R.G : 08/01314
COUR D'APPEL DE ROUEN
CHAMBRE SOCIALE
ARRET DU 18 NOVEMBRE 2008
DÉCISION DÉFÉRÉE :
Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE ROUEN du 28 Février 2008
APPELANTE :
SOCIETE COMMUNES SERVICES
17 allée des Saules
78480 VERNEUIL SUR SEINE
représentée par Me François GERBER, avocat au barreau de PARIS
INTIMES :
Monsieur Alain X...
...
76000 ROUEN
comparant en personne,
assisté de Me Emmanuel VERILHAC, avocat au barreau de ROUEN
SOCIETE ISOR
18-22 rue d'Arras
92022 NANTERRE
représentée par Me Carine KOKORIAN, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors des débats et du délibéré :
Madame PAMS-TATU, Président
Madame RAYNAL-BOUCHÉ, Conseiller
Monsieur MOUCHARD, Conseiller
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Monsieur CABRELLI, Greffier
MINISTERE PUBLIC :
Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.
DEBATS :
A l'audience publique du 02 Octobre 2008, où l'affaire a été mise en délibéré au 18 Novembre 2008
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé le 18 Novembre 2008, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
signé par Madame PAMS-TATU, Président et par Monsieur CABRELLI, Greffier présent à cette audience.
M. Alain X... a été embauché en qualité d'agent de propreté par la société USP le 1er janvier 1995 et a été affecté sur le site du parking du Centre Saint Sever à ROUEN ; il a été repris par la société ISOR le 1er janvier 2005 en application de l'article L 122-12 du code du travail le 1er janvier 2005 et a continué à exercer ses activités entièrement dans le même lieu.
Il a été membre suppléant du comité d'établissement de cette société qui a perdu ce marché à compter du 1er janvier 2006 .
En raison de son statut de salarié protégé, la société ISOR a demandé à l'inspection du travail l'autorisation de procéder à son transfert laquelle a été refusée par décisions des 31 décembre 2005, 2 février 2006 et 5 mai 2006 suite à ses recours gracieux .
Par décision du 15 septembre 2003, le ministre du travail saisi par le recours hiérarchique de la société a annulé la décision de l'inspecteur du travail et autorisé le transfert du contrat de travail de M. X... au sein de la société COMMUNES SERVICES .
M. X... a, par lettre recommandée du 20 septembre 2006, indiqué à la société COMMUNES SERVICES sa volonté d'être intégré en son sein .
La société lui a répondu par lettre du 22 suivant qu'elle n'y voyait pas d'inconvénient mais souhaitait prendre l'avis de son conseil et, par lettre du 25 septembre, la société ISOR a informé M. X... qu'il n'était plus son employé puis lui a remis un solde de tout compte avec pour dernier jour de rémunération le 15 septembre.
Par lettre recommandée du 2 octobre 2006, la société COMMUNES SERVICES a indiqué à M. X... qu'elle n'entendait pas l'intégrer dans ses effectifs et, celui-ci a attrait devant le conseil des prud'hommes de ROUEN, la société COMMUNES SERVICES et la société ISOR ; par jugement du 28 février 2008, rendu en formation de départage, cette juridiction a condamné la société COMMUNES SERVICES à lui payer :
• 2.871,34 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
• 287,13 € à titre de congés payés sur préavis,
• 440,61 € à titre de congés payés acquis,
• 2.281,37 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
• 14.500 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
• 53.119,56 € à titre d'indemnité liée à la violation du statut protecteur,
• 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Régulièrement appelante de cette décision, faisant développer à l'audience ses conclusions qu'elle y dépose auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé, elle demande à la cour de mettre à néant la décision entreprise et statuant à nouveau, de la réformer et de dire que M. X... n'a ni droit ni qualité pour agir à son encontre alors qu'il n'a jamais été son salarié, en conséquence de la mettre hors de cause, à titre subsidiaire, de réformer la décision entreprise et de débouter M. X... de l'ensemble de ses demandes, et, si par extraordinaire la décision entreprise était confirmée en son principe, de condamner la société ISOR à la garantir de l'ensemble des condamnations intervenues, par application de l'article 1382 du code civil, eu égard à la fraude délibérée organisée par cette société .
Elle demande également la condamnation solidaire de M. X... et de la société ISOR à lui payer au titre de l'article 700 du code de procédure civile la somme de 5.000 € .
Elle soutient principalement que :
- Elle s'est bornée en décembre 2005 à prendre acte du refus du salarié d'être transféré dans ses effectifs , la société ISOR quant à elle n'a jamais, jusqu'au 15 septembre 2006 contesté garder M. X... à son service et, elle l'a rémunéré jusqu'à cette date ; elle a donc organisé ses effectifs sur le parc Saint Sever sans prendre en compte M. X... .
- Elle a appris pendant l'audience de départage qu'elle avait été tenue à l'écart de l'ensemble du processus de décision administrative et du recours hiérarchique et ce jusqu'à la date du 15 septembre 2006, cette exclusion étant organisée dans un accord parfait par M. X... et la société.
- Elle a donc été tenue écartée de tout débat contradictoire , et il a été porté atteinte à ses droits à un procès équitable au sens de l'article six de la convention européenne.
- En conséquence, M. X... n'a ni intérêt ni qualité pour agir à l'encontre de la société COMMUNES SERVICES :
Il a de son propre chef refusé d'intégrer ses effectifs par lettre du 28 décembre 2005.
L'inspection du travail de MANTES a bien confirmé qu'il ne faisait pas partie de son personnel par lettre du 27 septembre 2006 .
Cette lettre est créatrice de droit pour elle, elle est la seule décision administrative prise avec sa mise en cause .
Elle a été transmise tant à l'inspection du travail de ROUEN qu'à M. X... et la décision qu'elle contient est devenue définitive, M. X... n'ayant usé d'aucun recours contre elle.
- Quant au fond, le code du travail de M. X... permettait à la société ISOR de le nommer dans n'importe quel site de la région en raison de la clause de mobilité qui y figurait, ISOR voulait en fait se débarrasser de lui en raison de son statut de salarié protégé, il est possible qu'il ait déjà été salarié protégé avant son élection du 13 décembre 2005, aucune pièce n'étant produite à cet égard .
- Les conditions de transfert automatique de M. X... n'étaient pas réunies puisque M. X... s'est opposé à ce transfert en décembre 2005, qu'ISOR disposait de nombreux autres sites sur la région, et que comme l'a estimé l'inspecteur du travail de ROUEN, la convention collective permettait au salarié protégé de rester au sein d'ISOR.
- Il ne pouvait être, comme l'a fait le juge, tiré de conséquences automatiques de la décision du ministre du travail, il fallait tenir compte de l'autonomie relative de M. X... qui a légitimement refusé son transfert et, en réalité, il a été abusivement licencié par ISOR.
- ISOR a voulu se débarrasser d'un membre de la CGT, elle a manoeuvré, sans doute avec l'accord du salarié, elle a certifié à la société COMMUNES service par courrier du 9 décembre 2005 qu'elle l'informerait de la décision prise par l'inspection d travail et n'en a rien fait, elle ne l'a de plus tenue informée d'aucun développement de la situation juridique et administrative et, il a fallu attendre la veille de l'audience de la cour pour que soient produites quelques pièces qui y soient relatives par M. X..., démontrant ainsi la collusion entre ISOR et .M. X... .
- Compte tenu de cette situation , elle a été amenée à prendre pour son chantier de Saint SEVER des dispositions ne tenant pas compte de M. X... , la société ISOR a également, par son comportement démontré sa volonté de frauder les droits de COMMUNES SERVICES.
- ISOR devra ainsi être condamnée à la garantir de l'ensemble des condamnations qui pourraient être prononcées contre elle .
Faisant soutenir à l'audience ses conclusions remises au greffe le 24 septembre 2008 auxquelles il convient de se reporter pour exposé exhaustif, la société ISOR demande outre la confirmation du jugement entrepris la condamnation de la société COMMUNES SERVICES à lui payer, en application de l'article 700 du code de procédure civile la somme de 3.000 €.
- Dès qu'elle a été informée de ce qu'elle perdait le site, elle a demandé à l'inspection du travail l'autorisation de transférer M. X... au service de COMMUNES SERVICES et, par lettre du 9 décembre 2005, a informé cette société de la situation .
- L'inspection du travail a refusé et continué à le faire malgré les recours gracieux qu'elle a formés, elle a formé un recours hiérarchique le 24 mai 2006 auprès du ministre de l'emploi , le 8 juin, elle a formé parallèlement un recours contentieux.
- Par courrier du 15 septembre 2006 le ministre de l'emploi a annulé la décision de l'inspection du travail et autorisé le transfert de M. X..., elle lui a écrit le 25 suivant pour l'informer qu'il ne faisait plus partie de ses effectifs et lui a remis son solde de tout compte ; elle a, le même jour, informé la société COMMUNES SERVICES du transfert .
- Non seulement M. X... ne lui a jamais demandé à rester dans son effectif mais surtout, il n'en remplissait pas les conditions conventionnelles puisque le temps passé sur le marché en question représentait plus de 40 % de son temps de travail total.
- Par ailleurs, M. X... a demandé par son courrier du 20 septembre 2006 à la société COMMUNES SERVICES de l'employer, et ISOR ne saurait être responsable des manquements de cette société.
- L'argument selon lequel elle aurait , de même que M. X... tenu COMMUNES SERVICES à l'écart de la procédure administrative, violant le principe du contradictoire ne peut être retenu ; en effet , dès qu'elle a été informée de la perte du site, le 7 décembre 2005, elle a demandé l'autorisation de transfert à l'inspection du travail et a informé COMMUNES SERVICES de la situation .
- COMMUNES SERVICES ne s'est jamais renseignée auprès d'elle sur la suite de cette demande alors qu'elle en avait connaissance, elle n'a pas être tenue responsable de son inertie .
Faisant développer à l'audience ses conclusions qu'il y remet et auxquelles il convient de se reporter pour complet exposé, M. Alain X... demande la confirmation du jugement entrepris, subsidiairement la condamnation de la société ISOR ou des sociétés ISOR et COMMUNES SERVICES à lui payer les mêmes sommes, ainsi que de condamner chacune de ces sociétés à lui payer , sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile la somme de 5.000 €.
- Le 15 septembre 2006, le ministre de l'emploi a annulé la décision de l'inspecteur du travail et autorisé son transfert à COMMUNES SERVICES ; il a alors, par lettre du 20 septembre 2006 tiré les conséquences de cette décision et demandé à la société de l'intégrer, cette société ne l'a pas refusé dans sa réponse du 22 suivant mais seulement par lettre du 2 octobre .
- Membre suppléant du comité d'établissement, il s'est prévalu des dispositions de l'article 5 de l'accord du 29 mars 1990 , dit annexe 7, mais , sans succès, en raison de la décision du ministre de l'emploi.
- COMMUNES SERVICES qui a refusé de l'intégrer le 2 octobre 2006 ne peut pour ce faire s'appuyer sur l'avis émis par l'inspecteur du travail des Yvelines qui méconnaît les dispositions conventionnelles applicables .
- Cette société a donc à juste titre été jugée responsable de la rupture de son contrat avec les conséquences indemnitaires qui en résultent.
- Les procédures administratives gracieuses ou contentieuses qui l'ont opposé à ISOR ont toutes été communiquées à COMMUNES SERVICES dans le cadre de la procédure prud'homale.
- Elle ne pouvait ignorer la décision du ministre du 15 septembre qu'il avait porté à sa connaissance, cette décision clôt tout débat sur l'application à son contrat de l'article L 122-12 du code du travail.
- Les dispositions de l'article 5 de l'annexe 7 de la convention collective nationale des entreprises de propreté ne pouvant l'appliquer, il s'est retrouvé transféré à la société entrante et , il a contrairement à ce qu'elle soutient , bien évidemment qualité pour agir à l'encontre de son nouvel employeur qui lui a refusé la qualité de salarié .
- Elu dans le collège A en qualité de membre suppléant au comité d'établissement, le 13 décembre 2005, il a le statut de salarié protégé pour toute la durée de son mandat.
- En sollicitant le bénéfice de son maintien au sein de l'entreprise ISOR, en sa qualité de salarié protégé , il ne faisait qu'exercer un droit légitime, et, si la cour croyait devoir juger que la décision ministérielle du 15 septembre n'entraînait pas son transfert automatique, il conviendrait de considérer qu'ISOR a outrepassé ses droits en prenant la responsabilité de la rupture et qu'elle doit l'en indemniser entièrement .
MOTIFS DE LA DÉCISION
En application des dispositions de l'accord du 29 mars 1990 , dit annexe 7, concernant les entreprises qui comme ISOR et COMMUNES SERVICES relèvent de la convention collective de la propreté, le nouveau prestataire d'un marché s'engage à garantir l'emploi de 100 % du personnel affecté au marché faisant l'objet de la reprise qui remplit les conditions prévues à l'article 2, I de ce texte ; il est constant que M. X... les remplissait .
Les dispositions de l'article 5 de l'accord permettent toutefois au salarié représentant du personnel remplissant les conditions pour bénéficier de la garantie d'emploi et dont le mandat dépasse le cadre du marché repris d'opter pour un maintien au sein de l'entreprise sortante sous certaines conditions parmi lesquelles, le fait que le "temps de travail accompli sur le marché repris n'excède pas 40 % de leur temps de travail total accompli pour le compte de l'entreprise sortante".
M. X... était au moment où la société COMMUNES SERVICES a repris le marché du parc Saint Sever, jusque-là confié à ISOR, salarié protégé pour avoir été élu le 13 décembre 2005 membre suppléant du comité d'établissement de ISOR.
La société ISOR justifie avoir par lettre recommandée datée du 9 décembre 2005 communiqué à la société COMMUNES SERVICES, comme l'accord du 29 mars 1990 lui en faisait obligation, la liste des salariés concernés, en l'espèce M. X..., et avoir à cette occasion averti cette société que le salarié étant protégé, elle demandait l'autorisation de le transférer à l'inspection du travail et la tiendrait informée de la décision.
Par lettre recommandée avec accusé de réception datée du 28 décembre 2005, M. X... a simplement indiqué à la société COMMUNES SERVICES qu'il avait, lors de son audition par l'inspecteur du travail de la veille, "émis le désir de ne pas être transféré dans votre société" pour des raisons tenant aux horaires et jours de travail, à ses revenus et à la sécurité.
Les termes utilisés ne permettent pas de considérer que M. X... notifiait par cette lettre son refus d'être intégré aux effectifs de la société COMMUNES SERVICES, position sur la base de laquelle il aurait, comme le soutient l'appelante, perdu intérêt et qualité pour agir contre elle dans le cadre de la procédure prud'homale, ou qu'elle aurait été fondée dès lors à ne plus se préoccuper de son intégration éventuelle, mais seulement qu'il indiquait que, dans le cadre de la procédure administrative initiée par la société ISOR qui ne souhaitait pas le garder à son service, il avait pris position en faveur de son maintien au sein de la société ISOR.
La société ISOR n'a pas obtenu satisfaction de l'inspecteur du travail, a exercé des recours gracieux, hiérarchique et contentieux à l'issue desquels, par décision du 15 septembre 2006, le ministre de l'emploi a annulé la décision de l'inspecteur du travail refusant le transfert de M. X... et l'a autorisé, en considérant d'une part qu'ayant été occupé entièrement sur le site en cause, M. X... ne remplissait pas les conditions cumulatives prévues par l'article 5 de l'annexe de la convention collective et qu'il n'existait pas de lien entre la demande d'autorisation de transfert et l'exercice du mandat .
A compter de la décision du ministre de l'emploi M. X... est devenu, sans qu'il ait à opter d'une quelconque manière, le salarié de la société COMMUNE SERVICES , avec laquelle il a pris contact dès que la décision ministérielle lui a été connue et, le jugement entrepris devra être confirmé en ce qu'il a retenu que le refus d'employer M. X... malgré l'obligation qui s'imposait à elle s'analysait comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse et emportait les conséquences indemnitaires qu'il a exactement déterminées.
Les dispositions conventionnelles permettaient à la société ISOR qui employait M. X... sur le seul chantier repris par COMMUNES SERVICES de ne pas accepter son maintien dans ses effectifs ; il ne ressort de rien qu'elle aurait comme le soutient l'appelante "manoeuvré avec l'accord du salarié à cette fin" alors qu'il résulte de la procédure administrative que celui-ci a au contraire résisté aux demandes d'ISOR ; il ne peut par ailleurs être retenu que cette société aurait manqué à son obligation d'information à l'égard de COMMUNES SERVICES alors qu'elle l'a informée dès le début qu'elle demandait à l'inspecteur du travail d'autoriser le transfert et que, si elle n'a pas tenu l'appelante au courant des péripéties de cette demande, elle l'a informée de la décision du ministre dès qu'elle a été rendue sans que COMMUNES SERVICES justifie s'être rapprochée d'elle pour obtenir des renseignements supplémentaires.
COMMUNES SERVICES sera en conséquence déboutée de sa demande tendant à voir ISOR condamnée à la garantir des condamnations prononcées contre elle .
Pas plus qu'en première instance , il n'existe en l'espèce d'éléments de nature à faire exception aux dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, la société COMMUNES SERVICES sera de ce chef condamnée à payer à M. X... la somme de 500 € et la même somme à la société ISOR pour les frais exposés par eux en cause d'appel .
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Confirme en toutes ses dispositions la décision entreprise,
Y ajoutant,
Condamne la société COMMUNES SERVICES, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés par eux en cause d'appel, la somme de 500 € à M. X... et la même somme à la société ISOR,
La condamne aux dépens.
Le greffier Le président