N° RG 19/03161 - N° Portalis DBV2-V-B7D-IIDA
COUR D'APPEL DE ROUEN
CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE
SECURITE SOCIALE
ARRET DU 09 JUIN 2022
DÉCISION DÉFÉRÉE :
Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE DIEPPE du 23 Juillet 2019
APPELANT :
Monsieur [K] [V]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représenté par Me Marie Pierre OGEL de la SCP GARRAUD-OGEL-LARIBI, avocat au barreau de DIEPPE
INTIMES :
Me [G] [Y] - Mandataire liquidateur de la Société AIR ET EAUX CONTROLS
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représenté par Me Luc MASSON, avocat au barreau de ROUEN substitué par Me Hervé CHEREUL, avocat au barreau de CAEN
Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA ROUEN
[Adresse 3]
[Adresse 3]
représentée par Me Guillaume DES ACRES DE L'AIGLE de la SCP BONIFACE DAKIN & ASSOCIES, avocat au barreau de ROUEN substituée par Me Karine MAUREY-THOUOT, avocat au barreau de ROUEN
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 26 Avril 2022 sans opposition des parties devant Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente, magistrat chargé du rapport.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente
Madame BACHELET, Conseillère
Madame BERGERE, Conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme WERNER, Greffière
DEBATS :
A l'audience publique du 26 Avril 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 09 Juin 2022
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé le 09 Juin 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
signé par Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.
EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES
M. [K] [V] a été engagé par la SARL AEC en qualité de chargé d'affaire par contrat de travail à durée indéterminée du 3 mars 2014.
Le salarié a été nommé responsable d'agence affecté à [Localité 5] à effet au 1er février 2016.
Les relations contractuelles des parties étaient soumises à la convention collective nationale des entreprises de propreté du 1er juillet 1994.
Par jugement du 14 juin 2017, le tribunal de commerce de Caen a prononcé le redressement judiciaire de la SARL AEC, converti en liquidation judiciaire le 18 octobre 2017, avec désignation de M. [Y] [G] en qualité de mandataire liquidateur.
Par requête du 18 octobre 2017, M. [K] [V] a saisi le conseil de prud'hommes de Dieppe en résiliation judiciaire du contrat de travail et paiement de rappels de salaire et d'indemnités.
Dans le cadre d'une procédure de licenciement pour motif économique, le contrat de travail a été rompu d'un commun accord le 10 janvier 2018 par l'adhésion du salarié au contrat de sécurisation professionnelle.
Par jugement du 23 juillet 2019, le conseil a dit que l'avertissement du 6 septembre 2017 est justifié, débouté en conséquence M. [K] [V] de l'ensemble de ses demandes, débouté la SARL AEC de sa demande reconventionnelle, laissé les dépens à la charge des parties.
M. [K] [V] a interjeté appel le 5 août 2019.
Par conclusions remises le16 octobre 2019, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens, M. [K] [V] demande à la cour de réformer la décision rendue, d'annuler l'avertissement du 6 septembre 2017 et fixer les dommages et intérêts pour sanction abusive à 500 euros, juger la rupture de son contrat de travail imputable à l'employeur, par conséquent, fixer les indemnités aux sommes suivantes :
indemnité compensatrice de préavis : 11 805,33 euros,
congés payés y afférents : 1 180,53 euros,
indemnité de licenciement : 3 032,22 euros,
dommages et intérêts : 39 351,10 euros,
-en tout état de cause et compte tenu du licenciement économique intervenu après la saisine du conseil, fixer ainsi les sommes dues :
indemnité compensatrice de préavis : 11 805,33 euros,
congés payés y afférents : 1 180,53 euros,
indemnité de licenciement : 3 032,22 euros,
indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile : 1 500 euros,
-dire opposable aux organes de la procédure la décision à intervenir, débouter la SARL AEC et l'AGS CGEA de leurs demandes.
Par conclusions remises le 16 janvier 2020, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens, M. [Y] [G], ès qualités, demande à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions, juger l'avertissement notifié le 6 septembre 2017 justifié, constater que le contrat de travail a pris fin le 10 janvier 2018, par adhésion de M. [K] [V] au contrat de sécurisation professionnelle, juger que la SARL AEC n'a pas manqué à ses obligations d'employeur, ni rendu impossible la poursuite de la relation de travail, débouter M. [K] [V] de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, constater que le liquidateur ne peut s'engager au paiement des indemnités de rupture, dont le sort dépend du prononcé ou non de la résiliation judiciaire demandée, juger que les indemnités afférentes à une éventuelle résiliation du contrat seront inscrites au passif de la liquidation judiciaire de la SARL AEC, leur paiement dépendant alors des fonds disponibles en l'absence de garantie de l'AGS - CGEA, juger que le contrat de travail s'est exécuté dans des conditions normales, débouter en conséquence M. [K] [V] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions, y ajoutant, condamner M. [K] [V] au paiement d'une indemnité de 3 000 euros en application de l'article 700 code de procédure civile et aux dépens de première instance et d'appel.
Par conclusions remises le 17 décembre 2019, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens, l'AGS CGEA demande à la cour de :
-à titre principal, confirmer en tous points le jugement entrepris, débouter M. [K] [V] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
-à titre subsidiaire, déclarer la décision totalement inopposable au CGEA-AGS, et le mettre hors de cause,
-à titre infiniment subsidiaire, ramener les prétentions du salarié à de plus justes proportions, et au maximum, à 11 805,33 euros,
-en tout état de cause, déclarer la décision opposable au CGEA et à l'AGS dans les limites de la garantie légale, dire que la garantie de l'AGS n'a qu'un caractère subsidiaire et lui déclarer la décision opposable dans la seule mesure d'insuffisance de disponibilités entre les mains du mandataire judiciaire, dire que les demandes suivantes n'entrent pas dans le champ d'application des garanties du régime :
- la demande de dommages-intérêts pour sanction abusive,
- la demande d'indemnité fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,
-dire qu'en tout état de cause la garantie de l'AGS est plafonnée, toutes créances avancées pour le compte du salarié, à un des trois plafonds définis à l'article D.3253-5 du code du travail, dire que l'obligation du CGEA de faire l'avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement, statuer ce que de droit quant aux dépens et frais d'instance sans qu'ils puissent être mis à la charge du CGEA.
L'ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 7 avril 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur l'annulation de l'avertissement du 6 septembre 2017
Il résulte de l'application combinée des articles L. 1333-1 et L.1333-2 du code du travail, que le conseil de prud'hommes apprécie, notamment, si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction et si celle-ci est proportionnée à la faute commise. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
Le 6 septembre 2017, a été notifié à M. [V] un avertissement pour des faits d'insubordination en raison de son refus réitéré de communiquer au siège de l'entreprise les feuilles d'heures des salariés de son agence, également caractérisée par son manque de diligences pour relancer les clients ou répondre aux demandes du siège, de s'être montré irrespectueux à l'égard de l'administrateur, de s'être montré particulièrement agressif à l'égard de Mme [T] lorsqu'elle est venue à l'agence le 19 juin 2017.
Le salarié ne conteste pas ne pas avoir déféré à la demande de communication des feuilles d'heures aux motifs qu'à compter de juillet l'agence était dépourvue d'internet faute de paiement des factures, du non fonctionnement de l'amplicateur 3G, du non fonctionnement de la carte bancaire fournie par l'employeur, estimant légitime de refuser de faire l'avance des frais sur ses fonds propres compte tenu de la situation financière de l'entreprise.
Il résulte des éléments du débat que la demande de communication des documents en cause avait pour objet d'établir la rémunération des salariés pour le mois de juillet, qu'à cette date l'entreprise était en redressement judiciaire et un administrateur avait été nommé.
Même à supposer que le salarié ne disposait pas des moyens informatiques pour transmettre par cette voie les documents en cause, néanmoins, il résulte des échanges de courriels, ce qui d'ailleurs contredit cette impossibilité, qu'en tout état de cause, les services de l'administrateur judiciaire lui avait donné des assurances quant au remboursement des frais qu'il aurait pu avancer mais que néanmoins, il a persisté dans son refus, étant précisé que sa rémunération s'élevait à la somme mensuelle de 3 935,11 euros et que dès lors l'avance ainsi faite, en l'absence de toute créance due par la société à cette date à son égard, n'était pas de nature à le placer dans une quelconque difficulté.
Aussi, son refus réitéré dans ces conditions ne repose pas sur un motif légitime et compte tenu des incidences sur les autres salariés relevant de son agence quant à l'établissement de leur rémunération, il convient de retenir le caractère fautif de cette insubordination.
En revanche, s'agissant de l'attitude agressive à l'égard de Mme [T], s'il résulte des éléments du débat que lors de sa venue le 19 juin 2017, dans les locaux de l'agence à [Localité 5], les techniciens, en présence de M. [K] [V], l'ont interrogée sur la situation de l'entreprise et leur avenir, M. [W] [R] écrit dans un courriel du 20 juin 2017 que M. [V], qui était jusque là silencieux a commencé à s'en mêler en soutenant ses techniciens, que Mme [T] a tenté de mettre fin à la situation et qu'alors il a commencé à s'emporter et s'est adressé à elle de manière agressive. Outre que cet élément ne permet pas d'authentifier de manière certaine son auteur et est peu circonstancié quant à l'attitude agressive invoquée, M. [K] [V] produit deux attestations circonstanciées rédigées par MM. [J] [Z] et [A] [O], qui dénient toute forme d'agressivité de la part du salarié.
Dès lors le grief n'est pas établi.
Compte tenu du grief d'insubordination retenu, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres griefs, l'avertissement prononcé est justifié en ce qu'il ne constitue pas une réponse disproportionnée au regard des conséquences de l'attitude du salarié.
Aussi, la cour confirme le jugement entrepris ayant statué en ce sens.
Sur la résiliation judiciaire
La résiliation judiciaire du contrat de travail peut être prononcée si l'employeur n'exécute pas ses obligations contractuelles et que les manquements sont d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite du contrat de travail.
Lorsqu'un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d'autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat était justifiée. C'est seulement dans le cas contraire qu'il doit se prononcer sur le licenciement notifié par l'employeur.
La résiliation judiciaire du contrat de travail prend effet au jour où le juge la prononce, dés lors qu'à cette date le salarié est toujours au service de son employeur.
Lorsque le salarié n'est plus au service de son employeur au jour où il est statué sur la demande de résiliation judiciaire, cette dernière prend effet, si le juge la prononce, au jour du licenciement ou au jour de la prise d'acte de rupture ou au jour à partir duquel le salarié a cessé de se tenir à la disposition de son employeur.
A l'appui de sa demande, M. [V] soutient que son poste de travail a été vidé de sa substance en lui retirant les éléments essentiels à l'exécution autonome de ses fonctions de responsable d'agence, qu'il a fait l'objet d'une agressivité constante de la direction émanant essentiellement de Mme [M] [T] et que certains moyens professionnels lui ont été retirés et/ou remplacés.
Concernant les rapports conflictuels entretenus avec Madame [M] [T] :
M. [V] produit plusieurs courriels envoyés par M. [M] [T] révélant des tensions entre eux avec un ton péremptoire de Mme [T], voire ironique, mais aussi son autoritarisme.
Ainsi, le 23 décembre 2016 au sujet des congés, elle écrit : ' Je vous rappelle que suite à la note de service n° 48 et au mail envoyé le 16 décembre 2016, les documents ne sont pas contractuels, par conséquent la prochaine fois les congés seront refusés.... Je rappelle que seule ma signature a pour objet d'accepter toutes demandes : congés ou autres, vous êtes sous ma responsabilité et je prends simplement en compte l'avis du responsable d'agence, mais la décision finale me revient exclusivement. Le responsable d'agence n'a aucun pouvoir pour accepter les congés ou toute autre demande.... toute insubordination ne sera tolérer et entraînera de lourdes sanctions disciplinaires'.
Il convient d'observer que la fiche de poste du responsable d'agence au titre des activités principales lui attribuait la gestion des techniciens, la gestion de la planification en partenariat avec son assistante et la gestion des congés.
Le 6 janvier 2017, Mme [T] adressait un courriel formulant plusieurs exigences en précisant en gras : ' ce n'est pas une demande mais une directive que j'ordonne d'appliquer'
Le 17 janvier 2017, elle écrit :' Je m'éclate à lire ton mail, Perso j'ai pas le temps de dépenser de l'énergie à me battre avec toi.... Si ça te convient pas tu partira !' et le même jour ' je suis salarié mais aussi épouse du gérant et à ce titre j'ai les mêmes ennuis et c'est moi qui vais traiter les choses. Par ailleurs je suis salariée mais plus ancienne que toi et moi contrairement à toi je n'ai pas besoin de procuration pour signer des documents c'est déjà stipulé dans mon contrat'.
Il en résultait un climat de tension certain et une attitude conduisant à dévaloriser le responsable d'agence alors que sa fiche de poste par la nature des tâches attribuées lui accordaient un rôle moteur dans la conduite de la politique commerciale de l'entreprise, avec une certaine autonomie dans la direction et l'accompagnement de l'équipe commerciale placée sous sa responsabilité.
Concernant le retrait ou remplacement des moyens professionnels :
M. [V] reproche à son employeur de lui avoir fourni un nouveau véhicule de fonction équipé d'un système de géolocalisation, sans que l'employeur ne l'informe de l'existence d'un tel dispositif.
En matière de géolocalisation l'employeur est tenu, en plus de la déclaration de son dispositif à la CNIL, d'informer à la fois le comité social et économique préalablement à la mise en oeuvre dans l'entreprise, des moyens ou des techniques permettant un contrôle de l'activité des salariés, et d'informer individuellement et préalablement chaque salarié concerné par le dispositif de géolocalisation.
Pour justifier de ce grief, M. [V] produit au débat une attestation établie par M. [D], gérant du garage Renault situé à [Localité 5], lequel a constaté la présence d'un boîtier de géolocalisation installé sur le véhicule professionnel de M. [V].
Alors que la charge de la preuve de l'information communiquée au salarié incombe à l'employeur, il n'est produit aucun élément en ce sens.
Concernant l'impossibilité pour Monsieur [V] d'exécuter sa prestation de travail :
M. [V] fait valoir que son employeur aurait manqué à son obligation de lui fournir du travail, en le privant de ses moyens de travail et alors qu'il était en congés, Mme [T] a fait plusieurs voyages afin de vider l'agence.
Il produit l'attestation de M. [A] [O], chargé d'affaire, qui relate que durant les vacances du salarié, son véhicule de fonction, l'ordinateur de bureau et tous les dossiers du personnel et de la clientèle ont été repris par le siège situé à [Localité 4], que la gestion du personnel, la planification des différents chantiers établie jusqu'à lors par M. [V] et Mme [E] sont dorénavant gérées au siège, si le portable a été rendu à l'agence, il est impossible de s'en servir en raison du non paiement de la facture.
Mme [E], assistante commerciale a constaté qu'à son retour de congé le 17 juillet, qu'il n'y avait plus de ligne internet, ni téléphonique, que tous les dossiers clients de M. [V] et les dossiers du personnel de l'agence avaient été ramenés au siège, que M. [V] n'avait plus accès aux plannings des techniciens, que la planification des chantiers et du personnel de l'agence était désormais gérée par le siège.
Dès son retour de congés le 29 mai 2017, le salarié avait adressé une lettre au gérant pour lui faire part des constats qu'il avait fait à son retour relativement à l'absence de divers matériels de travail, ce dont il avait également informé l'inspection du travail.
D'ailleurs, lors de la visite des locaux de l'agence de [Localité 5] le 14 septembre 2017, l'inspecteur du travail a constaté qu'il n'y avait plus aucun dossier de client ou de salarié, que la ligne téléphonique était interrompue, tout comme la connexion Internet via la Freebox, que la réception du réseau 3G était très mauvaise, que plus aucun ordinateur ne se trouvait sur place, concluant dès lors qu'il considérait que le salarié ne disposait plus des moyens nécessaires à son travail.
L'employeur rétorque, notamment au sujet de l'élaboration des plannings des techniciens de l'agence, que cette fonction n'était pas dévolue à M. [V] mais exclusivement à son assistante, Mme [E], ce qui est contredit par la fiche de poste précisant qu'il était en charge d'établir les plannings de ses techniciens avec le concours de son assistante, Mme [E].
Si l'employeur invoque l'inefficacité du salarié dans l'accomplissement de certaines de ses missions, il ne pouvait unilatéralement modifier ses fonctions, de sorte que cet argument est inopérant, la situation financière de l'entreprise placée en redressement judiciaire à compter du 14 juin 2017, ne pouvant davantage permettre à l'employeur de s'affranchir de ses obligations.
Il se déduit des développements qui précèdent, qu'outre la tension générée par l'attitude de Mme [T], le salarié s'est vu priver de certaines de ses missions et des moyens matériels pour exécuter son travail, ce qui est constitutif d'un manquement aux obligations essentielles du contrat de travail imputable à l'employeur empêchant sa poursuite.
Dès lors, par arrêt infirmatif, il convient de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de M. [V] aux torts de l'employeur à effet au 10 janvier 2018, date de la rupture du contrat de travail.
Sur les conséquences financières de la résiliation judiciaire
La rupture étant imputable à l'employeur, en considération d'un salaire de référence de 3 935,11 euros non discuté même à titre subsidiaire et d'une ancienneté de 3 ans et 10 mois, la cour statuant dans les limites de la demande, le salarié est fondé à obtenir une indemnité de licenciement d'un montant de 3 032,22 euros.
M. [G], ès qualités, s'oppose à la demande au titre du préavis compte tenu de la régularisation du contrat de sécurisation professionnelle.
En l'absence de motif économique de licenciement, le contrat de sécurisation professionnelle n'a pas de cause et l'employeur est alors tenu à l'obligation du préavis et des congés payés afférents, sauf à tenir compte des sommes déjà versées à ce titre en vertu du dit contrat au salarié et non à Pôle emploi.
Aussi, alors qu'il n'est pas justifié du versement de telles sommes au salarié, qu'il n'est pas discuté que le préavis est d'une durée de trois mois, la cour fixe la créance de M. [K] [V] à ce titre à 11 805,33 euros, outre les congés payés afférents.
En application de l'article L.1235-3 du code du travail, dans sa version applicable au litige, qui prévoit le versement d'une indemnité comprise entre 3 et 4 mois de salaire, en considération de l'ancienneté acquise par M. [V], compte tenu de son âge, 43 ans, lors de la rupture de son contrat, du montant de son salaire, de ce qu'il ne justifie pas de sa situation financière et professionnelle après la rupture du contrat de travail, il y a lieu de lui accorder une indemnité d'un montant de 11.805,33 euros.
Les conditions de l'article L.1235-4 du code du travail étant réunies, il convient de fixer la créance de Pôle emploi au titre du remboursement par l'employeur des indemnités chômage versées au salarié licencié dans la limite de 8 jours d'indemnités de chômage, du jour de la rupture au jour de la présente décision.
Sur la garantie de l'UNEDIC Délégation AGS CGEA de Rouen
L'Unedic délégation AGS CGEA de Rouen fait valoir qu'elle doit être mise hors de cause comme ne garantissant pas les conséquences de la résiliation judiciaire du contrat de travail.
Les créances résultant de la rupture du contrat de travail visées par l'article L. 3253-8, 2°, du code du travail, s'entendent d'une rupture à l'initiative de l'administrateur judiciaire ou du mandataire liquidateur.
La liquidation judiciaire de la SARL AEC a été prononcée par jugement du tribunal de commerce de Caen du 18 octobre 2017, la résiliation du contrat de travail a été prononcée à effet du 10 janvier 2018, de sorte que il y a lieu de mettre hors la cause l'AGS CGEA de Rouen dont la garantie n'est pas due concernant les conséquences de la résiliation judiciaire du contrat de travail.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
En qualité de partie succombante, il y'a lieu de condamner M. [G], ès qualités, aux entiers dépens, y compris ceux de première instance, de le débouter de sa demande formulée en application de l'article 700 du code de procédure civile et de le condamner à payer à M. [K] [V] la somme de 3 000 euros sur ce même fondement.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant contradictoirement,
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a dit l'avertissement du 6 septembre 2017 justifié et débouté M. [K] [V] de sa demande de dommages et intérêts à ce titre ;
L'infirme en ses autres dispositions,
Statuant à nouveau,
Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [K] [V] à la date du 10 Janvier 2018.
Fixe au passif de la liquidation judiciaire de la SARL AEC la créance de M. [K] [V] aux sommes suivantes :
dommages et intérêts pour licenciement
sans cause réelle et sérieuse : 11 805,33 euros
indemnité légale de licenciement : 3 032,22 euros
indemnité de préavis : 11 805,33 euros
congés payés afférents : 1 180,53 euros
Dit que l'AGS CGEA n'est pas tenue à garantie pour ces sommes ;
Fixe la créance de Pôle emploi au titre du remboursement par l'employeur des indemnités chômage versées au salarié licencié dans la limite de 8 jours d'indemnités de chômage, du jour de la rupture au jour de la présente décision.
Y ajoutant,
Condamne M. [G], en qualité de mandataire liquidateur de la SARL AEC, à payer à M. [K] [V] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute M. [G], en sa qualité de mandataire liquidateur de la SARL AEC, de sa demande formulée en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [G], en sa qualité de mandataire liquidateur de la SARL AEC, aux entiers dépens.
La greffièreLa présidente