R. G. : 08 / 01190
COUR D'APPEL DE ROUEN
CHAMBRE SOCIALE
ARRET DU 18 NOVEMBRE 2008
DÉCISION DÉFÉRÉE :
Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE DIEPPE du 22 Février 2006
APPELANTS :
Madame Michèle X...venant aux droits de M. Philippe X...
...
76470 LE TREPORT
comparant en personne, assistée de Me Benoît DAKIN, avocat au barreau de DIEPPE substitué par Me Vanessa MALICKI, avocat au barreau de DIEPPE
Monsieur Nicolas X...venant aux droits de M. Philippe X...
...
Bât E2
06300 NICE
représenté par Me Benoît DAKIN, avocat au barreau de DIEPPE substitué par Me Vanessa MALICKI, avocat au barreau de DIEPPE
Madame Hélène X...épouse Z...venant aux droits de M. Philippe X...
...
76200 DIEPPE-JANVAL
comparant en personne, assistée de Me Benoît DAKIN, avocat au barreau de DIEPPE substitué par Me Vanessa MALICKI, avocat au barreau de DIEPPE
INTIMEE :
Société FRANCE BOISSONS HAUTE-NORMANDIE
2 rue de la Scierie
76530 LES ESSARTS
représentée par Me Grégory NAUD, avocat au barreau de NANTES
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 01 Octobre 2008 sans opposition des parties devant Madame PAMS-TATU, Président, magistrat chargé d'instruire l'affaire, en présence de Madame RAYNAL-BOUCHÉ, Conseiller,
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame PAMS-TATU, Président
Madame RAYNAL-BOUCHÉ, Conseiller
Monsieur MOUCHARD, Conseiller
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Monsieur CABRELLI, Greffier
DEBATS :
A l'audience publique du 01 Octobre 2008, où l'affaire a été mise en délibéré au 18 Novembre 2008
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé le 18 Novembre 2008, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
signé par Madame PAMS-TATU, Président et par Monsieur CABRELLI, Greffier présent à cette audience.
EXPOSÉ SUCCINCT DES FAITS, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES
M. X...a été engagé le 20 juillet 1987 par les Etablissements DESJONQUERES, en qualité de preneur d'ordres ; le statut de VRP lui a été attribué le 1er avril 1989 ; la relation contractuelle s'est poursuivie à compter du 1er janvier 2001 avec le nouvel employeur la SNC NORMANDIE BOISSONS ; selon avenant du 19 décembre 2000, avec effet au 1er janvier 2001, il est devenu responsable commercial.
A partir du 16 août 2003, il a été placé en arrêt pour maladie.
Le 16 septembre 2004, il était convoqué à un entretien préalable et licencié le 6 octobre 2004.
Contestant le bien-fondé de son congédiement, il saisissait le 22 octobre 2004 le conseil de prud'hommes de DIEPPE qui, par jugement du 22 février 2006, rendu sous la présidence du juge-départiteur, condamnait la SNC FRANCE BOISSONS HAUTE-NORMANDIE à payer à Mme Michèle X..., M. Nicolas X...et Mme Hélène Z..., venant aux droits de M. Philippe X..., les intérêts de retard ayant couru sur la somme de 1. 096 € entre le 22 octobre 2004 et le 17 juin 2005, outre celle de 800 € au titre des frais irrépétibles, les parties étant déboutées du surplus de leurs demandes.
C'est dans ces conditions que l'appel était diligenté par les ayants-droits de M. X...qui font valoir que :
- dès la mi-janvier 2004, il avait été pourvu au remplacement définitif de M. X...;
- ce remplacement est intervenu 5 mois après le premier arrêt pour maladie et plus de 8 mois avant que ne soit engagée la procédure de licenciement ;
- la prétendue baisse des indicateurs d'activités n'est pas établie, faute de produire un document extérieur à l'entreprise ;
- le licenciement est nul car les conditions de fait pouvant le justifier ne sont pas remplies.
Il est demandé, en conclusion, à la Cour de :
déclarer le licenciement nul et de condamner l'employeur au paiement des sommes de :
• salaires...................... mémoire,
• 450 € en réparation du préjudice distinct (indemnité compensatrice congés payés),
• 4. 712 € au titre de l'indemnité de préavis,
• 6. 377 € au titre du reliquat de l'indemnité de licenciement,
• 42. 408 € à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive,
• 450 € en réparation du préjudice distinct (indemnité compensatrice congés payés),
outre les intérêts de droit à compter du 14 octobre 2004 sur les indemnités de préavis et de licenciement,
confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société FRANCE BOISSONS au paiement des intérêts de droit sur l'indemnité de congés payés de 1. 096 € du 22 octobre 2004 au 17 juin 2005 ;
condamner la société au paiement de la somme de 3. 000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
La société FRANCE BOISSONS HAUTE-NORMANDIE a conclu à la confirmation de la décision et à la condamnation solidaire des consorts X...à lui payer la somme de 2. 000 €, en application de l'article 700 du Code de procédure civile ; elle insiste sur la spécificité des fonctions de M. X..., qui ne permettait pas de laisser vacant ce vaste secteur, ou de remplacer son titulaire par un intérimaire et considère que les solutions provisoires qu'elle avait mises en place ne pouvaient perdurer d'autant que le chiffre d'affaires non seulement de l'ensemble des commerciaux, et en particulier celui de M. X...avait baissé.
MOTIFS DE LA DÉCISION
L'article L. 122-45 du Code de travail n'interdit pas que le licenciement soit motivé par la situation objective de l'entreprise qui se trouve dans la nécessité de pourvoir au remplacement d'un salarié dont l'absence prolongée perturbe le fonctionnement.
La lettre de licenciement en date du 6 octobre 2004 est ainsi libellée :
... " Par un précédent courrier en date du 11 août 204, nous vous avions demandé, comme le prévoit la convention collective de nous préciser si vous étiez en mesure d'envisager un retour sous 10 jours. Malheureusement en l'état actuel de votre santé, votre retour n'est pas envisageable.
Compte tenu de votre poste de commercial, il nous est impossible de laisser vacant votre secteur sans prendre le risque majeur d'une forte perte de clientèle et d'activité. C'est donc dans cet esprit que nous avons été amenés à réorganiser nos secteurs commerciaux et à pourvoir à votre remplacement.
Votre remplacement définitif devenant inévitable, nous sommes dans l'obligation de prononcer votre licenciement. "
M. X...qui exerçait en dernier lieu les fonctions de responsable commercial pour le secteur de Neufchâtel-en-Bray, Dieppe, la Vallée de l'Hyères et Le Tréport a été en arrêt pour maladie à partir du 16 août 2003 ; son remplacement a été assuré, selon les documents produits, par M. A..., responsable vins du site des Essarts, pour la période de septembre 2003 à janvier 2004 et à compter du 2 février 2004 par M. B..., engagé selon contrat à durée indéterminée du 19 janvier 2004, soit 5 mois après le premier arrêt de travail de M. X....
Pour démontrer la nécessité d'un remplacement définitif de M. X..., la société verse aux débats des documents qui font apparaître une diminution du chiffre d'affaires de 10 %, une chute des ventes de 12, 01 % ainsi qu'une baisse de la marge de 7, 44 %, baisse plus importante sur le secteur de M. X...en particulier, mais il n'est pas pour autant possible d'imputer cette baisse à la seule absence du salarié.
La hâte avec la société a agi pour remplacer définitivement M. X...ne saurait être justifiée par la spécificité des fonctions du salarié, compte tenu de la taille de la société ; en outre, et même si M. X...n'a pas donné de réponse précise au courrier de l'employeur du 19 août 2004 lui demandant sa date de reprise prévisible, cette considération n'est pas déterminante dans la mesure où M. X...était déjà remplacé.
C'est pourquoi, le licenciement est nul et la décision réformée. La société doit être condamnée à payer, à titre de dommages-intérêts, la somme de 25. 000 €, compte tenu de son ancienneté et des circonstances de son licenciement.
Lorsque le licenciement est nul, le salarié a droit à l'indemnité de préavis, peu important les motifs de la rupture ; la société est donc redevable de la somme de 4. 712 €, outre les intérêts de droit à compter du 22 octobre 2004, date de la saisine du conseil de prud'hommes.
S'agissant du complément de l'indemnité de licenciement, la société démontre par ses calculs très précis que le salarié a été rempli de ses droits conformément à la convention collective des vins, cidres, jus de fruits, légumes de France, convention la plus favorable.
Il n'est pas contesté que la société n'a pas versé à M. X...le solde de ses congés payés lors de l'établissement de son solde de tout compte, même si la situation a été régularisée le 19 juin 2005 ; ce retard lui a nécessairement causé un préjudice qui sera réparé par la somme de 800 €.
L'équité et les circonstances de la cause justifient qu'il soit alloué la somme de 1. 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile aux ayants-droits de M. X....
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Confirme la décision entreprise en ce qu'elle a condamné la société FRANCE BOISSONS HAUTE-NORMANDIE à payer aux ayants-droit de M. Philippe X...les intérêts de retard ayant couru sur la somme de 1. 096 € entre le 22 octobre 2004 et le 17 juin 2005 et à celle de 800 € au titre des frais irrépétibles ;
L'infirmant pour le surplus ;
Dit le licenciement de M. X...nul ;
Condamne la société FRANCE BOISSONS HAUTE-NORMANDIE à payer aux ayants-droit de M. X...les sommes de :
• 25. 000 € à titre de dommages-intérêts,
• 800 € à titre de réparation du préjudice distinct (indemnité compensatrice congés payés),
• 4. 712 € au titre de l'indemnité de préavis, outre les intérêts de droit à compter du 22 octobre 2004,
• 1. 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile pour les frais irrépétibles engagés en appel,
Déboute les ayants-droit de M. X...du surplus de leur demande ;
Condamne la société FRANCE BOISSONS HAUTE-NORMANDIE aux dépens.
Le greffierLe président