valide des indicateurs de qualité et de sécurité des soins (IQSS) en lien avec les professionnels de santé, les patients et les usagers, lesquels sont mis à disposition des professionnels de santé pour l'amélioration de la qualité et de la sécurité des soins en établissement de santé. Ces indicateurs qualités sont par ailleurs utilisées dans les procédures de certification des établissements de santé et peuvent l'être pour la diffusion publique ainsi que pour la régulation par la qualité ;

- une attestation de suivi de formation le 28 septembre 2009 de 9h30 à 17h30 intitulée 'Recueil des indicateurs IPAQSS en SSR', soit les indicateurs définis pour l'amélioration de la qualité et de la sécurité des soins et recueillis par la plate-forme QUALHAS concernant les quatre champs du PMSI, dont le SSR visé précisément par cette formation, et établis en lien avec la Haute Autorité de Santé. Ces indicateurs visent notamment la tenue du dossier patient (quatre indicateurs), la tenue du dossier anesthésique (un indicateur), le respect des bonnes pratiques de prise en charge hospitalière de l'infarctus du myocarde après la phase aigue (Six indicateurs) ;

- une attestation du Professeur [W] attestant que Madame [K] [U] a participé le 12 juin 2019 de 10h à 17h au CHU Centre de Biologie de [Localité 5] à la 4ème journée régionale de Pharmacovigilance, étant précisé que la pharmacovigilance s'exerce sur les médicaments destinés à l'homme, y compris les médicaments homéopathiques, les médicaments à base de plante, les préparations magistrales ou hospitalières, qu'ils soient obtenus sur ordonnance ou non et utilisés de façon conforme ou non à leur autorisation de mise sur le marché. La pharmacovigilance est pilotée au niveau national par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), assistée par son réseau de 31 centres régionaux de pharmacovigilance ;

- une attestation de suivi de stage de trois demi-journées les 23,24 et 30 novembre 2009 ayant pour thématique 'Hygiène, HACCP, Plan de maîtrise sanitaire' ;

- une formation le 9 décembre 2009 intitulée 'Indicateurs et V 2010" et portant en toute vraisemblance sur la version 2010 de la certification et donc sur les indicateurs inclus dans la version 2010 de la certification ;

- une formation le jeudi 10 décembre 2009 intitulée 'Audit qualité interne : Elaboration d'un programme et mise en oeuvre' ;

- une formation suivie en alternance sur 15 jours répartis sur les années 2009 et 2010 (à raison de 105 heures) intitulée 'Référent qualité - Bientraitance de votre établissement' et comportant les modules suivants :

* Démarche qualité ;

* Méthodes et outils - rôle du référent ;

* Evaluation interne et évaluation externe ;

* Documents qualité - gestion documentaire ;

* Les indicateurs ;

* L'audit qualité ;

* L'évaluation et l'amélioration des pratiques professionnelles;

* La gestion des risques ;

* De l'accompagnement personnalisé à l'évaluation de la satisfaction ;

* Globalisation des connaissances : préparation d'un exposé et restitution orale ;

* Animation de groupe ;

* Retour et partage d'expérience - Point sur l'avancement collectif et individualisé et plan d'actions à mener ;

- une formation de deux jours les 16 et 17 décembre 2009 intitulée 'Référant qualité bientraitance' ;

- une formation en alternance sur plusieurs jours intitulée 'Référent qualité secteur médico social' et comportant les modules suivants :

* le 26 janvier 2010 : Amélioration des pratiques professionnelles ;

* le 27 janvier 2010 : Evolution et amélioration des pratiques professionnelles par la mise en oeuvre d'une démarche de bientraitance ;

* le 6 mai 2010 : Les enquêtes ;

* le 22 septembre 2010: Suivi de formation, partage d'expériences ;

* le 26 novembre 2010 : La mise en oeuvre d'une démarche de bientraitance - Evaluation et amélioration des pratiques professionnelles;

- une attestation de présence à la 19ème journée annuelle des CLIN du Sud-Est organisée le 22 mars 2011 ;

- une attestation de présence à la 13ème journée Régionale d'Hygiène Hospitalière organisée le vendredi 30 septembre 2011 à [Localité 4] ;

- une attestation de suivi de stage les 17 et 18 novembre 2011 portant sur la thématique 'La gestion des risques' ;

- une attestation de présence à la réunion du Groupe Inter-Régional des Professionnels exerçant en Hygiène Hospitalière de la région Sud-Est organisée le 1er mars 2012 à [Localité 10] ;

- une attestation de suivi de stage d'une journée portant sur le 'Suivi HACCP' organisé le 4 juin 2012 ;

- une attestation de présence à la XXIème journée annuelle Sud-Est de la lutte contre les infections nosocomiales et associées aux soins qui s'est déroulée le 21 mars 2013 à [Localité 8] ;

- une attestation de présence à la 'rencontre de Printemps - Réunion des Présidents de CLIN et EOH de la région Auvergne' organisée le 3 avril 2013 de 14h à 17h30 et ayant pour objets :

* 'Picc-line en pratique ;

* ENP 2012, place aux résultats ;

* StopRisk, un nouvel outil... ;

* ICATB2, comment faire' ;

* BMRE - BHRE, une nouvelle histoire' ;

* Perf sous-cutanée, en route pour la formation ;

* L'ARLIN Auvergne en 2013" ;

- une attestation de suivi de la journée 'Certificator V 2014" le jeudi 23 octobre 2014 ;

- une attestation de suivi de formation 'Pour conduire une évaluation d'action du secteur santé ou social' organisée les 7 et 24 mai, et 7 juin 2019.

S'il s'infère certes du dossier de l'employeur que Madame [K] [U] a bénéficié de quelques formations postérieurement à sa prise de poste en 2007, en moyenne une par année d'emploi, à l'exception de la période courant de 2014 à 2019, force est en revanche de constater, comme l'ont à juste titre apprécié les premiers juges, que celles-ci étaient manifestement insuffisantes à l'appréhension dans sa globalité de ses nouvelles fonctions de Responsable qualité de l'établissement LA CLINIQUE [6] en considération tant du niveau de formation initiale de la salariée, à savoir un baccalauréat, que de l'ensemble des missions relevant de ce poste de travail.

Il résulte en effet de la lecture de l'offre d'emploi de Responsable Qualité publiée par la SAS COLISEE FRANCE concernant la CLINIQUE [6] le 24 juin 2020, que le responsable qualité a pour principales missions de :

- Piloter l'ensemble des démarches qualités : certifications, évaluations, audit, enquête ;

- Piloter la démarche de gestion des risques et assurer le suivi des indicateurs qualité ;

- Gérer des réunions ou groupes de travail en lien avec la qualité et la gestion des risques et former les équipes sur la qualité ;

- Assurer la gestion documentaire et la veille réglementaire ;

- Superviser le DPI ;

- Participer à des missions en lien avec le PMSI ;

- Participer aux comités et instances de l'établissement.

Cette offre d'emploi était par ailleurs ouverte aux titulaires d'un baccalauréat + 3 en ingénierie de la qualité et gestion des risques, et idéalement d'un Master 1/2 en Management et gestion des risques en santé, et justifiant en outre d'une première expérience dans un établissement de santé. Il était enfin précisé que la connaissance du logiciel BLUEKANGO était un plus pour candidater à cette offre.

Au vu de la diversité et de la technicité des missions relevant de la sorte du poste de Responsable Qualité occupé par Madame [K] [U] à compter de 2007, appréciées à l'aune de sa formation initiale et de l'absence de toute expérience professionnelle sur un tel poste de travail avant son affectation sur celui-ci, il est indéniable que les quelques heures de formations dont a bénéficié la salariée n'ont pu recouvrir qu'une partie infime du champ de compétences et de connaissances pourtant attendues d'un Responsable Qualité, dont il importe au demeurant de souligner le caractère nécessairement évolutif au vu de l'évolutivité des pratiques en établissements de soins et de santé et des exigences des différentes instances éthiques régissant leur fonctionnement et les modalités de certification.

Madame [K] [U] justifie par ailleurs, par la production de différents témoignages concordants, avoir été contrainte d'acquérir seule l'ensemble des connaissances et compétences utiles à l'exercice de ses fonctions de responsable qualité. Sont ainsi notamment produits les témoignages de :

- Madame [I] [KT], directrice opérationnelle de la CLINIQUE [6] de 2008 à 2018 aux termes duquel elle explique que Madame [K] [U] avait accepté le poste de Responsable Qualité 'au pied levé' et qu'afin de mener à bien cette mission, elle n'a eu de 'cesse de se former personnellement' sans compter ses heures de travail ;

- Madame [C] [X], diététicienne, aux termes duquel cette salariée explique que Madame [K] [U] 'n'avait de cesse de se perfectionner, d'améliorer ses connaissances sur le sujet et de trouver les outils adéquats', et qu'elle 'était très en attente de formations adaptées à ses fonctions lors des dernières périodes d'accréditation (2011, 2016 et préparation de 2020" ;

- Madame [Z] [Y], infirmière, aux termes duquel cette salariée explique qu'alors que Madame [K] [U] avait été initialement recrutée par la société CLINIQUE [6] en qualité de secrétaire, elle avait ensuite, après son affectation au poste de Responsable Qualité, constamment sollicité le bénéfice de formations 'pour parfaitement coller à ce métier de qualiticienne' ;

- Monsieur [S] [D], directeur de transition hôpitaux, aux termes duquel il explique que Madame [K] [U] n'avait jamais disposé de formation académique à l'exercice des fonctions de Responsable Qualité et que c'est à force de 'talent et de pertinence qu'elle a enrichie ses connaissances théoriques et pratiques en tissant des liens efficaces avec d'autres RQGR d'entreprises similaires' ;

- Madame [B] [P], secrétaire facturière, aux termes duquel cette salariée relate qu'alors que Madame [K] [U] avait été initialement embauchée en qualité de secrétaire, elle s'était vue proposer le poste de Responsable Qualité sans formation préalable, ni ultérieure, en dépit des diverses demandes de formation qu'elle a pu formuler auprès de la direction de l'établissement et qui sont demeurées vaines ;

- Madame [M] [L], infirmière, aux termes duquel cette salariée explique que Madame [K] [U] ne comptait pas ses heures de travail supplémentaires et qu'elle 'allait toujours au bout de ses recherches afin d'apporter les meilleures réponses aux différents professionnels'.

La cour considère, tout comme les premiers juges, que Madame [K] [U] n'a pas bénéficié des formations nécessaires à l'exercice de ses fonctions de Responsable Qualité et que l'employeur n'a exécuté loyalement son obligation de formation à l'égard de la salariée dans ce cadre.

Par ailleurs, Madame [K] [U] rapporte la preuve, par la production d'un nombre significatif de témoignages concordants, avoir été contrainte d'acquérir au mieux seule les compétences et connaissances requises pour l'exercice de son poste de travail, en ce compris sur ses temps de repos et donc manifestement au détriment de son droit à la vie privée et familiale.

Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a condamné la SAS CLINIQUE [6] à verser à Madame [K] [U] une somme de 4.000 euros, à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice subi à raison du manquement de l'employeur à son obligation de formation et d'adaptation au poste de travail, sauf à préciser que la SAS COLISEE FRANCE vient aux droits de la SAS CLINIQUE [6].

- Sur la cause du licenciement -

Le licenciement correspond à une rupture du contrat de travail à l'initiative de l'employeur.

La lettre de licenciement fixe les limites du litige sur la cause du licenciement, ce qui interdit à l'employeur d'invoquer de nouveaux ou d'autres motifs ou griefs par rapport à ceux mentionnés dans la lettre de licenciement.

Pour que la rupture du contrat de travail à l'initiative de l'employeur soit justifiée ou fondée, en tout cas non abusive, la cause du licenciement doit être réelle (faits objectifs, c'est-à-dire précis et matériellement vérifiables, dont l'existence ou matérialité est établie et qui constituent la véritable raison du licenciement), mais également sérieuse, c'est-à-dire que les faits invoqués par l'employeur, ou griefs articulés par celui-ci, doivent être suffisamment pertinents pour justifier le licenciement.

Le licenciement pour motif personnel est celui qui est inhérent à la personne du salarié. Un licenciement pour motif personnel peut être décidé pour un motif disciplinaire, c'est-à-dire en raison d'une faute du salarié, ou en dehors de tout comportement fautif du salarié (motif personnel non disciplinaire). Il ne doit pas être discriminatoire.

Si l'employeur peut sanctionner par un licenciement un acte ou une attitude du salarié qu'il considère comme fautif, il doit s'agir d'un comportement volontaire (action ou omission). À défaut, l'employeur ne peut pas se placer sur le terrain disciplinaire.

L'employeur peut décider de licencier un salarié en dehors de tout comportement fautif, pour des faits démontrant son insuffisance professionnelle, laquelle se définit comme l'incapacité objective et durable d'un salarié à accomplir, conformément aux prévisions contractuelles, les fonctions qui lui ont été confiées et les objectifs qui lui ont été fixés.

La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litiges, doit énoncer des motifs précis, objectifs et vérifiables. L'énonciation d'un motif précis n'implique pas l'obligation de dater les griefs allégués. Il appartient aux juges du fond de rechercher, au besoin d'office, si la lettre de licenciement énonce des motifs précis, objectifs et vérifiables de rupture du contrat de travail. Au-delà des énonciations de la lettre de licenciement, il incombe au juge de rechercher la véritable cause du licenciement. Il appartient au juge de se prononcer sur la qualification des faits pour s'assurer de la législation applicable (licenciement économique, licenciement personnel ou licenciement disciplinaire, etc.). N'étant pas tenu par la qualification donnée au licenciement par l'employeur, qualification des griefs qui ne lie que l'employeur, le juge est en droit de procéder à la requalification des faits du licenciement qui lui sont soumis, pour en apprécier le caractère réel et sérieux.

L'employeur peut invoquer dans la lettre de licenciement plusieurs motifs de rupture du contrat de travail inhérents à la personne du salarié, dès lors qu'ils procèdent de faits distincts et à condition de respecter les règles de procédure applicables à chaque cause de licenciement. Ainsi, lorsque le licenciement est fondé sur plusieurs griefs, les uns disciplinaires et les autres tirés d'une insuffisance professionnelle, la chambre sociale a jugé que l'employeur, à condition de respecter les règles applicables à chaque cause de licenciement, peut invoquer dans les lettres de licenciement des motifs différents de rupture inhérents à la personne du salarié, dès lors qu'ils procèdent de faits distincts.

C'est le motif de la rupture mentionné dans la lettre de licenciement qui détermine le caractère disciplinaire ou non du licenciement. Le prononcé d'une mise à pied à titre conservatoire n'implique pas nécessairement que le licenciement prononcé ultérieurement présente un caractère disciplinaire.

Lorsque l'employeur choisit de se placer sur le terrain disciplinaire, la cause alléguée à l'appui du licenciement doit nécessairement correspondre à une faute commise par le salarié.

La faute disciplinaire se distingue de l'insuffisance professionnelle par son caractère volontaire. Le caractère volontaire est toutefois largement apprécié, puisqu'il est admis qu'une faute disciplinaire puisse dériver d'un comportement intentionnel mais aussi d'une négligence volontaire.

En l'espèce, la SAS COLISEE FRANCE, venant aux droits de la CLINIQUE [6], a licencié Madame [K] [U] pour motif disciplinaire et plus spécialement pour faute grave, le courrier de notification du licenciement indiquant en effet : 'la gravité des griefs retenus à votre encontre rendent impossible le maintien de nos relations contractuelles face aux conséquences trop lourdes pour nos patients, nos collaborateurs ainsi que pour la pérennité de notre enseigne. En conséquence, nous vous notifions par la présente votre licenciement pour faute grave'.

La SAS COLISEE FRANCE, venant aux droits de la CLINIQUE [6] oppose à Madame [K] [U] les griefs de licenciement suivants :

'1. La démarche d'identification des risques initiée a abouti à la réalisation d'une identification partielle des risques. L'identification des risques réalisée sans méthode ne prend pas toujours en compte les aspects réglementaires et les travaux d'identification des risques ne sont pas finalisées ou à jour. Les actions de prévention, d'atténuation et de hiérarchisation des risques ne sont pas totalement définies ;

2. Il n'existe pas de programme de formation des professionnels concernés dans le domaine de la qualité, gestion des risques, gestion des événements indésirables (EI) et des événements indésirables graves (EIG). De fait, tous les professionnels concernés ne sont pas formés à la démarche qualité-gestion des risques, incluant le processus de hiérarchisation et d'analyse des causes, les techniques d'investigation et de traitement des événements indésirables, événements indésirables graves. Les sensibilisations à la démarche qualité ne sont pas toujours structurées, les informations et sensibilisations sont majoritairement ponctuelles, orales, ce qui nuit à l'appropriation du dispositif.

3. Les actions d'atténuation des risques (et risques majeurs), leur l'analyse de la conformité à la réglementation ainsi que les dysfonctionnements, ne sont pas suffisamment définies et déclinés dans le plan d'actions du Plan d'Action Qualité et Sécurité des Soins (PAQSS) ;

4. La procédure de gestion documentaire mise à jour en septembre 2019 ne correspond pas à ce qui est constaté sur le terrain et en gestion documentaire informatisée :

' Des documents ne sont pas revus depuis 2012 (signalement externe d'une infection nosocomiale par exemple), voir datent de 2010, bien que la procédure sur les procédures prévoit une révision tous les quatre ans,

' La mise à jour des classeurs papier dans les services n'est pas connue des professionnels : on trouve dans le manuel qualité datant de 2019 la précision que la diffusion des documents est assurée soit par les pilotes de processus soit par la responsable qualité, mais les équipes ne connaissent pas l'organisation nécessaire à la mise à jour des classeurs, car elle n'est pas prévue dans la procédure des procédures,

' Le suivi de lecture de nouveaux documents intégrés dans la Gestion Electronique des Documents (GED) est partiellement assuré,

' La non maîtrise documentaire ne permet pas de garantir l'accès aux professionnels à des documents validés et à des pratiques issues de recommandations de bonnes pratiques qui les concernent,

' Les compte-rendu sont peu diffusés, notamment ceux des instances et des groupes de travail, le personnel est donc sans aucune connaissance des décisions prises en instances depuis un temps non connu.

5. Défaut de transmission cohérente entre la cellule Qualité et les équipes (protocoles, conduite à tenir) ;

6. Les actions d'amélioration ne sont pas mises en place, notamment suite aux évaluations externes.

7. L'insuffisance et manque de rigueur concernant l'ensemble des bilans à produire par le service Qualité de manière générale.

-Vos manquements professionnels sont inacceptables au regard de leurs incidences sur la pérennité de notre activité, lourdement mise en péril.

8. nous déplorons un manque important de rigueur quant à l'élaboration et rédaction des procédures et documents qualité, à destination de l'ensemble des professionnels.'

A la lecture des différents griefs de licenciement ci-dessus reproduits, il apparaît qu'en dépit de la nature du licenciement déterminée par l'employeur et par laquelle la cour se trouve liée, à savoir un licenciement disciplinaire pour faute grave, sont en réalité reprochés à Madame [K] [U] des omissions, insuffisances et carences dans l'exercice de ses fonctions de Responsable Qualité, soit des griefs relevant d'une insuffisance professionnelle.

L'insuffisance professionnelle se définit en effet comme l'incapacité objective et durable d'un salarié à exécuter de façon satisfaisante un emploi correspondant à sa qualification. Elle se caractérise par une mauvaise qualité du travail due soit à une incompétence professionnelle, soit à une inadaptation à l'emploi. L'insuffisance professionnelle doit être distinguée de la faute professionnelle justifiant un licenciement disciplinaire.

Par définition, seul un comportement volontaire du salarié est susceptible d'être qualifié de faute. L'insuffisance professionnelle résulte, quant à elle, d'un comportement involontaire du salarié.

L'insuffisance professionnelle ne revêt en conséquence, par principe, aucun caractère fautif. La Cour de cassation admet néanmoins qu'il en soit autrement lorsque cette insuffisance professionnelle résulte d'une abstention volontaire ou d'une mauvaise volonté délibérée du salarié. Dans une telle hypothèse en effet, l'employeur aura alors la possibilité de prononcer un licenciement disciplinaire à l'encontre du salarié, ce dernier ayant fait preuve d'une négligence fautive.

Le critère de distinction de l'insuffisance professionnelle et de la faute réside donc dans l'état d'esprit du salarié. L'insuffisance professionnelle du salarié se manifeste lorsqu'il ne parvient pas à effectuer correctement son travail alors même qu'il fait preuve de bonne volonté. Au contraire, la faute disciplinaire nécessite, pour sa caractérisation, que la défectuosité du travail du salarié découle de la mauvaise volonté délibérée de ce dernier.

Il convient par ailleurs de préciser que l'insuffisance professionnelle d'un salarié se qualifie au regard de l'obligation de formation et d'adaptation du salarié au poste de travail qui incombe à tout employeur conformément aux dispositions de l'article L. 6321-1 du code du travail.

L'article L. 6321-1 du code du travail dispose que l'employeur doit assurer l'adaptation de ses salariés à leur poste de travail et veiller au maintien de leur capacité à occuper un emploi compte tenu de l'évolution des technologies, des organisations et des emplois. L'employeur doit donc proposer à ses salariés les actions de formation nécessaires, à savoir une formation adéquate et un temps de formation correct leur laissant un laps de temps suffisant appréhender les contours et exigences d'un nouveau poste de travail qui leur serait confié ou afin de s'adapter à l'utilisation d'un nouveau matériel.

Un employeur ne peut donc invoquer l'insuffisance professionnelle d'un salarié que si l'ensemble des moyens ont été conférés à celui-ci pour une appréhension adéquate de l'ensemble des tâches et exigences inhérentes à un poste de travail nouvellement confié. Tel ne sera pas le cas lorsque l'employeur se sera abstenu de mettre en place et faire bénéficier son salarié de la formation spécifique adéquate et d'un accompagnement suffisant pour l'exercice de ses fonctions.

Par application des principes de droit susvisés, il appartient donc à la SAS COLISEE FRANCE, venant aux droits de la société CLINIQUE [6], laquelle s'est clairement placée sur le terrain disciplinaire à l'occasion du licenciement de Madame [K] [U], d'établir, outre la matérialité des griefs de licenciement, que ceux-ci, alors même qu'ils relevent d'une insuffisance professionnelle, découlent soit d'une abstention volontaire soit d'une mauvaise volonté délibérée de la salariée.

Il convient de relever à cet égard qu'afin d'objectiver son propos, la SAS COLISEE FRANCE, venant aux droits de la SAS CLINIQUE [6], s'appuie principalement sur les conclusions de la Haute Autorité de Santé rendues dans le cadre de la certification de l'établissement, et plus spécialement celles établies le 20 Mars 2020 (rapport provisoire).

Concernant le pré-rapport établi par la Haute Autorité de Santé le 20 mars 2020, il ressort des éléments recueillis par cette instance que la CLINIQUE [6] possède deux services répartis sur deux étages, avec une activité autorisée pour des soins de suite et de réadaptation et médecine, outre que la politique qualité et gestion des risques a été formalisée et validée en CME en octobre 2019, laquelle fixe les objectifs suivants :

- optimiser la qualité de prise en charge en veillant à la coordination des professionnels et la continuité des soins via le renforcement de l'équipe médicale ;

- faire pérenniser la culture qualité et la sécurité des soins ;

- s'assurer de la mise en place et progression de la qualité gestion des risques et des actions qui en découlent, développer une culture de la qualité et de pertinence dans l'ensemble des missions et activités ;

- les usagers sont associés à la démarche qualité par l'intermédiaire des informations données à la Commission des Usagers ;

- l'établissement a été mobilisé dans le cadre de groupes de travail pour l'identification des risques, mais la démarche d'identification des risques initiée abouti à la réalisation d'une identification partielle des risques ;

- l'identification des risques ne prend pas toujours en compte les aspects réglementaires (par exemple spécificités de la radiologie, vigilances réglementées, ...), la récurrence des événements indésirables, les résultats des audits internes ou externes ;

- les travaux d'identification des risques n'étaient pas finalisés ou à jour ;

- les actions de prévention ou d'atténuation des risques ne sont pas totalement définies ;

- l'identification des risques a été réalisée sans méthode définie, alors même que l'identification des risques doit permettre leur hiérarchisation et in fine la priorisation des plans d'action à mettre en place;

- la procédure gestion des risques de juillet 2019 aborde l'identification des risques a priori mais aucune méthode n'y est précisée ;

- les professionnels ne sont pas priorisés et les risques psycho-sociaux ne sont pas pris en compte ;

- l'analyse de la conformité à la réglementation, les dysfonctionnements et les risques majeurs ne sont pas pris en compte.

Les différents manquements ainsi relevés par la Haute Autorité de Santé correspondent en tous points aux différents griefs de licenciement opposés par l'employeur à Madame [K] [U]. Toutefois, la SAS COLISEE FRANCE, venant aux droits de la société LA CLINIQUE [6], ne produit aucun autre élément probant de nature à établir que lesdits manquements seraient in fine imputables à Madame [K] [U].

De son côté, Madame [K] [U], sans réfuter expressément l'ensemble des insuffisances relevées, excipe d'une part de ce qu'elles ne sauraient lui être en intégralité personnellement imputables et, d'autre part, qu'elle n'a pas bénéficié de la formation et de l'accompagnement nécessaires à l'exercice de ses fonctions de Responsable Qualité.

Avant d'examiner successivement l'ensemble des griefs de licenciement opposés à Madame [K] [U], la cour entend tout d'abord rappeler que cette salariée a été initialement embauchée par la société CLINIQUE [6] à compter du 1er septembre 1992 en qualité d'agent de service hospitalier, qu'elle a ensuite été affectée à compter du 1er février 1996, à un poste de secrétaire médicale, puis à partir de l'année 2005, au poste de secrétaire TIM PMSI, avant de se voir confier au mois d'août 2007 les fonctions de Responsable Qualité Gestion des Risques.

De même, alors que Madame [K] [U] disposait d'une formation initiale équivalente à un baccalauréat général, elle a été affectée au poste de Responsable Qualité Gestion des Risques pour lequel, conformément à la fiche de poste produite aux débats par l'employeur, correspond à un niveau d'études équivalent à un Master qualité gestion des risques en établissement de santé et implique en outre une bonne connaissance du fonctionnement hospitalier ainsi que l'exercice d'une activité professionnelle dans un établissement de santé d'une durée supérieure à 5 années, la conduite d'une démarche de certification étant au demeurant 'souhaitée'.

Ensuite, s'il ressort de la fiche de poste produite par l'employeur que le Responsable Qualité et Gestion des Risques est chargé de définir et piloter la mise en oeuvre de la politique qualité-gestion des risques dans le cadre de la stratégie de l'établissement, il apparaît que celui-ci n'est pas isolé dans l'identification des risques, cette procédure, devant être menée sur le long terme, incombant au contraire aux référents identifiés dans chaque secteur de risque, comme cela ressort notamment de l'organigramme de 2019 produit par la SAS COLISEE FRANCE, venant aux droits de la SAS CLINIQUE [6]. Existe ainsi, pour chaque famille de risques, un gestionnaire risque, à savoir :

- Pour la pharmacovigilance : le Docteur [E] (pharmacien) ;

- Pour l'identitovigilance : [A] [P] (bureau des entrées) ;

- Pour l'infectiovigilance : le Docteur [E] (pharmacien);

- Pour la matériovigilance : [V] [F] (Responsable hôtellerie et soins infirmiers) ;

- Pour les risques professionnels : le Directeur DP ;

- Pour les risques bâtiments : [T] [EB] ( agent de maintenance, référent sécurité) ;

- Pour les risques alimentaires : [T] [KE] ( responsable restauration).

Outre un gestionnaire risque pour chaque famille de risques, existe un responsable de la gestion des risques ayant en charge plusieurs familles de risques, à savoir :

- le Docteur [H] pour les familles de risques pharmacovigilance, identitovigilance, infectiovigilance et matériovigilance;

- [V] [G] (directeur), pour les familles de risques 'risques professionnels, risques bâtiments et risques alimentaires'.

Ensuite, à l'échelon supérieur, est institué un comité de vigilance et des risques sanitaires (COVIRIS) piloté par la coordinatrice des risques, Madame [O] [F].

Enfin, l'échelon supérieur et final est assuré par Monsieur [R] [G], directeur d'établissement, lequel assure les fonctions de Responsable Général de la gestion des risques.

A la lecture de cet organigramme, il paraît assez déroutant que Madame [K] [U], à laquelle la SAS COLISEE FRANCE, venant aux droits de la société CLINIQUE [6], impute la responsabilité de l'ensemble des insuffisances et défaillances relevées, ne soit mentionnée ni en qualité de Responsable Qualité et Gestion des Risques, ni même à un quelconque autre titre.

- Sur le premier grief de licenciement :

La SAS COLISEE FRANCE, venant aux droits de la société CLINIQUE [6], impute tout d'abord à Madame [K] [U] l'entière responsabilité de l'absence d'identification de l'ensemble des risques ('identification partielle des risques), un tel grief ne reposant sur aucun élément objectif, et se trouvant au contraire contredit par l'organigramme versé par l'employeur aux débats et ci-dessus partiellement reproduit, lequel fait en effet apparaître l'existence d'un référent distinct pour chaque famille de risques.

Dans de telles circonstances, l'identification partielle des risques ne saurait être imputable à Madame [K] [U], laquelle ne pouvait en tout état de cause que recenser les risques faisant l'objet d'une identification et d'une remontée par les gestionnaires de risques de chacune des familles de risques identifiées.

Enfin, il ressort clairement de la fiche de mission Coordonnateur des risques associés aux soins, dont le poste était confié à Madame [N] [F], comme en atteste l'organigramme ci-dessus retranscrit en partie, que la fonction d'identification des risques a priori incombait non pas au Responsable Qualité mais bien au Coordonateur des risques associés aux soins, lequel a pour mission d'identifier les risques avec les différents experts pour la définition du programme d'actions et de ses indicateurs de suivi.

Si la société COLISEE FRANCE, venant aux droits de la société CLINIQUE [6], ne justifie pas de l'embauche avant 2019, d'une personne au poste de coordonateur des risques associés aux soins, elle ne saurait utilement faire grief à Madame [K] [U] de ne pas avoir rempli une mission ne relevant pas des fonctions de Responsable qualité et pour laquelle elle ne disposait en tout état de cause pas des connaissances et compétences nécessaires à sa réalisation.

Il s'ensuit que ce grief de licenciement n'est donc pas matériellement établi. En tout état de cause, la SAS COLISEE FRANCE, venant aux droits de la SAS CLINIQUE [6], dont il importe de rappeler qu'elle s'est placée sur le terrain disciplinaire pour procéder au licenciement de Madame [K] [U], n'apporte aucun élément de nature à établir que cette salariée aurait fait preuve d'une abstention volontaire ou d'une mauvaise volonté délibérée s'agissant de l'identification partielle des risques relevée par la Haute Autorité de Santé.

Ce grief de licenciement n'est donc pas matériellement établi.

- Sur le second grief de licenciement :

S'agissant ensuite de l'absence de programme de formation des professionnels concernés dans le domaine de la qualité, la gestion des risques, la gestion des événements indésirables et des événements indésirables graves, il apparaît que le suivi de l'évaluation des pratiques professionnelles est assuré par chaque groupe de travail et que le cadre de santé, comme le relève la Haute Autorité de Santé, est le relais des démarches qualités et soins.

Dans ce cadre, il apparaît que Madame [J] [F] a été embauchée seulement en 2019 sur le poste de cadre coordinatrice des risques, et ce alors même que la préparation d'une certification se réalise nécessairement, vu l'ampleur des tâches à accomplir, sur plusieurs mois, voire plusieurs années.

Par ailleurs, outre que Madame [K] [U] verse aux débats différents témoignages de salariés attestant avoir été formés et sensibilisés par celle-ci dans le domaine de la qualité, la cour constate que l'insuffisance de budget pour la mise en place de formations qualifiantes avait été mise en exergue tant par l'intimée que par Madame [I] [KT], ancienne directrice de la CLINIQUE [6].

Cette insuffisance, dont il est établi qu'elle a été remontée à la direction du groupe COLISEE, n'a cependant manifestement pas été prise en compte, ce dont ne justifie en tout cas pas l'employeur dans le cadre du présent litige.

Aussi, si la Haute Autorité de Santé a certes pu relever que les sensibilisations à la démarche qualité n'étaient pas toujours structurées, que les informations et sensibilisations étaient majoritairement ponctuelles, voire orales, la SAS COLISEE FRANCE, venant aux droits de la société CLINIQUE [6], échoue à rapporter la preuve de ce qu'elle aurait conféré à Madame [K] [U] l'ensemble des moyens utiles à la mise en place d'un programme de formation complet à destination de l'ensemble des professionnels concernés, pas plus qu'elle ne justifie que cette salariée, qui n'était même pas recrutée en qualité de cadre de santé, aurait dû assumer la charge de cette obligation qui repose en réalité sur la personne du cadre coordinateur des risques dont il n'est pas établi, comme cela a été retenu, qu'il est effectivement existé antérieurement à l'année 2019 et l'embauche de Madame [O] [F] sur ce poste de travail, l'employeur ne pouvant se prévaloir de son manque d'anticipation et d'intérêt s'agissant du domaine Qualité pour sanctionner de ce chef sa salariée.

En tout état de cause, la SAS COLISEE FRANCE, venant aux droits de la société CLINIQUE [6], ne rapporte pas la preuve de ce que ce manquement, à supposer exclusivement imputable à Madame [K] [U], résulterait d'une abstention volontaire ou d'une mauvaise volonté délibérée de cette salariée.

Il s'ensuit que ce grief de licenciement n'est ni matériellement établi, ni, en tout état de cause, fautif.

- Sur le troisième grief de licenciement :

La SAS COLISEE FRANCE, venant aux droits de la société CLINIQUE [6], reproche ensuite à sa salariée, au titre du troisième grief de licenciement, une insuffisance dans la définition et la déclinaison au sein du plan d'action qualité et sécurité des soins des actions d'atténuation des risques (et risques majeurs), de l'analyse de leur conformité à la réglementation ainsi que des dysfonctionnements.

Il convient tout d'abord de rappeler que l'analyse des risques majeurs ainsi que de celle de leur conformité à la réglementation ne serait relever de la responsabilité de Madame [K] [U], mais incombe au contraire à chaque référent identifié au sein de l'organigramme Qualité et Gestion des risques produit par l'employeur et désigné pour chaque famille de risques.

Il est indéniable en effet que Madame [K] [U] ne pouvait maîtriser l'ensemble des réglementations applicables à chaque famille de risques, tant eu égard à la grande hétérogénéité de leur nature qu'à la complexité de leur domaine respectif, certaines familles de risques relevant clairement du domaine médical et impliquant l'existence de connaissances scientifiques que ne saurait raisonnablement posséder un Responsable Qualité, et encore moins Madame [K] [U] dont il échet de rappeler qu'elle n'a bénéficié que de quelques heures de formations sur les différentes réglementations applicables en dépit du grand nombre de risques existants au sein de l'établissement et ne disposait d'une formation initiale équivalente à un baccalauréat.

Il s'ensuit que, comme précédemment, ce grief de licenciement n'est pas matériellement établi et, en tout état de cause, la SAS COLISEE FRANCE, venant aux droits de la société CLINIQUE [6], échoue à rapporter la preuve d'une abstention volontaire ou d'une mauvaise volonté délibérée de sa salariée dans ce cadre.

- Sur le quatrième grief de licenciement :

La SAS COLISEE FRANCE, venant aux droits de la SAS CLINIQUE [6], reproche ensuite à Madame [K] [U] une absence de conformité de la procédure de gestion documentaire par rapport à ce qui est constaté sur le terrain, ainsi que des insuffisances en matière de gestion documentaire informatisée.

Il s'infère des pièces de la procédure que la gestion documentaire de la qualité est assurée dans le cadre d'une chaîne de plusieurs acteurs, comprenant un rédacteur, un vérificateur, un approbateur ainsi qu'un valideur. Au sein de cette chaîne, Madame [K] [U] apparaît comme la rédactrice des documents liés à la gestion des risques, les autres protocoles devant être établis par les pilotes des autres secteurs (tel le droit des patients, l'hygiène, la pharmacologie etc...). Madame [N] [F], en sa qualité de cadre coordinatrice des risques, était quant à elle en charge de vérifier les éléments rédigés par Madame [K] [U], lesquels devaient ensuite être soumis à l'approbation et à validation par la direction de l'entreprise.

Il s'infère en effet de la fiche de poste du Coordinateur des risques associés occupé par Madame [N] [F] que ce poste de travail implique notamment la coordination d'une veille scientifique et réglementaire, l'organisation et le développement du recueil de données internes pour la sécurité des soins, la SAS COLISEE FRANCE, venant aux droits de la société CLINIQUE [6], ne pouvant dès lors raisonnablement reprocher à Madame [K] [U] l'absence de mise à jour des classeurs papiers, le suivi partiel de la lecture de nouveaux documents intégrés dans la gestion électronique des documents et la non maîtrise documentaire de nature à faire obstacle à un accès par les professionnels concernés aux documents validés et aux pratiques issues de recommandations de bonnes pratiques les concernant.

De même, s'agissant de la diffusion insuffisante des compte-rendus, notamment ceux des instances et des groupes de travail, comme cela avait été relevé le 9 septembre 2016 par un ingénieur qualité mandaté par l'employeur afin de réaliser un audit et proposer des pistes d'amélioration en matière de qualité de l'établissement, : 'La responsable qualité de la CHC réalise aujourd'hui un ensemble de tâches qui, si elles ont toutes un lien plus ou moins fort avec de la maîtrise des risques et de la dynamique d'amélioration de la clinique, ne relèvent pas directement de sa responsabilité', comme tel est notamment le cas de ces tâches de diffusion, de communication et d'édition de compte-rendus relevant des missions d'un secrétariat de direction.

Il s'ensuit que ce grief de licenciement n'est pas matériellement établi. En tout état de cause, la SAS COLISEE FRANCE, venant aux droits de la société CLINIQUE [6], ne rapporte pas la preuve d'une abstention volontaire ou d'une mauvaise volonté délibérée de Madame [K] [U] dans ce cadre.

- Sur le cinquième grief de licenciement :

La SAS COLISEE FRANCE, venant aux droits de la société CLINIQUE [6], impute ensuite à Madame [K] [U] un défaut de transmission cohérente entre la cellule Qualité et les équipes, notamment s'agissant des protocoles à tenir. Il ressort toutefois que ce grief ne saurait raisonnablement être imputé à l'intimée dès lors que cette mission incombe en réalité au Coordinateur des risques associés aux soins, poste occupé par Madame [N] [F].

La fiche de mission versée aux débats par Madame [K] [U] retrace notamment, au titre des missions dévolues au Coordinateur des risques associés aux soins, celles de veiller à l'analyse des événements indésirables en relation avec celle des plaintes et des réclamations, avec les pôles et les secteurs d'activités, ainsi que celle de veiller à la mise en oeuvre du programme d'actions en collaboration avec les différents experts et les personnes ressources er les chefs de projet identifiés dans le programme.

Ce grief de licenciement n'est donc pas matériellement établi et en tout état de cause, la SAS COLISEE FRANCE, venant aux droits de la SAS CLINIQUE [6], échoue à démontrer l'existence d'une abstention volontaire ou d'une mauvaise volonté délibérée de Madame [K] [U] dans ce cadre.

- Sur le sixième grief de licenciement :

La SAS COLISEE FRANCE, venant aux droits de la société CLINIQUE [6], reproche ensuite à Madame [K] [U] une absence de mise en place des actions d'amélioration, notamment consécutivement aux évaluations externes. Il convient tout d'abord de relever que la mise en place des actions d'amélioration implique que les programmes d'action définis soient dûment appréhendés par les différents professionnels de l'établissement et les autorités impliquées, la mise en place d'une telle appropriation par les acteurs directs relevant de la mission contractuelle du Coordonateur des risques associés aux soins, soit présentement Madame [N] [F], aucune responsabilité ne pouvant dès lors être opposée de ce chef à Madame [K] [U].

Par ailleurs, tant cette salariée que Madame [KT], ancienne directrice de la clinique, ont eu l'occasion de faire remonter à la direction du groupe COLISEE FRANCE différents points d'amélioration dont la prise en compte effective ne saurait dépendre de leur niveau de responsabilité, tels notamment la taille de l'établissement et son isolement, la hiérarchie opérationnelle réduite à son minimum ou encore la nécessité de polyvalence 'multicasquette'.

Dans de telles circonstances, aucun reproche ne peut être formulé de ce chef à l'encontre de Madame [K] [U], ce grief de licenciement n'étant pas matériellement établi. En tout état de cause, comme précédemment, la SAS COLISEE FRANCE, venant aux droits de la société CLINIQUE [6], échoue à établir l'existence d'une insuffisance fautive de la part de sa salariée.

- Sur le septième grief de licenciement :

La SAS COLISEE FRANCE, venant aux droits de la société CLINIQUE [6], reproche enfin à Madame [K] [U] une insuffisance et un manque de rigueur concernant l'ensemble des bilans à produire par le service Qualité de manière générale.

Outre que l'employeur s'abstient de préciser en quoi consisterait précisément cette insuffisance de rigueur concernant les bilans établis par le service Qualité, il convient de souligner que cette mission incombe en réalité au Coordonateur des risques associés aux soins, soit à Madame [N] [F], étant rappelé que s'agissant de l'ensemble des documents dont l'établissement relève du service qualité, le manuel qualité et gestion des risques applicable au sein de l'établissement la CLINIQUE [6], prévoit que si Madame [K] [U] intervient certes en qualité de rédacteur, leur vérification relève en revanche du Coordonateur des risques, avant d'être approuvés par le président du CME (le docteur [H]) et validés par le Directeur d''établissement (Monsieur [V] [G]).

Il s'ensuit que ce grief de licenciement n'est pas matériellement établi et en tout état de cause, la SAS COLISEE FRANCE, venant aux droits de la société CLINIQUE [6], échoue à rapporter la preuve d'une abstention volontaire ou d'une mauvaise volonté délibérée de Madame [K] [U] dans ce cadre.

- Sur l'analyse globale :

Vu les attendus qui précèdent, l'employeur échoue à rapporter la preuve d'une faute sérieuse, encore moins d'une faute grave, commise par la salariée s'agissant des griefs de licenciement qui sont opposés à Madame [K] [U] dans la lettre de licenciement.

L'employeur fait également preuve d'une particulière mauvaise foi en faisant porter exclusivement sur Madame [K] [U] la responsabilité de dysfonctionnement qui sont largement imputables à la direction de l'établissement et au groupe COLISEE FRANCE qui ont fait preuve d'un manque de diligence, d'implication et d'intérêt s'agissant du domaine Qualité et Gestion des risques.

Nonobstant le rôle de bouc émissaire que l'employeur a cru bon de lui attribuer, la cour ne relève pas d'insuffisance fautive commise par Madame [K] [U] dans l'exercice des fonctions de Responsable Qualité et Gestion des risques, dont il importe une nouvelle fois de rappeler qu'elles lui ont été confiées en méconnaissance de l'obligation incombant à l'employeur de formation et d'adaptation du salarié au poste de travail.

Surabondamment, vu les observations précitées et alors que l'employeur a manqué à son obligation de formation et d'adaptation, aucune insuffisance professionnelle non fautive n'est même caractérisée à l'encontre de Madame [K] [U].

En conséquence, vu l'ensemble des éléments d'appréciation objectifs dont elle dispose, la cour considère, tout comme les premiers juges, que le licenciement pour faute grave notifié à Madame [K] [U] par la SAS COLISEE FRANCE, venant aux droits de la SAS CLINIQUE [6], est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a considéré le licenciement de Madame [K] [U] sans cause réelle et sérieuse, et en ce qu'il a condamné la SAS CLINIQUE [6] à verser à Madame [K] [U] les sommes de 4.644,94 euros -brut- à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 464,49 euros - brut- au titre des congés payés afférents, sauf à préciser que la SAS COLISEE FRANCE vient aux droits de la SAS CLINIQUE [6].

- Sur l'indemnité de licenciement -

En application des dispositions de l'article L. 1234-9 du code du travail, le salarié titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu'il compte 8 mois d'ancienneté ininterrompus au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement.

Les modalités de calcul de cette indemnité sont fonction de la rémunération brute dont

le salarié bénéficiait antérieurement à la rupture du contrat de travail. Ce taux et ces modalités sont déterminés par voie réglementaire.

L'article R. 1234-1 du code du travail précise que l'indemnité de licenciement prévue à l'article L. 1234-9 ne peut être inférieure à une somme calculée par année de service dans l'entreprise et tenant compte des mois de service accomplis au-delà des années pleines. En cas d'année incomplète, l'indemnité est calculée proportionnellement au nombre de mois complets.

Par ailleurs, l'article R. 1234-2 du Code du travail dispose que l''indemnité de licenciement ne peut être inférieure aux montants suivants :

1° Un quart de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années jusqu'à dix ans ;

2° Un tiers de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années à partir de dix ans.

Aux termes des dispositions de l'article R. 1234-4 du code du travail applicables aux licenciements notifiés à compter du 24 septembre 2017 : 'Le salaire à prendre en considération pour le calcul de l'indemnité de licenciement est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié : 1° Soit la moyenne mensuelle des douze derniers mois précédant le licenciement, ou lorsque la durée de service du salarié est inférieure à douze mois, la moyenne mensuelle de la rémunération de l'ensemble des mois précédant le licenciement ; 2° Soit le tiers des trois derniers mois. Dans ce cas, toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel, versée au salarié pendant cette période, n'est prise en compte que dans la limite d'un montant calculé à due proportion.'.

L'indemnité légale de licenciement se calcule sur la base du douzième de la rémunération brute des douze derniers mois précédant le licenciement ou, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié, le tiers des trois derniers mois, étant entendu que dans ce cas, toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel qui aurait été versée au salarié pendant cette période, ne doit être prise en compte que prorata temporis (art. R. 1234-4). La période de référence inclus le salaire afférent à la période de préavis que celui-ci soit travaillé ou non.

En l'espèce, les parties s'accordent sur une ancienneté de 27 ans et 8 mois concernant Madame [K] [U], ainsi que sur un salaire mensuel brut de référence de 2.322,47 euros.

Par application des principes de droit susvisés, Madame [K] [U] est bien fondée à se voir allouer, à titre d'indemnité légale de licenciement, une somme de 19.482,93 euros [2.322,47 x (1/4) x10] + [2.322,47 x(1/3) x 17] + [2.322,47 x (1/3) x (8/12)].

Le jugement de première instance sera donc confirmé en ce qu'il a fait droit à la demande d'indemnité de licenciement de Madame [K] [U] mais réformé quant au quantum alloué de ce chef et, statuant à nouveau, la SAS COLISEE FRANCE, venant aux droits de la SAS CLINIQUE [6], sera condamnée à verser à la salariée la somme de 19.482,93 euros à titre d'indemnité de licenciement.

- Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse -

L'article L.'1235-1'du code du travail dispose qu'en matière de licenciement, à défaut d'accord, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Il justifie dans le jugement qu'il prononce le montant des indemnités qu'il octroie.

Il résulte d'une jurisprudence constante que la perte injustifiée de son emploi par le salarié lui cause nécessairement un préjudice dont il appartient au juge d'apprécier l'étendue, de façon souveraine et en fonction des préjudices subis.

Selon l'article L1235-3'dans sa rédaction issue de la Loi n°2018-217'du 29'mars'2018, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.

Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans le même article.

Selon ce même article:

- 'pour déterminer le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, le juge peut tenir compte, le cas échéant, des indemnités de licenciement versées à l'occasion de la rupture, à l'exception de l'indemnité légale de licenciement

-'cette indemnité est cumulable, le cas échéant, avec les indemnités suivantes mais uniquement dans la limite des montants maximaux (plafonds) prévus à l'article L.'1235-3':

* l'indemnité allouée au salarié licencié pour motif économique en cas de non-respect par l'employeur des procédures de consultation des représentants du personnel ou d'information de l'autorité administrative';

* l'indemnité allouée au salarié licencié pour motif économique en cas de non-respect de la priorité de réembauche';

* l'indemnité allouée au salarié licencié pour motif économique lorsque le Comité social et économique n'a pas été mis en place dans une entreprise alors qu'elle est assujettie à cette obligation et qu'aucun procès-verbal de carence n'a été établi.

Le nouvel article L.'1235-3'du Code du travail définit des montants minimaux (plancher) et maximaux (plafond) d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse calculés en mois de salaire brut (c'est à dire comprenant le salaire et les accessoires du salaire, les primes et avantages, les heures supplémentaires accomplies par le salarié au cours des six derniers mois précédant la rupture du contrat de travail avant déduction de l'impôt sur le revenu et des charges sociales), en fonction de l'ancienneté et du nombre de salariés dans l'entreprise.

Ainsi, dans les entreprises employant habituellement 11'salariés ou plus, l'article L.'1235-3'prévoit que l'indemnité de licenciement varie de 1'à 20'mois de salaire brut suivant l'ancienneté dans l'entreprise, en fixant des montants minimaux et maximaux.

Dans les entreprises de moins de 11'salariés, l'article L.'1235-3'fixe un régime dérogatoire au barème précédent pour les seules indemnités minimales, qui oscillent de 0,5'à 2,5'mois de salaire brut entre 0'et 10'années d'ancienneté dans l'entreprise.

La Convention n°158'de l'Organisation Internationale du Travail, d'application directe en droit interne, prévoit en son article 10'que les juges doivent être «'habilités à ordonner le versement d'une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée'». L'article 24'de la Charte Sociale Européenne contient une disposition similaire.

L'article 6'de la Convention européenne des droits de l'homme garantit le droit à un procès équitable.

Le barème prévu par l'article L.'1235-3'du code du travail a été critiqué devant le Conseil d'Etat et le Conseil Constitutionnel.

Dans sa décision 415-243'du 7'décembre'2017, le Conseil d'État a validé ce barème.

Dans sa décision n°'2018-761'DC du 21'mars'2018, le Conseil Constitutionnel a déclaré le mécanisme du barème prévu par l'article L.'1235-3'du code du travail conforme à la Constitution.

Dans un arrêt du 11'mai'2022 (pourvoi 21-14490), la Cour de cassation a jugé que':

- 'les dispositions des articles L.'1235-3'et L.'1235-3-1'du code du travail, qui octroient au salarié, en cas de licenciement injustifié, une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux variant en fonction du montant du salaire mensuel et de l'ancienneté du salarié et qui prévoient que, dans les cas de licenciements nuls énumérés, le barème ainsi institué n'est pas applicable, permettent raisonnablement l'indemnisation de la perte injustifiée de l'emploi. Le caractère dissuasif des sommes mises à la charge de l'employeur est également assuré par l'application, d'office par le juge, des dispositions précitées de l'article L.'1235-4'du code du travail. Les dispositions des articles L.'1235-3, L.'1235-3-1'et L.'1235-4'du code du travail sont ainsi de nature à permettre le versement d'une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l'article 10'de la Convention n°158'de l'OIT. Il en résulte que les dispositions de l'article L.'1235-3'du code du travail sont compatibles avec les stipulations de l'article 10'de la Convention n°158'de l'OIT';

-'le juge du fond, à qui il appartient seulement d'apprécier la situation concrète du salarié pour déterminer le montant de l'indemnité due entre les montants minimaux et maximaux déterminés par l'article L.1235-3'du code du travail, ne peut pas relever la nécessité d'une indemnisation adéquate et appropriée du préjudice subi, compatible avec les exigences de l'article 10'de la Convention n°158'de l'OIT, pour condamner l'employeur au paiement d'une somme supérieure au montant maximal prévu par l'article L.'1235-3'du code du travail.

Dans cet arrêt, la cour de cassation rappelle, que le terme 'adéquat' visée à l'article 10'de la convention n°158'de l'OIT signifie que l'indemnité pour licenciement injustifié doit, d'une part être suffisamment dissuasive pour éviter le licenciement injustifié, et d'autre part raisonnablement permettre l'indemnisation de la perte injustifiée d'emploi.

Dans un arrêt (pourvoi 21-15247) du 11'mai'2022, la Cour de cassation a jugé que la Charte sociale européenne n'étant pas d'effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers, l'invocation de son article 24'ne peut pas conduire à écarter l'application des dispositions de l'article L.'1235-3'du code du travail et qu'il convient d'allouer en conséquence au salarié une indemnité fixée à une somme comprise entre les montants minimaux et maximaux déterminés par ce texte.

Le barème prévu par l'article L.'1235-3'du code du travail apparaît donc conforme aux textes européens et internationaux, et ce nonobstant le fait que le Comité Européen des Droits Sociaux (CEDS) a estimé, dans une décision en date du 23'mars'2022, que le plafonnement des indemnités prud'homales en cas de licenciement injustifié constitue une violation de la charte sociale européenne en ce que le droit à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée, au sens de l'article 24.b de la Charte, n'est pas garanti.

Sur la base d'une ancienneté de 27'ans et 8'mois, d'un salaire moyen de 2.322,47'euros - brut-, Madame [K] [U], licenciée par une entreprise employant habituellement plus de 11 salariés, est en droit de percevoir une indemnité comprise entre 3 et 19 mois de salaire, soit entre 6.967,41 euros et 44.126,93 euros.

En l'espèce, Madame [K] [U] a été licenciée par la SAS COLISEE FRANCE, venant aux droits de la SAS CLINIQUE [6], alors même qu'elle était âgée de 58 ans.

Madame [K] [U] justifie avoir, en suite de la rupture de son contrat de travail, candidaté à différentes offres d'emploi pour lesquelles sa candidature n'a pas été retenue et avoir perçu l'allocation d'aide au retour à l'emploi.

Au vu de l'ensemble de ces éléments d'appréciation, la cour évalue à la somme de 40.000 euros le montant des dommages et intérêts propres à réparer les préjudices subis du fait du licenciement sans cause réelle et sérieuse de Madame [K] [U].

La SAS COLISEE FRANCE, venant aux droits de la SAS CLINIQUE [6], sera condamnée à verser à Madame [K] [U] la somme de 40.000 euros (brut), à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice subi du fait d'une perte d'emploi injustifiée liée à un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement sera réformé en ce sens.

- Sur la demande de dommages et intérêts pour circonstances brutales et vexatoires entourant le licenciement -

Dans le cas d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, un salarié reste recevable à démontrer l'existence d'un préjudice distinct de la seule perte injustifiée d'emploi pour obtenir une indemnisation échappant aux dispositions de L. 1235-3 du code du travail. C'est le cas de l'indemnité réparant le préjudice subi par le salarié du fait des procédés vexatoires dans la mise en oeuvre ou les circonstances du licenciement, ou de l'indemnité réparant la détérioration de l'état de santé du salarié imputable à un comportement fautif de l'employeur. En cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, le cumul de dommages-intérêts est donc possible en cas de faute de l'employeur dans les circonstances entourant le licenciement dont il résulte pour le salarié un préjudice distinct de la seule perte d'emploi injustifiée.

Madame [K] [U] fait valoir que son licenciement est intervenu dans des circonstances brutales et vexatoires dès lors qu'elle a été licenciée après 28 années d'ancienneté et alors même qu'elle n'avait au préalable jamais fait l'objet de quelconques remarques ou sanctions disciplinaires, qu'elle a été évincée brutalement au regard du licenciement engagé pour faute grave à son encontre en sorte qu'elle n'a pu saluer ses collègues de travail avant son départ et que la résonnance d'une telle mesure disciplinaire, s'agissant de la commune de [Localité 9], de part sa petite taille, a impacté négativement son image et sa réputation.

Dans de telles circonstances brutales et vexatoires entourant le licenciement, il apparaît que Madame [K] [U] a subi un préjudice moral distinct de celui d'ores et déjà réparé par l'indemnité allouée pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, les premiers juges ayant sur ce point octroyée à Madame [K] [U] une juste indemnité de 10.000 euros.

Le jugement de première instance sera donc confirmé en ce qu'il a condamné la SAS CLINIQUE [6] à verser à Madame [K] [U] une somme de 10.000 euros en réparation du préjudice subi à raison des circonstances brutales et vexatoires de son licenciement, sauf à préciser que la SAS COLISEE FRANCE vient aux droits de la SAS CLINIQUE [6].

- Sur le remboursement des sommes payées au salarié par Pôle Emploi, devenu France Travail -

Selon l'article L1235-4 du code du travail dans sa version applicable au litige: "Dans les cas prévus aux articles L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé.

Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées".

S'agissant d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, il y a lieu d'ordonner, d'office et par application de l'article L 1235-4 du code du travail, le remboursement par la SAS COLISEE FRANCE, venant aux droits de la SAS CLINIQUE [6], à Pôle Emploi, devenu France Travail, des indemnités de chômage payées à Madame [K] [U] à la suite de son licenciement, dans la limite de six mois de prestations.

- Sur les dépens et frais irrépétibles -

Le jugement de première instance sera confirmé en ses dispositions sur les dépens et frais irrépétibles de première instance, sauf à préciser que la SAS COLISEE FRANCE vient aux droits de la SAS CLINIQUE [6].

En cause d'appel, la SAS COLISEE FRANCE, venant aux droits de la SAS CLINIQUE [6], sera condamnée, outre aux entiers dépens d'appel, à verser à Madame [K] [U] une somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ce qui exclut qu'il soit fait droit à la demande qu'elle formule de ce chef.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

- Réformant le jugement déféré, condamne la SAS COLISEE FRANCE, venant aux droits de la SAS CLINIQUE [6], à payer à Madame [K] [U] les sommes suivantes :

* 4.000 euros, à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice subi à raison du manquement de l'employeur à son obligation de formation et d'adaptation au poste de travail,

* 19.482,93 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

* 4.644,94 euros (brut) à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 464,49 euros (brut) au titre des congés payés afférents,

* 40.000 euros (brut), à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice subi du fait d'une perte d'emploi injustifiée liée à un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 10.000 euros, à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice moral subi en raison des circonstances brutales et vexatoires entourant le licenciement,

* 2.000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance ;

- Confirme le jugement déféré en toutes ses autres dispositions non contraires ;

Y ajoutant,

- Ordonne le remboursement par la SAS COLISEE FRANCE, venant aux droits de la SAS CLINIQUE [6], à Pôle Emploi, devenu FRANCE TRAVAIL, des indemnités de chômage payées à Madame [K] [U] à la suite de son licenciement, dans la limite de six mois de prestations ;

- Condamne la SAS COLISEE FRANCE, venant aux droits de la SAS CLINIQUE [6], à verser à Madame [K] [U] une indemnité de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

- Condamne la SAS COLISEE FRANCE, venant aux droits de la SAS CLINIQUE [6], aux dépens d'appel ;

- Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.

Le greffier, Le Président,

N. BELAROUI C. RUIN


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Riom
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/01552
Date de la décision : 18/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 01/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-18;21.01552 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award