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25/05/2022 | FRANCE | N°19/01128

France | France, Cour d'appel de Rouen, Chambre sociale, 25 mai 2022, 19/01128


N° RG 19/01128 - N° Portalis DBV2-V-B7D-IEAI





COUR D'APPEL DE ROUEN



CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE



ARRET DU 25 MAI 2022











DÉCISION DÉFÉRÉE :





Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE ROUEN du 07 Mars 2019





APPELANT :





Monsieur [M] [V]

[Adresse 2]

[Localité 6]



représenté par Me Cécile DAVID, avocat au barreau de ROUEN substitué par Me Philippe DUBOS, avocat au barreau d

e ROUEN





INTIMEES :





Me [O] [J] en qualités de liquidateur judiciaire de la Société OUEST EUROPE SECURITE

[Adresse 1]

[Localité 4]



représenté par Me Emmanuelle DUGUE-CHAUVIN de la SCP EMO AVOCATS, avocat au b...

N° RG 19/01128 - N° Portalis DBV2-V-B7D-IEAI

COUR D'APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE

ARRET DU 25 MAI 2022

DÉCISION DÉFÉRÉE :

Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE ROUEN du 07 Mars 2019

APPELANT :

Monsieur [M] [V]

[Adresse 2]

[Localité 6]

représenté par Me Cécile DAVID, avocat au barreau de ROUEN substitué par Me Philippe DUBOS, avocat au barreau de ROUEN

INTIMEES :

Me [O] [J] en qualités de liquidateur judiciaire de la Société OUEST EUROPE SECURITE

[Adresse 1]

[Localité 4]

représenté par Me Emmanuelle DUGUE-CHAUVIN de la SCP EMO AVOCATS, avocat au barreau de ROUEN substituée par Me Clémence MOREAU, avocat au barreau de ROUEN

Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA ROUEN

[Adresse 3]

[Localité 5]

représentée par Me Linda MECHANTEL de la SCP BONIFACE DAKIN & ASSOCIES, avocat au barreau de ROUEN substituée par Me Guillaume DES ACRES DE L'AIGLE, avocat au barreau de ROUEN

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l'article 805 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 07 Avril 2022 sans opposition des parties devant Madame ROGER-MINNE, Conseillère, magistrat chargé du rapport.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur POUPET, Président

Madame ROGER-MINNE, Conseillère

Madame POUGET, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme WERNER, Greffière

DEBATS :

A l'audience publique du 07 Avril 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 25 Mai 2022

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé le 25 Mai 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

signé par Monsieur POUPET, Président et par M. CABRELLI, Greffier.

EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES

Le 1er juin 2015, M. [M] [V] a été engagé en qualité d'agent de sécurité par la société Ouest Europe Sécurité (la société) par contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel d'une durée de 17,5 heures hebdomadaires pour une rémunération brute de 695,10 euros pour 70 heures.

Par jugement du 29 novembre 2016, le tribunal de commerce de Rouen a prononcé le redressement judiciaire de la société, puis, le 12 décembre 2017, sa liquidation judiciaire et désigné Mme [O] [J] en qualité de liquidateur judiciaire.

Par jugement du 7 mars 2019, le conseil de prud'hommes de Rouen a :

- débouté Mme [O] [J], ès qualités, de sa demande en nullité de la requête du salarié,

- débouté M. [M] [V] de l'intégralité de ses demandes,

- débouté Mme [J], ès qualités, de sa demande reconventionnelle fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné le salarié aux dépens.

M. [M] [V] a relevé appel du jugement le 14 mars 2019 et, par conclusions remises le 11 juin 2019, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens, il demandait à la cour de :

- requalifier 'les missions à temps partiel accomplies à effet du 1erseptembre 2014 jusqu'au 18 janvier 2018 soit en 3 ans 4 mois en un unique contrat de travail à durée indéterminée à temps complet',

-vu les attestations d'[W] [F], responsable du magasin Lidl de [Localité 7] [Localité 8] et de [K] [B], agent de sécurité-chef de poste chez Ouest Sécurité,

-requalifier 'les missions d'intérim à effet du 1erseptembre 2014 en un unique contrat de travail à durée indéterminée à plein temps',

-fixer sa créance de rappel de salaires du 1er janvier 2015 au 18 janvier 2018 à la somme de 33 470,87 euros, outre celle de congés payés à 5 558,40 euros,

- dire et juger constitué à son égard le délit de travail dissimulé commis par [J] [P] et sa fille [L] [R],

-condamner la société Ouest Europe Sécurité Incendie à lui verser les sommes :

9 264 euros au titre de dommages et intérêts,

3 088 euros au titre du préavis (2 mois),

308,80 euros au titre des congés payés sur préavis,

1 852,80 euros au titre des congés payés sur les années 2016 et 2017,

1 350 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

et ce, avec les intérêts de droit à compter de la saisine du conseil.

Par arrêt du 9 décembre 2021, auquel il conviendra de se reporter pour de plus amples développements concernant le litige, la cour d'appel de Rouen a :

-sursis à statuer sur les demandes présentées,

-ordonné la réouverture des débats à l'audience du 7 avril 2022 à 9h15, afin de permettre aux parties de présenter leurs observations concernant la demande formée par le salarié à l'encontre de la société Ouest Europe Sécurité Incendie et la conséquence du dépassement de la durée légale hebdomadaire,

-invité, dans le respect du contradictoire, les parties à se faire connaître leurs observations au moins sept jours avant la tenue de l'audience de réouverture des débats,

-réservé les dépens.

Par conclusions remises le 6 avril 2022, M. [M] [V] demande à la cour de :

- requalifier le contrat de travail à temps partiel le liant à la société Ouest Europe Sécurité en un contrat de travail à temps complet, et ce, à compter du 1er juin 2015 jusqu'au 18 janvier 2018,

-juger que cette société s'est rendue coupable du délit de travail dissimulé,

-fixer sa créance au passif de la liquidation de la société Ouest Europe Sécurité aux sommes suivantes :

17 774,87 euros de rappel de salaires, outre 1 777,49 euros de congés payés y afférents,

9 264 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de travail dissimulé,

595,02 euros d'indemnité de licenciement.

-condamner l'Ags-CGEA de [Localité 7] à garantir ces créances,

-condamner Mme [J], ès qualités, à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions remises le 6 avril 2022, Mme [O] [J], ès qualités, demande à la cour de :

in limine litis,

-juger irrecevables les nouvelles prétentions de M. [V],

à titre principal,

-sans examen sur le fond, juger que les demandes ne sont pas formulées à l'encontre des parties à la cause, à savoir la société Ouest Europe Sécurité et l'AGS,

-confirmer le jugement rendu,

-débouter le salarié de l'intégralité de ses demandes,

-le condamner à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la présente procédure d'appel,

subsidiairement, si la cour venait à examiner le fond de l'affaire,

-confirmer le jugement rendu et débouter M. [V] de ses demandes,

-le condamner à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel,

à titre infiniment subsidiaire,

- limiter le rappel de salaire à la somme de 15 360,37 euros, outre les congés payés afférents pour la somme de 1 536,04 euros,

- débouter le salarié de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé, faute de caractérisation du délit, demande qui en tout état de cause ne saurait excéder 9045,60 euros,

-le débouter de ses demandes d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés sur préavis,

-limiter l'indemnité de licenciement à la somme de 595,02 euros,

-le débouter du surplus de ses demandes,

-ne pas ordonner la fixation de la créance qui pourrait être déterminée au passif de la société Ouest Europe Sécurité (RCS 807 396 882), l'appelant n'ayant pas formulé cette demande.

Par conclusions remises le 6 avril 2022, le Cgea de Rouen demande à la cour de :

à titre liminaire,

-déclarer irrecevables les conclusions de M. [V] signifiées le 4 avril 2022, les écarter et ne statuer que sur celles du 11 juin 2019,

à titre principal,

-confirmer le jugement en ce qu'il avait débouté le salarié de toutes ses demandes,

à titre subsidiaire, si la cour réformait le jugement et requalifiait la relation contractuelle de temps partiel en temps plein, il lui serait alors demandé de :

-la mettre hors de cause dans la mesure où aucune demande de fixation au passif de la société Ouest Europe Sécurité, ni aucune demande de condamnation de l'Ags à garantir n'ont jamais été présentées par M. [V] dans ses conclusions du 11 juin 2019,

à titre infiniment subsidiaire,

-fixer le montant de la créance du salarié à la somme de 16 987,13  euros, outre 1 698,71 euros au titre des congés payés y afférents, sans ordonner ni l'inscription au passif de la liquidation judiciaire de la société Ouest Europe Sécurité, ni la garantie de l'Ags, l'appelant n'ayant pas formulé cette demande,

-le débouter de l'ensemble de ses demandes,

en toute hypothèse,

- lui donner acte de ses réserves et statuer ce que de droit quant à ses garanties,

-déclarer la décision à intervenir comme lui étant opposable et à l'Ags dans les limites de la garantie légale,

-dire que la garantie de l'Ags n'a qu'un caractère subsidiaire et lui déclarer la décision à intervenir opposable dans la seule mesure d'insuffisance de disponibilités entre les mains du mandataire judiciaire,

-dire que la demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile n'entre pas dans le champ d'application des garanties du régime,

-dire que l'Ags ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L.3253-6 et L.3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et les conditions résultant des dispositions des articles L 3253-15, L 3253-18, L 3253-19, L 3253-20, L 3253-21, L 3253-17 et D 3253-5 du code du travail,

- dire qu'en tout état de cause la garantie de l'Ags est plafonnée, toutes créances avancées pour le compte du salarié, à un des trois plafonds définis à l'article D.3253-5 du code du travail,

- dire que l'obligation du Cgea de faire l'avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement,

-statuer ce que de droit quant aux dépens et frais d'instance sans qu'ils puissent être mis à la charge de l'association concluante.

Il est renvoyé aux écritures des parties pour le détail de leur argumentation.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité et le bien fondé des prétentions formées par M. [V]

L'article 910-4 alinéa 1er du code de procédure civile dispose qu'à peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. L'irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures.

L'étendue des prétentions dont est saisie la cour est déterminée dans les conditions fixées par l'article 954 du même code, étant rappelé que la cour n'est pas tenue de répondre aux demandes tendant à voir "constater" ou à voir "dire et juger".

Par ses conclusions déposées après réouverture des débats, M. [V] a profondément modifié ses prétentions initiales tant dans leur quantum que dans la désignation de la personne morale possiblement débitrice, en les dirigeant, pour la première fois, à l'encontre de la société Ouest Europe Sécurité.

Or, en application des articles ci-dessus, l'appelant se doit de concentrer ses moyens et prétentions dès les conclusions exigées par l'article 908 et n'est donc pas recevable à modifier ainsi ses demandes à l'occasion d'une réouverture des débats sollicitant ses explications sur deux points précis.

Par conséquent, les demandes énumérées par M. [V] dans ses conclusions déposées le 6 avril 2022 doivent être déclarées irrecevables, à l'exception de celles relatives aux frais irrépétibles et à la garantie de l'AGS, puisque cette dernière résulte non pas d'une demande formulée par le salarié, mais des dispositions des articles L. 3253-8 et suivants du code du travail, dès lors que les conditions en sont remplies et que cet organisme est partie à la procédure.

Ainsi, la cour est tenue de répondre aux demandes de M. [V], issues de ses conclusions du 11 juin 2019. Or, comme relevé dans le précédent arrêt, nombre d'entre elles sont dirigées contre la société Ouest Europe Sécurité Incendie, dont il n'est pas discuté qu'elle est une personne morale distincte de la société Ouest Europe Sécurité, et qu'elle n'est ni appelée, ni représentée à l'instance.

Dès lors ces prétentions doivent être rejetées.

Sur la requalification du contrat de travail à temps partiel en travail à temps complet

Après avoir considéré l'absence de valeur probante d'un document semblant correspondre à une attestation Pôle Emploi et constaté le caractère contradictoire des attestations produites par les parties, de sorte qu'il n'y a pas lieu de développer à nouveau ces éléments, la cour a relevé le salarié aeffectué 36 heures de travail la semaine du 11 au 16 janvier 2016, mais également les deux semaines suivantes, alors qu'il était au service de la Société Ouest Europe Sécurité.

Dès lors les heures complémentaires accomplies par le salarié à temps partiel ont eu pour effet de porter sa durée de travail à un niveau supérieur à la durée légale hebdomadaire de travail de 35 heures telle que fixée par l'article L.3121-10 du code du travail (dans sa version applicable au litige).

Par conséquent, M. [V] est fondé à obtenir la requalification de son contrat de travail à temps complet à compter du 11 janvier 2016.

S 'il est exact que dans ses conclusions au vu desquelles la cour statue, il sollicite la fixation d'une somme à ce titre sans en préciser la débitrice, la formulation de sa prétention ne peut toutefois que viser la société Ouest Europe Sécurité, puisqu'à cette époque, elle était la seule société à être placée en liquidation judiciaire. Aussi, il est en droit d'obtenir un rappel de salaire pour la période allant du 11 janvier 2016 jusqu'à la rupture de son contrat intervenue le 12 janvier 2018, eu égard à la date indiquée dans ses conclusions du 11 juin 2019.

Compte tenu des éléments produits, il convient d'accorder à l'appelant la somme de 15 255,20 euros, outre les congés payés afférents pour un montant de 1525,52 euros.

La décision déférée est infirmée sur ce chef.

Pour les raisons précédemment énoncées, l'Ags-Cgea sera tenue à garantie dans les termes des articles L.3253-8 et suivants du code du travail, en l'absence de fonds disponibles. Sa demande de mise hors de cause est, par conséquent, rejetée.

Sur les dépens et frais irrépétibles

En qualité de partie partiellement succombante, Mme [J],ès qualités, est condamné aux dépens de première instance et d'appel et déboutée de sa demande formée au titre des frais irrépétibles.

Pour les mêmes raisons, il est accordé à l'appelant la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Déclare irrecevables les demandes formées par M. [M] [V] dans ses conclusions remises à la cour le 6 avril 2022, à l'exception de celles portant sur les frais irrépétibles et la garantie de l'Ags-Cgea de [Localité 7],

Infirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a rejeté la demande en nullité de la requête introductive d'instance,

Statuant à nouveau dans cette limite,

Requalifie le contrat de travail à temps partiel de M. [V] en contrat de travail à temps complet à compter du 11 janvier 2016,

Fixe la créance de M. [V] au passif de la liquidation judiciaire de la société Ouest Europe Sécurité aux sommes suivantes :

15 255,20 euros à titre de rappel de salaire résultant de la requalification du contrat à temps complet, outre les congés payés y afférents pour un montant de 1 525,52 euros,

1 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute M. [V] de ses demandes à l'encontre de la société Ouest Europe Sécurité Incendie ;

Déclare l'Ags-Cgea de [Localité 7] tenue à garantie dans les termes des articles L.3253-8 et suivants du code du travail, seulement en l'absence de fonds disponibles ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Condamne Mme [J], ès qualités, aux dépens de première instance et d'appel.

Le greffierLe président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19/01128
Date de la décision : 25/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-25;19.01128 ?
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